CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 22 juin 1995, n° 6987-93
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
AID Service n°1 (SARL)
Défendeur :
Agence Immobilière Durand (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Magendie
Conseillers :
MM. Frank, Boilevin
Avoués :
SCP Jullien-Lecharny-Rol, SCP Lefèvre & Tardy
Avocats :
Mes Ronzeau, Barbier.
FAITS ET PROCEDURE
La société Agence Immobilière Durand (AID) d'une part, et Maître Corre, d'autre part, ont, suivant acte sous seing privé en date du 30 septembre 1982, crée une SARL AID Service n°1 dans laquelle les deux parties se partageaient un nombre égal de parts.
Le même jour, les associés désignaient Madame Corre en qualité de gérante et prévoyaient que " la gestion comptable et juridique de la société sera assurée par la société AID, et ce, pendant une période de dix ans qui commercera à courir à compter du 1er octobre 1982.
Elle percevra à ce titre et en rémunération de l'utilisation qu 'elle consent à la société de la dénomination AID une somme mensuelle de 18 000 F. Cette somme sera révisée tous les ans en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE ".
Le 20 janvier 1983, la société AID cédait à la société AID Service n°1 un fonds de commerce dont elle était propriétaire à Enghien-Les-Bains, 181 avenue de la Division Leclerc ; cette cession intervenait pour le prix de 600 000 F qui comprenait notamment " l'enseigne " AID.
Les relations entre les deux actionnaires devaient se dégrader et c'est dans ces conditions que la société AID a fait assigner la société AID Service n°1 devant le Tribunal de commerce de Pontoise :
- en paiement des redevances qu'elle estimait dues sur le fondement de la résolution précitée de l'assemblée générale des associés,
- en résiliation des conventions, aux torts et griefs de la défenderesse, des conventions passées avec AID,
- aux fins de voir interdire à la société AID Service n°1 l'utilisation de la dénomination AID.
En réplique, la société AID Service n°1 sollicitait le règlement des produits financiers qui lui étaient dus et l'allocation de dommages et intérêts en raison du préjudice que les pratiques déloyales de AID lui avaient fait subir.
C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement entrepris qui a :
- déclaré la société AID mal fondée en sa demande de dissolution de la SARL AID Service n°1,
- constaté l'existence d'une convention "de fait" entre AID d'une part, et la société AID Service n°1 d'autre part, aux termes de laquelle AID Service n°1 en contrepartie du nom AID et de l'obtention de services juridiques et comptables, était tenue au profit de la société AID à une rémunération, pour une durée de dix ans,
- constaté que cette convention est expirée le 1er octobre 1992,
- constaté que la société AID Service n°1 a acquis le fonds de commerce d'Enghien-Les-Bains en tous ses éléments constitutifs y compris l'enseigne, aux fins de l'exploiter,
- dit que AID Service n°1 est tenue envers la société AID, depuis le 1er janvier 1986, au paiement d'une redevance mensuelle de 16 500 F, réévaluable sur la base de l'indice de la construction,
- désigné Madame Bader en qualité d'expert afin de chiffrer le montant de la redevance jusqu'au 1er octobre 1992,
- fixé la créance de la société AID Service n°1 sur la société AID au titre de la rémunération des produits financiers pour ouverture des comptes chez Sovac à la somme de 626 447,43 F,
- condamné la société AID à payer à la société AID Service n°1 la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à la violation de la clause de non concurrence contenue à l'acte du 26 janvier 1983.
EXPOSÉ DES THÈSES EN PRÉSENCE ET DES DEMANDES DES PARTIES
Le 13 mai 1993, la société AID Service n°1 a interjeté appel de cette décision.
Approuvant les premiers juges d'avoir rejeté la demande tendant, d'une part, à voir interdire à la société AID Service n°1 l'utilisation de cette dénomination, et d'autre part, à voir prononcer la dissolution de la société, les approuvant également d'avoir admis le principe de sa créance, qu'il s'agisse des produits financiers ou de l'indemnisation en réparation de son préjudice, elle leur reproche, en revanche :
- d'une part, d'avoir admis le principe d'une redevance au profit de la société AID pendant dix ans, pour un montant mensuel indexé de 16 500 F,
- d'autre part, d'avoir minoré le montant des produits financiers qui lui étaient dus,
- enfin, d'avoir fait une appréciation inexacte de son préjudice à la suite des pratiques déloyales d'AID.
