Livv
Décisions

CCE, 19 juillet 2000, n° M.1882

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Pirelli/BICC

CCE n° M.1882

19 juillet 2000

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 57, paragraphe 2, point a), vu le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1310-97 (2), et notamment son article 8, paragraphe 2, vu la décision de la Commission du 17 avril 2000 d'engager la procédure dans la présente affaire, vu l'avis du comité consultatif en matière de concentrations (3), considérant ce qui suit:

(1) Le 14 mars 2000, la Commission a reçu notification, conformément à l'article 4 du règlement (CE) n° 4064-89 (ci-après dénommé "le règlement sur les concentrations"), d'un projet de concentration aux termes duquel Pirelli Cavi et Sistemi SpA (Pirelli) prendrait le contrôle, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, d'une partie des activités de BICC General (les sociétés cibles BICC) dans le domaine des câbles en général et des câbles électriques au Royaume-Uni, en Italie, en Asie et en Afrique, par le biais de l'achat de l'intégralité des actions des sociétés.

(2) Après un examen préliminaire de la notification, la Commission est parvenue à la conclusion que le projet de concentration était susceptible de créer ou de renforcer une position dominante de nature à entraver de façon significative une concurrence effective dans le Marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci, et elle a donc émis des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.

(3) Le 17 avril 2000, la Commission a décidé, conformément à l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations, d'engager la procédure dans cette affaire.

I. LES PARTIES

(4) Pirelli est une société de droit italien appartenant au Groupe Pirelli. Il s'agit d'une société d'exploitation chargée des activités de production du groupe dans le secteurdes câbles et systèmes de câblage.

(5) BICC est une société ayant son siège au Royaume-Uni qui opère, à l'échelle mondiale, dans le secteur du développement, de la conception et de la fabrication de produits de câblage et fils en cuivre, en aluminium et à fibre optique. En 1998, BICC a mis en vente l'ensemble de son secteur "câbles de transport d'énergie" dans le monde. En mai 1999, la totalité du secteur, y compris les sociétés faisant l'objet du projet d'acquisition par Pirelli, a été acquis par la société américaine.

II. L'OPÉRATION

(6) Le 9 février 2000, les parties ont conclu un accord d'achat d'actions aux termes duquel Pirelli acquerra quatre sites de production au Royaume-Uni (à Leigh, Prescot, Wrexham et Erith) et deux sites en Italie (Settimo Torinese et Ascoli Piceno). Conformément à cet accord, Pirelli acquerra 100 % des actions des sociétés suivantes, qui sont actuellement la propriété de BICC: "BICC General UK Cables Limited" (UK), "Industrial Cables" (UK), "Compounds" (UK), "BICC Rod Rollers Ltd" (UK), "Supertension and Subsea Systems" (UK), "BICC General Ceat Cavi Srl Settimo Torinese" (Italie), et "BICC General Cavi Srl Ascoli".

(7) BICC General conservera trois sites de production en Espagne ("BICC General Cables Barcelona") et un au Portugal ("BICC Celcat"), ainsi qu'un site de production au Royaume-Uni ("BICC Pyrotenax"), qui produit des câbles métalliques ignifugés à isolation minérale ainsi que des câbles de chauffage thermoélectrique et de mesure.

III. LA CONCENTRATION

(8) L'opération comprend l'acquisition des unités de production et de distribution, ainsi que des unités technologiques, mais également des droits de propriété intellectuelle détenus par BICC (4) ou ayant leuror igine dans un pays où l'une des sociétés cibles est implantée. Conformément à l'accord d'achat d'actions, Pirelli acquerra le contrôle exclusif des sociétés cibles.

(9) L'opération constitue donc une concentration au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations.

IV. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

(10) Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total, sur le plan mondial, de plus de 5 milliards d'euros (5) [Pirelli: [...]* (*) millions d'euros; BICC: [...]* millions d'euros]. Chacune des entreprises concernées réalise un chiffre d'affaires total dans la Communauté supérieur à 250 millions d'euros (Pirelli: [...]* millions d'euros; BICC: [...]* millions d'euros), mais aucune d'entre elles ne réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul et même État membre. L'opération notifiée a donc une dimension communautaire au sens de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations. Elle ne constitue pas un cas de coopération au sens de l'accord EEE.

V. APPRÉCIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 2 DU RÈGLEMENT SUR LES CONCENTRATIONS

A. Marchés de produits en cause

(11) Les produits concernés par l'opération sont les câbles en général, la production de barres de cuivre et les câbles électriques isolés basse, moyenne, haute et très haute tension. Les câbles électriques sont notamment utilisés pour les lignes électriques souterraines et sous-marines. En revanche, les fils nus, qui sont ceux généralement utilisés pour les lignes de transmission aériennes, appartiennent à un marché de produits distinct, qui n'est pas concerné par l'opération.

Production et vente de câbles en général

(12) Le secteur des câbles en général comprend une vaste gamme de câbles basse tension, utilisés notamment dans la construction et pour des applications industrielles, ainsi que pour la transmission de l'électricité et des signaux dans des dispositifs mobiles, tels que ceux utilisés dans les chemins de ferou les installations pétrochimiques. Les produits de câblage généraux sont généralement vendus par des grossistes en produits électriques et des distributeurs de câbles, ou directement aux installateurs et aux fabricants d'équipements d'origine. Les parties estiment qu'il n'est pas opportun de subdiviser davantage le marché, ce qui est confirmé par l'étude de ce marché qui a été réalisée. C'est pourquoi, aux fins de la présente décision, le marché de produits en cause est le marché global du câblage en général (6).

Production et vente de barres de cuivre

(13) Les barres de cuivre constituent l'une des principales matières premières utilisées pour la production de certains câbles électriques, fils de bobinage, câbles en général et câbles de communication métalliques (barres de cuivre de qualité électrique). Avant d'être transformées en câbles, les barres de cuivre doivent être transformées en un élément conducteursolide ou en fil de cuivre. Les parties affirment que pratiquement tous les fabricants de câbles disposent de leurs propres installations de transformation des barres de cuivre en fils de cuivre et éléments conducteurs, ce que confirme l'enquête de la Commission. C'est pourquoi, aux fins de la présente décision, le marché de produits en cause est celui de la production et de la vente de barres de cuivre.

Production et vente de câbles électriques

(14) L'un des critères permettant de distinguer les câbles électriques est leur niveau de tension: les câbles électriques très haute tension (THT) et haute tension (HT) sont utilisés pour le transport d'énergie électrique. Les câbles électriques basse tension (BT) et moyenne tension (MT) sont essentiellement utilisés pour la distribution d'électricité. Les parties affirment que le marché de produits en cause pour les câbles électriques est le marché global des câbles électriques comprenant les câbles BT (jusqu'à 1 kV), MT (1-33 ou 1-45 kV), HT (33/45-132 kV) et THT (275 kV, 400 kV) (7). Les parties font valoir que la distinction en fonction des niveaux de tension a des raisons historiques, mais qu'elle ne signifie plus rien. La Commission, en revanche, a établi qu'au moins les câbles électriques BT et MT, d'une part, et HT et THT, d'autre part, appartiennent à des marchés de produits distincts.

Câbles électriques de niveaux de tension inférieurs (BT et MT) et supérieurs (HT et THT)

(15) Sur le plan de la demande, les parties affirment que les câbles MT et HT peuvent se retrouver, dans une certaine mesure, dans des applications similaires au sein d'un système de distribution. En effet, les clients peuvent choisir d'être connectés soit directement au réseau de transmission, soit à une série de points intermédiaires vers le réseau de distribution existant, lorsque l'électricité est distribuée pour la première fois dans une zone de grosse consommation (par exemple, une zone d'entreprises ou un grand lotissement). L'étude du marché a montré que, en théorie, plusieurs connexions MT pouvaient remplacer une seule connexion HT. Toutefois, en raison des pertes énergétiques plus grandes et des coûts supplémentaires qu'implique l'installation des équipements complémentaires nécessaires (sous-stations, etc.), cette solution est généralement jugée peu attrayante, et donc non rentable pour le client. En outre, les clients ont expliqué qu'ils n'étaient pas libres de choisir un niveau de tension donné, dans la mesure où leur choix est déterminé par la configuration du réseau en place (8).

(16) Cette faible substituabilité sur le plan de la demande ne justifie toutefois pas, selon les parties, une subdivision du marché en fonction des niveaux de tension. Elles font valoir que, conformément à la notion de "chaîne de substitution directe et indirecte" [paragraphes 57 et 58 de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause (9)], les câbles électriques peuvent être considérés comme substituables du point de vue de la demande, quel que soit leur niveau de tension, et qu'il y a donc un seul marché en cause pour les câbles électriques.

