CCE, 23 juillet 1974, n° 74-431
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Papiers peints de Belgique
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 85, vu le règlement nº 17 du Conseil, du 6 février 1962 (1), et notamment ses articles 1, 3, 6 et 15, vu la notification présentée le 30 octobre 1962 par le groupement des fabricants de papiers peints de Belgique, vu les plaintes déposées conformément à l'article 3 du règlement nº 17 par l'Interessengemeinschaft der Deutschen Tapetenfabrikanten, M. Jean-Marie Pex, à Bruxelles, et GB entreprises SA, à Anvers, vu la décision de la Commission, du 14 juin 1973, d'engager la procédure dans cette affaire, après avoir entendu les entreprises en cause, conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement nº 17 et aux dispositions du règlement nº 99-63 (2), vu l'avis du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes recueilli, conformément à l'article 10 du règlement nº 17, le 26 juin 1974, Considérant que les faits sont les suivants:
I. Les faits
A. Le groupement des fabricants de papiers peints de Belgique
1. Le groupement des fabricants de papiers peints de Belgique, fondé en 1922, se compose des quatre sociétés membres suivantes:
- SC usines Peters Lacroix SA,
- Les papeteries de Genval SA,
- Etablissements Vanderborght frères SA,
- Les papiers peints Brepols SA
2. Le groupement est régi par le règlement d'ordre intérieur dans sa dernière version de juillet 1971, dont les dispositions essentielles en l'espèce sont reprises ci-dessous:
3. Seuls les fabricants de papiers peints établis en Belgique peuvent devenir membres (point 2 du règlement).
4. La surveillance de l'application du règlement est confiée à un "trustee" ou expert (point 7 du règlement).
5. En vue d'harmoniser les conditions de commercialisation du papier peint, le groupement arrête tous les deux ans un "barème-cadre" qui fixe notamment les catégories de prix et la qualité (point 10 du règlement).
6. Au "barème-cadre" correspond un "barème de prix" qui indique les prix départ usine pour les deux types de vente, "prix de voyage" et "prix de carte" ainsi que les prix de revente au public (point 11 du règlement).
7. Afin de contrôler si le "barème-cadre" a été appliqué correctement, tous les membres doivent présenter leur collection complète classée par ordre de prix, par qualité (poids du papier) et par couleur, cinq jours au moins avant le début de la campagne (point 12 du règlement).
8. Les membres conviennent d'uniformiser leurs conditions générales de vente. Ces conditions sont fondées sur les principes suivants:
- instauration de prix imposés à la vente et à la revente,
- octroi d'une ristourne, dite "prime de coopération", dont le montant est déterminé en fonction du volume des achats annuels effectués auprès de l'ensemble des membres (point 20 du règlement).
9. Les conditions générales de vente règlent notamment:
- les conditions d'expédition,
- les conditions de fourniture gratuite de cartes,
- les termes de paiement,
- le refus des retours,
- les conditions d'acceptation des réclamations,
- les conditions de la prime de coopération,
- la longueur des rouleaux,
- l'obligation de respecter les prix de revente à l'affichage et en publicité,
- les prix imposés pour les soldes,
- l'obligation de l'acheteur de faire respecter les conditions générales de vente par les revendeurs,
- les sanctions prévues en cas de non-respect, (Point 210 du règlement).
10. Une circulaire particulière, qui étend le barème de la prime de coopération et fixe les conditions de confection des collections pour les grossistes, est envoyée aux "gros preneurs" (point 211 du règlement).
11. Aucun escompte n'est accordé (point 22 du règlement).
12. Le délai de paiement est de 30 jours fin de mois ; il peut être porté à 60, 90 ou 120 jours en fonction de l'importance des commandes (point 23 du règlement).
13. La remise sur les fournitures pour usage personnel est fixée à 33 1/3 % ; les quantités qui peuvent être livrées à ces conditions sont limitées et sont contrôlées par le trustee (point 30 du règlement).
14. Pour les financements accordés par les membres à leurs clients revendeurs, il sera réclamé un intérêt correspondant au taux d'escompte de la Banque nationale majoré de 0,5 % (point 31 du règlement).