Elle demande en conséquence à la cour :
- de constater que la preuve d'une convention de fait entre la société AID d'une part, et la société AID Service d'autre part, aux termes de laquelle la société AID Service n°1 en contre-partie de l'utilisation du nom AID et l'obtention de services juridiques et comptables aurait été tenue au profit de la société AID à une rémunération pour une durée de dix ans, n'est en aucune manière rapportée,
- de débouter en conséquence la société AID de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- de fixer à la somme de 928 585 F le montant des produits financiers dus par la société AID à la société AID Service n°1,
- de constater qu'aucun règlement n'est intervenu à ce titre,
- de condamner en conséquence la société AID au paiement de ladite somme majorée des intérêts à compter de la demande,
- de condamner également la société AID au paiement d'une somme de 1 000 000 F en réparation du préjudice subi par la concluante au titre de la concurrence déloyale,
Subsidiairement, sur ce point, d'ordonner une expertise,
- en tout état de cause, de condamner la société AID au paiement d'une somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par la SCP Jullien-Lecharny-Rol, société titulaire d'un office d'avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
La société AID s'attache à réfuter l'argumentation de l'appelante.
- S'agissant du principe et du quantum de la redevance qui lui est due elle fait valoir, d'une part, qu'il est erroné de prétendre, tardivement, à l'occasion une action en justice, que la résolution adoptée le 30 septembre 1982 par les associés n'est pas opposable à AID Service n°1, au motif que la décision prise par ces derniers dans le cadre d'une assemblée générale, n'oblige pas la société elle-même, d'autre part, que le principe de la redevance due à la société AID n'a jamais été contesté ni dans son principe, ni dans son quantum. Le tribunal a, à juste titre, relevé que la gestion comptable et juridique a bel et bien été assurée par le cabinet habituel de AID, la société Tankere.
- S'agissant des produits financiers, AID soutient que le tribunal n'a nullement commis une erreur de fait ; ne disposant pas d'éléments suffisants, il a ordonné une expertise au vu des résultats de laquelle ce point devra être examiné,
- Sur la violation de la clause de non concurrence, AID soutient que l'appelante principale n'établit pas l'existence d'un préjudice qu'elle aurait subi.
La société AID forme appel incident :
- sur la demande d'interdiction de la dénomination AID par AID Service n°1 d'abord. Etant établi que cette société devait lui verser une redevance pour pouvoir utiliser la dénomination sociale " AID ", il est erroné de considérer que c'est à la suite de l'acquisition du fonds de commerce d'Enghien-Les-Bains, intervenue postérieurement le 25 janvier 1983, que AID Service n°1 utilise cette dénomination,
- sur la demande de dissolution de la société AID Service n°1, elle s'attache à démontrer l'existence, en l'espèce, d'une mésentente entre associés, suffisamment importante pour rendre impossible la poursuite de leur collaboration, et de l'inexécution par un associé.
La société AID Service n°1 a manqué à ses obligations puisqu'elle n'a pas réglé la redevance à compter du mois de juillet 1983.
La société AID demande en conséquence à la Cour de :
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la société AID Service n° 1, de l'en débouter,
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a admis le principe de la redevance, au profit de la société AID, pendant une période de dix ans,
- déclarer recevable et fondé l'appel incident formé par la concluante.
Y faisant droit :
Vu l'article 1844-7-5e du Code civil ;
- constater que la société AID Service n°1 est à l'origine de la mésentente entre associés et n'a pas exécuté ses obligations,
- dire et juger en conséquence bien fondée la demande de dissolution anticipée formée par la concluante, l'existence de justes motifs ayant été démontrée.
