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Décisions

CA Paris, 16e ch. A, 4 décembre 2002, n° 2002-00481

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Inacio

Défendeur :

Lammari

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Duclaud

Conseillers :

Mmes Cobert, Imbaud-Content

Avoués :

Scp Cossec, Mes Baufume, Regnier

Avocats :

Mes Pey Thierry, Le Pendu.

T. com. Paris, 20e ch., du 25 mai 2001

25 mai 2001

LA COUR statue sur l'appel interjeté par Madame Inacio d'un jugement du Tribunal de commerce de Paris du 25 mai 2001 et d'un jugement rectificatif de celui-ci du 9 novembre 2001.

Le premier jugement a :

- débouté Madame Maria Angélica Inacio de toutes ses prétentions,

- condamné Madame Inacio à payer à Monsieur Farid Lammari 315 547,48 F, somme correspondant aux loyers commerciaux et redevances de gérance dus au 31 décembre 2000, sauf à parfaire et à verser à Mesdames Huguette Désirée Marcellin épouse Mervillon et Monique Paulette Marcellin épouse Cames la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné Madame Maria Angélica Inacio à payer à Monsieur Farid Lammari la somme de 5 000 F et à Mesdames Huguette Désirée Marcellin épouse Mervillon et Monique Paulette Marcellin épouse Cames la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires et condamné Madame Marie Angélica Inacio aux dépens.

Le second jugement a complété le premier en "ordonnant l'expulsion de Madame Maria Angélica Inacio avec exécution provisoire".

Les faits et la procédure peuvent être résumés ainsi qu'il suit :

Monsieur Farid Lammari, divorcé de Madame Afous, est, par suite du partage de communauté, seul propriétaire d'un fonds de commerce de café-bar-restaurant sis et exploité à Paris, 55 rue de Bretagne.

Ce fonds de commerce a été confié en location-gérance à Madame Inacio par acte sous seing privé en date du 2 janvier 1998, pour un an, durée prorogée par tacite reconduction pour une durée d'une année, venant à expiration le 31 décembre 1999.

Monsieur Farid Lammari a donné congé à Madame Inacio le 14 septembre 1999 pour le 31 décembre 1999.

A compter du mois de décembre 1999, Madame Inacio a cessé de régler non seulement les redevances de gérance mais également les loyers dus au titre de l'occupation des locaux, et ce alors qu'elle s'est maintenue dans les lieux.

Après avoir fait sommation à Madame Inacio de payer la somme de 178 555 F, Monsieur Lammari a assigné par acte du 5 juin 2000 celle-ci en référé aux fins de voir notamment prononcer la résiliation du contrat de location-gérance. Le juge des référés n'a pas accueilli cette demande en raison de la contestation adverse y afférent mais a condamné Madame Inacio à verser à Monsieur Lammari la somme de 178 555 F par provision.

Le 16 mai 2000, Monsieur Lammari a fait sommation de payer à Madame Inacio, puis l'a assignée en référé le 5 juin 2000. Le juge des référés ne faisait pas droit à la demande de résiliation du contrat de location-gérance, en raison d'une contestation soulevée par Madame Inacio, jugée sérieuse, mais a condamné cette dernière notamment au paiement de 178 555 F par provision.

Par acte du 31 juillet 2000, Madame Inacio a assigné Monsieur Lammari et les consorts Marcellin, propriétaires des murs, en vue de voir rapporter l'ordonnance de référé précitée, de prononcer la nullité du contrat de location-gérance, la restitution des redevances versées par Madame Inacio à Monsieur Lammari depuis le 1er janvier 1998, la déchéance de la propriété commerciale de ce dernier et la substitution de Madame Inacio dans tous ses droits, la condamnation de Monsieur Lammari à 155 000 F de dommages-intérêts, avec exécution provisoire, plus 7 500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les dépens.