(17) Or, aucune preuve ne vient corroborer cette définition du marché. La notion de "chaînes de substitution" s'applique notamment dans les situations où deux ou plusieurs produits peuvent être considérés comme appartenant au même marché, bien qu'ils ne soient pas directement substituables, parce qu'il existe un produit de substitution qui peut influer sur les prix des produits en question. Dans la présente affaire, les prix des câbles électriques HT ou THT n'influent pas sur les prix des câbles de niveaux de tension inférieurs (BT et MT), et inversement. Il existe même, dans une moindre mesure, des différences de prix et d'utilisation entre câbles appartenant à un même niveau de tension, par exemple entre câbles de 3 kV et 30 kV (qui font tous deux partie du segment MT). Toutefois, cela ne justifie pas une distinction entre câbles électriques appartenant à un même niveau de tension, dans la mesure où les caractéristiques de la demande ne sont pas fondamentalement différentes pour ce type de câbles. Il existe, en revanche, un certain nombre de différences dans la structure de la demande de câbles BT et MT d'une part, et HT et THT, d'autre part, qui sont susceptibles d'influer sur les conditions de concurrence sur ces marchés.

(18) Il existe tout d'abord des différences dans les clientèles respectives des câbles électriques HT/THT et MT/BT. Les câbles THT et HT sont utilisés pour le transport d'électricité et sont essentiellement achetés par de grands exploitants de réseaux nationaux, tels qu'ENEL en Italie (80 % de la demande intérieure), alors que les câbles MT et BT sont avant tout utilisés pour la distribution d'électricité. Ils sont achetés par les sociétés nationales d'électricité, mais également pardes sociétés régionales et locales, ainsi que par des entreprises du secteur industriel (par exemple des sociétés de chemin de fer, des entreprises manufacturières, etc.). Les sociétés régionales de distribution d'électricité (les municipalités en Italie et au Royaume-Uni, par exemple) achètent également parfois des câbles électriques HT, mais leur part dans la demande totale est minime comparée à celle des grandes sociétés de distribution nationales, qui continuent souvent à opérer comme des monopoles (réglementés).

(19) Il existe en outre des différences dans la fréquence des opérations d'achat entre les niveaux de tension inférieurs et supérieurs ainsi que dans le processus de sélection des fournisseurs par le client. Les câbles HT et THT, contrairement aux câbles BT et MT, sont généralement achetés par le client en fonction de projets individuels, c'est-à-dire que celui-ci définit le type de câble requis pour un projet donné. Les clients commandent une installation complète avec terminaisons, conception et construction des câbles, et souvent aussi avec accessoires, installation, supervision et intégration des systèmes. Dans les niveaux de tension inférieurs, les câbles électriques et les accessoires sont commandés séparément. Les câbles électriques BT et MT sont des produits normalisés, fabriqués pour être stockés. Les fournisseurs soulignent que les livraisons peuvent être faites chaque semaine, voire chaque jour, en fonction de la demande. C'est la raison pour laquelle, entre autres, les câbles BT et MT sont souvent achetés par l'intermédiaire de distributeurs, de grossistes, ou encore directement auprès du fabricant, sur la base d'accords d'achat pluriannuels.

(20) En ce qui concerne l'offre, les parties estiment qu'il y a substituabilité pour les câbles électriques des différents niveaux de tension. D'après elles, la plupart des fournisseurs de câbles sont en mesure de proposer et de vendre les différents types de produits, sans que cela n'implique de coûts ni de délais de planification supplémentaires importants. La substitution sur le plan de l'offre ne nécessite pas, selon les parties, de modifications substantielles des actifs corporels et incorporels, ni des investissements ou des délais de préparation importants.

(21) Deux facteurs présentent une importance particulière pour déterminer si les câbles électriques de tensions différentes sont effectivement substituables sur le plan de l'offre: ce sont, premièrement, les délais et les coûts nécessaires pour mettre en place une nouvelle chaîne de production et de nouveaux canaux de distribution pour un nouveau niveau de tension et, deuxièmement, les coûts impliqués par le passage à différents niveaux de tension dans une installation de production donnée.

(22) Les principaux fournisseurs européens de câbles THT et HT comprennent les cinq grands fabricants ABB, Alcatel, NKT, Pirelli et BICC. Les câbles BT et/ou MT sont produits par cinq grandes sociétés, mais également par plusieurs fabricants moins importants, tels que Draka (spécialisé dans les câbles électriques BT et MT), Carena Cavi, Ariston Cavi, Triveneta, Tratos, AEI, etc. Ces sociétés couvrent généralement des marchés de produits et/ou géographiques plus limités, notamment dans les niveaux de tension inférieurs destinés aux sociétés régionales de fourniture d'électricité. Certains fournisseurs opérant dans les secteurs BT et MT ont la capacité technique nécessaire pour fabriquer des produits HT et THT, mais ils n'ont pas encore gagné de parts de marché importantes (c'est le cas, par exemple, de la société grecque Fulgor).

(23) En ce qui concerne les barrières auxquelles est confronté un producteur de câbles électriques qui souhaite pénétrer sur un nouveau marché (nouveau niveau de tension), l'étude du marché montre que les producteurs de câbles THT et HT ont généralement le savoir-faire nécessaire pour produire des niveaux de tension inférieurs, mais qu'ils peuvent ne pas souhaiter le faire pour des raisons économiques (par exemple, investissements dans les équipements et les machines nécessaires). Tous les fournisseurs s'accordent à dire que les producteurs de câbles électriques BT et MT ne pourraient pas facilement passer à la production de câbles de tensions supérieures, qui nécessitent un savoir-faire beaucoup plus important. Le passage d'un niveau de tension à un autre nécessite en fait des investissements considérables en termes de capitaux et de temps.

(24) Pirelli a fourni l'estimation suivante des délais et des coûts nécessaires pour passer à d'autres niveaux de tension. Le coût du passage de la production de câbles électriques BT à la production de câbles MT est estimé par Pirelli à environ 7,2 millions d'euros, sur quatorze mois (pour une modernisation de la production avec de nouveaux équipements). Le passage de la production de câbles MT à des câbles HT coûterait environ 10 à 12 millions d'euros et prendrait en moyenne seize mois. Enfin, le passage de la production de câbles HT à des câbles THT coûterait de 13 à 17 millions d'euros et pourrait se faire dans un délai de dix-huit mois.

(25) Ces estimations montrent, à elles seules, que les coûts techniques d'un changement de production, et les délais nécessaires, seraient importants. En outre, de nombreux fournisseurs ont souligné que, outre les ressources de production purement techniques, une entrée réussie sur les marchés des câbles électriques HT et THT nécessiterait un savoir-faire considérable et une très vaste clientèle, notamment en ce qui concerne les plus gros clients, c'est-à-dire les grandes sociétés de distribution d'électricité. Le nouvel arrivant potentiel devra passer toute une série de tests de préqualification pour avoir des chances d'être admis sur le marché de la fourniture de câbles haute et très haute tension.

(26) Certains fournisseurs estiment que le passage des niveaux de tension inférieurs aux niveaux supérieurs, y compris l'installation de la chaîne de production et la réalisation des tests nécessaires, pourrait prendre jusqu'à deux ans. Cela a été confirmé par plusieurs clients, qui exigent de chaque nouveau fournisseur de câbles HT et THT qu'il acquière une compétence dans l'installation et l'intégration des systèmes. En outre, pour commercialiser des câbles THT, il est indispensable que le fournisseur puisse prouver qu'il a réalisé avec succès plusieurs projets qui serviront de référence. Les fabricants devront en général gravir progressivement l'échelle des différents niveaux de tension pourse constituerune clientèle suffisante.

(27) En ce qui concerne le coût du passage à des niveaux de tension différents dans une installation de production existante, les fabricants ont déclaré qu'une chaîne de production d'isolations synthétiques extrudées est normalement conçue de façon à pouvoir produire efficacement une gamme spécifique de câbles. La production de câbles n'appartenant pas à cette gamme est souvent techniquement possible, mais entraîne des pertes d'efficience et, parconséquent, des coûts unitaires plus élevés, en raison d'une vitesse non optimale de fonctionnement de la chaîne, d'une sous-utilisation des actifs, etc., (par exemple, si une chaîne HT est utilisée pour produire des câbles BT ou MT) (10). En outre, le fait de passer à des types de câbles différents sur une même chaîne de production implique un réajustement des équipements et des rebuts plus importants. Un concurrent estime qu'une usine qui se consacre à un petit nombre de types de câbles différents peut fonctionner avec un gain d'efficience de 10 % par rapport à une usine moins spécialisée, en raison des rebuts moins importants et des coûts de réajustement des équipements plus faibles.

(28) Par conséquent, passer de la production de niveaux de tension inférieurs à des niveaux supérieurs implique des coûts et des délais importants. Le passage à des niveaux de tension différents sur une installation existante peut entraîner une augmentation sensible du coût de production unitaire. La substituabilité sur le plan de l'offre est donc relativement faible.

Câbles électriques au polyéthylène réticulé extrudé et câbles électriques à huile fluide

(29) Deux technologies de base différentes sont actuellement utilisées pour produire des câbles électriques: la technologie du câble à fluide ou du câble à huile, et la. technologie de l'isolation parextr usion de polyéthylène réticulé. La première est un processus basé sur l'utilisation de rubans de papier isolant enroulés autour du conducteur et imprégnés d'un fluide diélectrique. Elle était généralement utilisée pour tous les types de câbles jusqu'au début des années 70, au moment où elle a été progressivement remplacée par la technologie plus récente de l'isolation par extrusion de polyéthylène réticulé, qui a commencé avec les tensions les plus basses. Cette technologie est basée sur une isolation obtenue par extrusion de polyéthylène réticulé. La technologie du câble à huile fluide nécessitait un savoir-faire important, qui n'était pas facilement accessible à la concurrence. Les équipements de production étaient en partie développés en interne par les principaux fabricants de câbles. La technologie par extrusion de polyéthylène réticulé, en revanche, passe pour être plus facilement accessible, la plupart des équipements étant fournis par des constructeurs externes. Elle est donc beaucoup plus accessible pour de nouveaux arrivants potentiels. Les équipements utilisés pour la production de câbles à huile fluide ne peuvent pas être utilisés pour la production de câbles au polyéthylène réticulé, et inversement. On peut donc en conclure que ces deux technologies ne sont pas substituables sur le plan de l'offre.

