Ministre de l’Économie, 18 septembre 2002, n° ECOC0300006Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseil de la société Terex Corporation
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maître,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 16 août 2002, vous avez notifié l'acquisition par Terex Corporation (" Terex ") de l'ensemble des actions de Genie Holdings, Inc. (" Genie ").
Terex, groupe mondial basé aux Etats-Unis, fabrique et commercialise des équipements pour la construction, les infrastructures et les mines : grues mobiles télescopiques, grues à tour, grues à bras, engins télescopiques de manutention, grues à bras montées sur camions, tracto-pelles, excavateurs, machines de chargement, monte-charges hydrauliques, etc. Terex a réalisé en 2001 1,812 milliard de dollars de chiffre d'affaires dont [>15] millions d'euros en France.
Genie, entreprise de dimension mondiale et basée aux États-Unis également, fabrique des plates-formes et nacelles élévatrices. Génie a réalisé en 2001 [...] millions de dollars de chiffre d'affaires dont [>15] millions d'euros en France.
Les seuils de chiffre d'affaires mentionnés à l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis, et l'opération n'est pas de dimension communautaire. Cette concentration relève ainsi du contrôle national des concentrations. Elle a également été notifiée aux autorités allemandes et autrichiennes de concurrence et a fait l'objet de la procédure d'information mutuelle sur les notifications multiples de l'association des autorités de concurrence européennes (ECA).
Une filiale de Terex, nouvellement créée et dénommée Magic, doit fusionner avec Genie pour former une seule entité. Après la fusion, Magic est appelée à disparaître, Genie poursuivant son activité en tant que filiale intégrée détenue et contrôlée par Terex.
L'activité concernée est la production et la commercialisation de plates-formes et nacelles élévatrices. Ces produits sont destinés aux métiers du travail en hauteur.
D'après les parties, il convient de distinguer, d'une part, les nacelles et plates-formes élévatrices automotrices et, d'autre part, les nacelles et plates-formes élévatrices tractées, en raison des différences d'utilisation (hauteur atteinte et poids transporté supérieurs pour un engin automoteur à ceux permis par un engin tracté), de clients (société de location pour un engin automoteur et utilisateur final pour un engin tracté), de prix et de procédés de fabrication (degré de complexité plus important pour un engin automoteur).
Les investigations ont confirmé la distinction entre engins automoteurs et engins tractés, particulièrement en raison des différences de prix (à hauteur égale, un engin tracté peut être un tiers moins cher qu'un engin automoteur). Il convient de noter que chez les principaux fabricants la part d'engins automoteurs est très majoritaire (plus de 90 % de la production).
Bien que plate-forme et nacelle soient considérées comme une seule et même catégorie de produit (par traduction de la terminologie anglo-saxonne), la possibilité d'une segmentation plus précise les distinguant a été évoquée en raison d'applications différentes. D'un point de vue technique, en effet, une plate-forme ne peut être utilisée que sur un plan vertical, pour de lourdes charges, alors qu'une nacelle est multidirectionnelle (allant du droit jusqu'à l'articulé), mais pour une charge utile moins importante ; ces différences rendent ces deux catégories d'engins plus complémentaires que substituables.
Sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur une éventuelle substituabilité du côté de l'offre, cette question peut être laissée ouverte dans la mesure où, quel que soit le marché retenu, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
On retiendra donc, pour les besoins de l'analyse, un marché des nacelles et plates-formes élévatrices automotrices, d'une part, et un marché des nacelles et plates-formes élévatrices tractées, d'autre part.
Les pièces détachées principales produites par un fabricant n'étant compatibles qu'avec les engins de ce fabricant, elles intègrent le marché de produit. De même, la maintenance lourde relève de la garantie constructeur, qui s'échelonne de cinq à dix ans selon le type d'engins et le fabricant, pour du matériel dont la durée de vie est de dix ans en moyenne.
Quant à la dimension géographique des marchés, les parties retiennent au moins l'Espace économique européen en arguant d'une présence homogène des fabricants, d'une équivalence des niveaux de prix, de l'absence de barrière réglementaire et des faibles coûts de transport.
Ces caractéristiques ont été confirmées par les investigations. Des indices d'un élargissement de la dimension géographique du marché vers un niveau mondial sont perceptibles. Il s'agit par exemple de la pénétration croissante sur le marché européen de fabricants américains qui n'y disposent pas de centre de distribution. Par ailleurs, la préparation d'une norme mondiale réglementant les engins de travail en hauteur devrait permettre au marché nord-américain, en retard jusque là sur les impératifs de sécurité, de s'aligner sur les standards européens et ainsi accroître les flux commerciaux.
En tout état de cause, la question de la délimitation géographique des marchés peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse demeureront inchangées quelle que soit la délimitation retenue.
Sur le marché européen des nacelles et plates-formes élévatrices tractées, la concentration ne donne lieu à aucun chevauchement d'activités puisque, si Genie est active sur ce marché (Genie estime sa part de marché sur l'EEE et en France à plus de [80-90] %, ce qui représente en Europe [...] unités vendues et environ [...] millions d'euros de chiffre d'affaires), Terex ne vend pas ce type de produits en France, en Europe ou dans le monde. Dès lors, si l'on devait délimiter un marché de dimension mondiale, l'opération ne donnerait pas lieu non plus à des additions de parts de marché. De même, il n'apparaît pas que Terex constituait un concurrent potentiel pour Genie sur le marché européen.
Une conclusion similaire doit être adoptée pour le marché européen des nacelles et plates-formes élévatrices automotrices. La transaction aboutit à une addition de parts de marché non significative puisqu'aux [20-30] % de part de marché de Genie il faut ajouter [0-10] % de part de marché de Terex représentée par l'écoulement des stocks de sa filiale Holland Lift (vendue fin 2001) et de l'usine irlandaise de sa filiale Terex Aerials (usine fermée mi-2002). Terex avant l'opération n'était donc plus activement présente en Europe.
Les parts de marché des parties et des concurrents sont données dans le tableau suivant en fonction de différentes hypothèses de marchés géographiques.
EMPLACEMENT TABLEAU
L'effectivité de la concurrence est maintenue du fait de la présence d'autres concurrents en mesure de faire face à la nouvelle entité : les concurrents contactés ont d'ailleurs fait état de la neutralité de l'opération dans ses conséquences concurrentielles. De plus, le pouvoir de négociation de la demande, principalement constituée de sociétés de location dans lesquelles les parties n'ont pas la moindre participation, a été confirmé : les clients continueront à s'approvisionner sans difficulté auprès de plusieurs fournisseurs, par négociation individuelle sur la base de rabais confidentiels.
La majeure partie du chiffre d'affaires de Terex provenant de ventes d'équipements sans lien avec les plates-formes et nacelles, qui ne sont pas complémentaires et qui ne s'adressent pas aux mêmes clients, aucun effet de gamme ou de portefeuille significatif ne résultera de l'opération.
En conclusion, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.