15. Les fournitures directes ou indirectes aux coopératives sont interdites ; toutefois, cette interdiction n'est pas applicable aux coopératives dont le nom figure sur une liste détenue par le trustee (point 32 du règlement).
16. Les fournitures à des commissionnaires-vendeurs ou à des commissionnaires-acheteurs sont interdites (point 33 du règlement).
17. Pour bénéficier de la réduction de prix de la "vente-voyage", la commande doit atteindre un volume minimal (point 40 du règlement).
18. Le début de la campagne de vente est fixé uniformément au premier samedi de septembre (point 410 du règlement). Les collections ne peuvent être déposées chez les clients avant cette date (point 411 du règlement).
19. Les fabricants échangent leurs collections au siège du groupement le lundi qui suit le début de la campagne (point 412 du règlement).
20. La fin de la campagne est fixée à fin février (point 413 du règlement).
21. Des cartes sont remises gratuitement en fonction du volume des commandes ; elles portent le sigle du groupement (point 420 du règlement).
Le prix des cartes supplémentaires est fixé de façon uniforme à 250 FB pièce (point 421 du règlement).
22. Des articles autres que les papiers peints ne peuvent être intercalés dans les collections de choix que s'ils proviennent d'un membre (point 423 du règlement).
23. Lorsque les clients le désirent, la confection des cartes est centralisée chez un membre (point 424 du règlement).
24. Les commandes au prix préférentiel dit "prix de voyage" doivent être exécutées entre le 2 novembre et la fin avril (point 44 du règlement). Le prix de voyage n'est accordé au début de la campagne que pour les commandes importantes.
25. Toutes les ventes qui ne remplissent pas les conditions du prix de voyage doivent être exécutées au prix normal dit "prix de carte" (point 50 du règlement).
26. Le statut d'acheteur est subordonné à la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel minimal selon l'échelle suivante:
première année : 4 000 FB,
deuxième année : 6 000 FB,
troisième année : 10 000 FB,
(point 52 du règlement).
27. Les membres sont tenus de n'effectuer aucune livraison le samedi ; ils s'entendent au sujet des dates de fermeture annuelle de leurs dépôts régionaux (point 53 du règlement).
28. Pour les ventes en soldes, le groupement fixe:
- la date (points 63 et 64 du règlement),
- les prix et autres conditions (point 62 du règlement),
- les produits qui peuvent être vendus (points 600, 601 et 602 du règlement).
29. Est grossiste uniquement celui qui a été reconnu comme tel par le groupement et qui réalise un chiffre d'affaires de 800 000 FB par an avec l'ensemble des membres (point 70 du règlement).
30. Des avantages particuliers sont réservés aux grossistes agréés (point 71 du règlement) ; les cartes leur sont livrées à des prix particulièrement favorables ; une péréquation n'a pas lieu entre les membres du groupe ; la société Rath & Doodeheefver bénéficie également de cet avantage ; en contrepartie, les grossistes sont soumis à des obligations particulières, comme par exemple de respecter et faire respecter par leurs acheteurs les prix et conditions du groupement et de ne pas distribuer leurs collections avant le 15 janvier (point 72 du règlement).
31. Seuls les grossistes dont le nom figure depuis septembre 1964 sur une liste détenue par le trustee bénéficient du prix de voyage préférentiel (point 73 du règlement).
32. Le groupement entreprend une action collective de promotions sous la marque "Decorgroup" en mettant notamment en œuvre les moyens suivants:
- l'édition de brochures publicitaires,
- la rédaction et la publication d'articles de presse illustrés,
- la participation à des foires,
- une promotion des ventes auprès des professionnels du papier peint,
- une promotion des ventes auprès des détaillants,
- une campagne publicitaire dans les écoles techniques.
(Point 80 du règlement).
33. L'action de promotion a également pour objet de créer auprès de la clientèle un climat favorable au groupement et, en particulier, à sa politique de prix imposés (point 80 du règlement).