(30) Sur le plan de la demande, en revanche, tout semble indiquer que les câbles électriques à fluide et les câbles à isolation au polyéthylène réticulé sont substituables. La technologie du polyéthylène réticulé était utilisée initialement uniquement pour les câbles BT et MT, mais depuis le début des années 90, elle est de plus en plus couramment utilisée également pour les câbles HT et THT. Par rapport aux câbles à huile fluide, les câbles au polyéthylène réticulé sont plus simples à installer, nécessitent moins d'entretien et sont plus écologiques (pas de risque de fuite). C'est la raison pour laquelle la proportion de câbles THT à huile fluide diminue rapidement en Europe: en 1999, ils représentaient 38 % du marché total des câbles électriques THT. D'après les estimations des parties, cette part tombera à 20 % en 2000 et à moins de 10 % en 2001. Tous les concurrents ont confirmé cette baisse de la demande pour les câbles à huile fluide. Cette technologie est jugée de plus en plus obsolète.

(31) En ce qui concerne les câbles électriques BT, MT et HT, pratiquement tous les clients considèrent donc les câbles au polyéthylène réticulé et les câbles à huile fluide comme substituables. Sur le marché des câbles THT, deux clients ont déclaré que ces deux types de câble n'étaient pas facilement substituables. Leur argument était que la fiabilité à long terme des produits au polyéthylène réticulé n'avait pas encore été suffisamment prouvée et que certaines caractéristiques de leurs réseaux (diamètre des conduits actuels) rendraient tout changement onéreux, en l'état actuel des choses. Toutefois, l'étude du marché a montré que la plupart des sociétés européennes de distribution d'électricité qui utilisent toujours des câbles à huile pour la THT prévoient de passer au polyéthylène réticulé pour leurs futurs projets. Électricité de France (EDF), l'opérateur français, a par exemple, commencé à utiliserles câbles au polyéthylène réticulé pour la THT dès le milieu des années 80. Selon la plupart des clients et des fournisseurs, il n'existe plus aucun obstacle technique ni à l'utilisation des câbles au polyéthylène réticulé pour la THT ni à l'installation de ce type de câble surun réseau existant de câbles à huile fluide. ENEL, l'opérateur italien, par exemple, qui utilisait autrefois pour la THT des câbles à huile fluide ou des câbles isolés à l'EPR, achètera des câbles THT au polyéthylène réticulé de 2000 à 2002. Les sociétés d'électricité régionales ont exprimé des opinions similaires (par exemple, Edison et AEM Torino en Italie, Scottish and Southern Energy plc). Lorsqu'il existe des obstacles spécifiques à l'utilisation de câbles au polyéthylène réticulé (en raison de la taille plus grande du conducteur sur ce type de câble, parexemple), on peut supposer qu'ils seront transitoires.

Conclusion

(32) La Commission est parvenue à la conclusion que la production et la vente de câbles électriques BT/MT, d'une part, et de câbles électriques HT/THT, d'autre part, constituent des marchés distincts. Premièrement, il n'existe aucune substituabilité sur le plan de la demande entre ces produits. Deuxièmement, les coûts et les délais impliqués parle passage de la production de tensions basses à des tensions plus élevées sont importants. Troisièmement, la substituabilité limitée sur le plan de l'offre ne contrebalance pas les effets de l'absence de substituabilité sur le plan de la demande. Il est possible de passer à des niveaux de tension plus élevés avec les équipements existants, mais avec des pertes d'efficience et à un coût de production sensiblement plus élevé. Enfin, il est nécessaire d'opérer une distinction entre les gammes BT et MT, d'une part, et les niveaux de tension plus élevées (HT/THT), d'autre part, en raison des conditions de concurrence différentes qui régissent l'offre et la demande de ces produits (11). La Commission estime toutefois qu'il n'existe pas de preuves suffisantes pour affirmer que les câbles électriques à huile fluide très haute tension constituent un marché de produits distinct de celui des câbles THT fabriqués avec d'autres techniques (essentiellement par extrusion de polyéthylène réticulé), étant donné que tous les producteurs et une grande majorité des clients européens estiment que ces types de câble sont substituables.

B. Marchés géographiques en cause

Production et vente de câbles en général

(33) Les parties estiment que le marché des câbles en général est un marché communautaire, en raison de l'harmonisation des normes et de la présence d'opérateurs multinationaux, dont la politique commerciale est conçue à l'échelle communautaire. L'étude du marché a confirmé cette opinion. C'est pourquoi, aux fins de la présente décision, le marché des câbles en général est considéré comme étant un marché de dimension communautaire.

Production et vente de barres de cuivre

(34) Les parties font valoir que le marché géographique en cause pour les barres de cuivre est au moins de dimension communautaire, dans la mesure où les barres de cuivre sont un produit normalisé largement vendu dans toute l'Europe, à des prix comparables. En outre, elles estiment que les coûts de transport ne constituent pas une barrière à l'importation de barres de cuivre. L'enquête de la Commission a confirmé cette appréciation.

Production et vente de câbles électriques

(35) Les parties affirment que les marchés des câbles électriques ont progressivement évolué pour s'étendre à l'ensemble de la Communauté. D'après elles, il n'existe aucune barrière à l'entrée du côté de l'offre. En effet, l'harmonisation des normes techniques relatives aux câbles électriques a éliminé les derniers obstacles qui empêchaient les fournisseurs communautaires de participeraux appels d'offres dans l'ensemble des États membres. Du point de vue de la demande, les marchés des câbles électriques sont des marchés soumis à appel d'offres, sur lesquels les clients achètent de plus en plus à un niveau européen, sur la base des procédures prévues par les directives communautaires sur les marchés publics. C'est en raison de ces éléments, ainsi que du faible impact des coûts de transport, que, selon les parties, le niveau des importations et des exportations de câbles électriques entre États membres ne cesse de croître. L'enquête de la Commission a confirmé que les marchés des câbles électriques s'étendaient effectivement à l'ensemble de la Communauté. L'harmonisation des normes de produits a sensiblement progressé

(36) Dans sa décision relative à l'affaire Alcatel/AEG Kabel (12), la Commission avait estimé que les marchés des câbles dans la Communauté se trouvaient à un stade transitoire, puisqu'ils étaient en train de cesser d'être des marchés nationaux pour devenir des marchés communautaires. Toutefois, elle avait à l'époque conclu que la transition n'était pas encore achevée, en raison d'un certain nombre de facteurs, parmi lesquels l'existence de spécifications différentes, qui entravaient les importations, les procédures d'agrément longues et compliquées pour les fournisseurs souhaitant respecter les normes nationales et les coûts d'adaptation qui en découlaient. Dans sa décision relative à l'affaire Pirelli/Siemens (13), la Commission avait reconnu qu'il existait une tendance à l'harmonisation des normes techniques en Europe, mais la question de la dimension nationale ou européenne des marchés géographiques avait été laissée en suspens.

(37) Dans la présente affaire, la Commission a découvert que, selon le Comité européen de normalisation électrotechnique (Cenelec), la plupart des câbles électriques BT et MT sont couverts par des normes européennes, sauf en ce qui concerne des applications de niches spécialisées, pour lesquelles il n'existe pas de normes européennes. La transposition des normes européennes en normes nationales correspondantes est obligatoire. En ce qui concerne les documents harmonisés, la transposition se fait sur une base de volontariat. D'après le Cenelec, 90 % des normes européennes et des documents harmonisés ont été transposés au niveau national moins d'un an après leur adoption. La plupart des sociétés de distribution d'électricité ont déclaré appliquer les normes européennes, des normes internationales (CEI) ou des normes nationales conformes aux normes européennes.

(38) En ce qui concerne les câbles BT et MT, c'est un mélange de normes CEI et Cenelec qui est utilisé dans chaque État membre. En outre, chaque société de distribution d'électricité cliente applique généralement un ensemble de spécifications de produits différentes (ENEL, par exemple, applique vingt-quatre spécifications différentes pour les câbles BT et MT), qui concernent la qualité des produits, les matières premières et la sécurité. Ces spécifications ont été définies par les différentes sociétés d'électricité en fonction de leurs réseaux câblés respectifs (jonction, accessoires, équipements de commutation) (14).

(39) Rien ne permet de penser que les différentes spécifications mentionnées ci-dessus constituent d'importantes barrières à l'entrée pour des concurrents potentiels. Outre les parties, plusieurs fournisseurs de câbles européens, notamment ABB, Alcatel, NKT, Sagem ou BICC (avec les installations qu'il conservera en Espagne et au Portugal) (15) possèdent l'aptitude technique, la capacité de production et les agréments nécessaires pour fournir les grandes sociétés de distribution d'électricité européennes, atouts qu'ils ont déjà fait valoirdans nombre d'appels d'offres en dehors de leurs marchés intérieurs traditionnels. Tous ces fabricants de niveau 1, auxquels pourraient éventuellement s'ajouter quelques producteurs moins importants, peuvent fournir des produits conformes aux spécifications requises pour les câbles électriques BT/MT dans toute la Communauté.

