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Décisions

CA Versailles, 12e ch. B, 31 octobre 2002, n° 2000-4455

VERSAILLES

Décision

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Helly Hansen (Sté)

Défendeur :

Sur La Route (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Laporte

Conseillers :

MM. Fedou, Coupin

T. com. Nanterre, du 19 mai 2000

19 mai 2000

La société de droit norvégien Helly Hansen, fabricant et vendeur de vêtements sportifs pour le nautisme, a prétendument réalisé en 1994, une veste de navigation côtière dénommée "Veste coastal - U 205".

La SA Sur La Route, distributeur de produits dérivés de l'activité du Groupe Renault, a proposé dans son catalogue Printemps-Eté 1998 une veste parka style "Nautique" fabriqué par la SA Point G.

La société Helly Hansen et la SARL Helly Hansen France estimant que la diffusion de ce vêtement constituait des actes de contrefaçon de leur modèle ou à tout le moins de concurrence déloyale et parasitaire ont assigné devant le Tribunal de commerce de Nanterre la société Sur La Route pour en obtenir sa cessation sous astreinte et l'indemnisation de leur préjudice et cette dernière a appelé en garantie la société Point G.

Par jugement rendu, le 19 mai 2000, cette juridiction a déclaré recevables mais mal fondées les prétentions des sociétés Helly Hansen, débouté les défenderesses de leurs demandes reConventionnelles et condamné in solidum les sociétés Helly Hansen aux dépens.

Appelantes de cette décision, les sociétés Helly Hansen affirment démontrer leur droit à agir, la société de droit norvégien en qualité de créateur du modèle selon elle original de parka litigieux à raison de la protection accordée par la loi norvégienne du 12 mai 1961 sur le droit d'auteur susceptible d'être revendiquée en France en vertu de la Convention de Berne et sa filiale française, en tant que distributeur en France du vêtement prétendument contrefait.

Elles allèguent que la "Veste Coastal - U 205" créée et commercialisée dès 1994 par la société Helly Hansen est protégée comme œuvre de l'esprit par le droit d'auteur et a fait l'objet d'une reproduction illicite dans la parka style "Nautique" vendue sous la marque "Renault sport" par la société Sur La Route présentant onze points de ressemblance outre une imitation servile des signes distinctifs.

Elles dénoncent, en toute hypothèse, des actes de concurrence déloyale caractérisés par le risque de confusion, la commercialisation à un prix inférieur, le profit sans bourse déliée de l'investissement intellectuel, matériel et publicitaire ainsi que par le détournement de clientèle.

Elles reprochent enfin à la société Sur La Route des agissements parasitaires pour avoir délibérément cherché à profiter de la notoriété de la société Helly Hansen en plagiant les caractères distinctifs de ses produits.

Elles sollicitent donc la cessation par la société Sur La Route de la distribution des articles litigieux sous astreinte de 152,45 euro par article et par jour, la destruction des stocks, sa condamnation au paiement d'une provision de 76 224,51 euro à titre de dommages et intérêts sauf à parfaire par une expertise aux fins d'évaluer leur perte de chiffres d'affaires.

Elles réclament aussi la publication de l'arrêt à intervenir dans le "journal du textile" et "le figaro" ainsi qu'une indemnité de 7 622,45 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Sur La Route réplique que la société Helly Hansen France n'a pas qualité à agir à défaut de preuve d'un quelconque droit de création sur le modèle en question.

Elle estime que la société Helly Hansen, qui n'établit pas être titulaire des droits de création au regard de la loi norvégienne, ni que le modèle en cause serait protégeable dans son pays d'origine par le droit d'auteur, ne peut se prévaloir des dispositions du Code de la propriété intellectuelle français et agir en contrefaçon en France sur le fondement du droit d'auteur.

Elle conteste, en tout état de cause, le caractère protégeable du modèle et considère que les appelantes ne démontrant pas des faits distincts de ceux invoqués pour soutenir la contrefaçon, leur grief de concurrence déloyale et parasitaire ne peut prospérer alors même qu'aucun risque de confusion n'existe en l'espèce, qu'elle n'a réalisé aucune économie particulière, ni profité du prétendu succès de la veste litigieuse et que la différence du prix est inopérante.

Elle prétend que la demande indemnitaire des sociétés Helly Hansen ne repose sur aucun fondement et s'oppose aux mesures d'instruction et de publication sollicités en relevant la carence selon elle des appelantes dans l'administration de la preuve et l'arrêt de la diffusion de sa parka en raison du changement de modèle de veste chaque saison.

Elle fait valoir qu'elle s'est bornée à commander un modèle de parka proposé à la vente par la société Point G seule à l'origine de sa fabrication et de sa commercialisation pour revendiquer la garantie de cette société.