34. La publicité individuelle par les membres n'est autorisée que dans des proportions restreintes ; dans les foires, elle n'est admise que si elle porte en même temps sur d'autres produits d'un membre ; les membres ne peuvent participer individuellement aux expositions consacrées uniquement au papier peint. Toute action publicitaire individuelle doit utiliser la marque commune Decorgroup (point 81 du règlement).
35. Sur la base du règlement d'ordre intérieur, le groupement a arrêté ses conditions générales de vente (circulaire 619), qui comportent les diverses dispositions concernant:
- la ristourne dite "prime de coopération",
- l'obligation de respecter les prix imposés et de les afficher,
- l'interdiction d'afficher des prix inférieurs ou des remises,
- l'obligation de respecter les prix des soldes, même si les marchandises n'ont pas été achetées à des membres du groupement,
- l'interdiction du découpage gratuit de papiers peints et le prix de ce découpage,
- l'obligation de faire respecter par leurs clients les obligations résultant des conditions générales de vente,
- l'indication qu'un membre du groupement peut refuser d'effectuer des livraisons sans devoir en justifier les raisons.
36. La circulaire 619 contient en outre le barème ci-après de la prime de coopération:
3,75 % pour 32 250 FB de chiffre d'affaires total minimal,
+ 4,75 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 32 251 et 43 000 FB,
+ 5,50 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 43 001 et 64 500 FB,
+ 6,50 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 64 501 et 86 000 FB,
+ 7,50 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 86 001 et 107 500 FB,
+ 8,50 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 107 501 et 129 000 FB,
+ 9,50 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 129 001 et 150 500 FB,
+ 10,50 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 150 501 et 172 000 FB,
+ 11,50 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 172 001 et 193 500 FB,
+ 12,50 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 193 501 et 215 000 FB,
+ 13,50 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 215 001 et 236 500 FB,
+ 14,50 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 236 501 et 258 000 FB,
+ 15,50 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 258 001 et 279 000 FB,
+ 16,50 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 279 001 et 301 000 FB,
37. La circulaire 620 aux "gros preneurs" contient le barème complémentaire suivant de la prime de coopération:
+ 16 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 301 000 et 1 075 000 FB, + 17 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 1 075 001 et 2 150 000 FB,
+ 18,50 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 2 150 001 et 3 225 000 FB,
+ 19 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 3 225 001 et 4 300 000 FB,
+ 20,50 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 4 300 001 et 5 375 000 FB,
+ 21,50 % sur le chiffre d'affaires se situant entre 5 375 001 et 6 450 000 FB,
18,50 % sur le chiffre d'affaires total au-delà de 6 450 000 FB,
et, en outre, les conditions d'achat de cartes à prix réduit.
38. La circulaire 617 V contient le barème des prix de voyage pour les catégories de qualité A 1 à R 3, en indiquant le prix de voyage hors TVA et, en plus, le prix de vente au public, TVA 18 % incluse.
39. La circulaire 617 C contient le barème des prix de carte, également pour les catégories de qualité A 1 à R 3, respectivement pour les achats de 6 rouleaux et moins, de 7 rouleaux et plus et par 24 rouleaux, hors TVA, et, en outre, le prix de vente au public, TVA 18 % incluse.
40. M. Jean-Marie Pex, négociant en papiers peints établi à Bruxelles, a acheté aux membres du groupement, à l'exception des établissements Vanderborght Frères SA, des papiers peints qu'il a revendus ensuite à GB entreprises SA. Celle-ci a affiché les prix de ces papiers peints avec une ristourne, comme elle le fait habituellement dans ses magasins à libre service.
Après une action individuelle de l'entreprise papiers peints Brepols SA qui, par circulaire du 4 octobre 1971 à tous ses clients, annonçait qu'elle avait rompu ses relations commerciales avec un grossiste (il s'agit de Pex) en raison de la pratique par GB entreprises SA de prix inférieurs de 10 à 15 % à ceux du barème, le groupement a adressé, le 29 octobre 1971, à tous ses clients une circulaire attirant leur attention, à l'occasion de l'affaire Pex, sur l'obligation qui leur est faite dans les conditions générales de vente d'imposer à leur propre clientèle le respect des prix imposés.