(40) Sur le marché des câbles HT/THT, en revanche, il n'existe aucune norme fixe. Pour chaque projet, les grandes sociétés de distribution d'électricité spécifient leurs propres normes de conception, sur la base des normes nationales, CEI et Cenelec. Les câbles sont donc conçus à la demande pour chaque projet haute ou très haute tension et les normes nationales ne constituent normalement pas une barrière à l'entrée. Afin de devenir un fournisseur qualifié de câbles électriques HT/THT, un fournisseur doit généralement passer des tests très complets qui, d'après les clients, peuvent prendre de douze à dix-huit mois. Toutefois, la plupart des grands fournisseurs de câbles HT/THT, notamment Pirelli, BICC, Alcatel, ABB, NKT, mais aussi certains fabricants de niveau 2, sont déjà des fournisseurs qualifiés reconnus par la plupart des grandes sociétés européennes de distribution d'électricité. Toutes ces sociétés pourraient remplir les conditions nécessaires en matière d'agrément pour n'importe quel projet faisant l'objet d'un appel d'offres, étant donné que les sociétés de distribution sont généralement tenues d'indiquer leurs achats estimatifs un an à l'avance.

(41) On peut conclure de ce qui précède que les différentes normes de produits sont largement harmonisées en Europe et que les spécifications nationales ne constituent plus des obstacles à l'entrée sur le marché.Les écarts de prix sont dus aux caractéristiques individuelles de chaque appel d'offres

(42) L'enquête de la Commission a montré qu'une comparaison des niveaux de prix dans les différents pays n'était pas révélatrice, dans la mesure où les prix des câbles électriques dépendent beaucoup des quantités achetées lors de chaque transaction et des spécifications des différents appels d'offres. C'est ainsi que les tailles des lots peuvent être très différentes selon le client. Les contratscadres sur le marché des câbles BT/MT peuvent, par exemple, porter sur plusieurs milliers de kilomètres de câble, alors que d'autres concerneront des liaisons câblées relativement courtes. En outre, certains clients ont l'habitude de commanderdes câbles de conception différente, même pour des tensions identiques, par exemple des câbles unipolaires ou multipolaires, des types différents de conducteur (de section cylindrique ou carrée) ou différents types d'écran. C'est en raison de ces différences, ainsi que de la diversité des tailles des contrats, que les prix dans les États membres ne sont pas les mêmes, bien que les écarts ne constituent pas des barrières à l'entrée (16).

Les sociétés d'électricité peuvent acheter des produits dans toute la Communauté

(43) Traditionnellement, c'est-à-dire avant d'être déréglementé, le marché de l'électricité était caractérisé par des fournisseurs en situation de monopole qui achetaient les produits dont ils avaient besoin essentiellement auprès de fournisseurs de câbles nationaux. Conformément aux directives communautaires sur les marchés publics, notamment la directive 93-38-CEE du Conseil du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications (17), modifiée en dernier lieu par la directive 2001-78-CE de la Commission (18), les entités adjudicatrices sont tenues de s'assurer qu'il n'y aura aucune discrimination entre fournisseurs, entrepreneurs ou prestataires de services des différents États membres. Conformément à ces directives, les sociétés assurant des services publics sont légalement tenues de lancer des appels d'offres à l'échelle européenne pourleur s besoins en câble, en publiant ces appels d'offres au Journal officiel de l'Union européenne.

(44) Toutefois, les avis d'attribution de marché examinés par la Commission au cours de son enquête montrent que, bien que les appels d'offres se fassent dans toute la Communauté, les adjudicataires restent, dans la majorité des cas, des fournisseurs nationaux entretenant des relations de longue date avec la société cliente. Cela montre que les fournisseurs en place des sociétés de distribution d'électricité ont réussi à conserver leurs marchés nationaux traditionnels en dépit de l'ouverture des marchés publics.

(45) ABB, par exemple, possède une part de marché HT/THT de [50-60]* % en Suède, [45-55]* % en Norvège et [5- 15]* % en Allemagne, mais elle n'est présente dans aucun autre État membre. SAT-Sagem détient une part de marché de [10-20]* % en France et de [< 5]* % en Belgique, mais n'est présente dans aucun autre État membre de l'Union européenne. NKT détient [35-45]* % au Danemark et [5-15]* % en Allemagne, grâce à l'acquisition de Felten & Guillaume (19). Fulgorpossède [45- 55]* % du marché grec, mais n'est que peu présente dans les autres États membres de l'Union européenne. Ces parts de marché n'ont que très peu évolué au cours des trois dernières années. Seules Pirelli, BICC General et Alcatel possèdent des parts de marché importantes dans tous les grands États membres: la part de Pirelli est de [40-50]* % en Italie, [40-50]* % en France, [40-50]* % en Espagne, [35-45]* % en Allemagne et [30-40]* % au Royaume-Uni, celle de BICC General est de [45-55]* % au Royaume-Uni, [15-25]* % en Allemagne, [25-35]* % en Italie, [35-45]* % au Portugal et [50-60]* % en Espagne, quant à Alcatel, sa part est de [25-35]* % en France, [35-45]* % en Belgique et [20-30]* % en Italie. Ces sociétés, notamment les deux leaders du marché Pirelli et BICC, font toutefois largement reposer leur position sur le marché surdes installations de production locale et/ou l'acquisition d'opérateurs locaux. On observe des tendances très similaires sur les marchés des câbles BT et MT.

(46) Cette importante dissymétrie des parts de marché en Europe semblerait indiquer que les marchés restent de dimension mondiale. Toutefois, l'enquête menée par la Commission ne corrobore pas cette hypothèse.

(47) La surcapacité actuelle, alliée à la menace de voir des concurrents étrangers l'emporter, permet aujourd'hui aux sociétés d'électricité d'obtenir des offres très compétitives de leurs fournisseurs nationaux traditionnels. Néanmoins, les offres transfrontalières deviennent de plus en plus fréquentes et un certain nombre de fabricants de câbles européens participent régulièrement à des appels d'offres dans divers États membres. Au Royaume-Uni, par exemple, la part des importations était de 32 % en 1999. Plusieurs fournisseurs étrangers tels que NKT, Studer, Fulgor, Alcatel, Wessel ou Tratos ont soumis des offres pour des câbles BT/MT. En Italie, la part des importations est plus faible (environ 9 % de la consommation) mais a augmenté sensiblement ces trois dernières années (passant de 5 % en 1997 à 6,4 % en 1998, pour atteindre 9 à 10 % en 1999-2000) (20). Plusieurs fournisseurs étrangers, tels que ABB, NKT et Sagem, ont récemment participé en Italie à des appels d'offres d'ENEL pour des câbles électriques HT/THT. Au Royaume-Uni, Alcatel, qui vient de devenirfour nisseur qualifié de câbles THT pour NGC, a participé à plusieurs appels d'offres NGC, notamment pour un projet haute tension dans le nord du Yorkshire.

(48) On constate donc que la législation relative à la libéralisation des marchés publics en Europe n'a pas encore entraîné de modifications substantielles des parts de marché nationales, essentiellement parce que le faible niveau actuel des prix n'encourage pas à pratiquer une sous-enchère acharnée. Néanmoins, les fournisseurs étrangers commencent à exercer des pressions concurrentielles, dans la mesure où les sociétés d'électricité n'auraient aucun problème pour s'adresser à des fournisseurs étrangers si les prix locaux n'étaient plus compétitifs. Ce changement de fournisseur serait facilité par le fait que les sociétés d'électricité sont des clients dotés d'une importante puissance d'achat qui pourraient aisément s'adresser à des sociétés étrangères. Les grandes sociétés d'électricité auxquelles la Commission s'est adressée en Italie, au Royaume-Uni, en Allemagne et en France ont confirmé qu'elles n'hésiteraient pas à transférer leurs commandes à des fournisseurs étrangers si les fabricants locaux tentaient d'augmenter significativement leurs prix (de 5 à 10 %). En outre, c'est en opposant à leurs fournisseurs traditionnels des offres de concurrents étrangers qu'elles ont réussi à obtenir des réductions de prix substantielles.

(49) Dans le même temps, la déréglementation a incité les sociétés à négocier de façon plus agressive avec leurs fournisseurs de câbles. La plupart des pays ont mis en place, ou prévoient de le faire, des régimes réglementaires dans lesquels les gains d'efficience, au-dessus d'un niveau donné, sont de la responsabilité des sociétés d'électricité. C'est ainsi que, au Royaume-Uni, le système de contrôle des prix dit RPI-X (basé sur l'indice des prix de détail), qui fait l'objet d'une réévaluation tous les cinq ans, garantit qu'une partie minimale des gains d'efficience sera répercutée sur le consommateur, et incite fortement les sociétés d'électricité à être performantes. Ces contrôles de prix, qui concernent les différentes parties du secteur de l'électricité, imposent que le prix moyen (ou les recettes moyennes) diminue en valeur réelle d'un taux annuel déterminé de X. Les contrôles des prix tiennent compte des niveaux anticipés des coûts d'exploitation et des dépenses d'investissement que les sociétés peuvent être amenées à supporter, et ils ont pour but de fournir un retour sur investissement adéquat aux actionnaires, conforme à un bon niveau de performances.

