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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 14 septembre 1999, n° 98-02115

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Ministère Public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Avocats :

Mes Dian, Blanc.

CA Paris n° 98-02115

14 septembre 1999

RAPPEL DE LA PROCEDURE

LA PREVENTION :

X Hervé est poursuivi pour avoir à Paris et sur le territoire national, depuis 1995 et jusqu'en 1996, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la composition, les qualités substantielles, la teneur en principes utiles des produits " A ", " B ", " C ", " D ", en mentionnant sur les catalogues, notices, étiquetages, que les produits contiennent des acides de fruit dont il précise le pourcentage (6 %) ou la nature (raisins, ananas, fruit de la passion), laissant ainsi croire que l'ensemble des acides sont d'origine naturelle alors que l'essentiel sont des produits de synthèse ;

LE JUGEMENT :

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré X Hervé :

- coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis de 1995 à 1996, à Paris et sur le territoire national, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, al. 1 Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 Code de la consommation.

Et, en application de ces articles,

L'a condamné à 60 000 F d'amende

A dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné.

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :

M. X Hervé, le 11 février 1998 ;

M. le Procureur de la République, le 11 février 1998 contre M. X Hervé.

DECISION

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par le prévenu et le Ministère Public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention ;

Par voie de conclusions, Hervé X demande à la cour de :

- constater que les faits reprochés à Monsieur Hervé X n'induisent pas le consommateur en erreur ;

- constater que le texte qui sert de fondement à la poursuite et au jugement du tribunal n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce ;

- infirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a condamné Monsieur Hervé X pour des faits qualifiés de publicité mensongère ;

En conséquence,

- prononcer la relaxe.

Il fait valoir tout d'abord que les faits reprochés ne sont pas de nature à induire le consommateur en erreur ;

Il expose en effet que :

- les documents publicitaires critiqués n'allèguent pas que les acides de fruits sont naturels ;

- le consommateur ignore les propriétés respectives des acides naturels et des acides synthétiques étant observé au demeurant que des études scientifiques réalisées en la matière ont prouvé que les acides synthétiques sont plus efficaces que les acides naturels de fruit ;

Il soutient en second lieu que l'article L. 121-1 du Code de la consommation qui a servi de fondement légal à la condamnation du tribunal est en réalité inapplicable puisqu'il existe une réglementation spéciale, spécifique aux produits cosmétiques que sont les produits incriminés, issue d'un décret du 28 avril 1977 qui transpose certaines dispositions de la directive CEE du 27 juillet 1976.

Considérant que la cour ne saurait suivre le prévenu en ses explications ;

Considérant en effet que c'est par des motifs pertinents que la cour fait siens et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision attaquée que les premiers juges ont, à bon droit, retenu Hervé X dans les liens de la prévention ;

Considérant que la cour observe, comme le tribunal, que les dispositions du décret du 28 avril 1997, transposant certaines dispositions de la directive CEE du 27 juillet 1976 concernant les produits cosmétiques ne peuvent faire obstacle à l'application des dispositions légales relatives à la publicité mensongère ;

Que la cour relève, pour sa part, que pour un consommateur moyen, les citations de noms de fruits, telles " ananas, fruit de la passion, raisin " sur le catalogue produits Y, les dépliants publicitaires et les étiquetages relatifs aux cinq soins cosmétiques aux acides fruits, ainsi que la représentation des fruits cités et l'indication des pourcentages en acides de fruits, laissent penser que ces produits cosmétiques contiennent une teneur variant de 1 à 6 % d'acides extraits directement de ces fruits alors qu'en réalité, ces soins cosmétiques n'en contiennent que 0,2 %, la quantité manquante étant apportée par des acides produits par voie de synthèse ou voie biotechnique ;

Considérant qu'actuellement, le caractère " naturel " connaît un fort engouement de la part du consommateur ;

Que la dénomination " acides de fruits ", par l'évocation des végétaux (fruits), sources de principes actifs naturels (hydroxy-acides) est de ce fait bien plus valorisante qu'une mention qui se contenterait de désigner scientifiquement la nature réelle des principes actifs, telle " hydroxy-acides ", moins expressive pour un consommateur moyen ;

Que par ailleurs, le profit économique réalisé par substitution d'hydroxy-acides, extraits de fruits (acides de fruits) peut être facilement mis en évidence par comparaison des coûts d'achat en matières premières, sources d'acides, dans la formulation des laboratoires Y (acides de fruits et acides de synthèse) et dans une formulation où seuls des acides, extraits de fruits avaient été utilisés, pour un soin cosmétique respectant le titre en acides, annoncé notamment sur les étiquetages (6 %) ;

Considérant que la cour confirmera le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité et sur la peine d'amende prononcée qui constitue une juste application de la loi pénale ;

Considérant qu'au vu des éléments soumis à son appréciation, la cour estime devoir dispenser le condamné de la publication de la décision prévue à l'article L. 12 1-4 du Code de la consommation ;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges qu'elle adopte expressément : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement ; Rejette les conclusions de relaxe du prévenu ; Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ; Dispense Hervé X de la publication de la décision ; Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires ; Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable le condamné.