Depuis cette date, les membres du groupement refusent de fournir à M. Pex et à l'entreprise International Decor, à Bruxelles, qui travaille avec lui. Lors de l'audition du 18 décembre 1973, le groupement et ses membres ont déclaré qu'ils continueraient à n'assurer aucune fourniture à M. Pex tant que celui-ci ne respecterait pas les conditions générales de vente et ne s'acquitterait pas de sa dette vis-à-vis de l'entreprise papiers peints Brepols SA.
41. Dans un magasin à libre service de GB entreprises SA, le groupement a constaté que des papiers peints provenant de ses membres ont été vendus à des prix supérieurs à ceux prescrits par les barèmes.
42. Le 30 octobre 1962, maîtres De Coninck et Lainé ont, au nom des quatre membres du groupement, notifié sur formulaire B ce qui suit à la Commission:
a) La SA Rath & Doodeheefver a été informée de la notification par l'envoi d'une copie (formulaire, rubrique I, 2);
b) La rubrique II, 1 du formulaire est biffée;
c) Dans la rubrique II, 2, il est dit:
- fixation des critères de qualité,
- fixation des prix, rabais et ristournes tant à la vente qu'à la revente,
- détermination du nombre d'articles à incorporer dans chaque catégorie annuelle,
- publicité collective;
d) Dans la rubrique II, 3, il est encore dit:
ad a) accord de base conclu en 1922,
ad b) en 1922 - renouvelable annuellement en tout ou en partie,
ad c) fabrication et distribution de papiers peints,
ad d) améliorer la production et la distribution des produits;
e) Dans la rubrique III, 1, il est répondu comme suit à la première question:
Oui - observance des prix de vente, du barème, de la ristourne collective et des conditions générales de vente. Il est répondu expressément par "non" aux autres questions;
f) Des procurations des quatre membres du groupement sont jointes à la notification ; il manque cependant les textes du règlement d'ordre intérieur, des conditions générales de vente et des barèmes de prix.
B. Les objections des entreprises en cause contre les griefs de la Commission
1. Le groupement indique qu'il vend moins de 50 % des papiers peints utilisés en Belgique ; les importations n'ont pas cessé de progresser depuis 1962 ; en particulier, les importations en provenance d'Allemagne sont passées de 610 000 kg pour une valeur de 15 750 000 FB en 1962 à 3 044 000 kg pour une valeur de 155 191 000 FB en 1972. Les importations en provenance des huit pays membres de la Communauté sont passées de 1 689 000 kg pour une valeur de 42 527 000 FB en 1962 à 7 877 200 kg pour une valeur de 424 133 000 FB en 1972.
2. Certaines des dispositions mises en cause par la Commission dans sa communication des griefs du 26 octobre 1973 n'auraient qu'une portée négligeable ou ne seraient plus appliquées. Toutefois, le groupement n'a pas déclaré avoir abrogé ces clauses.
3. Le groupement n'insisterait plus sur le respect des prix de vente au public et n'interdirait plus que l'affichage ou l'annonce de remises.
Ceci est néanmoins contredit par les barèmes et par une lettre adressée le 22 octobre 1973 par le groupement à GB entreprises SA, où l'on peut lire:
"Votre société n'ignore pas que les membres de notre groupement fixent les prix pour la revente de leurs produits. Elle les viole cependant délibérément ..."
4. Le groupement explique les lacunes de la notification par l'insécurité du droit que l'on connaissait encore en 1962. Le groupement n'a cependant pas donné suite à la suggestion de la Commission que l'un des avocats qui avaient procédé à la notification fasse une déclaration à ce sujet au cours de l'audition.