Elle conclut, en conséquence, à l'irrecevabilité des prétentions des sociétés Helly Hansen et à leur entier débouté, subsidiairement à sa garantie intégrale par la société Point G et dans tous les cas, à l'octroi d'une indemnité de 7 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Assignée en appel provoqué, la société Point G soutient que seule la société mère Helly Hansen aurait qualité à agir en contrefaçon du modèle revendiqué.

Elle fait état de l'absence de protection par le droit d'auteur de la parka en cause en reprenant la même argumentation sur ce point que la société Sur La Route.

Elle prétend, en tout cas, que la veste "Coastal U 205" n'est pas originale et diffère de la sienne.

Elle dénie toute concurrence déloyale ou parasitaire selon des moyens identiques à ceux présentées par l'intimée.

Elle souligne que les appelantes ne versent aux débats aucune pièce attestant du montant des investissements prétendument engagés pour la mise sur le marché du vêtement en cause et ne justifient pas d'une quelconque perte de chiffre d'affaires.

Aussi, elle soulève l'irrecevabilité des demandes des sociétés Helly Hansen et sollicite subsidiairement leur entier rejet outre 30 489,80 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une indemnité de 7 622,45 euro en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRET :

SUR LA RECEVABILITE DES DEMANDES DE LA SOCIETE HELLY HANSEN FRANCE :

Considérant que pour prétendre justifier de sa qualité à agir en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société Sur La Route, la société Helly Hansen France se borne à soutenir que filiale à 100 % de la société norvégienne Helly Hansen, elle est chargée de la commercialisation des produits de marque Helly Hansen sur le territoire français comme en attestent ses statuts;

Considérant ainsi que la société Helly Hansen France ne fait nullement état d'un droit de propriété intellectuelle dont elle pourrait être titulaire, mais admet au contraire que la société Helly Hansen aurait créé le modèle revendiqué sans établir être cessionnaire des droits sur la création alléguée par cette dernière ;

Considérant que sa position de filiale de la société Helly Hansen ne lui confère aucun droit lui permettant de s'associer à une action en contrefaçon;

Considérant, en outre, que les statuts de la société Helly Hansen France stipulent qu'elle a pour objet en France et à l'étranger l'achat, la vente, l'importation, l'exportation, la représentation, la consignation de tous vêtements notamment de sport et accessoires et généralement toutes opérations s'y rattachant, sans qu'il ne soit fait d'ailleurs référence aux produits de la société Helly Hansen;

Que ces statuts ne sauraient constituer la preuve que la société Helly Hansen est distributeur du modèle revendiqué sur le territoire français, laquelle ne pourrait résulter que de la production d'un contrat de licence en sa faveur ou de factures de commercialisation des articles litigieux;

Considérant qu'il suit de là, que les prétentions de la société Helly Hansen France sont irrecevables quel qu'en soit le fondement.

SUR LA RECEVABILITE DE L'ACTION EN CONTREFAÇON DE LA SOCIETE HELLY HANSEN :

Considérant qu'il incombe à la société de droit norvégien Helly Hansen, qui argue avoir créé le modèle en cause en 1993 en Norvège, d'établir qu'elle est régulièrement titulaire des droits de création pour pouvoir agir en contrefaçon ;

Considérant que la Convention de Berne dont l'application est recherchée par toutes les parties à l'instance, ne définissant pas la loi applicable à la détermination du titulaire de tels droits, soit à titre originel, soit par suite de leur cession, il importe de revenir sur ce point au droit commun ;

Considérant que la règle française de conflit de lois désignant la loi du pays d'origine de l'œuvre, il appartient à la société Helly Hansen de démontrer la titularité des droits invoqués au regard de la loi norvégienne, pays de création de la veste Coastal U 205 ;

Or, Considérant que la société Helly Hansen se contente d'évoquer un prétendu patron en date du 18 juin 1993 ne figurant pas de surcroît dans le bordereau de ses pièces communiquées aux débats, sans fournir aucune indication sur les circonstances et conditions de création du modèle, ni surtout nul élément sur le droit norvégien de nature à permettre à la Cour de déterminer le titulaire des droits d'auteur selon la législation norvégienne ;

Qu'elle doit dès lors être déclarée irrecevable en ses demandes fondées sur la contrefaçon.