Vu la résolution adoptée par les jeux associés le 30 septembre 1982,
Vu l'inexécution de ses obligations par la société AID Service n°1, consistant notamment en son refus de régler la redevance mensuelle en contrepartie de l'utilisation de la dénomination sociale " AID ",
- faire droit à la demande d'interdiction d'utiliser la dénomination sociale AID par la société AID Service n°1,
- condamner la société AID Service n°1 à payer à la société AID la somme de 5 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que celle de 5 000 F à titre de dommages et intérêts, pour procédure abusive,
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel et d'autoriser la SCP Lefèvre & Tardy, à recouvrer ceux la concernant, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Madame Bader, désignée en qualité d'expert a rendu son rapport le 7 juin 1993, en concluant que AID est bien fondée à se prévaloir d'une créance liquide et exigible de 818 971 F.
La société AID a alors demandé au Tribunal de commerce de Pontoise la condamnation de la société AID Service n° 1 au paiement de cette somme.
Devant cette juridiction AID Service n°1 a fait valoir que l'appel qu'elle a formé à l'encontre du jugement dans son entier, s'oppose à ce que le tribunal puisse trancher, AID soutenant pour sa part, que le principe du double degré de juridiction s'impose et que la cour ne peut évoquer.
Le Tribunal de Commerce a, par jugement du 20 septembre 1994, épousé la position de cette dernière et condamné AID Service n°1 à payer à AID 818 971 F avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 1993.
La société AID Service n°1 a interjeté appel de cette décision.
Elle expose tout d'abord que le tribunal ne pouvait se prononcer comme il l'a fait, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel.
Elle reprend ensuite l'argumentation qu'elle avait soutenue devant le Tribunal de commerce de Pontoise.
La société AID soutient au contraire qu'en saisissant le Tribunal en ouverture du rapport AID a fait bénéficier son adversaire d'un double degré de juridiction, ce qui ne lui préjudicie en rien et ne lui cause aucun grief.
En outre, la Cour n'est pas saisie du chef de l'évaluation de la créance mais du principe de la redevance, l'article 562 alinéa 1er du nouveau Code de procédure civile s'oppose donc à ce que l'effet dévolutif puisse jouer.
S'agissant des redevances qui lui sont dues, AID fait valoir que le principe ne peut être contesté et que d'ailleurs, AID Service n°1 a réglé sa redevance pendant une année.
Sur les produits financiers, elle soutient que l'expert a rempli parfaitement sa mission et que les critiques adressées au rapport et au jugement par la société AID Service n°1, ne sont pas fondées.
Elle demande à la cour :
- de déclarer recevable et mal fondé l'appel interjeté par la société AID Service n°1, de l'en débouter,
Y faisant droit,
- de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
- de condamner la société AID Service n°1 à payer à la société AID la somme de 20 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- de condamner la même aux entiers dépens,
- de dire que ceux d'appel pourront être recouvrés par la SCP Lefèvre & Tardy, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR
Considérant que le tribunal ayant, par jugement du 20 septembre 1994, statué en ouverture du rapport, il convient d'ordonner la jonction de cette procédure (8031) avec celle de l'appel interjeté par AID Service n°1 du jugement du 29 janvier 1993
Considérant que par l'effet de l'appel principal de AID Service n°1 et l'appel incident de la société AID, la cour doit statuer sur les questions suivantes :
- le principe et le quantum de la redevance due à AID, les produits financiers dus à AID Service n°1, la violation de la clause de non-concurrence,
- la demande d'interdiction de la dénomination AID par la société AID Service n°1,
- la demande de dissolution de la société AID Service n°1,
- les demandes formées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
SUR LE PRINCIPE ET LE QUANTUM DE LA REDEVANCE DUE À AID
Considérant que le 30 septembre 1982, les associés ont adopté à l'unanimité deux résolutions ; que l'une désignait Madame Corre en qualité de gérante tandis que l'autre, stipulait que "la gestion comptable et juridique de la société serait assurée par la SA Agence Immobilière Durand " AID ", et ce pendant une période de dix ans qui commercera à compter du 1er octobre 1982.