II. Appréciation au regard de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE
A. Le règlement d'ordre intérieur du groupement
1. Considérant que le règlement est un accord entre les quatre membres du groupement et, partant, un accord entre entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1;
2. Considérant que les dispositions suivantes du règlement ont pour objet de restreindre le jeu de la concurrence dans la vente de papiers peints en Belgique:
a) la limitation de la qualité de membre aux entreprises établies en Belgique ; l'accès au marché belge se trouve ainsi rendu plus difficile aux entreprises d'autres pays qui n'ont aucun établissement en Belgique;
b) la fixation des prix, des catégories de prix et des qualités dans le barème-cadre;
c) la fixation des prix de voyage et des prix de carte;
d) l'échange des collections afin de contrôler l'application du barème-cadre ; cet échange sert à contrôler et, partant, à maintenir et renforcer la restriction de concurrence convenue;
e) l'obligation d'uniformiser les conditions générales de vente;
f) la fixation de la prime de coopération;
g) l'interdiction d'accorder un escompte;
h) l'uniformisation du délai de paiement;
i) la fixation de la remise pour usage personnel;
j) la fixation du taux d'intérêt des financements accordés aux clients revendeurs.
Les restrictions e) à j) excluent toute formation individuelle des prix et conditions des membres du groupement;
k) l'interdiction de livrer à des coopératives d'achat et à des commissionnaires-vendeurs ou commissionnaires-acheteurs ; cette interdiction entrave l'action d'entreprises qui cherchent traditionnellement à faire baisser le niveau des prix;
l) la fixation uniforme d'une quantité minimale pour le prix de voyage;
m) les accords relatifs au début, aux modalités et à la fin des campagnes;
n) l'accord relatif à la remise (payante ou gratuite) des cartes;
o) la centralisation de la confection des cartes;
p) les accords relatifs aux définitions des prix de voyage et des prix de carte;
q) la fixation d'une quantité minimale pour bénéficier du statut d'acheteur;
r) l'interdiction de livrer le samedi et la fixation, d'un commun accord, des dates de fermeture annuelle des dépôts;
s) la fixation des dates, prix et conditions des ventes de soldes;
t) la fixation de la définition des grossistes et l'accord relatif à la fourniture de cartes auxdits grossistes. Les obligations énoncées aux lettres l) à t) règlent le comportement sur le marché, en dehors des prix et conditions. Elles empêchent un membre du groupement de mettre individuellement de meilleurs services et un matériel publicitaire plus complet à la disposition de sa clientèle;
u) la publicité collective et l'utilisation commune de la marque "Decorgroup" et la restriction concomitante de la publicité individuelle des divers membres.
Cette obligation empêche qu'un membre du groupement cherche, par sa propre publicité, à s'assurer un avantage concurrentiel.
B. La circulaire 619 sur la campagne 1971/1973 (conditions générales de vente) et la circulaire 620 aux gros preneurs
1. Considérant que le groupement est une association d'entreprises et que les circulaires 619 et 620, publiées par ses soins, constituent des décisions d'une association d'entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1;
2. Considérant que les dispositions des circulaires 619 et 620, dès lors qu'elles font partie intégrante d'un contrat passé entre un membre du groupement et ses clients, constituent en outre un accord entre entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1;
3. Considérant que les dispositions suivantes de la circulaire 619 ont pour objet de restreindre le jeu de la concurrence dans la vente de papiers peints en Belgique:
a) l'obligation de respecter et d'afficher les prix imposés;
b) l'interdiction d'afficher des prix inférieurs ou de remises;
c) l'obligation de respecter les prix de vente des soldes;
d) l'interdiction du découpage gratuit et la fixation du prix de ce découpage;
e) l'obligation de faire respecter par tout acheteur les obligations résultant des conditions générales de vente;