SUR LES PRETENTIONS CONCERNANT LA CONCURRENCE DELOYALE ET PARASITAIRE :

Considérant que les ressemblances susceptibles d'exister entre les deux vestes en cause relevant d'ailleurs pour l'essentiel du type de vêtement sportif concerné ne sauraient suffire à elles seules à caractériser des actes de concurrence déloyale si elles ne sont pas de nature à générer un risque de confusion entre elles ou sur leur origine ;

Or, considérant qu'en l'espèce, la preuve d'un tel risque n'est pas rapportée dès lors que la marque "Renault sport" comprenant celle de "Renault" d'une exceptionnelle notoriété et distinguant totalement les produits a été apposée à de multiples reprises en de nombreux endroits sur la veste présentée par la société Sur La Route, et notamment sur les éléments extérieurs du vêtement sur le dos du col, sur le bouton de fermeture du col, sur chacun des quatre boutons de fermeture du rabat central, sur les tire-zips des fermetures à glissière, sur l'écusson cousu sur la manche et sur les boutons à l'extrémité des manches tandis qu'en outre, elle ne présente aucun sigle pouvant se rapprocher de ceux de la société Helly Hansen et ne comporte pas, en particulier aucune marque sur le centre du rabat central où figure de manière très apparente sur la veste Coastal U 205 la marque de la société Helly Hansen ;

Considérant que de même la présentation de la veste dans le catalogue en question est effectuée avec la marque Renault sport mise en évidence;

Considérant par ailleurs, que la clientèle de la société Sur La Route est distincte de celle de la société Helly Hansen, le catalogue Renault sport Printemps Eté 1998 étant vendu et non distribué, les produits de divers types proposés n'étant offerts que dans les boutiques spécialisées du réseau Renault, les acquéreurs potentiels s'intéressant aux sports automobiles et non au monde nautique, ni aux pratiquants de la navigation côtière ou plus récemment aux jeunes rappeurs qui constituent la clientèle de la société Helly Hansen;

Considérant que le grief de parasitisme n'est pas davantage fondé;

Considérant, en effet, qu'il n'est pas établi que la société Sur La Route ait réalisé des économies particulières ou profité du prétendu succès, au demeurant non démontré, de la veste litigieuseétant observé que cette société vend pour chaque collection un modèle de veste ou de parka différent portant la marque Renault sport ;

Considérant qu'il n'est pas justifié non plus que la société Sur La Route ait profité d'une quelconque façon des investissements prétendument engagés par la société Helly Hansen pour la mise sur le marché de la parka "Coastal U 205"lesquels demeurent d'ailleurs entièrement indéterminés puisque cette appelante n'a strictement versé aux débats aucun document à cet égard ;

Que si la jeunesse appartenant à la mouvance rap s'est approprié la marque Helly Hansen pour la détourner selon un phénomène de mode de sa destination nautique, il n'apparaît pas qu'elle ait adopté le modèle en question dont il n'est pas justifié qu'il bénéficie d'une notoriété particulière ;

Considérant que la différence de prix entre les deux vestes de l'ordre de 20 % qui peut s'expliquer par la moindre qualité de texture et de finitions de celle ayant été vendue par la société Sur La Route comme par la marge importante pratiquée par la société Helly Hansen par rapport aux revendeurs du réseau Renault en raison pour ces derniers du caractère publicitaire de ces produits ne saurait traduire une intention délibérée de l'intimée de tirer parti des investissements engagés encore une fois non définis, alors même que le prix proposé de la société Sur La Route de 675 F (102,90 euro) TTC soit 589,70 F (89,90 euro) impliquant un coefficient de revente de 2,9 s'avère normal ;

Considérant dans ces conditions, que la société Helly Hansen doit être débouté de toutes ses demandes sur ces fondements.

SUR L'APPEL EN GARANTIE DE LA SOCIETE SUR LA ROUTE DIRIGEE CONTRE LA SOCIETE POINT G :

Considérant que cet appel en garantie est devenu sans objet ;

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

Considérant que la société Point G ne démontrant pas le caractère abusif de la procédure initiée par les sociétés Helly Hansen, sa demande en dommages et intérêts sera rejetée ;

Considérant que l'équité commande d'accorder aux sociétés Sur La Route et Point G des indemnités respectives de 3 800 euro et de 1 600 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que les sociétés Helly Hansen qui succombent en toutes leurs prétentions, supporteront les dépens d'appel.

Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré hormis en ses dispositions concernant la recevabilité des demandes des sociétés Helly Hansen, Et statuant à nouveau de ces chefs, Declare la SARL Helly Hansen France irrecevable en ses demandes et la société de droit norvégien Helly Hansen irrecevable en son action en contrefaçon, Deboute la société Helly Hansen de toutes ses autres prétentions, Rejette la demande en dommages et intérêts de la SA Point G, Condamne la SARL Helly Hansen France et la société Helly Hansen in solidum à verser à la SA Sur La Route et à la SA Point G des indemnités respectives de 3.800 euro et de 1 600 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Les Condamne sous la même solidarité aux dépens d'appel qui seront recouvrés par les SCP Fievet-Rochette-Lafon et Merle-Carena-Doron, avoués, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.