CCE, 12 juillet 2000, n° M.1634
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Mitsubishi Heavy Industries
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, vu le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1310-97 (2), et notamment son article 14, paragraphe 1, point c), et son article 15, paragraphe 1, après avoir donné aux entreprises intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, vu l'avis rendu par le comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises, considérant ce qui suit:
I. INTRODUCTION
(1) Le 26 mars 1999, la Commission a reçu notification d'une opération de concentration conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 4064-89, (ci-après dénommé "le règlement sur les concentrations"), notification dans laquelle Kvaerner ASA ("Kvaerner") et A. Ahlström Corporation ("Ahlström") faisaient part de leur intention de constituer une entreprise commune en regroupant les activités de Kvaerner Pulp and Paper ("KPP") dans le domaine de l'ingénierie des équipements destinés à l'industrie de la pâte à papier et les activités du groupe Ahlström Machinery ("AMG") (3).
(2) Dans le cadre de son enquête approfondie concernant l'opération notifiée, la Commission a adressé par télécopieur une demande d'information à Mitsubishi Heavy Industries Europe, Ltd ("Mitsubishi") conformément à l'article 11 du règlement sur les concentrations. Le délai fixé pour fournir les informations était le 10 juin 1999. Mitsubishi n'a pas répondu à cette demande et a prétendu, dans une télécopie du 14 juin 1999, avoir transmis toutes les données qui pourraient être fournies.
(3) N'ayant reçu aucun des renseignements demandés, la Commission a, le 17 juin 1999, envoyé par télécopieur une copie de sa demande d'information, à laquelle l'intéressée a répondu, également par télécopieur, le 22 juin 1999. Les renseignements contenus dans ce document étaient toutefois incomplets, ce que l'entreprise elle-même a reconnu dans sa réponse.
(4) Le 2 juillet 1999, la Commission a adopté une décision en application de l'article 11, paragraphe 5, du règlement sur les concentrations, décision dans laquelle elle invitait Mitsubishi à lui fournir les renseignements pertinents pour le 9 juillet 1999 au plus tard. Ces renseignements étaient précisés dans l'annexe jointe à la décision. La Commission indiquait également dans sa décision, conformément à l'article 15, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations, que, en cas de non-communication des renseignements demandés dans le délai imparti, Mitsubishi se verrait infliger une astreinte d'un montant de 15 000 euros par jour à compter de l'expiration du délai en question. La décision a été notifiée à Mitsubishi le 6 juillet 1999. Mitsubishi n'a pas fourni les renseignements demandés dans la décision de la Commission, malgré plusieurs rappels.
(5) Le 20 décembre 1999, la Commission a envoyé une communication des griefs à Mitsubishi afin de lui faire part de sa position concernant son infraction à l'article 11 du règlement sur les concentrations. Mitsubishi n'a pas répondu à la communication des griefs.
II. VIOLATION DU RÈGLEMENT SUR LES CONCENTRATIONS: LES FAITS
(6) Mitsubishi n'a pas fourni les renseignements demandés par la Commission dans la décision du 2 juillet 1999 en application de l'article 11, paragraphe 5, du règlement sur les concentrations. Elle s'est abstenue, en particulier, de fournir les informations réclamées en ce qui concerne:
- le prix obtenu pour chaque nouvelle chaudière de récupération vendue dans le monde depuis 1990 à l'industrie des pâtes chimiques en vue d'une installation dans une nouvelle usine de pâte,
- le prix obtenu pour chaque nouvelle chaudière de récupération vendue dans le monde depuis 1990 à l'industrie des pâtes chimiques en vue du remplacement d'une chaudière de récupération existante.
La réponse de Mitsubishi ne mentionnait pas davantage le chiffre d'affaires annuel réalisé par l'intéressée depuis 1990 en ce qui concerne:
- les activités de rénovation des chaudières de récupération,
- les activités d'entretien des chaudières de récupération.
(7) Mitsubishi a indiqué que l'identification des données chiffrées nécessaires pour fournir les renseignements demandés exigerait de sa part des efforts démesurés et disproportionnés, étant donné que les ventes des chaudières en question ne représentent qu'une part peu élevée du chiffre d'affaires total qu'elle réalise dans le secteur des chaudières.
III. APPRÉCIATION JURIDIQUE
(8) En ne fournissant pas les renseignements demandés par la Commission dans le délai fixé par celle-ci dans la décision adoptée en application de l'article 11, paragraphe 5, du règlement sur les concentrations ou en s'abstenant de fournir certains éléments, Mitsubishi a enfreint l'article 11 dudit règlement.
(9) Le fait de ne pas avoir communiqué ces renseignements constitue une infraction, qui peut donner lieu à une amende en vertu de l'article 14, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations ainsi qu'à une astreinte en vertu de l'article 15, paragraphe 1, dudit règlement.