Augmentation des échanges commerciaux intracommunautaires

(50) Les parties font valoir que, à la suite de la déréglementation des marchés de l'électricité, de l'absence de barrières à l'entrée et du faible coût des transports dans toute l'Europe occidentale, les importations et les exportations ont augmenté au cours des dernières années. D'après elles, 20,8 % de la consommation totale en Europe occidentale a été importée, alors que 27 % de la production totale a été exportée en 1999.

(51) L'enquête de la Commission a montré que, d'une manière générale, les importations de deux câbles électriques étaient en augmentation dans la Communauté. Cette tendance reflète en partie la stratégie de la plupart des fabricants de câbles de niveau 1, qui est de parvenir à des gains d'efficience en regroupant la production de types de câbles spécifiques dans des usines spécialisées, à l'échelle européenne. Cette stratégie de réalignement de la capacité de production en Europe est actuellement poursuivie par tous les fabricants de câbles de niveau 1 (c'est-à-dire Pirelli, BICC, Alcatel, ABB et NKT). C'est ainsi qu'Alcatel fournit à d'autres pays de grandes quantités de câbles à partir de ses installations de production françaises, alors que NKT et ABB ont créé des plaques tournantes internationales pour la production à Copenhague et Karlskrona, à partir desquelles elles fournissent des câbles à plusieurs pays européens. La fourniture de câbles électriques se fait donc de plus en plus par l'intermédiaire de réseaux de production européens plutôt qu'à partir de sites nationaux.

(52) La part des importations varie selon les États membres. Alors que, au Royaume-Uni, un tiers de la consommation a été importée en 1999, les importations ne représentaient que 9 % environ de la consommation en Italie (bien qu'elles soient en augmentation). En Allemagne, 21,9 % de la consommation a été importée, ce chiffre étant de 23,9 % en France et de 17,4 % dans les pays nordiques. Toutefois, le niveau plus faible des importations dans certains États membres n'est pas dû à l'existence de barrières à l'entrée, mais reflète des différences dans le rythme et l'ampleur de la déréglementation et de la privatisation.

(53) Par ailleurs, l'étude du marché a montré qu'il n'était pas indispensable d'avoirune capacité de production locale pour réussir son entrée sur le marché, dans la mesure où le transport est relativement bon marché (21): les coûts de transport intracommunautaires sont évalués en moyenne de 3 à 7 % des coûts de production (22). Ils sont du même ordre que dans d'autres secteurs possédant des systèmes de production européens bien établis.

(54) L'étude du marché a également montré qu'une présence locale n'était pas nécessaire pour qu'un fournisseur puisse répondre aux exigences de livraison juste à temps de ses clients pourles câbles électriques BT/MT, dont les clients peuvent avoirbesoin dans un délai d'une semaine ou deux à compterde la date de la commande, puisque ces produits peuvent être importés dans les mêmes délais. Des sites de stockage locaux peuvent au besoin être établis à relativement brève échéance et pour un coût modéré. En ce qui concerne les câbles BT/THT, il n'y a jamais de demande de livraison juste à temps. Une présence locale ne semble pas non plus essentielle pour des raisons d'entretien ou d'installation. Dans le cas des câbles BT/MT, l'installation et l'entretien sont faits par les clients. Quant à l'installation et à l'entretien des câbles électriques HT/THT (23), ils sont généralement faits par les gros fournisseurs, avec l'aide d'entrepreneurs locaux.

(55) En résumé, la libéralisation progressive des marchés de l'électricité a eu pour conséquence de rendre les marchés de la production et de la vente de câbles électriques (BT/ MT et HT/THT) de plus en plus communautaires, même si les parts de marché actuelles ne reflètent pas encore cette tendance. Du côté de la demande, ce sont de grosses sociétés très exigeantes, avec une forte puissance d'achat, qui dominent. Ces sociétés peuvent être utilisées sur un plan stratégique, par exemple pour favoriser l'entrée de sociétés étrangères. Les barrières à l'entrée sont faibles. La Commission en conclut donc que le marché géographique en cause est de dimension communautaire.

C. Appréciation au regard de la concurrence

Câbles en général

(56) Les parts de marché réalisées par Pirelli, par les sociétéscibles et par leurs principaux concurrents dans la Communauté en 1997, 1998 et 1999, conformément à la notification, sont les suivantes:

<EMPLACEMENT TABLEAU>

(57) Ainsi qu'il ressort du tableau figurant ci-dessus, les parties détiendront une part de marché cumulée de [10-20 %]*, devançant seulement légèrement Alcatel, dont la part est de [10-20 %]*. Le marché des câbles en général est un marché très fragmenté, sur lequel la nouvelle entité sera confrontée à de nombreux concurrents. Le projet de concentration n'entraînera qu'une légère augmentation de la part de marché actuelle de Pirelli dans ce secteur et n'entraînera pas la création d'une position dominante au bénéfice de Pirelli/BICC. Dans le secteur des câbles en général, il n'existe pas de barrières à l'entrée importantes, dans la mesure où le processus de fabrication ne nécessite pas de savoir-faire complexe et où la fidélité des clients est réputée faible. Une partie importante de la production des produits de ce secteur est vendue par des distributeurs indépendants (n'ayant aucun lien avec les producteurs), qui détiennent euxmêmes des parts de marché importantes dans plusieurs États membres. Parmi les distributeurs, on peut notamment citerRexel, Sonepar ou Edmundson en France et en Belgique, ou Newey & Eyre, Rexel et Sonepar au Royaume-Uni. L'enquête de la Commission a confirmé que le projet de concentration ne soulèverait aucun problème de concurrence dans le domaine des câbles en général.

Production et vente de barres de cuivre

(58) Au niveau communautaire, Pirelli et BICC ont détenu chacune environ 5 % du marché de la vente de barres de cuivre en 1999, leur part cumulée étant de 10 %, contre 13,7 % pourAlcatel (24). Pirelli/BICC (25) et Alcatel seraient les seuls producteurs de câbles électriques intégrés verticalement pour la production de barres de cuivre, dont ils vendraient environ 25 % de la production totale dans l'Espace économique européen (EEE), les 75 % restants étant vendus par des fabricants indépendants. Le projet de concentration n'entraînera donc pas la création d'une position dominante sur le marché des barres de cuivre de nature à entraver sensiblement la concurrence dans le Marché commun, dans la mesure où les concurrents de Pirelli/BICC et/ou Alcatel peuvent se procurer des barres de cuivre auprès de fournisseurs indépendants. Câbles électriques Évolution récente du secteur des câbles électriques.

(59) Les marchés des câbles électriques étaient traditionnellement des marchés fermés, où des fournisseurs nationaux (26) couvraient la plus grande partie des besoins des sociétés d'électricité nationales, en n'étant que peu confrontés à une concurrence étrangère. En l'absence de pressions concurrentielles, les sociétés publiques d'électricité avaient tendance à favoriser les fournisseurs nationaux. Ces sociétés n'étaient que peu sensibles aux prix, et avaient tendance, dans certains pays, à "sur-techniciser " leurs réseaux. En outre, les câbles électriques ne représentent généralement qu'une faible partie des dépenses d'investissement des sociétés d'électricité (pourcentages à un chiffre) et ils ne constituaient donc pas, à l'origine, un objectif prioritaire lorsqu'il s'agissait de réduire les coûts. Pour le transport d'énergie à haute tension, notamment, la plupart des sociétés européennes utilisaient en majorité des lignes aériennes, un marché qui n'est pas concerné par l'opération (27).

(60) À la suite de la libéralisation progressive des marchés de l'électricité et de l'introduction de la législation communautaire sur les marchés publics, l'environnement concurrentiel du secteur du câble a commencé à changer. La demande est en augmentation à la suite de la restructuration des sociétés d'électricité (privatisation, séparation du transport, de la distribution, de l'entretien) et aussi en raison du niveau élevé de saturation du marché (la plupart des États membres ont un système d'électricité bien développé). De nombreuses sociétés ont réduit leurs budgets d'investissement en raison d'un régime réglementaire plus serré, ce qui a entraîné d'importantes surcapacités dans tout le secteur (de 30 à 50 %).

(61) En raison de ces facteurs, et d'autres également (28), les fournisseurs de câbles ont été confrontés, au cours des trois dernières années, à des prix qui baissaient rapidement (jusqu'à 60 %) et à des marges bénéficiaires elles aussi en baisse. Les prix n'ont pas toujours évolué de façon uniforme dans les différents États membres, mais ils semblent généralement avoir été en baisse entre 1996 et 1999, de 16 à 24 % pourles câbles BT et de 7 à 36 % pour les câbles MT dans les grands États membres (France, Italie, Royaume-Uni, Espagne), à l'exception de l'Allemagne (29). Sur le segment HT/THT, les caractéristiques spécifiques de chaque projet individuel et le faible nombre global de transactions tendent à brouiller l'évolution des prix ou les comparaisons par pays. Néanmoins, des clients ont fait état d'importantes baisses de prix allant jusqu'à 60 % sur ce marché. Toutefois, le fait que les prix n'aient pas baissé de façon uniforme dans les différents pays européens n'indique pas que les marchés sont nationaux, mais reflète les rythmes différents auxquels les marchés de l'électricité ont été déréglementés et, parconséquent, le moment auquel les sociétés d'électricité nationales ont commencé à devenir plus sensibles aux prix.

