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Décisions

CJCE, 25 mars 1996, n° C-137/95 P

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Ordonnance

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Vereniging van Samenwerkende Prijsregelende Organisaties in de Bouwnijverheid

Défendeur :

Commission des Communautés européennes.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rodríguez Iglesias

Présidents de chambre :

MM. Kakouris, Edward, Hirsch, Puissochet

Rapporteur :

M. Jann

Avocat général :

M. Elmer.

Juges :

MM. Mancini, Schockweiler, Moitinho de Almeida, Kapteyn, Gulmann, Murray, Ragnemalm, Sevón, Wathelet

CJCE n° C-137/95 P

25 mars 1996

LA COUR,

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 27 avril 1995, la Vereniging van Samenwerkende Prijsregelende Organisaties in de Bouwnijverheid (ci-après "SPO") et 28 autres requérantes ont formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 21 février 1995, SPO e.a./Commission (T-29-92, Rec. p. II-289), en tant qu'il a rejeté leur recours tendant à voir déclarer inexistante ou, à titre subsidiaire, à voir annuler la décision 92-204-CEE de la Commission, du 5 février 1992, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-31.572 et 32.571°Industrie de la construction aux Pays-Bas) (JO L 92, p. 1).

2 SPO est un organisme de coordination créé en 1963 par diverses associations néerlandaises d'entreprises de construction et dont les membres sont actuellement les 28 autres requérantes. Depuis 1952, ces dernières avaient arrêté des règlements visant à la régulation de la concurrence dans le cadre des adjudications organisées dans certaines régions ou dans certains secteurs de l'industrie de la construction. Après la création de SPO, ces règlements régionaux et sectoriels ont été progressivement harmonisés sous son contrôle entre 1973 et 1979 (points 1, 2 et 4 de l'arrêt attaqué).

3 Aux termes de ses statuts, SPO a pour objet "de promouvoir et de gérer une concurrence ordonnée, d'éviter et de combattre des comportements inconvenants lors de l'offre de prix et de promouvoir la formation de prix économiquement justifiés". A cette fin, elle a élaboré des réglementations dites de "régulation institutionnalisée des prix et de la concurrence" et est habilitée à prononcer des sanctions contre les entreprises affiliées à ses membres en cas de manquement aux obligations découlant desdites réglementations. La mise en œuvre de ces réglementations est confiée à huit bureaux exécutifs dont SPO contrôle le fonctionnement. Les associations membres de SPO regroupent plus de quatre mille entreprises de construction établies aux Pays-Bas (point 2 de l'arrêt).

4 Le 3 juin 1980, l'assemblée générale de SPO a adopté un "code d'honneur" obligatoire pour toutes les entreprises appartenant à ses associations membres et prévoyant un système uniforme de sanctions des infractions aux règlements uniformisés entre 1973 et 1979, ainsi que certaines règles matérielles nécessaires à l'application de ces règlements. Le code d'honneur est entré en vigueur le 1er octobre 1980 (point 5 de l'arrêt).

5 Le 16 août 1985, la Commission a adressé une demande de renseignements à SPO, afin d'obtenir des informations sur la participation à cette organisation d'entreprises étrangères (point 6 de l'arrêt).

6 Par arrêté ministériel du 2 juin 1986, les autorités néerlandaises ont adopté un règlement uniforme, qui a défini les règles de passation des marchés publics (point 7 de l'arrêt).

7 La même année, SPO a arrêté deux nouveaux règlements de régulation des prix (ci-après les "UPR"), l'un portant sur les adjudications selon la procédure restreinte et l'autre sur les adjudications selon la procédure ouverte. Ces règlements ont été eux-mêmes complétés par quatre règlements et trois annexes, et sont entrés en vigueur le 1er avril 1987 (point 8 de l'arrêt).