Par assignation à bref délai du 7 novembre 2000, Monsieur Lammari a demandé au Tribunal de commerce de Paris de :

- dire Madame Inacio sans droit ni titre à rester dans le fonds de commerce postérieurement à la date du congé délivré par le demandeur ;

- condamner Madame Inacio au paiement des loyers des 2ème, 3ème trimestres et 4e trimestre 1999 représentant la somme de 68 226,41 F et des redevances du mois de décembre 1999, soit la somme de 12 060 F ainsi qu'aux intérêts au taux légal à compter de la première sommation de payer ;

- condamner Madame Inacio à une indemnité d'occupation, à compter du 1er janvier 2000 jusqu'au jour effectif de son départ, dont le montant ne saurait être inférieur à 20 000 F par mois, correspondant au montant mensuel des redevances et des loyers ;

- prononcer l'expulsion de Madame Inacio et de tout occupant dans les lieux de son fait et ce, avec l'assistance du Commissaire de Police et de la Force Publique s'il y a lieu ;

Subsidiairement,

- constater l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 21 octobre 2000 ;

En conséquence :

- prononcer la résiliation du contrat de location-gérance à ladite date et prononcer l'expulsion de Madame Inacio et de tout occupant dans les lieux de son fait et ce, avec l'assistance du Commissaire de Police et de la Force publique s'il y a lieu ;

- condamner Madame Inacio au paiement des loyers et redevances dus depuis le 2e trimestre 1999 au 21 octobre 2000, soit la somme de 270 988.83 F, ainsi qu'aux intérêts au taux légal à compter de la première sommation de payer ;

- condamner Madame Inacio à une indemnité d'occupation, à compter du 21 octobre 2000 jusqu'au jour effectif de son départ, dont le montant ne saurait être inférieur à 20 000 F par mois, ce qui correspondait au montant mensuel des redevances et des loyers ;

- condamner Madame Inacio à payer à Madame Lammari, au titre de dommages-intérêts, en vertu de l'article 1382 du Code civil, le montant des loyers qu'elle aura réglés pour le compte de Monsieur Farid Lammari au jour où le tribunal statuera sur la demande d'indemnité ;

C'est dans ces conditions que sont intervenus les deux jugements déférés.

Madame Inacio, appelante, demande à la cour de :

- infirmer totalement le jugement critiqué dont appel de ces chefs; In limine litis, vu les articles 122 et 124 du nouveau Code de procédure civile,

- dire et juger Monsieur Lammari irrecevable en son action pour défaut de droit d'agir (qualité et intérêt),

Statuant à nouveau:

- prononcer la nullité du contrat de location-gérance du 2 janvier 1998 au titre de l'article 11 alinéa 1 de la loi du 20 mars 1956,

- prononcer en conséquence la déchéance de la propriété commerciale de Monsieur Lammari conformément à l'article 11 alinéa 2 de la loi du 20 mars 1956;

- dire que Madame Inacio est substituée en vertu de la loi dans tous les droits et obligations du preneur;

- ordonner en conséquence la restitution de la somme de 36 587,76 euros au titre des redevances de location-gérance versées par Madame Inacio à Monsieur Lammari depuis le 1er janvier 1998 ;

- donner acte à Madame Inacio qu'elle ne s'oppose pas à l'affectation par compensation de cette restitution avec les loyers trimestriels des murs échus du 1er trimestre 1999 au 2e trimestre 2002 ;

- condamner Monsieur Lammari à la somme de 23 629,60 euros en réparation du préjudice subi au titre de l'article 1382 du Code civil ;

- donner acte à Madame Inacio qu'elle accepte de voir acquis les loyers des murs versés par elle du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1999 aux bailleurs indivis ;

- condamner Monsieur Lammari à la somme de 1 143,37 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers frais et dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP Cossec avoué aux offres de droit conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Lammari, intimé, prie la cour de :

- déclarer Madame Inacio irrecevable et en tout état de cause mal fondée en son appel;

- la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;

- confirmer en tous points les jugements déférés en date des 25 mai 2001 et 9 novembre 2001;

Subsidiairement:

- dire la demande de Monsieur Lammari de voir constater la résiliation du contrat de gérance recevable et bien fondée et y faire droit ;

Statuant à nouveau :

- condamner Madame Inacio à rembourser à Monsieur Lammari le montant des loyers et charges versés au propriétaire des murs depuis le mois de décembre 1999, soit la somme de 33 211,21 euros ;

