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Décisions

CA Amiens, ch. com., 25 janvier 2000, n° 98-01119

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Grands Moulins de Paris (SA)

Défendeur :

Lesourd (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chapuis de Montaunet

Conseillers :

M. Roche, Mme Rohart-Messager

Avoués :

Me Caussin, SCP Tetelin Marguet, de Surirey

Avocats :

Mes Deby, Not, Marguet

T. com. Amiens, du 23 janv. 1998

23 janvier 1998

Vu le jugement du 23 janvier 1998 par lequel le Tribunal de commerce d'Amiens a reçu l'opposition des époux Lesourd et statuant au fond, l'a dit bien fondée, en conséquence a mis à néant l'ordonnance entreprise d'injonction de payer du 22 avril 1997, a débouté la SA Grands Moulins de Paris de toutes fins et conclusions et l'a condamnée à payer à Monsieur et Madame Lesourd la somme de 3 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu l'appel interjeté par la société Grands Moulins de Paris et ses conclusions enregistrées les 23 juin et 17 août 1998 et tendant à :

- infirmer le jugement

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel et y faire droit.

En conséquence,

Constatant la mauvaise foi des époux Lesourd,

Les condamner à payer la somme de 66 457 F avec intérêts au taux conventionnel de 12 % l'an, soit la somme de 72 438,13 F avec intérêts à compter du 7 septembre 1990 date d'expiration du délai contenu dans la mise en demeure par voie recommandée AR du 30 août 1990.

Les condamner à payer la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts pour mauvaise foi et manœuvres dilatoires dans l'exécution de leur obligation.

Les condamner à payer au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile la somme de 10 000 F ;

Subsidiairement et pour le cas où par impossible la cour estimerait devoir confirmer la décision en ce qu'elle a résilié l'engagement de se fournir exclusivement,

Constater que cet engagement n'a pas été respecté par les époux Lesourd et que de ce fait il n'y a aucun préjudice subi.

Par contre donner plein et entier effet à l'obligation de rembourser le montant du prêt dans les conditions contractuellement prévues et avec intérêts à la date d'expiration du délai de la mise en demeure sus-visée et avec capitalisation des intérêts au taux conventionnel de 12 % dans les termes de l'article 1154 du Code civil.

Condamner les époux Lesourd aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le montant pour ceux le concernant pourra être recouvré par Maître Caussain, avoué à la Cour, en application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Vu, enregistrées les 9 octobre 1998 et 19 février 1999, les conclusions en défense présentées par M. et Mme Lesourd et tendant à :

Confirmer la décision entreprise.

Débouter la société des Grands Moulins de Paris de ses entières prétentions tant principales que subsidiaires.

La condamner au paiement d'une somme de 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et en prononcer distraction au profit de la SCP Tetelin-Marguet-De Surirey, avoués aux offres de droit.

Vu, enregistrées le 26 février 1999, les conclusions présentées par la société Les Grands Moulins de Paris et tendant à :

lui adjuger le bénéfice de ses précédentes conclusions et des présentes et en conséquence,

Condamner les époux Lesourd à rembourser la somme de 72 438,13 F avec intérêts au taux conventionnel de 12 % l'an à compter du 7 septembre 1990 date d'expiration du délai contenu dans la mise en demeure par voie recommandée avec avis de réception du 30 août 1990.

Les condamner à titre de dommages et intérêts pour mauvaise foi et manœuvres dilatoires dans l'exécution de leur obligation et en considération de l'enrichissement sans cause, à la somme de 50 000 F.

Les condamner à payer, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la somme de 15 000 F.