8 Il résulte notamment des points 90 et 125 de l'arrêt du Tribunal que les UPR visent essentiellement à assurer la désignation par les entreprises, et non par l'adjudicateur, de "l'ayant droit", lequel sera le seul à pouvoir contacter l'adjudicateur pour négocier le contenu et le prix de son offre, ainsi qu'à fixer les augmentations de prix qui seront supportées par l'adjudicateur, lesquelles comprennent essentiellement les indemnisations pour frais de calcul et les contributions aux frais de fonctionnement des organisations professionnelles, dont SPO. Les UPR prévoient en outre que ces augmentations couvrent l'ensemble des frais de calcul de l'ensemble des entreprises intéressées participant à la réunion et viennent s'ajouter au montant de l'offre que l'ayant droit fera à l'adjudicateur, c'est-à-dire qu'elles sont, selon les requérantes, imputées à l'ouvrage en vue duquel ces frais ont été exposés. Enfin, les soumissionnaires peuvent retirer les offres de prix envisagées après les avoir comparées à celles d'autres soumissionnaires.

9 Le 15 juin 1987, la Commission a effectué des vérifications auprès de SPO. C'est à la suite de celles-ci que, le 13 janvier 1988, SPO a notifié les UPR à la Commission, notification qu'elle a complétée le 13 juillet 1989, après modification des UPR. En novembre 1989, la Commission a décidé d'engager une procédure à l'encontre de SPO et, le 5 décembre 1989, elle lui a adressé une communication des griefs. Après une audition qui a eu lieu le 12 juin 1990, la Commission a adopté, le 5 février 1992, une décision de condamnation au titre de l'article 85 du traité CEE (points 10 à 23 de l'arrêt attaqué).

10 Dans cette décision, la Commission a constaté que les statuts de SPO du 10 décembre 1963, tels que modifiés par la suite, les deux UPR du 9 octobre 1986 et les règlements et annexes qui en font partie, les règlements antérieurs et similaires qu'ils ont remplacés et le code d'honneur, à l'exclusion de son article 10, constituaient des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Elle a en outre rejeté la demande d'exemption formulée au titre de l'article 85, paragraphe 3, et a condamné les requérantes à des amendes d'un montant total de 22 498 000 écus (points 22, 23 et 25 de l'arrêt).

11 Le 13 avril 1992, SPO et ses 28 membres ont formé devant le Tribunal de première instance un recours tendant à voir déclarer inexistante ou, à titre subsidiaire, annuler la décision de la Commission.

12 Par arrêt du 21 février 1995, le Tribunal a rejeté le recours, confirmant ainsi la décision de la Commission.

13 Le 27 avril 1995, SPO et ses 28 membres ont alors formé le présent pourvoi contre cet arrêt.

Les moyens avancés par les parties

14 A l'appui de leur pourvoi visant à l'annulation de l'arrêt du 21 février 1995, les requérantes invoquent deux moyens portant, l'un, sur la demande d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CE, et l'autre, sur la détermination du montant des amendes.

15 Les requérantes ne remettent donc pas en cause la partie de l'arrêt du Tribunal qui constate l'existence d'infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

16 Dans leur premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d'avoir, lors du contrôle de l'appréciation portée par la Commission sur leur demande d'exemption, violé les articles 85, paragraphe 3, et 190 du traité CEE, l'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité CEE (JO 1962, 13, p. 204), ou, à tout le moins, les principes généraux du droit communautaire sur la motivation des décisions et les droits de la défense.

17 L'article 85, paragraphe 3, est ainsi libellé:

"Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables:

- à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises,

- à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises et

- à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées

qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique" (1re condition)", tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte" (2e condition)", et sans:

a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs" (3e condition)",

b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence" (4e condition).

18 Dans la première branche du premier moyen, les requérantes font valoir que, pour pouvoir contrôler l'appréciation portée par la Commission sur les deuxième et troisième conditions d'exemption ainsi que sa motivation, le Tribunal aurait dû déterminer le "profit" en cause en examinant d'abord la première condition d'exemption à laquelle cette notion se réfère avant de passer à l'examen des autres conditions.

19 Dans la deuxième branche du premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d'avoir appliqué une série de critères juridiques inadéquats lors de son contrôle de l'appréciation portée par la Commission sur la deuxième condition d'exemption.

