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Décisions

CA Toulouse, 4e ch. soc., 19 mai 2000, n° 1999-01537

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Domaine de Saint-Géry (SARL)

Défendeur :

Bouleau

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Conseillers :

MM. Tribot-Laspière, Saint-Ramon

Avocats :

Mes Pamart, Lévi.

Cons. prud'h. Montauban, du 29 janv. 199…

29 janvier 1999

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur Michel Bouleau a été embauché le 10 juillet 1997 en qualité de VRP exclusif, pour une durée déterminée venant à échéance le 30 septembre 1997, par la SARL Domaine de Saint-Géry dont l'activité consiste, outre l'exploitation d'une auberge, à fabriquer des produits de charcuterie et du pain, vendus sur les marchés de la région.

Un deuxième contrat à durée déterminée, est intervenu le 22 septembre 1997, conclu pour une période commençant le 1er octobre 1997 pour s'achever le 31 décembre 1997, motivé par " un surcroît de travail lié à l'organisation de la force de vente ", les fonctions de Monsieur Bouleau étant définies comme celles d'un " animateur de ventes, statut cadre ".

Estimant qu'il lui restait dû un rappel de salaire du chef d'heures supplémentaires et que son contrat de travail s'analysait en un contrat à durée indéterminée, Monsieur Bouleau a, courant mars 1998, saisi le Conseil de prud'hommes de Montauban aux fins d'obtenir paiement de ce rappel de salaire outre dommages et intérêts, et diverses indemnités légales.

Par jugement du 29 janvier 1999 le Conseil de prud'hommes de Montauban :

- dit et juge que le contrat de Monsieur Michel Bouleau n'est pas un contrat de VRP mais un contrat à durée déterminée durant les trois premiers mois et un contrat à durée indéterminée à compter du troisième mois,

- alloue à Monsieur Bouleau les sommes suivantes :

- 24 128,28 F au titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 10 161,97 F pour indemnité de préavis,

- 1 016,19 F pour congés payés sur indemnité de préavis,

- 15 000 F à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- le déboute du surplus de ses demandes.

La SARL Domaine de Saint-Géry a régulièrement relevé appel de cette décision.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La SARL Domaine de Saint-Géry demande à la cour de :

- infirmer la décision querellée,

- débouter Monsieur Bouleau de tout appel incident,

- condamner Monsieur Bouleau à lui payer une somme de 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Au soutien de son appel , la SARL Domaine de Saint-Géry développant ses conclusions enregistrées au greffe le 21 janvier 2000, fait valoir que :

- la fonction de Monsieur Bouleau était bien jusqu'au 30 septembre 1997, une fonction de VRP destinée à vendre des produits " régionaux et BIO ", les conditions de l'article L. 751-1 du Code du travail étant réunies, le contrat prévoyant du reste expressément le bénéfice de ce statut.

- les pièces versées au débat par Monsieur Bouleau ne prouvent en rien que des heures supplémentaires aient été par lui effectuées, les fiches de présence ayant été remplies par lui, alors qu'il disposait d'une totale liberté d'action et qu'en toute hypothèse les VRP n'ont pas droit à la rémunération d'heures supplémentaires.

- le contrat ne saurait être requalifié en un contrat à durée indéterminée, la vente de charcuterie ou de pain étant une activité saisonnière liée au tourisme dans la région du Quercy.

Monsieur Bouleau demande à la cour de :

- rejeter l'appel de la société Domaine de Saint-Géry,

- faire droit à son appel incident,

- condamner la société Domaine de Saint-Géry à lui payer la somme de 31 767,82 F pour rappel d'heures supplémentaires outre 3 176,78 F pour congés payés y afférents,

- dire et juger que son contrat de travail est un contrat de travail à durée indéterminée,

- dire et juger, par voie de conséquence, qu'il a fait l'objet d'un licenciement abusif à la date du 31 décembre 1997.

- condamner la société Domaine de Saint-Géry à lui verser :

- indemnité compensatrice de préavis : 10 161,97 F

- indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 1 016,19 F

- dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail : 61 000 F

- indemnité de requalification : 10 161,97 F

- au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : 7 000 F

- condamner la société Domaine de Saint-Géry à lui remettre sous astreinte de 1 000 F par jour de retard dès le jour de la signification de la décision à l'intéressé des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation employeur régularisée.

Reprenant ses moyens de droit et de fait exposés en première instance Monsieur Bouleau fait valoir que :

- le statut de VRP ne saurait s'appliquer pour la période du 1er juillet au 30 septembre 1997 ainsi que retenu à bon droit par le Conseil de prud'hommes, et ce nonobstant la qualification donnée par le contrat de travail à ses fonctions puisque :

- il n'exerçait aucune activité de prospection et ne prenait aucun ordre, à l'extérieur de l'entreprise

- aucune carte de VRP ne lui avait été accordée

- son employeur ne cotisait pas pour lui à une caisse de cadre

- il lui reste dû un rappel de salaire pour des heures supplémentaires non réglées, soit 523 heures sur trois mois, ainsi que cela résulte de fiches de présence par lui remises à son employeur toutes les fins de mois, et d'un " planning " hebdomadaire indiquant les lieux où se tenaient les marchés.

- le contrat doit être requalifié en contrat à durée indéterminée, le premier ne correspondant pas à une activité saisonnière et le second en toute hypothèse ne correspondant pas à un surcroît exceptionnel d'activité lié à l'organisation de la force de vente mais à une activité permanente de l'entreprise.