Elle percevra à ce titre et en rémunération de l'utilisation qu'elle consent à la société de la dénomination Agence Immobilière AID une somme mensuelle de 18 000 F. Cette somme sera révisée tous les ans en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction publié à l'INSEE " ;
Considérant que la société AID soutient que cet engagement passé entre les associés n'a pas été repris par la société et qu'en tout état de cause, les prestations prévues par le texte précité n'ont pas été exécutées ;
Considérant qu'il convient préalablement de souligner que la SARL AID Service n°1 n'avait auparavant pas contesté l'existence même d'une convention, mais seulement les comptes relatifs à celle-ci ; qu'en effet, dans sa lettre du 21 janvier 1987, elle précisait que " bien que la redevance ait été comptabilisée pour moitié, le bien fondé du solde de la redevance est contesté ", ajoutant " il apparaît donc nécessaire d'établir les comptes entre les deux sociétés " ;
Considérant qu'AID qui peut rapporter par tous moyens la preuve de l'obligation qu'elle invoque, fait exactement valoir que la société AID Service n°1 avait repris les engagements souscrits par les associés, puisqu'elle avait commencé à les exécuter ; que c'est ainsi que les comptes certifiés déposés au Greffe du Tribunal de commerce de Pontoise, le 14 mai 1986, prévoyaient sous la rubrique " rémunération aux membres de certaines sociétés ", des redevances pour un montant de 108 000 F au bénéfice de la société AID ;
Considérant encore que la société AID Service n°1 a, dès le 30 septembre 1982, porté et utilisé le nom d'Agence Immobilière Durand, utilisation résultant exclusivement de la décision collective du 30 septembre 1982 puisqu'à cette date, l'acquisition du fonds de commerce d'Enghien-Les-Bains, n'était pas encore intervenue ;
Considérant que les nombreux éléments qui précèdent établissent la reprise par la société AID Service n°1 de l'engagement initialement pris par les associés ; que cette reprise répond à la volonté des parties et à l'économie de l'opération envisagée, dans la mesure où la redevance était la contrepartie de l'utilisation de la dénomination AID qui lui était consentie, du savoir-faire de celle-ci dont elle bénéficiait, du service centralisé dont elle disposait, et des prestations juridiques et comptables assumées par cette société ;
Considérant que le tribunal a exactement relevé que ce n'est qu'à partir de janvier 1986 que la prestation comptable n'a plus été prise en charge par la société AID, sans que les associés ne reviennent clairement sur la résolution initiale et sans que les sociétés partenaires n'éprouvent le besoin de formaliser à ce moment les obligations réciproques ; que jusqu'à cette date, la gestion comptable et juridique a bien été assurée par le conseil habituel de la société AID, le cabinet Michel Tankere, la première réglant au second les services comptables ainsi rendus à la société AID Service n°1 ;
Considérant que le tribunal a encore exactement relevé que, s'agissant plus précisément de l'assistance juridique, AID Service n°1 ne justifie pas qu'elle ait demandé un quelconque service de cet ordre, et qu'un tel service lui aurait été refusé ;
Considérant qu'il doit être souligné que le 20 janvier 1983, la société AID Service n°1 a acquis le fonds de commerce dont la société AID était propriétaire à Enghien-Les-Bains, cette cession comprenant l'enseigne ; que dès lors à compter de cette date, la dénomination AID ne constituait plus une contrepartie ;
Considérant que les sommes dues au titre des redevances doivent, compte tenu des considérations ci-dessus, être calculées comme suit :
1er octobre 1982 au 20 janvier 1983, paiement intégral soit : 18 000 F x 4 = 72 000 F
20 janvier 1983 jusqu'au mois de janvier 1986, somme due en contrepartie des prestations comptables et juridiques, du savoir-faire et service centralisé : 8 000 F x 36 = 288 000 F
Total : 288 000 F + 72 000 F = 360 000 F ;
SUR LES PRODUITS FINANCIERS
Considérant que le tribunal a exactement retenu que la société AID Service n°1 ne pouvait prétendre à des règlements de ce chef que jusqu'au mois d'avril 1990 ;