4. Considérant, en outre, que le barème de la prime de coopération, prévu par les circulaires 619 et 620 et dont le pourcentage est déterminé par la somme totale de l'ensemble des achats effectués auprès des membres du groupement dans le courant d'une année, a pour objet et pour effet de restreindre la concurrence de tous les autres fabricants de papiers peints qui ne sont pas membres du groupement ; que ce système de remises cumulées sur le chiffre d'affaires total entraîne une concentration des commandes auprès des membres du groupement ; que l'échelonnement de la remise en fonction de tranches déterminées du chiffre d'affaires total incite le client qui a déjà couvert une partie de ses besoins auprès des membres du groupement à concentrer tous ses achats auprès de ceux-ci afin d'obtenir la remise la plus élevée possible (voir décision de la Commission du 29 décembre 1970, JO nº L 10 du 13 janvier 1971);
Que, partant, le barème de la prime de coopération entraîne un traitement différent de partenaires commerciaux pour des prestations équivalentes; qu'un acheteur belge, qui effectue un achat d'un montant donné auprès d'un membre du groupement, obtient, à la suite d'un achat supplémentaire auprès d'un autre membre du groupement, une remise plus élevée que celui qui achète une quantité identique de papiers peints de même qualité auprès du même producteur, mais effectue l'achat supplémentaire auprès d'un producteur non membre du groupement; que l'achat auprès du fabricant non membre du groupement n'est pas pris en considération dans le calcul du taux de remise à accorder à cet acheteur;
Que s'il est vrai, comme l'objecte le groupement, que les taux de progression de son barème de remises sont beaucoup plus faibles que ceux qui ont motivé la décision susmentionnée de la Commission du 29 décembre 1970, cette objection ne modifie cependant en rien l'appréciation ; qu'il convient de considérer le barème de remises du groupement dans le contexte de toutes les autres restrictions de concurrence imposées par le groupement qui constituent une vaste organisation du marché excluant la concurrence entre les membres du groupement;
Que l'annonce faite par le groupement, notamment dans sa lettre du 26 avril 1974, d'incorporer les achats de papiers peints en provenance soit d'Allemagne, soit de tous les pays de la Communauté, dans le calcul de la prime de coopération ne saurait pas davantage modifier l'appréciation, étant donné qu'un accord en matière de remises cumulées, qui prévoit la prise en considération de tous les achats auprès des fabricants membres et non membres, constitue également une restriction de concurrence interdite par l'article 85 paragraphe 1 et ne remplissant pas les conditions requises par l'article 85 paragraphe 3 (voir décision de la Commission du 3 juillet 1973, JO nº L 217 du 6 août 1973, page 34).
C. Les circulaires 617 V et 617 C
1. Considérant que ces deux circulaires constituent également des décisions d'une association d'entreprises et, dès lors, qu'elles font partie intégrante d'un contrat passé entre un membre du groupement et ses clients, des accords entre entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1;
2. Considérant que les circulaires 617 V et 617 C ont pour objet d'éliminer la concurrence en matière de prix entre les membres du groupement;
3. Considérant, en outre, qu'en imposant les prix de revente, elles ont pour objet d'éliminer la concurrence de prix entre les négociants en papiers peints ; que l'objection présentée par le groupement et ses membres selon laquelle ils ne pratiqueraient plus de prix imposés et se borneraient à interdire l'affichage et l'annonce de remises est réfutée ; que même si tel était le cas, l'appréciation ne s'en trouverait cependant pas modifiée ; que, en effet, la fixation collective d'un prix, même simplement indicatif, affecte le jeu de la concurrence par le fait qu'il permet à tous les participants de prévoir avec un degré raisonnable de certitude quelle sera la politique de prix poursuivie par leurs concurrents (voir arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 17 octobre 1972, affaire 8-72, recueil XVIII, 1972, pages 977, 991).