20 En premier lieu, il aurait exercé ce contrôle en faisant référence à la notion de concurrence et non à celle de profit telle que définie dans la première condition d'exemption de l'article 85, paragraphe 3, d'une part, en décidant que les règlements visant à lutter contre ce que les requérantes qualifient de concurrence ruineuse ne pourraient pas, "en principe", être exemptés parce qu'ils aboutissent nécessairement à restreindre la concurrence et, d'autre part, en indiquant notamment au point 294 de l'arrêt attaqué que les requérantes "aboutissent nécessairement à restreindre la concurrence et donc à priver les consommateurs de ses bénéfices".

21 En deuxième lieu, il aurait, au point 292, estimé que, dans le cadre de l'examen de la deuxième condition d'exemption, une analyse macro-économique n'était pas nécessaire. Il aurait en outre négligé de tenir compte de la position et du rôle des autorités néerlandaises pendant la période d'application des règlements.

22 En troisième lieu, il aurait, d'une part, estimé, au point 295, que le profit devait bénéficier à tous les utilisateurs sans distinction et, d'autre part, omis de prendre en considération le fait qu'il résultait de ses propres constatations figurant à la fin du point 296 que d'autres adjudicateurs que ceux dont il a envisagé la situation tiraient un bénéfice de l'application des règlements.

23 Dans la troisième branche du premier moyen, laquelle porte sur la troisième condition d'exemption, les requérantes reprochent au Tribunal d'avoir, en retenant le caractère unilatéral du processus de désignation de l'ayant droit, substitué sa propre appréciation des règlements en cause à celle de la Commission, en violation de la compétence exclusive accordée à cette dernière par l'article 9, paragraphe 1, du règlement n 17. Elles reprochent également au Tribunal d'avoir méconnu divers arguments invoqués par elles.

24 Dans leur second moyen, les requérantes, sans toujours développer leurs critiques, reprochent au Tribunal d'avoir violé les articles 85 et 190 du traité CE, les articles 4, paragraphe 2, et 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 ou les principes généraux de droit communautaire concernant la motivation des décisions, la sécurité juridique, la protection juridique et la proportionnalité, lors de son contrôle de l'évaluation par la Commission de la gravité des infractions qu'elle avait constatées. L'ensemble du moyen porte sur l'obligation qui, selon les requérantes, pèse sur la Commission et le Tribunal de prendre en compte le caractère plus ou moins intentionnel ("de propos délibéré ou par négligence") de l'infraction lors de l'évaluation de la gravité de celle-ci, gravité qui est un des deux critères de la détermination du montant de l'amende prévus par l'article 15, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 17.

25 Dans la première branche du second moyen, les requérantes reprochent au Tribunal de ne pas avoir vérifié dans chaque cas, lors de cette évaluation, si l'infraction avait été commise "de propos délibéré ou par négligence", condition figurant au premier alinéa de l'article 15, paragraphe 2.

26 Dans la deuxième branche, elles lui reprochent de ne pas avoir annulé la décision de la Commission qui le mettait dans l'impossibilité d'exercer son contrôle de l'application des critères litigieux parce que, au point 140, elle "négligeait de décider s'il y avait eu intention ou faute" pour les infractions remontant au moins au 1er octobre 1980, alors qu'elle l'aurait fait pour les autres infractions.

27 Dans la troisième branche, elles soutiennent, en substance, que l'éventuelle application de l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 17, lequel dispense certains accords de l'obligation de notification, est un élément dont le Tribunal devait obligatoirement tenir compte dans la détermination du montant de l'amende. Selon elles, cet élément impliquerait, par principe, que les infractions n'ont pu être commises que par négligence et non pas intentionnellement comme l'aurait retenu le Tribunal.

28 Dans son mémoire en réponse, la Commission conclut au rejet du pourvoi comme non fondé.

29 Sur la première branche du premier moyen, elle fait valoir que, compte tenu du caractère cumulatif des conditions d'exemption, l'on ne saurait reprocher au Tribunal de ne pas avoir examiné la première condition d'exemption. On ne pourrait pas non plus lui reprocher d'avoir, au regard des deuxième et troisième conditions d'exemption, retenu, pour son contrôle, la définition du "profit" invoquée par les requérantes elles-mêmes.

30 S'agissant de la deuxième branche du premier moyen, elle fait valoir que les différents griefs invoqués par les requérantes reposent sur une lecture erronée de l'arrêt du Tribunal ou portent sur des appréciations de fait qui ne relèvent pas du contrôle de la Cour saisie sur pourvoi.