- en outre, condamner Madame Inacio à verser à Monsieur Lammari une indemnité d'occupation du jour de la fin du contrat, soit le 1er janvier 2000, jusqu'au jour de son départ effectif des lieux, d'un montant de 6 097,96 euros par mois;

- assortir les condamnations d'un intérêt de retard au taux légal depuis le jugement du 9 novembre 2001 prononçant l'expulsion ;

Encore plus subsidiairement, si par extraordinaire la cour devait condamner Monsieur Lammari à des dommages et intérêts en vertu de la prétendue nullité du contrat de gérance,

- condamner Madame Inacio au même montant de dommages et intérêts, tout en prononçant la compensation judiciaire de ceux-ci ;

- condamner Madame Inacio à verser à Monsieur Lammari sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile la somme de 5 000 euros;

- condamner Madame Inacio aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement, pour ces derniers, pourra être effectué par Maître Baufume, avoué près la cour, dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Ceci étant exposé, LA COUR,

I- Sur le défaut du droit d'agir de Monsieur Lammari:

Considérant que Madame Inacio soutient, sans être contredite par Monsieur Lammari à qui incombe pourtant la charge de justifier qu'il répond aux conditions requises par l'article L. 144-3 du Code de commerce, qu'au 2 janvier 1998, date à laquelle il lui a consenti le contrat de location-gérance en cause, celui-ci n'avait pas été commerçant depuis sept années car il a acquis le fonds de commerce le 17 février 1992 et ne justifiait pas avoir été commerçant auparavant;

Que la demande de l'appelante tendant à voir prononcer la nullité du contrat de location-gérance en application de l'article L. 144-10 du Code de commerce sera donc accueillie;

Qu'il s'ensuit que le congé délivré par Monsieur Lammari est inopérant;

Considérant qu'en revanche, Madame Inacio ne peut qu'être déboutée de sa demande tendant à voir prononcer la déchéance du droit à la propriété commerciale sur le fondement de l'article L. 144-10 du Code de commerce; qu'il appartient aux seules bailleresses, si elles le jugent opportun, de se prévaloir de cette déchéance, étant observé qu'en première instance, celles-ci n'ont rien demandé de tel et qu'elles n'ont pas été attraites en cause d'appel;

Considérant que contrairement à ce que Madame Inacio soutient, la nullité du contrat de location-gérance n'a pas pour effet d'entraîner la résiliation du bail dont il s'agit, et ce d'autant plus qu'en l'espèce, il est stipulé que le preneur a la faculté de mettre son fonds de commerce en location-gérance, sous réserve de l'appréciation par les bailleresses du fait que celle-ci n'ait été consentie conformément aux dispositions légales en vigueur comme le bail le précise ;

Considérant qu'il s'ensuit que Madame Inacio sera déboutée de cette demande aussi ;

Considérant que la nullité prononcée emporte l'effacement rétroactif du contrat de location-gérance; que ce dernier ayant été cependant exécuté, les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant cette exécution;

Considérant que la cour ne trouve pas dans la procédure de la part de chacune des parties leurs prétentions y compris celles devant être chiffrées à cet égard; qu'elle ne peut qu'ordonner la réouverture des débats pour les inviter à conclure de manière précise sur ces points (expulsion, sommes demandées, etc...) notamment au vu des prétentions de Monsieur Lammari ;

Considérant qu'il sera statué sur les demandes non examinées par le présent arrêt par l'arrêt à intervenir ;

Par ces motifs, Dit que le contrat de location-gérance du 2 janvier 1998 est nul; Dit qu'en conséquence le congé délivré le 14 septembre 1999 par Monsieur Lammari à Madame Inacio est inopérant; Avant dire droit sur l'ensemble des conséquences de la nullité (expulsion, chiffrage précis des demandes, etc...), Ordonne la réouverture des débats à l'audience du 10 mars 2003 à 14 heures, Dit que la clôture interviendra le 12 février 2003; Dit que la cour statuera sur les demandes non présentement tranchées par l'arrêt à intervenir.