Les condamner aux entiers dépens, tant d'instance que d'appel dont le montant, pour ceux le concernant, pourra être recouvré par Maître Caussain, avoué à la Cour, en application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

SUR CE

Attendu qu'il résulte de l'instruction que par acte sous seing-privé du 8 juin 1989 M. et Mme Lesourd ont acquis auprès de la Société Nouvelle Les Maiseries de la Méditerranée une chambre à farine moyennant le prix de 78 818 F sur lesquels ils ont réglé directement la somme de 12 361 F ;

Que suivant le même acte, la société Grands Moulins de Paris a versé pour leur compte la somme de 66 457 F à la Société Nouvelle Les Maiseries de la Méditerranée, ledit prêt étant remboursable en six annuités au taux de 12 % l'an ;

Attendu que s'il est constant que l'engagement de remboursement du prêt n'a pas été respecté par les intimés, il convient de relever qu'en contrepartie à ce prêt avait été conclu entre les intéressés un contrat d'approvisionnement exclusif rédigé comme suit :

" En considération du service rendu par le Meunier qui accepte les modalités du paiement ci-dessus et comme condition essentielle sans laquelle ces facilités n'auraient pas été consenties, les clients s'engagent formellement tant pour eux-mêmes que pour leurs successeurs, ou gérants éventuels, à se fournir exclusivement auprès du Meunier pour l'exploitation du fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie sis à l'adresse précitée ou de toute autre fonds dont ils pourraient devenir propriétaires ou gérants.

Il est précisé :

- d'une part que seraient assimilées aux fournitures directement effectuées par le Meunier, celles qui seraient faites par tous revendeurs de ses farines comme par tous les agents ou dépositaires agréés par lui,

- d'autre part, que les dites fournitures ne sauraient être inférieures à 55 quintaux par mois, sauf pendant la période de fermeture soit à 605 quintaux par an.

Les clients s'engagent à recevoir ces farines et le Meunier à les leur vendre aux prix et conditions générales et particulières que ledit Meunier leur a consentis, à la date du présent acte, et qu'ils déclarent bien connaître et accepter, étant convenu que les prix des farines seront révisables en fonction des variations de la moyenne des indices publiés par l'INSEE dans la section produits à base de céréales, rubrique n° 5, Boulangerie-Pâtisserie (indice mensuel des prix à la consommation) et dans la section Paris, Boulangerie-Pâtisserie, rubrique n° 2, pain baguette de 250 g (prix de vente au détail dans l'agglomération parisienne).

Cet engagement est pris par les clients pour toute la période pendant laquelle ils resteront débiteurs du Meunier " ;

Qu'il sera ainsi, tout d'abord, constaté que ledit contrat d'approvisionnement exclusif s'échelonne sur six années alors que le règlement d'exemption de la Commission n° 1984-83-CEE du 22 juin 1983 limite à cinq ans la durée maximum de conclusion de tels accords d'achat exclusif et ce dans toutes les branches de l'économie;

Qu'il s'agit ainsi d'une méconnaissance directe de la réglementation communautaire applicable;

Que, par ailleurs, par les pièces produites, les intimés démontrent que les conditions de prix qui leur étaient faites dans le cadre du contrat d'approvisionnement litigieux étaient assises sur la base des seuls tarifs du fournisseur et, surtout, supérieures de l'ordre de 25 % par rapport aux prix de vente des farines pratiqués par les autres fournisseurs tels "Les Moulins du Nord";

Que, de même, était imposé un quota d'approvisionnement arrêté à 55 quintaux mensuels, soit nettement supérieur aux quarante quintaux habituellement nécessaires à l'exploitation des fonds de boulangerie des consorts Lesourd; qu'au regard de l'ensemble des éléments sus énoncés, il convient de retenir l'existence d'un abus tant dans la fixation des prix de la farine vendue que dans le nombre de quintaux à utiliser, abus de nature à justifier également la résiliation dudit contrat, lequel méconnaît déjà, ainsi qu'il a été ci-dessus rappelé, le droit communautaire; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté l'action en remboursement du prêt consenti aux époux Lesourd comme étant l'accessoire d'un contrat principal d'approvisionnement résilié aux torts de l'appelante ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement et de débouter la société Les Grands Moulins de Paris de l'ensemble de ses demandes ;

Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que l'appelante, condamnée aux dépens d'appel, versera aux intimés la somme de 9 000 F sur le fondement de l'article susvisé ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement ; Reçoit l'appel jugé régulier en la forme, Au fond, le rejetant, confirme le jugement ; Déboute la société Les Grands Moulins de Paris de l'ensemble de ses demandes ; La condamne aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Tetelin-Marguet-De Surirey, avoué ; La condamne aussi à verser aux époux Lesourd la somme de 9 000 F au titre des frais hors dépens.