31 Quant à la troisième branche du premier moyen, elle fait valoir que l'élément d'appréciation en cause, à savoir le caractère unilatéral du processus de désignation de l'ayant droit, faisait partie des débats puisqu'il figure en divers endroits de la décision de la Commission et que, au demeurant, aucune règle ne s'oppose à ce que le juge communautaire fasse intervenir, dans son contrôle de la légalité des actes des institutions, des arguments qui ne se retrouvent pas en tant que tels dans l'acte en cause, mais en confirment la justesse. Elle conclut au rejet des multiples autres arguments invoqués dans le cadre de ce moyen.

32 En ce qui concerne le second moyen, la Commission fait valoir tout d'abord que le Tribunal dispose d'une compétence de pleine juridiction pour le contrôle des décisions infligeant des amendes. Ensuite, sur les différentes branches du moyen, elle estime que les requérantes se sont livrées tout d'abord à une interprétation erronée des premier et second alinéas de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, qu'il convient de distinguer, puis à une lecture erronée du point 140 de la décision de la Commission, où figurent les termes critiqués, à savoir "intentionnellement ou à tout le moins par négligence", termes qui portent sur le point de savoir s'il est satisfait à la condition d'imposition des amendes figurant au premier alinéa de l'article 15, paragraphe 2, lequel ne distingue pas entre les deux cas. Elle fait enfin valoir que c'est à tort que les requérantes prétendent que leurs règlements relevaient de l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 17, prétention d'ailleurs rejetée par la décision de la Commission et par le Tribunal, cet article ne jouant par ailleurs aucun rôle obligatoire dans la fixation de l'amende ni dans la détermination de son montant.

L'appréciation de la Cour

33 En vertu de l'article 119 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, le rejeter par voie d'ordonnance motivée.

Sur le premier moyen

Sur la première branche

34 En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence d'examen, par le Tribunal, de la première condition d'exemption lors de son contrôle de l'appréciation portée par la Commission sur les deuxième et troisième conditions d'exemption, il convient de relever, en premier lieu, que le Tribunal a rappelé aux points 267 et 286 le caractère cumulatif des quatre conditions d'exemption et a indiqué "qu'il suffit dès lors qu'une seule de ces conditions ne soit pas remplie pour que la décision de rejet de la demande d'exemption introduite par les requérantes doive être confirmée".

35 En second lieu, il y a lieu de constater que le Tribunal, qui a rappelé, au point 288 de l'arrêt attaqué, le caractère limité de son contrôle des appréciations de la Commission en matière d'octroi d'une exemption au titre du paragraphe 3 de l'article 85, a tout d'abord exposé, au titre des arguments des parties, le profit qui était censé résulter des règlements selon les requérantes (points 268 à 271 pour la deuxième condition et point 301 pour la troisième), avant d'examiner ces arguments un par un, notamment aux points 293, 295, 296 et 298 ainsi qu'aux points 310 et suivants.

36 Dès lors que la deuxième condition d'exemption porte sur la répartition du profit et non pas sur son existence, le Tribunal pouvait, comme il l'a fait, retenir la définition du profit invoquée par les requérantes, une telle attitude ne leur faisant nullement grief.

37 Il s'ensuit que la première branche du premier moyen doit être rejetée comme manifestement non fondée.

Sur la deuxième branche

38 Le reproche selon lequel le Tribunal aurait appliqué une série de critères juridiques inadéquats lors de son contrôle de l'appréciation portée par la Commission sur la deuxième condition d'exemption, relative à la répartition du profit, est manifestement non fondé.

39 L'ensemble du premier argument invoqué repose sur une lecture manifestement erronée de l'arrêt. Il suffit de lire le passage litigieux (point 294, in fine) dans son contexte pour le constater. En effet, dans cette partie de l'arrêt, le Tribunal se place, à juste titre en matière d'octroi d'une exemption, dans le cadre d'un simple contrôle de l'erreur manifeste de l'appréciation de la Commission (point 288). Statuant dans le cadre de l'examen de la deuxième condition d'exemption (répartition équitable du profit censé résulter des règlements litigieux), il constate simplement que le profit censé résulter de la lutte contre ce que les requérantes qualifient de concurrence ruineuse (début du passage litigieux) ne bénéficie pas aux consommateurs. En statuant comme il l'a fait, le Tribunal n'a opéré aucune confusion entre le paragraphe 1 de l'article 85 (existence de restrictions de concurrence) et son paragraphe 3 (conditions d'exemption).