(62) À l'heure actuelle, les prix sont à un niveau historiquement bas. La situation du marché a entraîné l'élimination de plusieurs fabricants de câbles et beaucoup de ceux qui restent fusionnent avec des concurrents, ce qui permet de réduire les surcapacités et de réaliser des gains d'efficience grâce à une meilleure utilisation des capacités et à un regroupement de la production de types particuliers de câbles dans des usines spécialisées, à l'échelle européenne.

(63) La présente opération doit être considérée dans le contexte de la tendance générale au regroupement et à la restructuration dans le secteur du câble. L'objectif commercial qui sous-tend le projet de reprise de Pirelli/BICC est de rationaliser la capacité de production, avec éventuellement des fermetures d'usines. Si l'opération entraînera probablement une réduction des capacités de production, la puissance de marché des parties après l'opération sera limitée par plusieurs autres fournisseurs viables ainsi que par la puissance d'achat de sociétés d'électricité, ce qui devrait empêcher les prix d'augmenterau- delà des niveaux auxquels ils sont compétitifs.

Parts de marché

(64) Le tableau suivant reprend les parts détenues dans la Communauté sur le marché TH/THT en 1997, 1998 et 1999-2000, telles qu'elles ont été indiquées dans la notification.

<emplacement tableau>

(65) La part cumulée de Pirelli/BICC s'élèvera à [45-55 %]*, alors que l'opérateur suivant, Alcatel, ne détiendra qu'une part de [10-20 %]*. L'opération permettra de réunir le numéro 1 et le numéro 3 du secteur des câbles électriques HT/THT.

(66) Le tableau suivant reprend les parts détenues dans la Communauté sur le marché BT/MT en 1997, 1998 et 1999-2000, telles qu'elles sont indiquées dans la notification.

<EMLACEMENT TABLEAU>

(67) La part de marché cumulée de Pirelli/BICC s'élève à [25-35 %]*. Sur le segment BT, Pirelli/BICC et Alcatel détiennent environ [45-55 %]* du marché, alors que sur le segment MT, leurpar t s'élève à [50-60 %]*.

(68) En raison des parts de marché cumulées élevées que Pirelli/BICC détiendra à la fois sur le marché BT/MT et sur le marché HT/THT, la Commission a examiné les possibilités suivantes:

a) création d'une position dominante individuelle de Pirelli/BICC sur le marché HT/THT;

b) création d'une position dominante collective de Pirelli/BICC et Alcatel sur le marché HT/THT;

c) création d'une position dominante collective de Pirelli/BICC et Alcatel sur le marché BT/MT.

Possibilité de création d'une position dominante individuelle sur le marché HT/THT

Effet de l'augmentation des parts de marché résultant de l'opération

(69) Sur le marché HT/THT, la nouvelle entité deviendrait le leader du marché, avec [45-55 %]* des parts au niveau européen, loin devant le numéro deux, Alcatel, qui couvre [10-20 %]* du marché.

(70) Pour évaluer correctement la position des parties, il faut se rappeler que, dans plusieurs États membres, la demande pourles câbles électriques haute tension émane essentiellement des exploitants des réseaux de distribution nationaux, tels que National Grid Company (NGC) au Royaume-Uni, ENEL en Italie et EDF en France, qui représentent jusqu'à 90 % de la demande intérieure. De ce fait, la structure actuelle du marché est en grande partie le résultat des politiques d'achat de ces clients dominants. Ces sociétés pourraient transférer une partie de leurs achats vers d'autres fournisseurs, afin de disposer d'un nombre suffisant de sources d'approvisionnement.

(71) De ce fait, il est peu probable que la nouvelle entité pourra conserver la part de marché cumulée actuelle de Pirelli/BICC sur le marché communautaire. Plusieurs concurrents de Pirelli et BICC ont déclaré s'attendre à ce que de nouvelles possibilités s'offrent aux fournisseurs étrangers, du fait que les sociétés d'électricité dont Pirelli et BICC sont actuellement les principaux fournisseurs sont susceptibles de diversifier leurs sources d'approvisionnement (30). En raison des surcapacités actuelles, la plupart des grands constructeurs de câbles européens disposent de capacités excédentaires importantes et seraient donc en mesure de répondre à des commandes supplémentaires.

(72) Actuellement, les faibles niveaux des prix permettent aux entreprises d'électricité d'obtenir des offres très concurrentielles de leurs fournisseurs habituels. Les parts de marché sont donc restées relativement stables ces dernières années. Les concurrents étrangers exercent néanmoins une pression concurrentielle. Les entreprises d'électricité ont obtenu d'importantes réductions des prix (jusqu'à 40 %) en confrontant les fournisseurs en place aux offres plus intéressantes de concurrents étrangers (parexemple, ABB et Brugg en Italie, Alcatel et Fulgor au Royaume-Uni, NKT en Allemagne). Après l'opération, les clients pourront toujours s'adresser à au moins quatre autres fournisseurs

(73) Outre les parties, il existe plusieurs gros fournisseurs de câbles européens, tels que ABB, Alcatel, NKT, Brugg [et éventuellement Sagem et BICC General (31)], qui possèdent l'aptitude technique, la capacité de production et les certificats de qualité nécessaires pour fournir aux grandes sociétés d'électricité européennes de gros volumes de câbles HT/THT, qui nécessitent un savoir-faire considérable. En tant que tels, ils constituent des soumissionnaires crédibles pour tout grand appel d'offres européen de câbles électriques HT/THT. En outre, des sociétés moins importantes comme Fulgor ([< 5 %] de part de marché au niveau communautaire), qu'ENEL vient récemment d'ajouter à sa liste de fournisseurs présélectionnés pourles câbles électriques HT et THT, disposent des capacités techniques nécessaires pour fournir ce type de câble, sous réserve que les clients garantissent des commandes suffisantes pourjustifier les investissements nécessaires. Ainsi qu'il a déjà été dit aux considérants 36 à 40, les barrières techniques et administratives à l'entrée sont relativement faibles. Lorsque des qualifications particulières sont requises, elles peuvent être obtenues dans des délais raisonnables, si le client apporte son aide. Tous les fabricants de niveau 1 pourraient fournir des câbles électriques HT/THT en utilisant la technologie du polyéthylène réticulé. En outre, tous les opérateurs présents sur le marché s'accordent à dire que les coûts de transport sont faibles (de 3 à 5 % du prix du produit) et que les importations sont en augmentation.

(74) Les parts de marché relativement faibles (par rapport à celle de Pirelli/BICC) des concurrents ne reflètent pas correctement, à l'heure actuelle, leur force concurrentielle et leur capacité de production, dans la mesure où le faible niveau actuel des prix les a amenés à axer leurs efforts sur les marchés extra-européens (par exemple ABB) ou les marchés nationaux traditionnels (par exemple Alcatel). Toutefois, lorsque les prix remonteront, on peut s'attendre à ce que ces sociétés soumettent davantage d'offres en Europe.

(75) En outre, les clients ont confirmé que les relations contractuelles qu'ils entretiennent actuellement avec leurs fournisseurs traditionnels ne constituent pas un obstacle à un changement de fournisseur à court terme. Par ailleurs, plusieurs grandes sociétés d'électricité ont pu, grâce à leur forte puissance d'achat, renégocier des contrats-cadres lorsqu'elles estimaient que les prix du marché avaient baissé pendant la durée de validité du contrat.

(76) Finalement, en raison de leur grande puissance d'achat, les sociétés d'électricité ont la possibilité de faire vivre de nouveaux fournisseurs de câbles en répartissant leurs commandes de façon stratégique et de multiplier ainsi leurs sources d'approvisionnement, le cas échéant. C'est ainsi que Fulgor a été encouragé à pénétrer sur le marché britannique par une société d'électricité du Royaume-Uni. La société dispose de la capacité technique nécessaire pour fabriquer des câbles électriques THT en polyéthylène réticulé jusqu'à 420 kV et pourrait à l'avenir devenir un fabricant de niveau 1 en termes de parts de marché en Europe, de gamme de produits et de taux de pénétration sur le marché. Cela vaut également en principe pour d'autres fabricants de niveau 2, tels que AEI ou Tratos.

Les sociétés d'électricité disposent d'une importante puissance d'achat et de négociation qu'elles peuvent faire valoir dans le cadre de la procédure de mise en concurrence.

(77) Les grandes sociétés d'électricité, ENEL, NGC, EDF et les principales sociétés allemandes, mais aussi certaines sociétés régionales, disposent d'une puissance d'achat considérable. La quasi-totalité de la demande de câbles HT/THT émane de ces groupes de clients. Elles achètent de gros volumes de câbles électriques et représentent une partie importante du chiffre d'affaires de Pirelli et de BICC. ENEL représente ainsi environ [70-80 %]* de la demande italienne de câbles électriques HT/THT, entre 80 et 100 % des ventes de câbles de BICC aux sociétés d'électricité en Italie et [70-80 %]* des ventes de Pirelli à ces mêmes sociétés. BICC réalise entre 80 et 100 % de ses ventes au Royaume-Uni avec NGC, qui représente également une part importante des ventes de BICC dans la Communauté.

