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Décisions

CJCE, 5e ch., 11 janvier 1996, n° C-480/93 P

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Zunis Holding SA, Finan Srl, Massinvest SA

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Edward

Avocat général :

M. Lenz

Juges :

MM. Puissochet (rapporteur), Moitinho de Almeida, Gulmann, Jann

Avocats :

MM. Forwood, Crossick.

CJCE n° C-480/93 P

11 janvier 1996

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 28 décembre 1993, Zunis Holding SA, Finan Srl et Massinvest SA (ci-après les "requérantes") ont, en vertu de l'article 49 du statut CEE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du 28 octobre 1993, Zunis Holding e.a./Commission (T-83-92, Rec. p. II-1169, ci-après l'"arrêt attaqué"), par lequel le tribunal de première instance a rejeté leur recours tendant à l'annulation de la décision qui serait contenue dans la lettre du 31 juillet 1992 adressée par la Commission aux requérantes, refusant de rouvrir la procédure dans l'affaire n° IV-M.159 - Mediobanca/Generali (JO 1991, C 334, p. 23).

2 Il ressort de l'arrêt attaqué (points 1 à 6) que, le 27 novembre 1991, Mediobanca-Banca di Credito Finanziario SpA (ci-après "Mediobanca") a notifié à la Commission, en application des dispositions du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (version révisée publiée au JO 1990, L 257, p. 14, ci-après le "règlement n° 4064-89"), l'opération par laquelle Mediobanca a porté sa participation dans le capital de Assicurazioni Generali SpA (ci-après "Generali") de 5,98 à 12,84 %.

3 Par décision du 19 décembre 1991, la Commission a décidé, sur le fondement de l'article 6, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 4064-89, que l'opération ainsi notifiée ne relevait pas du champ d'application de ce règlement au motif que Mediobanca ne serait pas en mesure, à la suite de cette opération, d'exercer seule ou conjointement avec d'autres une "influence déterminante" sur Generali.

4 Le 19 mars 1992, le quotidien italien Il Sole 24 Ore a publié un article reproduisant le texte intégral d'un accord, qui serait jusque-là resté secret, signé à Paris, le 26 juin 1985, entre Generali, Mediobanca, son premier actionnaire, et Lazard Frères de Paris (ci-après "Lazard"), dont la filiale Euralux SA était le deuxième actionnaire de Generali avec 4,77 % du capital. Cet accord prévoyait notamment la création d'un comité directeur, composé de représentants de Generali et de ses deux principaux actionnaires, dans le but d'examiner les problèmes de Generali ayant un intérêt commun et d'intervenir dans la désignation d'un certain nombre de membres des organes d'administration et de direction de Generali.

5 Les requérantes, qui disent avoir eu connaissance de cet article "fin mars-début avril 1992", ont pris contact, de manière informelle, avec les services de la Commission, le 6 mai 1992, avant d'introduire une demande formelle de réouverture de la procédure dans cette affaire, par lettre du 26 juin 1992. Dans leur demande, elles faisaient valoir, pour l'essentiel, que la décision du 19 décembre 1991 reposait sur une appréciation erronée de l'influence et du contrôle réellement exercés par Mediobanca, seule ou conjointement avec Lazard, avant l'augmentation de sa participation, ce qui ne pouvait résulter que d'une information incomplète ou inexacte de la Commission sur les termes de l'accord conclu entre Mediobanca, Lazard et Generali.

6 Par lettre du 31 juillet 1992, la Commission, sous la signature du Directeur général de la concurrence, a rejeté cette demande au motif, notamment, que la décision du 19 décembre 1991 n'était pas fondée sur des informations incorrectes, comme il était allégué, puisque "la Commission avait connaissance de l'accord de Paris de 1985 et en (avait) tenu compte dans l'adoption de cette décision".

7 Les requérantes ont saisi le tribunal, le 30 septembre 1992, d'un recours tendant à l'annulation de la décision qui serait contenue dans la lettre du 31 juillet 1992. Les moyens de la requête sont analysés aux points 19 à 21 de l'arrêt attaqué.

8 La Commission a opposé à ce recours une exception d'irrecevabilité en faisant valoir, notamment (voir points 14 à 18 de l'arrêt attaqué), que la lettre du 31 juillet 1992 ne constituait pas un acte affectant directement et individuellement les requérantes, celles-ci n'ayant pas qualité pour contester la décision initiale du 19 décembre 1991 ni pour demander la réouverture de la procédure ayant abouti à cette décision.

9 Par l'arrêt attaqué, le tribunal a accueilli l'exception soulevée par la Commission et a rejeté le recours comme irrecevable.

10 Les requérantes demandent à la Cour d'annuler l'arrêt attaqué, de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission et de renvoyer l'affaire au tribunal pour qu'il statue sur le fond.

11 Il y a lieu d'examiner, tout d'abord, si la lettre du 31 juillet 1992 constitue un acte susceptible de recours. Cette question a, d'ailleurs, été soulevée par la Commission tant devant le tribunal que devant la Cour.

12 Il convient de relever, à cet égard, que la publication de l'article du quotidien Il Sole 24 Ore, qui a été à l'origine des démarches des requérantes auprès de la Commission, n'a pas constitué, dans les circonstances de l'espèce, un fait nouveau. En effet, il ressort du texte même de la décision du 19 décembre 1991, tel qu'il a été rendu public, et plus encore de la version confidentielle de cette décision, qui a été portée à la connaissance des requérantes lors de la procédure suivie devant le tribunal, que la Commission avait connaissance de l'accord mentionné par le quotidien italien lorsqu'elle a pris la décision du 19 décembre 1991. Les requérantes ne contestent d'ailleurs plus vraiment dans le cadre du pourvoi que la Commission avait connaissance de cet accord au moment où elle a pris sa décision. Elles contestent, en réalité, l'appréciation portée par la Commission sur cet accord.

13 La réponse faite par la Commission le 31 juillet 1992 constituait, dans ces conditions, comme le soutient cette dernière, une décision purement confirmative de sa décision du 19 décembre 1991. Elle se bornait, en effet, à faire savoir aux requérantes que la Commission avait eu connaissance de l'accord et qu'elle n'estimait pas nécessaire, par conséquent, de modifier cette décision.

14 Selon la jurisprudence constante de la Cour, une décision purement confirmative d'une précédente décision n'est pas un acte susceptible de recours(voir, notamment, arrêts du 25 octobre 1977, Metro/Commission, 26-76, Rec. p. 1875, point 4, et du 15 décembre 1988, Irish Cement/Commission, 166-86 et 220-86, Rec. p. 6473, point 16).

15 Dans ces conditions, le recours formé par les requérantes devant le tribunal était irrecevable et ne pouvait qu'être rejeté.Il s'ensuit que le dispositif de l'arrêt attaqué est fondé, bien que pour un autre motif de droit que celui retenu par le tribunal (voir ordonnance du 3 décembre 1992, Moat/Commission, C-32-92 P, Rec. p. I-6379, point 11).

16 Dès lors, il y a lieu de rejeter le pourvoi sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens invoqués par les requérantes.

Sur les dépens

17 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Les parties requérantes ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens de la présente instance.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

déclare et arrête:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Les parties requérantes sont condamnées aux dépens.