40 Le deuxième argument des requérantes vise le point 292 et repose également sur une lecture manifestement erronée de l'arrêt. En effet, il ressort de la simple lecture de celui-ci que le Tribunal n'a pas adopté, comme le laissent entendre les requérantes, une position de principe excluant les analyses macro-économiques de l'appréciation des ententes au regard de la deuxième condition d'exemption de l'article 85, paragraphe 3.

41 En effet, après avoir rappelé, aux points 288 et 289 de son arrêt, le caractère limité de son pouvoir de contrôle en matière d'exemption des ententes, l'article 9 du règlement n° 17 ayant conféré à la Commission une compétence exclusive, le Tribunal a examiné, aux points 290 et 291, si c'est à bon droit que la Commission n'a pas retenu le profit invoqué par les requérantes au niveau macro-économique, avant de conclure, au point 292, que la Commission, en mettant en balance l'analyse macro-économique des requérantes et sa propre analyse micro-économique, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

42 Par ailleurs, l'attitude des autorités nationales pendant la période d'application des règlements est un élément de fait que le Tribunal statuant au regard du droit communautaire n'était nullement tenu de prendre en compte lors de son appréciation concernant la deuxième condition d'exemption.

43 Quant au troisième argument, sa première partie repose elle aussi sur une lecture manifestement erronée du point 295 de l'arrêt attaqué. En effet, le Tribunal n'y a jamais admis, comme l'affirment les requérantes, que les avantages identifiés devaient profiter à tous les utilisateurs sans distinction, mais il a seulement relevé les limites des avantages invoqués par les requérantes, au moyen de constatations de fait qui, par ailleurs, échappent, comme telles, au contrôle de la Cour saisie sur pourvoi.

44 Dans la seconde partie de cet argument, les requérantes reprochent au Tribunal d'avoir omis de prendre en considération le fait que, en l'absence des règlements, les frais de calcul occasionnés par les adjudicateurs qui sollicitent un grand nombre d'entreprises seraient incorporés par celles-ci dans leurs frais généraux et répercutés ainsi sur d'autres adjudicateurs et que, en empêchant cela, les règlements bénéficieraient, selon elles, à d'autres adjudicateurs que ceux envisagés par le Tribunal.

45 Or, il résulte clairement du début du point 296 que le Tribunal a expressément examiné la question de savoir à qui profitait exactement le bénéfice que ces autres adjudicateurs étaient censés en tirer, et ce pour le mettre en balance avec ses inconvénients propres et avec les limites de sa répartition.

46 Dès lors, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée dans son ensemble comme manifestement non fondée.

Sur la troisième branche

47 Sans même entrer dans le détail des arguments des requérantes, il convient de rappeler que, aux termes d'une jurisprudence constante, la Cour rejette d'emblée les griefs dirigés contre des motifs surabondants d'un arrêt du Tribunal, puisque ceux-ci ne sauraient entraîner son annulation (voir, notamment, arrêts du 22 décembre 1993, Pincherle/Commission, C-244-91 P, Rec. p. I-6965, point 25, et du 18 mars 1993, Parlement/Frederiksen, C-35-92 P, Rec. p. I-991).

48 En l'espèce, il convient de relever que, au point 267 de l'arrêt, lors de l'examen des conditions d'octroi de l'exemption, le Tribunal a, à juste titre, "rappelé, à titre liminaire, que les quatre conditions d'octroi d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité sont cumulatives... et qu'il suffit dès lors qu'une seule de ces conditions ne soit pas remplie pour que la décision de rejet de la demande d'exemption introduite par les requérantes doive être confirmée" (voir également le point 286) et que, d'ailleurs, après être parvenu à la conclusion, au point 300, que la deuxième condition d'exemption n'était pas remplie, il a précisé, au point 310 de l'arrêt attaqué, que c'était "à titre surabondant" qu'il constatait que la troisième condition d'exemption n'était pas non plus remplie.