D. Le boycottage de Pex, négociant en papiers peints, et de l'entreprise International Decor 1. Considérant que la résolution prise en octobre 1971 par le groupement de cesser les livraisons à Pex et à International Decor constitue une décision d'une association d'entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1;
2. Considérant que cette décision restreint la concurrence que Pex et International Decor faisaient jusqu'alors à d'autres négociants en papiers peints;
3. Considérant que l'argument avancé par le groupement et ses membres selon lequel le refus de livrer serait justifié par le fait que Pex ne respecte pas les conditions générales de vente ni, par conséquent, les prix imposés et ne garantit pas non plus leur respect par ses clients, n'est pas fondé; que, en effet, les conditions générales de vente et les prix imposés collectivement constituent des infractions à l'article 85 paragraphe 1; que Pex peut refuser de les respecter pour ne pas commettre lui-même une infraction à l'article 85 paragraphe 1;
Que l'autre argument, selon lequel Pex aurait des dettes auprès de papiers peints Brepols SA, membre du groupement, ne justifie en aucun cas que les autres membres du groupement cessent leurs fournitures à Pex; que l'argument n'est d'ailleurs même pas fondé en ce qui concerne l'entreprise papiers peints Brepols SA, car les dettes de Pex à son égard remontent à une époque (première facture impayée du 29 juin 1971, venant à échéance le 30 septembre 1971 ; deuxième facture impayée du 30 août 1971, venant à échéance le 30 novembre 1971) où l'entreprise papiers peints Brepols SA, par circulaire du 4 octobre 1971, invitait à boycotter M. Pex, engageant ainsi le processus qui a abouti à la décision de boycottage prise par le groupement le 29 octobre 1971;
Que le dernier argument du groupement, selon lequel la GB entreprises SA, approvisionnée par Pex, ne respecterait pas les prix fixés par le groupement et l'interdiction d'afficher des remises, n'est pas fondé, même si, dans certains cas, GB entreprises SA a exigé du public des prix supérieurs aux prix fixés ; que, en effet GB entreprises SA est libre de former ses prix comme elle l'entend.
E. Atteinte au commerce entre Etats membres
Considérant que l'accord sur le règlement d'ordre intérieur et les décisions fondées sur celui-ci sont également susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres;
Que cela ressort déjà du fait que l'accord et les décisions en cause visent également les papiers peints fabriqués hors de Belgique et vendus en Belgique par les membres du groupement; que, en outre, le système de remises cumulées sur le chiffre d'affaires total empêche les importations de papiers peints en Belgique; que l'accord et les décisions fondées sur celui-ci affectent directement la liberté des échanges entre Etats membres d'une manière préjudiciable à la réalisation des objectifs d'un marché unique ; qu'une entente s'étendant à l'ensemble du territoire d'un Etat membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité et assurant une protection à la production nationale(voir arrêt de la Cour de justice du 17 octobre 1972, affaire 8-72, recueil XVIII, 1972, page 991).
III. Appréciation au regard de l'article 85 paragraphe 3
Considérant qu'une décision d'application de l'article 85 paragraphe 3 ne peut être rendue, car il n'apparaît pas que l'accord et les décisions fondées sur celui-ci contribuent à améliorer la production et la distribution de papiers peints ; que, en outre, cet accord et ces décisions, par des ententes collectives de prix et par l'effet négatif que le système des remises cumulées sur le chiffre d'affaires total exerce sur les importations, visent à maintenir artificiellement le prix des papiers peints en Belgique à un niveau élevé, de sorte que les utilisateurs non seulement n'en tirent aucun profit, mais s'en trouvent au contraire lésés;
Considérant qu'à cela le groupement a objecté que son système de catégories de qualité facilite le choix de l'utilisateur parmi une offre de plusieurs centaines de modèles et contribue ainsi à améliorer la distribution ; que la Commission n'exclut pas que tel soit le cas ; que les membres du groupement gardent la faculté de conclure un accord sur les catégories de qualité sans aucune référence aux prix et de le notifier régulièrement à la Commission, qui examinera si les conditions requises par l'article 85 paragraphe 3 sont remplies ; que, toutefois, tant que les catégories de qualité ne constituent qu'une faible partie - éventuellement susceptible d'une appréciation positive - d'une organisation de marché interdite dans son ensemble par l'article 85 paragraphe 1, la Commission n'est pas en mesure, en l'absence d'une demande des entreprises intéressées dans ce sens, de se prononcer isolément sur les catégories de qualité ; que, jusqu'à la fin de l'audition, les entreprises concernées ont, au contraire, insisté pour maintenir l'ensemble de leur système.