IV. IMPOSITION D'AMENDES ET D'ASTREINTES
(10) En vertu de l'article 14, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes d'un montant de 1 000 à 50 000 euros lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles fournissent un renseignement inexact en réponse à une demande faite en application de l'article 11 dudit règlement ou ne fournissent pas un renseignement dans le délai fixé par une décision prise en vertu de l'article 11. En vertu de l'article 14, paragraphe 3, la Commission doit, pour déterminer le montant de l'amende, prendre en considération la nature et la gravité de l'infraction. La Commission tient compte de ce fait de toute circonstance aggravante ou atténuante.
(11) En vertu de l'article 15, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations, la Commission peut infliger à des entreprises des astreintes d'un montant maximal de 25 000 euros par jour de retard à compter de la date qu'elle fixe dans sa décision, pour les contraindre à fournir de manière complète et exacte un renseignement qu'elle a demandé par voie de décision prise en application de l'article 11 dudit règlement. De plus, en vertu de l'article 15, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations, lorsque les entreprises ont satisfait à l'obligation pour l'exécution de laquelle l'astreinte avait été infligée, la Commission peut fixer le montant définitif de celle-ci à un chiffre inférieur à celui qui résulterait de la décision initiale. La décision du 2 juillet 1999 prévoyait une astreinte de 15 000 euros par jour écoulé jusqu'à la communication des renseignements demandés.
A. Appréciation au regard de l'article 14
Nature de l'infraction
(12) L'infraction commise par Mitsubishi tient au fait que celle-ci n'a pas fourni les renseignements demandés dans le délai fixé dans la décision adoptée par la Commission en application de l'article 11, paragraphe 5, du règlement sur les concentrations. Ces informations portaient sur les activités exercées au niveau mondial par l'intéressée dans le secteur des chaudières de récupération (voir le considérant 6).
Gravité de l'infraction
(13) La Commission considère que la violation du règlement sur les concentrations commise par Mitsubishi est très grave, pour les raisons suivantes.
(14) En vertu de l'article 11, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations, la Commission peut, dans l'accomplissement des tâches qui lui sont assignées par ledit règlement, recueillir tous les renseignements nécessaires auprès des entreprises. Les renseignements demandés à Mitsubishi étaient nécessaires, au sens de l'article 11, paragraphe 1, dudit règlement, pour apprécier correctement la compatibilité de l'opération notifiée avec le marché commun. Ils étaient importants notamment en vue de la détermination de la part de marché des entreprises parties à l'opération notifiée et des parts de marché des autres entreprises présentes sur les marchés de l'ingénierie et de la fourniture de chaudières de récupération.
(15) Vu le nombre limité de fabricants de chaudières de récupération destinées à l'industrie de la pâte et du papier dans le monde, il convient de considérer Mitsubishi comme une source de renseignements importante pour ce qui est du fonctionnement de ce marché. Mitsubishi n'ayant pas fourni les renseignements demandés, la Commission a été contrainte de fonder son appréciation des marchés des chaudières de récupération en partie sur des estimations. Compte tenu en particulier du fait que Mitsubishi n'a pas communiqué d'informations sur les prix qu'elle a obtenus et sur le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé au niveau mondial en ce qui concerne les chaudières de récupération, la Commission n'avait d'autre alternative que d'estimer la taille globale du marché et les parts de marché des autres participants au marché en s'appuyant en partie sur les renseignements obtenus auprès d'autres opérateurs et de clients. Cela a considérablement accru sa charge de travail et a débouché sur des estimations qui ne peuvent pas être considérées comme aussi fiables que des renseignements de première main communiqués par Mitsubishi elle-même.
(16) Les renseignements demandés à Mitsubishi étaient d'une importance capitale pour l'appréciation de l'affaire au fond. Ils avaient, plus précisément, une incidence directe sur l'appréciation par la Commission de la position d'AMG et de KPP sur les marchés des chaudières de récupération au niveau mondial. Un écart de 10 % environ subsistait notamment entre les estimations des parties et celles de la Commission en ce qui concerne la part de marché des premières dans ce secteur. Mitsubishi n'ayant pas communiqué de données chiffrées fiables au sujet de ses propres activités, la Commission ne pouvait déterminer les parts de marché exactes des parties et de leurs concurrents. Mitsubishi n'ayant en outre fourni aucun renseignement sur ses activités de rénovation et d'entretien des chaudières de récupération, la Commission était dans l'impossibilité de vérifier les allégations des parties à propos de l'importance du marché de la rénovation et ne pouvait pas davantage déterminer la position de Mitsubishi sur celui-ci. Il y a donc lieu de considérer que le fait de n'avoir pas communiqué les renseignements demandés constitue une infraction très grave.