49 Dès lors qu'il résulte des points 35 et 44 de la présente ordonnance que le Tribunal n'a pas violé le droit communautaire en concluant que la deuxième condition d'exemption n'était pas remplie, la troisième branche du premier moyen est inopérante et ne peut donc manifestement fonder le pourvoi.

Sur le second moyen

Sur les deux premières branches

50 Ce moyen porte sur la détermination du montant de l'amende visée au second alinéa de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n 17.

51 Dans la première branche, les requérantes partent de la prémisse erronée selon laquelle la gravité des infractions commises, un des deux critères d'application prévus, aurait obligatoirement dû être appréciée en fonction de la condition figurant au premier alinéa de cette disposition, lequel impose que les infractions soient commises de propos délibéré ou par négligence.

52 Dans la deuxième branche, elles prétendent au surplus et de manière également erronée que le Tribunal aurait dû annuler la décision de la Commission qui, en ne distinguant pas, au point 140 de sa décision, entre les infractions commises de propos délibéré et celles commises par négligence, le mettait dans l'impossibilité d'exercer son contrôle.

53 Or, il convient tout d'abord de constater qu'il résulte des termes clairs et précis de l'article 15, paragraphe 2, que celui-ci traite de deux questions distinctes. D'une part, il détermine les conditions qui doivent être remplies pour que la Commission puisse infliger des amendes (conditions d'ouverture); parmi ces conditions, figure celle relative au caractère délibéré ou négligent de l'infraction (premier alinéa). D'autre part, il réglemente la détermination du montant de l'amende, laquelle est fonction de la gravité et de la durée de l'infraction (second alinéa). Cette distinction évidente sous-tend l'ensemble de la jurisprudence de la Cour relative à cette disposition.

54 Sur la première branche, il y a lieu ensuite de relever que le second alinéa de l'article 15, paragraphe 2, ne prévoit aucun renvoi obligatoire (ni d'ailleurs facultatif) aux conditions d'ouverture du premier alinéa, pas plus d'ailleurs que la jurisprudence de la Cour relative à la détermination du montant des amendes. Il ressort en effet de celle-ci que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte.

55 Au surplus, il convient d'observer que, comme le souligne la Commission, les infractions commises par négligence ne sont pas, du point de vue de la concurrence, moins graves que les infractions commises de manière délibérée.

56 Sur la deuxième branche, il suffit de relever que le point 140 de la décision de la Commission concerne bien les conditions d'imposition des amendes et que le premier alinéa de l'article 15, paragraphe 2, comme la jurisprudence de la Cour, ne distingue pas les deux cas d'ouverture, lesquels sont mentionnés à titre alternatif.

57 Dans ces conditions, le Tribunal n'était pas tenu de vérifier, afin de déterminer la gravité de l'infraction, si celle-ci avait été commise délibérément ou par négligence, et encore moins de distinguer les deux cas. Les deux premières branches du second moyen doivent donc être rejetées comme manifestement non fondées.

Sur la troisième branche

58 Les requérantes soutenant qu'il y a lieu, lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction, de tenir compte d'une éventuelle application de l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 17, il suffit de constater que, aux fins de la détermination du montant de l'amende, rien dans le texte de l'article 15, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 17, ni dans le texte de l'article 4, paragraphe 2, de ce même règlement ni dans la jurisprudence de la Cour n'oblige la Commission ou le Tribunal à en tenir compte. Au surplus, il convient d'observer que, comme le Tribunal l'a indiqué à juste titre, les parties disposent toujours, dans un tel cas, de la faculté de notifier leurs accords à la Commission afin de bénéficier d'une immunité d'amende.

59 La troisième branche du second moyen doit donc être également rejetée.

60 Dès lors, en application de l'article 119 du règlement de procédure, le pourvoi doit être rejeté comme manifestement non fondé.

Sur les dépens

61 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les parties requérantes ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner solidairement aux dépens.

Par ces motifs, LA COUR ordonne : 1) Le pourvoi est rejeté.