DISCUSSION ET MOTIVATION

Attendu que le statut d'ordre public des VRP tel que défini par les dispositions de l'article L. 751-1 du Code du travail concerne les personnes physiques qui :

- travaillent pour le compte d'un ou plusieurs employeurs,

- exercent en fait d'une façon exclusive et constante leur profession de représentant,

- ne font effectivement aucune opération commerciale pour leur compte personnel,

- sont liées à leurs employeurs, par des engagements déterminant, la nature des prestations de service ou des marchandises offertes à la vente ou à l'achat, la région dans laquelle elles doivent exercer leur activité, ou les catégories de clients qu'elles sont chargées de visiter, le taux des rémunérations.

Attendu que les conditions de fait d'exercice de l'activité telles que définies ci-dessus, déterminent si un salarié a ou non la qualité de VRP statutaire et ce nonobstant toute stipulation expresse du contrat ou en son silence;

Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas contesté par l'employeur, que les attributions de Monsieur Bouleau qui ne possédait pas la carte professionnelle de VRP consistaient outre l'organisation de la force de vente commerciale en la vente des produits fabriqués par la société Domaine de Saint-Géry, sur les foires et marchés et non en la prospection avec prise d'ordre, d'une clientèle à l'extérieur de l'entreprise.

Qu'aucun secteur commercial fixe ne lui avait été attribué.

Qu'il ressort de ce qui précède que la qualification de VRP statutaire ne saurait être celle correspondant à l'activité de Monsieur Bouleau pour lequel son employeur ne cotisait du reste à aucune des caisses de prévoyance et de retraite spéciales aux VRP.

Attendu que cette activitéqui était celle d'un " commercial salarié "s'est exercée dans le cadre d'un premier contrat à durée déterminée correspondant bien à un emploi à caractère saisonnier, la vente de produits du terroir fabriqués par la SARL Domaine de Saint-Géry connaissant manifestement une ampleur particulière entre le premier juillet et le trente septembre de chaque année en raison de l'important flux touristique dans la région.

Que le deuxième contrat à durée déterminée conclu pour une période s'étendant du 10 octobre 1997 au 31 décembre 1997, motivé par " un surcroît de travail lié à l'organisation de la force de vente " n'apparaît pas cependant pouvoir être considéré comme conclu en conformité avec les dispositions légales de l'article L. 122-1-1 , deuxième alinéa du Code du travail en ce que l'employeur n'apporte aux débats aucun élément objectif susceptible d'établir l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

Que dès lors, l'activité de Monsieur Bouleau, telle que prévue dans ce deuxième contrat correspondait bien ainsi que soutenu par lui à un emploi permanent lié à l'activité normale de l'entreprise.

Qu'il résulte de ce qui précède, qu'à compter du 1er octobre 1997 la relation de travail entre parties doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée.

Que le dit contrat s'étant achevé sans observation de la procédure de licenciement ni lettre de rupture de la part de l'employeur, il doit en être déduit que cette rupture du contrat de travail découle d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Qu'à la suite de ce licenciement, Monsieur Bouleau a subi un préjudice né de la perte injustifiée de son emploi, préjudice qui sera réparé sur le fondement des dispositions de l'article L. 122-14-4 applicable au litige en raison de l'absence de convocation à un entretien préalable et partant d'indication de la possibilité d'assistance par un conseiller, par une somme de 61 000 F.

Que Monsieur Bouleau est également fondé à obtenir :

- le préavis soit un mois de salaire : 10 161,97 F

- les congés payés sur préavis : 1 016,19 F

- l'indemnité de requalification : 10 161,97 F

Attendu du chef du rappel de salaire revendiqué en raison d'heures supplémentaires, que Monsieur Bouleau produit des fiches de présence mensuelles comportant le relevé des heures effectuées, relevé qui était remis à l'employeur, et correspondant aux plannings afférents aux lieux de vente.

Que l'employeur qui n'a jamais contesté ces relevés lorsqu'ils lui étaient remis ne saurait dès lors pour les seuls besoins de la cause prétendre que lesdites heures n'avaient jamais été par lui exigées, alors qu'au surplus il ne produit aucun document sérieux propre à justifier l'horaire exact accompli par le salarié, les seules attestations de témoins fournies par lui, apparaissant sans intérêt en raison de leur contenu vague et imprécis.

Qu'en conséquence, Monsieur Bouleau est fondé à obtenir le règlement de la somme de 31 767,82 F, correspondant à ce rappel de salaire outre les congés payés y afférents, soit 3 176,78 F

Qu'au titre de l'article 700 du nouveau Code procédure civile, il lui sera alloué la somme de 7 000 F.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le premier contrat de Monsieur Bouleau n'était pas un contrat de VRP et que le second contrat devait être requalifié en contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 1997, dont la rupture est intervenue sans cause réelle et sérieuse ; Confirme également ledit jugement en ce qu'il a par voie de conséquence condamné l'employeur à payer à Monsieur Bouleau : 10 161,97 F pour préavis ; 1 016,19 F pour congés payés sur préavis ; 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Le réformant sur les sommes allouées au titre des dommages-intérêts et du rappel de salaire pour heures supplémentaires, condamne la SARL Domaine de Saint-Géry à payer à Monsieur Bouleau : 61 000 F à titre de dommages-intérêts ; 31 767,82 F pour rappel de salaire ; 3 176,78 F pour congés payés sur rappel de salaire ; Y ajoutant, condamne la SARL Domaine de Saint-Géry à payer à Monsieur Bouleau la somme de 10 161,97 F pour indemnité de requalification ; Condamne la société Domaine de Saint-Géry à remettre à Monsieur Bouleau des bulletins de salaire, certificat de travail et attestations d'employeur, régularisés et conformes au présent arrêt, sans qu'une mesure d'astreinte soit nécessaire ; Condamne en outre la société Domaine de Saint-Géry à payer à Monsieur Bouleau une somme de 7 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile du chef de l'instance d'appel ; Condamne la société Domaine de Saint-Géry aux dépens.