IV. Application de l'article 3 et de l'article 15 paragraphe 2 du règlement nº 17
1. Considérant que, conformément à l'article 15 paragraphe 5 du règlement nº 17, des amendes ne peuvent être infligées au groupement et à ses membres pour les agissements qui restent dans les limites de l'activité décrite dans la notification;
2. Considérant que la Commission laisse de côté la question de savoir si les membres du groupement, en notifiant leurs accords et décisions restrictifs, étaient de bonne foi ou s'ils n'ont pas tenté de dissimuler à la Commission la portée réelle de la réglementation très détaillée du marché, en adoptant volontairement une formulation vague et en taisant sciemment l'existence d'accords et de décisions écrits ; que, en tout état de cause, la Commission estime que ce boycottage collectif déborde les limites de l'activité décrite dans la notification ; qu'elle ne fixe donc des amendes contre les membres du groupement qu'en raison du boycottage constaté ; que, par ailleurs, il suffit de décider, conformément à l'article 3 du règlement nº 17, qu'il doit être mis fin immédiatement aux accords et décisions interdits par l'article 85 paragraphe 1;
3. Considérant que, pour déterminer le montant de l'amende, la Commission doit prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci ; que le boycottage collectif est l'une des infractions les plus graves aux règles de concurrence ; qu'il vise, en effet, à éliminer un concurrent gênant ; qu'il constitue une infraction de propos délibéré à l'article 85 paragraphe 1;
Que l'infraction dure depuis octobre 1971 ; qu'une circonstance particulièrement aggravante réside dans le fait que les entreprises en cause persistent dans leur comportement, bien que leur attention ait été attirée sur le caractère illicite de ce comportement d'abord par un jugement rendu le 1er mars 1973 par le Tribunal du commerce de Nivelles, ensuite par la communication des griefs du 26 octobre 1973;
Que pour le montant des amendes la Commission a par ailleurs tenu compte de la position des entreprises concernées dans le domaine de la vente des papiers peints,
A ARRÊTE LA PRESENTE DECISION:
Article premier
Le règlement d'ordre intérieur du groupement des fabricants de papiers peints de Belgique de juillet 1971, les circulaires 619, 620, 617 C et 617 V et la décision de ne pas fournir de papiers peints au négociant Pex et à l'entreprise International Decor constituent des infractions aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique européenne.
Article 2
La demande d'exemption en application de l'article 85 paragraphe 3 est rejetée.
Article 3
Le groupement des fabricants de papiers peints de Belgique et les entreprises membres citées à l'article 5 points 1 à 4 sont tenus de mettre fin immédiatement aux infractions constatées à l'article 1er.
Article 4
1. En raison du boycottage collectif il est infligé:
a) à l'entreprise SC usines Peters Lacroix SA, une amende de 135 000 (cent trente cinq mille) unités de compte, soit 6 750 000 (six millions sept cent cinquante mille) francs belges;
b) à l'entreprise les papeteries de Genval SA, une amen de de 120 000 (cent vingt mille) unités de compte, soit 6 000 000 (six millions) de francs belges;
c) à l'entreprise établissements Vanderborght Frères SA, une amende de 36 000 (trente six mille) unités de compte, soit 1 800 000 (un million huit cents mille) francs belges;
d) à l'entreprise papiers peints Brepols SA, une amende de 67 500 (soixante sept mille cinq cent) unités de compte, soit 3 375 000 (trois millions trois cent soixante quinze mille) francs belges.
2. La présente décision forme titre exécutoire pour les entreprises susvisées, conformément aux dispositions de l'article 192 du traité instituant la CEE.
Article 5
Le groupement des fabricants de papiers peints de Belgique, avenue Louise 138, 1050 Bruxelles, et les entreprises suivantes:
1. SC usines Peters-Lacroix SA Dobbelenberg 9 1130 Bruxelles
2. Les papeteries de Genval SA rue de Rixensart 1320 Genval
3. Ets. Vanderborght Frères SA rue de l'Ecuyer 52 1000 Bruxelles
4. Papiers peints Brepols SA Lindekens 44-46 2300 Turnhout
sont destinataires de la présente décision.
(1) JO nº 13 du 21.2.1962, p. 204/62.
(2) JO nº 127 du 20.8.1963, p. 2268/63.