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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 28 octobre 1999, n° 99-00276

TOULOUSE

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boyer

Conseillers :

M. Lamant, Mme Baby

Avocat :

Me Dahan

TGI Foix, ch. corr., du 2 mars 1999

2 mars 1999

RAPPEL DE LA PROCEDURE

LE JUGEMENT

Le tibunal, par jugement en date du 2 mars 1999 contradictoire, a déclaré Georges X coupable de :

Tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, du 5 novembre 1994 au 5 novembre 1997, à Varilhes, infraction prévue par l'article L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation ;

Publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, du 5 novembre 1994 au 5 novembre 1997, à Varilhes, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation ;

Etiquetage de denrée alimentaire préemballée ne comportant pas les mentions obligatoires, du 5 novembre 1994 au 5 novembre 1997, à Varilhes, infraction prévue par les articles R. 112-9, R. 112-1, R. 112-6, R. 112-14, L. 214-1 2°, L. 214-2 al.1 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 214-2 al.1 du Code de la consommation.

Et, en application de ces articles, l'a condamné à 50 000 F d'amende, dit n'y avoir lieu à publication, 2 000 F d'amende de 20 F chacune pour étiquetage illicite de 2000 fontaines (période du 5 novembre 1996 au 5 novembre 1997).

LES APPELS

Appel a été interjeté par :

M. X Georges, le 8 mars 1999 ;

M. le Procureur de la République, le 8 mars 1999 contre M. X Georges ;

DECISION

M. Georges X est le président directeur général de la société Y dont l'activité consiste à mettre à la disposition de sa clientèle (entreprises et organismes recevant du public) des fontaines d'eau destinée à la boisson, et à fournir l'eau distribuée par ces fontaines, c'est-à-dire des bonbonnes consignées contenant 18,9 l d'eau.

Suite aux constatations faites par ce service le 5 novembre 1997 dans les locaux de l'un de ses clients, la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de l'Ariège a dressé le 31 août 1998 :

1) un procès-verbal de délit

Selon ce procès-verbal, M. X a commis le délit de tromperie envers " les consommateurs et les acheteurs en tentant de leur faire croire que l'eau contenue dans les bonbonnes était d'une nature différente des autres eaux de source, minérales ou de table captées, conditionnées et vendues en France, ou qu'elle avait subi les contrôles nécessaires à la qualification " bio " ".

Selon ce service, l'utilisation du préfixe " bio " est de nature à créer dans l'esprit du public une confusion manifeste avec les produits issus de l'agriculture biologique, et tente de faire croire que le produit possède des caractéristiques particulières.

L'élément intentionnel résulterait de la conscience par M. X que l'eau vendue par lui n'est pas plus " bio " qu'une autre, et du fait qu'il n'aurait pas tenu compte d'un avertissement de l'embouteilleur quant à l'anomalie réglementaire présentée par la marque " Bio Source " ;

2) un procès-verbal de contravention

relatif aux anomalies présentées par l'étiquette apposée sur les bonbonnes, qui serait de nature à créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur ou du consommateur sur la dénomination, la nature et l'identité du produit distribué en l'assimilant à de l'eau de source, du fait de l'apposition de la marque " Bio Source ". L'eau contenue dans les bonbonnes ne répondant pas aux critères d'une eau de source, devait en effet être appelée " eau de boisson ".

Le Tribunal correctionnel de Foix a considéré que le délit et les contraventions étaient caractérisés, et, par jugement du 2 mars 1999 a condamné M. X à 50 000 F d'amende pour le délit et 2 000 amendes de 20 F pour les contraventions.

Le prévenu a relevé appel de cette décision le 8 mars 1999, suivi le même jour du Procureur de la République.

Devant la cour, M. X prétend que les droits de la défense n'ont pas été respectés, car il n'a pas eu le temps de préparer son dossier entre la date du procès-verbal et celle de l'audience du 2 février 1999.

Sur le fond, il fait valoir que les infractions ne sont pas caractérisées, et sollicite la relaxe.