(78) Conformément à la directive 93-38-CEE du Conseil, les entreprises publiques (entités adjudicatrices) sont tenues de publier régulièrement au Journal officiel de l'Union européenne le total des marchés qu'elles envisagent de passer dans les douze mois à venir ("mise en concurrence" obligatoire) (31). Elles doivent également publierdes avis d'attribution de marché, qui doivent notamment mentionner les produits concernés, la procédure d'attribution, les offres reçues et les noms et adresses des fournisseurs retenus. Pendant la procédure, les parties adjudicatrices sont tenues de veillerà ce qu'il n'y ait aucune discrimination entre les différents fournisseurs ou prestataires de services. De nombreuses entités adjudicatrices ont créé un système de qualification des fournisseurs, se fondant pour la plupart sur les normes européennes. Les critères retenus dans ce système de qualification doivent être communiqués aux fournisseurs intéressés. Les entités adjudicatrices qui demandent la production de certificats attestant que le fournisseur se conforme à certaines normes de garantie de la qualité, doivent se reporter aux séries de normes européennes pertinentes et doivent reconnaître les certificats équivalents d'organismes établis dans d'autres États membres.

(79) Néanmoins, l'existence de marchés soumis à appels d'offres ne garantit pas en soi automatiquement une concurrence effective sur les marchés très concentrés. L'application et les effets des directives européennes relatives à la passation de marchés publics doivent être étudiés au cas par cas. Sur le marché des câbles électriques HT/THT, les appels d'offres ne sont pas fréquents et la valeur de chaque marché est habituellement très importante. Les marchés sont généralement attribués à un seul soumissionnaire retenu (principe selon lequel le soumissionnaire sélectionné emporte la totalité du marché). Tous les concurrents sont donc fortement incités à soumissionner avec acharnement pour chaque marché.

Conclusion

(80) En résumé, les indices sont insuffisants pour conclure que l'opération aboutirait à la création d'une position dominante au bénéfice de Pirelli/BICC sur le marché de la fourniture de câbles électriques HT/THT dans la Communauté, car il reste au moins quatre concurrents de niveau 1 comme soumissionnaires crédibles et parce que la demande est dominée pardes clients exigeants.

Possibilité de création d'une position dominante collective de Pirelli/BICC et d'Alcatel sur le marché HT/THT

(81) Sur le marché HT/THT, les deux leaders, Pirelli/BICC et Alcatel, obtiendraient une part de marché cumulée de [55-65 %]*. Compte tenu de l'avance considérable dont Pirelli/BICC et Alcatel jouiraient par rapport à leurs plus proches concurrents, du degré élevé de concentration du marché actuel, la création d'une position dominante collective de Pirelli/BICC et Alcatel sur le marché HT/ THT ne peut pas être exclue a priori. Les sociétés pourraient par exemple utiliser leur position dominante collective pour présenter chacune des offres moins agressives envers l'autre que si elles avaient dû concourir dans des conditions de concurrence normales, ou pour se répartir tacitement des marchés géographiques (par exemple, les marchés nationaux traditionnels). Toutefois, l'enquête de la Commission a montré que la structure des transactions sur le marché HT/THT ne favorise pas un comportement parallèle délibéré.

(82) Les appels d'offres sur le marché HT/THT ne sont pas fréquents (il n'y a généralement que quelques marchés paran dans chaque pays, et encore moins dans les petits pays), alors que la valeur de chaque marché est très importante. Les marchés sont habituellement attribués à un seul soumissionnaire retenu (principe selon lequel le soumissionnaire sélectionné emporte la totalité du marché). Tous les concurrents sont donc fortement incités à soumissionner avec acharnement pour chaque marché. Les caractéristiques de la mise en concurrence (marchés peu fréquents à valeur élevée) sur le marché HT/THT rend les comportements parallèles délibérés peu attractifs, parce qu'il est probable que les avantages qu'offre chaque marché qui se présente l'emportent sur les éventuels gains futurs résultant d'une collusion.

(83) Par ailleurs, les avantages de stratégies collusoires seraient inégaux, parce que tant la valeur des offres individuelles que la taille des fiefs géographiques traditionnels respectifs des concurrents varient sensiblement. En outre, les parts de marché actuelles de Pirelli/BICC et Alcatel sont inégales. De plus, les prix des câbles électriques HT/THT ne sont pas transparents, car les services (installation, entretien,...), les accessoires (jonctions et commutateurs) et les travaux de génie civil constituent des éléments importants du prix, qui peuvent représenter jusqu'à deux tiers de la valeur total d'un projet (notamment pour les liaisons câblées souterraines interurbaines).

(84) Enfin, les grandes sociétés d'électricité, qui sont les principaux acheteurs de câbles électriques HT/THT, achètent généralement de grandes quantités. Dans certains États membres, un seul exploitant de réseau de distribution en situation de monopole représente la quasi-totalité des achats de câbles HT/THT. En raison de leur très importante puissance d'achat, ces clients ont la possibilité de favoriser activement l'apparition de nouvelles sources d'approvisionnement, en attribuant de façon stratégique leurs commandes à des producteurs de câbles sélectionnés. Les petits fabricants peuvent donc être encouragés à soumissionner, à condition qu'on leur propose de leur acheter des quantités suffisantes, à des prix viables, pour justifier les investissements nécessaires. Conclusion

(85) Aucune preuve concluante n'indique que l'opération entraînerait la création d'une position dominante collective de Pirelli/BICC et Alcatel sur le marché HT/THT, étant donné que la structure du marché ne semble pas se prêter à des comportements parallèles délibérés entre soumissionnaires et que l'on peut s'attendre à ce que les clients exercent la puissance d'achat considérable dont ils disposent. Possibilité de création d'une position dominante collective de Pirelli/BICC et Alcatel sur le marché BT/MT

(86) En ce qui concerne les câbles électriques BT/MT, Pirelli/BICC et le numéro 2, Alcatel, détiendraient environ [50-60 %]* de ce marché. Pirelli/BICC et Alcatel seraient à elles deux le leader du marché, assez loin devant leurs plus proches concurrents. Toutefois, l'enquête de la Commission n'a pas pu prouver qu'il y aurait création d'un position dominante collective de Pirelli/BICC et Alcatel sur le marché des câbles électriques BT/MT.

(87) Par rapport au marché HT/THT, les parts de marché de Pirelli/BICC et Alcatel sont plus égales ([25-35 %]* et [15-25 %]*, respectivement), mais leur part de marché cumulée est plus faible ([50-60 %]*). Les barrières à l'entrée sur ce marché sont plus faibles que sur le marché HT/THT, parce que les produits nécessitent moins de savoir-faire. Sur le marché BT/MT, les principaux concurrents de Pirelli/BICC sont notamment les grands fabricants Alcatel, NKT, Draka, Sagem et Brugg, ainsi que plusieurs sociétés moins importantes, telles que Fulgor, Waskonig, AEI, Tratos, Carena, Triveneta et d'autres, qui opèrent sur des marchés de produits et/ou géographiques plus limités.

(88) Sur le marché BT/MT, les pressions concurrentielles proviennent non seulement des autres fabricants de niveau 1, mais également d'un grand nombre de sociétés de niveau 2. Outre les fabricants de niveau 2 mentionnés au point, qui sont généralement bien implantés sur leurs marchés en tant que fournisseurs de sociétés d'électricité régionales et, lorsqu'ils sont membres de groupements d'entreprises, des exploitants nationaux de réseaux de distribution, les clients ont déclaré que des fabricants actuellement moins connus (niveau 3) pourraient soumissionner pour des marchés BT/MT si les prix actuels des fournisseurs en place devaient augmenter. Compte tenu de cette vaste concurrence, il apparaît peu probable que Pirelli/BICC et Alcatel puissent utiliser leur part de marché cumulée pour imposer des augmentations de prix sur le marché BT/MT.

(89) Par opposition aux appels d'offres concernant les câbles électriques HT/THT, les opérations sur le marché BT/MT sont plus fréquentes et la valeur moyenne des lots est plus faible. Étant donné la valeur moyenne inférieure des lots et la fréquence plus élevée des appels d'offres, chaque soumissionnaire pourrait être tenté de s'abstenir de soumissionnerde façon agressive plutôt que de risquer de voir les prix baisser et de s'exposer à des mesures de rétorsion de la part de fournisseurs rivaux.

(90) Toutefois, dans le cas d'espèce, l'enquête de la Commission a conclu que les sociétés d'électricité ont plusieurs possibilités pour contrecarrer les tentatives de comportement parallèle délibéré entre les soumissionnaires. Par exemple, les clients peuvent avoir recours aux contratscadres qui regroupent les besoins d'une société d'électricité au cours d'une période déterminée (jusqu'à deux ans) et générer ainsi des opérations moins fréquentes mais plus intéressantes, afin d'inciter plus encore les soumissionnaires à se livrer une âpre concurrence. En outre, les entreprises de distribution utilisent fréquemment la procédure appelée "bids-for-allocations" pour exercer une pression graduelle sur les grands fournisseurs en réduisant leur attribution. En offrant une attribution plus importante à des opérateurs plus petits (de niveau 2) et en réduisant ainsi les volumes des fournisseurs existants, une pression peut s'exercer sur les fournisseurs dont les coûts fixes sont élevés. Ces deux stratégies sont utilisées par ENEL en Italie et par d'autres grandes entreprises d'électricité.

