CA Douai, 2e ch. sect. 1, 17 octobre 2002, n° 00-00631
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Polypor (SARL)
Défendeur :
Boulogne Filetage (SA), Coboma (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Geerssen
Conseillers :
MM. Testut, Chollet
Avoués :
Mes Masurel-Thery, Le Marc'hadour-Pouille Groulez
Avocats :
Mes Croenen, De Clerck
La Cour,
Vu le jugement rendu contradictoirement le 14 décembre 1999 par le Tribual de commerce de Boulogne-sur-mer entre la société Polypor, demanderesse, et la société Boulogne Filetage ainsi que la société Coboma;
Vu la déclaration d'appel formée le 31 janvier 2000 par la SARL Polypor;
Vu les conclusions déposées le 7 février 2001 par la société Polypor;
Vu les conclusions déposées le 26 novembre 2001 par la société anonyme Boulogne Filetage et la SARL Coboma;
Vu l'ordonnance de clôture du 23 mai 2002;
FAITS ET PRÉTENTIONS:
Depuis 1985, la société Polypor, société de négoce de produits d'emballage, livrait la société Boulogne Filetage ayant pour activité le séchage et le filetage industriel de poisson et la société Coboma (sigle désignant la Compagnie Boulonnaise de Marée), spécialisée dans le négoce de produits de la mer.
Le jugement rejetait la demande formée par la société Polypor sur le fondement des articles 36-4 et 36-5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 modifiée par la loi du 1er juillet 1996 en réparation du préjudice induit par la rupture abusive de ces relations commerciales. Il condamnait cette société Polypor à payer à chacune des sociétés Boulogne Filetage et Coboma la somme de 609,80 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Concluant à l'infirmation du jugement la société Polypor demande à la cour de juger que les deux sociétés Boulogne Filetage et Coboma ont rompu de manière brutale et abusive les relations commerciales qu'elles entretenaient et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 2 000 000 F en réparation, ainsi que celle de 20 000 F au titre des frais de procédure.
Les deux sociétés Boulogne Filetage et Coboma concluent à la confirmation du jugement et à l'octroi de 10 000 F au titre des frais de procédure à chacune d'entre elles.
Sur ce, LA COUR :
Codifiées sous le numéro L. 442-6 du nouveau Code de commerce, les dispositions sur lesquelles la société Polypor fonde son action sanctionnent le fait d'obtenir, ou tenter d'obtenir sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales, des prix, des modalités de paiement ou des conditions de coopération commerciales manifestement dérogatoires aux conditions générales de vente, ainsi que de rompre brutalement une relation commerciale établie sans respecter la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, de tels faits engageant la responsabilité de leur auteur.
Il n'est pas contesté que depuis plusieurs années avant le litige (même "depuis toujours" selon ses conclusions) la société Polypor, reprenant les activités de la société Butel Saison, livre des caisses d'emballage de polystyrène aux deux autres sociétés, la société Boulogne Filetage ayant été créée le 9 janvier 1985 et la société Coboma le 1er décembre 1989 tandis que la société Polypor a été créée le 9 septembre 1982. Toutefois la part de 20 % de son chiffre d'affaires, réduit à 14 % en 1996, atteint par les deux sociétés Boulogne Filetage et Coboma dans l'activité de la société Polypor, n'en fait pas un élément déterminant de son activité, et aucun accord portant sur des quantités garanties n'avait été passé entre les parties ni définissant une quelconque durée des relations commerciales.
C'est selon la demande à compter de 1997 que les difficultés commerciales sont apparues. Toutefois les lettres produites au débat par les sociétés Boulogne Filetage et Coboma montrent que dès août 1994 des difficultés se faisaient jour concernant l'augmentation des tarifs de la société Polypor, la société Boulogne Filetage précisant par lettres des 11 août 1994, puis 9 juin 1995 : "il ne nous est pas possible d'accepter la hausse de vos tarifs". Ainsi la rupture a suivi une phase de négociation s'achevant par la décision de bonne gestion commerciale des deux sociétés clientes de se fournir chez un fournisseur moins onéreux, sans qu'un abus soit aucunement caractérisé et sans qu'un particulier recours à un préavis usuel soit allégué. De plus la preuve n'est pas apportée que les sociétés clientes de la société Polypor aient prétendu imposer un diktat, selon le terme employé par cette société, tendant à imposer à la société Polypor de ne pas livrer la concurrence locale, seules étant versées à ce sujet deux attestations que le tribunal a justement estimé insuffisantes, alors que les sociétés Boulogne Filetage et Coboma qui prétendument faisaient ainsi pression sur leur fournisseur ne présentaient qu'une part réduite de son activité (14 % de son chiffre d'affaires, selon la société Polypor).
L'examen des pièces produites par les sociétés Boulogne Filetage et Polypor montre qu'une autre société, la société Knauf, propose des caisses-filets à un prix inférieur, dont la société Polypor ne conteste pas qu'elles sont comparables à sa propre production. Ainsi la décision litigieuse de rompre les relations commerciales apparaît-elle avoir été le fruit d'un calcul de bonne gestion précédé de pourparlers d'une durée de six semaines selon la société Polypor (1er février - 13 mars 1997) et non accompagné de tentatives d'obtenir un avantage commercial ou des conditions de coopération commerciales spécifiques.
Au surplus, la demande en paiement d'une indemnité n'est pas justifiée, l'examen des bilans de la société Polypor mentionnant un résultat net en augmentation en 1997 et 1998;
La plainte de la société Polypor pour rupture abusive de contrat sera rejetée et le jugement confirmé.
Une indemnité procédurale sera accordée aux sociétés Boulogne Filetage et Coboma, qui leur reviendra solidairement dès lors qu'elles agissent ensemble, pour un montant que la cour chiffre à 700 euro.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort : Confirme le jugement entrepris ; Condamne la société Polypor à payer aux sociétés Boulogne Filetage et Coboma, solidairement, la somme de 700 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Polypor aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.