L'Avocat général requiert la confirmation.

DÉCISION

Les appels ont été régularisés dans les forme et délai légaux, et sont donc recevables.

Au fond

Sur le délit de tromperie

Les agents verbalisateurs ont estimé que l'utilisation du préfixe " bio " était de nature à faire croire aux consommateurs que l'eau était un produit de l'agriculture biologique. Ceci voudrait dire qu'un consommateur moyen peut croire que l'eau est un produit de l'activité agricole, ce qui n'est pas sérieux.

Ce terme aurait aussi un caractère superfétatoire, et tendrait à faire croire que l'eau concernée est " plus bio, plus pure, plus naturelle ". Or, l'étiquette ne comporte aucune comparaison avec les autres eaux, et les thèmes de la pureté et de la nature sont utilisés avec tellement de constance dans toutes les publicités pour l'eau préemballée que, là encore, le consommateur ne saurait être dupe.

La tromperie résulterait enfin de ce que la société Y a apposé sa marque " Bio Source " sans avoir vérifié les procédures de nettoyage des bonbonnes : dès lors que le prévenu n'a jamais affirmé à ses cocontractants ou aux consommateurs qu'un contrôle de cette nature était effectué par ses soins, et qu'il n'est relevé aucune anomalie résultant d'un défaut de nettoyage, cette simple affirmation ne saurait être retenue comme un élément constitutif du délit.

Enfin, seule l'appellation " eau de boisson " figure sur l'étiquette : cette dénomination du produit, qui ne fait référence à aucune des catégories d'eau définies par le décret du 6 juin 1989, vise seulement le caractère potable de cette eau, qui n'est pas démenti par les analyses.

Ainsi, l'élément matériel de la tromperie fait défaut, et l'élément intentionnel de cette infraction n'est pas non plus établi : M. X ne considère certes pas l'eau qu'il vend comme " plus bio " que les autres, mais il n'a jamais cherché à persuader quiconque du contraire. Quant à l'affirmation du responsable de la société d'embouteillage selon laquelle il aurait alerté M. X sur " les anomalies réglementaires que présentait la marque Bio Source ", elle n'est pas démontrée, et il n'est pas possible d'en déduire la mauvaise foi du prévenu.

Sur les contraventions

II est ici reproché une conception de l'étiquetage tendant à faire croire au consommateur qu'il a affaire à une eau de source. Or, comme indiqué plus haut, on ne voit pas ce qui empêcherait de considérer l'eau vendue par Y comme une eau de source, dès lors qu'elle est embouteillée à l'émergence dans le récipient destiné au consommateur.

En effet, comme l'indique le prévenu, le marché des fontaines d'eau n'existait pas à l'époque du décret, et celui-ci n'a pas envisagé l'éventualité d'un récipient auquel auraient accès plusieurs consommateurs, et ne s'est donc pas prononcé sur les conséquences, à l'égard de l'appellation de l'eau, du fait que le récipient était mis en place sur une fontaine réfrigérante.

En l'absence de texte, il ne saurait de toutes façons être retenu une infraction pénale.

L'affirmation selon laquelle la composition annoncée de l'eau ne serait pas réelle apparaît fausse : l'étiquette mentionne un taux de nitrate de 4 mg, et non de 0,04 mg comme relevé par erreur à la rubrique " description de l'échantillon " de la feuille de résultats d'analyse.

Quant à la dénomination d'usage " eau de boisson " (qui n'a aucun caractère réglementaire, contrairement aux affirmations du procès-verbal), elle apparaît clairement sur l'étiquette, elle-même apposée à l'envers sur la bonbonne pour être lisible en position d'utilisation : les affirmations contraires des agents verbalisateurs sont donc sans fondement.

Il ressort de ce qui précède que ni le délit de tromperie, ni les contraventions d'étiquetage illicite ne sont caractérisés. Dès lors, le jugement déféré sera infirmé.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort ; En la forme, reçoit les appels ; Au fond, Infirmant le jugement déféré ; Renvoie M. X des fins de la poursuite.