(91) En outre, les résultats de l'enquête de la Commission montrent que la transparence des prix des produits BT/ MT est plutôt faible en l'absence de barèmes significatifs et du fait de l'existence de spécifications différentes, définies parles clients. Cela complique donc encore plus l'adoption de stratégies collusoires.

(92) Enfin, les câbles électriques BT/MT sont également achetés par un certain nombre de petites sociétés d'électricité régionales actives dans la distribution d'électricité. Leur puissance d'achat plus limitée par rapport aux grands exploitants de réseaux de distribution nationaux est contrebalancée par leur capacité à acheter des câbles auprès des nombreux petits fournisseurs, et non seulement auprès des fabricants de niveau 1. Ces petits fournisseurs, tels que Tratos, Carena et Triveneta en Italie et AEI au Royaume-Uni, sont tous capables de fournir les petites quantités exigées parles sociétés régionales.

Conclusion

(93) Le risque que l'opération puisse aboutir à la création d'une position dominante oligopolistique de Pirelli/BICC et Alcatel sur le marché des câbles électriques BT/MT semble faible, en raison des faibles barrières à l'entrée, du grand nombre de petits concurrents, des parts de marché inégales des deux leaders et de la faible transparence des prix.

VI. CONCLUSION

(94) Le cumul des activités de Pirelli/BICC au Royaume-Uni et en Italie éliminera (ou du moins affaiblira sensiblement) l'un des principaux concurrents sur un marché déjà concentré. L'entité issue de l'opération sera le premier fabricant de câbles à l'échelle de l'EEE. L'opération s'inscrit dans la poursuite d'un processus de restructuration du secteurdes câbles électriques, qui a été déclenché par la libéralisation progressive du secteur de l'électricité et a conduit plusieurs fournisseurs de câbles à quitter le marché (Siemens, KWO Kabel, Delta). Vu le degré élevé de concentration du marché, la Commission a dû apprécier soigneusement l'incidence de l'opération au regard de l'évolution structurelle permanente du secteur électrique. Il convient d'examiner d'un oil extrêmement critique tout nouveau regroupement des leaders du marché.

(95) Dans le cas présent, la Commission n'a trouvé aucune preuve concluante permettant de penser que la concentration aboutirait à la création ou au renforcement d'une position dominante de Pirelli/BICC, ou d'une position dominante oligopolistique de Pirelli/BICC et d'Alcatel, sur les marchés des câbles électriques BT/MT et HT/THT dans la Communauté, de nature à entraver la concurrence de façon significative dans le Marché commun. Une fois l'opération de concentration réalisée, il semble qu'il restera un nombre suffisant de soumissionnaires crédibles en Europe, qui permettront le maintien des prix à des niveaux compétitifs. La demande est dominée par de gros clients disposant d'une forte puissance d'achat, ce qui leur permet, le cas échéant, d'encourager de nouvelles entrées sur le marché grâce à une répartition stratégique des commandes.

(96) Compte tenu du fait qu'après l'opération, il subsistera sur le marché au moins quatre concurrents de niveau 1, plus un certain nombre de fabricants de niveau 2, que ces fournisseurs continueront sans doute à participer aux appels d'offres qui constituent la façon dont s'exerce la concurrence sur les marchés en cause, et que les clients disposent d'une marge de manœuvre considérable pour structurer les procédures d'appels d'offres de façon à favoriser une concurrence effective, l'on peut donc considérer que l'opération prévue n'entraînera pas la création ou le renforcement d'une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans une partie substantielle du Marché commun. La concentration peut donc être déclarée compatible avec le Marché commun, conformément à l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, et avec l'accord EEE, conformément à l'article 57 de cet accord,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier :

L'opération de concentration qui a été notifiée, par laquelle Pirelli Cavi e Sistemi SpA acquiert le contrôle d'une partie des activités de BICC General, est déclarée compatible avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE.

Article 2

La société Pirelli Cavi e Sistemi SpA Viale Sarca, 222 I-20126 Milano est destinataire de la présente décision.

NOTES

(1) JO L 395 du 30.12.1989, p. 1 (version rectifiée dans le JO L 257 du 21.9.1990, p. 3).

(2) JO C 180 du 9.7.1997, p. 1.

(3) JO C 59 du 14.3.2003, p. 25.

(4) À l'exception des droits de propriété intellectuelle détenus par BICC General Pyrotenax Cables Limited.

(5) Une partie du présent texte a été rédigée de façon à ne pas dévoiler d'informations confidentielles. Les passages concernés sont mis entre crochets suivis d'un astérisque.

(*) Chiffre d'affaires calculé conformément à l'article 5, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations et à la communication de la Commission sur le calcul du chiffre d'affaires (JO C 66 du 2.3.1998, p. 25). Les chiffres portant sur une période antérieure au 1er janvier 1999 ont été calculés sur la base du taux de change moyen de l'écu et convertis en euros (1 écu = 1 euro).

(6) Voir également affaire IV-M.1271 - Pirelli/Siemens, paragraphe 8 (JO C 336 du 4.11.1998, p. 11) (1) Les niveaux de tension mentionnés sont les plus couramment utilisés; cependant il en existe d'autres, qui sont utilisés par des clients différents.

(7) L'écart de prix entre des câbles BT et MT s'élève à environ 45-60 %, alors qu'entre les câbles MT et des câbles HT, il est d'environ 79 %.

(8) JO C 372 du 9.12.1997, p. 5

(9) Pour la production de câbles HT et THT, par exemple, les normes de propreté sont beaucoup plus strictes, ce qui oblige le producteur à adapter le procédé de production en conséquence

(10) Sur la base de considérations similaires, une étude sur les câbles et conducteurs électriques (Databank, "Cavi e conduttori isolati"; juin 1999; Rif. ISTAT 31.3, Codice B.d.I. 059.341) opère une distinction entre les câbles électriques à haute technologie et les câbles électriques standard. Les câbles HT (à partir de >36 kV) et les câbles THT (jusqu'à 500-600 kV) appartiennent à la première catégorie, les câbles BT et MT à la seconde.

(11) Affaire IV-M.165 - AEG/Alcatel Kabel (JO C 6 du 10.1.1992, p. 23).

(12) Affaire IV-M.1271 - Pirelli/Siemens (JO C 336 du 4.11.1998, p. 11).

(13) Les sociétés de distribution, mais également les fournisseurs, ont déclaré que le nombre des spécifications sera réduit à l'avenir, en raison de la nécessité de réaliser des gains d'efficience et de diminuer les coûts de production.

(14) Il n'y a pas de clause de non-concurrence entre la nouvelle entité et BICC.

(15) Lors des comparaisons de prix, il n'a pas été tenu compte des fluctuations du cours du cuivre.

(16) JO L 199 du 9.8.1993, p. 84.

(17) JO L 285 du 29.10.2001, p. 1.

(18) NKT opère également à faible échelle en Finlande (5 %) et en Belgique (7 %).

(19) Statistiques commerciales fournies par CRU.

(20) En raison de la valeur plus élevée des câbles THT et HT, les coûts de transport sont comparativement plus faibles pour ces produits que pourles câbles BT et MT.

(21) D'après la plupart des clients, les coûts de transport représentent une barrière à l'entrée surtout pour les importations de câbles à faible valeur ajoutée (BT/MT) en provenance de pays extérieurs à l'Europe; ils peuvent alors représenter jusqu'à 10-15 % environ de la valeurdu produit.

(22) Aucun entretien périodique n'est généralement requis pour les câbles HT/THT.

(23) Chiffres indiqués dans la notification.

(24) Par l'intermédiaire de son entreprise commune avec AEI.

(25) Fournisseurs ayant une capacité de production nationale, mais pas nécessairement des fournisseurs ayant leur siège dans le pays concerné

(26) En Europe, environ 0,7 % des lignes 400 kV, 2 % des lignes 220 kV et 5 % des lignes 45-220 kV sont constituées par des câbles souterrains.

(27) Dont la décision du Bundeskartellamt de mettre fin au cartel des câbles électriques en Allemagne en 1996; B7-31301-A-105/96.

(28) En Allemagne, une importante entente dans le secteur des câbles a été démantelée en 1996. C'est pour cette raison que les prix des câbles HT/THT ont baissé jusqu'à 60 % au cours des trois dernières années, alors que les prix des câbles BT et MT ont remonté par rapport au faible niveau auquel ils étaient tombés à la suite de l'effondrement de l'entente en 1996.

(29) ENEL et EdF, par exemple, ont généralement au moins trois fournisseurs pour les câbles électriques pour tous les types de tension, parce que des directives internes le leur imposent. Certaines sociétés d'électricité allemandes ont en général au moins deux fournisseurs pourchaque type de câble HT/THT, pourdes raisons de sécurité.

(30) Les sites que BICC conservera en Espagne et au Portugal.

(31) Cela s'applique aux marchés d'une valeur estimée à au moins 400 000 euros.