(17) Dans sa télécopie du 14 juin 1999, Mitsubishi a prétendu avoir transmis toutes les données qu'elle pouvait fournir. Or, Mitsubishi est un gros conglomérat industriel qui est présent dans plusieurs secteurs d'activités au niveau mondial. On peut donc raisonnablement conclure qu'elle possède une connaissance approfondie des activités qu'elle exerce. On peut donc, vu sa taille, supposer tout aussi raisonnablement qu'elle dispose de systèmes d'information modernes qui lui auraient permis de fournir les renseignements demandés. Compte tenu également du fait que la Commission a prorogé à plusieurs reprises le délai initial accordé à Mitsubishi, lui donnant de ce fait un délai supplémentaire de près d'un mois pour fournir les informations demandées, il y a lieu de considérer que l'entreprise a eu tout le temps nécessaire pour fournir les renseignements demandés. Il convient également de souligner que tous les autres fabricants de chaudières de récupération contactés par la Commission ont pu fournir les informations qui leur étaient demandées. Par ailleurs, Mitsubishi n'ayant pas tenté de fournir ne serait-ce qu'une estimation raisonnable des informations demandées, il convient de considérer qu'elle n'avait pas l'intention de se conformer à la décision de la Commission.
(18) À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que Mitsubishi s'est délibérément abstenue de fournir à la Commission les renseignements demandés. La Commission considère que ce manquement à sa décision du 2 juillet 1999 était intentionnel.
(19) Il n'existe aucune circonstance atténuante ou aggravante dont il puisse être tenu compte.
B. Appréciation au regard de l'article 15
(20) La décision de la Commission du 2 juillet 1999 prévoyait qu'une astreinte serait infligée à Mitsubishi, conformément à l'article 15, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations, si elle ne fournissait pas les renseignements demandés dans le délai imparti. Ainsi qu'il a été indiqué plus haut, Mitsubishi n'a pas transmis les informations en question. Elle n'a donc pas satisfait, au sens de l'article 15, paragraphe 3, à l'obligation pour l'exécution de laquelle l'astreinte avait été infligée. La Commission considère par conséquent qu'il y a lieu de lui infliger le montant maximal de l'astreinte conformément à l'article 15, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations.
Durée
(21) Il n'a pas été mis fin à l'infraction. À ce jour, Mitsubishi ne s'est pas conformée à la décision de la Commission du 2 juillet 1999 et n'a pas fourni les renseignements réclamés. On peut toutefois considérer que l'obligation faite à Mitsubishi de communiquer ces informations s'est éteinte avec la clôture, le 8 septembre 1999, de la procédure relative à la concentration entre Ahlström et Kvaerner.
V. CONCLUSION
(22) À la lumière des considérations qui précèdent et compte tenu des circonstances de l'espèce, la Commission considère qu'il convient, conformément à l'article 14, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations, d'infliger à Mitsubishi une amende de 50 000 euros pour n'avoir pas respecté la décision de la Commission du 2 juillet 1999.
(23) Il convient en outre de fixer le montant définitif de l'astreinte infligée à Mitsubishi conformément à la décision de la Commission du 2 juillet 1999 à 15 000 euros par jour à compter du jour suivant celui de l'expiration du délai imparti aux fins de la communication des renseignements demandés (soit le 10 juillet 1999) jusqu'au 8 septembre 1999, date de clôture de la procédure relative à l'affaire M.1431 - Ahlström/Kvaerner, ce qui correspond à une période de 60 jours,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
Une amende de 50 000 euros est infligée à Mitsubishi Heavy Industries Europe, Ltd, conformément aux dispositions des articles 14 et 15 du règlement (CEE) n° 4064-89, pour avoir communiqué à la Commission des informations incomplètes dans le cadre d'une procédure de contrôle d'une opération de concentration.
Le montant total des astreintes infligées à Mitsubishi, conformément à la décision de la Commission du 2 juillet 1999, pour n'avoir pas communiqué des informations complètes et exactes comme elle y était tenue en vertu de ladite décision, est fixé à 900 000 euros.
Article 2
L'amende et le montant définitif des astreintes visés à l'article 1er sont payables dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision sur le compte bancaire n° 642-0029000-95 de la Commission européenne, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria BBVA, avenue des Arts 43, B-1040 Bruxelles.
À l'expiration du délai précité, des intérêts seront automatiquement dus au taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses principales opérations de refinancement le premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été adoptée, soit 4,29 %, ce taux étant majoré de 3,5 points de pourcentage, soit un taux de 7,79 %.
Article 3
Mitsubishi Heavy Industries Europe, Ltd, Bow Bells House, Bread Street (Cheapside), Londres, EC4M 9BQ UK
est destinataire de la présente décision.
(1) JO L 395 du 30.12.1989, p. 1; rectificatif (JO L 257 du 21.9.1990, p. 13).
(2) JO L 180 du 9.7.1997, p. 1.
(3) Affaire IV/M.1431 - Ahlström/Kvaerner.