Considérant que l'expert, chargé notamment de vérifier si des règlements étaient intervenus, a déposé son rapport après avoir constaté qu'il n'existait aucune contestation à cet égard et qu'aucun versement n'avait été effectué ;
Considérant par suite que la société AID Service n°1 est fondée en sa demande d'une somme de 900 704 F, correspondant au décompte présenté dans ses conclusions du 30 mars 1994, justifié par les pièces produites aux débats qui ne font l'objet d'aucune contestation de la part de la société AID ;
Que le jugement sera réformé de ce chef ;
SUR LES DEMANDES FORMÉES PAR AID SERVICE N°1 AU TITRE DE LA VIOLATION DE LA CLAUSE DE NON-CONCURRENCE
Considérant que la société AID, représentée par son Président Directeur Général, Monsieur Jean Casagrande, a, le 26 janvier 1983 signé une clause de non rétablissement en faveur de AID Service n°1, aux termes de laquelle il s'interdisait notamment, pendant une durée de dix ans, de prospecter dans les communes visées à l'accord " par toutes agences immobilières et activités annexes portant l'enseigne AID ";
Considérant qu'AID Service n°1 fournit quelques publications locales (Echo Contact du 31 janvier 1991 et Bonjour n° 440 du 16 janvier 1991) établissant que des agences du Groupe AID ont fait passer des annonces pour des biens immobiliers situés dans le secteur d'activité visé par la clause précitée;
Considérant que la cour ne disposant pas des éléments lui permettant de chiffrer le préjudice qui aurait pu résulter de tels manquements et qui ne peut être déterminé qu'à partir des éléments en la possession de la société AID, il convent de recourir à une expertise de ce chef;
Considérant que l'expert devra rechercher, à partir notamment des documents d'AID, toutes les opérations qui ont pu être réalisées par celle-ci en violation de la clause de non-rétablissement du 26 janvier 1983 ; qu'il chiffrera le bénéfice qui aurait ainsi été réalisé par la société AID, et qui constituera le préjudice dont AID Service n°1 peut obtenir réparation ;
SUR LA DEMANDE DE DISSOLUTION DE LA SOCIÉTÉ
Considérant que, selon l'article 1844-7 du Code civil, la société prend fin... " par la dissolution anticipée prononcée parle tribunal à la demande d'un associé, pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de la mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société " ;
Considérant, s'agissant tout d'abord de la mésentente entre associés, invoquée à l'appui de la demande de dissolution, que si une mésintelligence existe indéniablement entre associés - dont le présent litige est la traduction - il n'est nullement démontré qu'elle ait pour effet de paralyser le fonctionnement de la société ou à tout le moins, de créer des dysfonctionnements d'une telle gravité que son existence s'en trouve menacée ;
Considérant qu'il convient de relever que la comptabilité de la société est régulièrement établie, que les désaccords entre associés n'empêchent nullement la société AID Service n°1 d'obtenir des résultats d'exploitation relativement satisfaisants ;
Qu'en effet, alors que l'exercice clos au 31 décembre 1985 traduit une perte de 94 700 F, des bénéfices ont pu être dégagés au cours des exercices 1986-1990 ; que le bilan 93 produit aux débats, apparaît satisfaisant dans le contexte du marché immobilier alors qu'enfin, aucune anomalie grave de gestion de la société AID n'est démontrée ;
Considérant par suite, que la mésentente entre associés ne saurait justifier en l'espèce, la dissolution sollicitée ; que le jugement entrepris devra être confirmé de ce chef ;
SUR L'USAGE DE LA DÉNOMINATION AID SERVICE N° 1
Considérant que le tribunal a exactement retenu que la société AID Service n°1, qui avait acquis l'enseigne, tenait ses droits de l'acquisition du fonds de commerce ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;
SUR LES COMPTES ENTRE LES PARTIES
Considérant que la société AID Service n°1 doit à la société AID, au titre des prestations, la somme de 360 000 F ;
Que AID doit à AID Service n° I au titre des frais financiers, la somme de 900 704 F ;
Que par suite, AID Service n°1 est créancière d'une somme de 900 704 F - 360 000 F = 540 704 F ;
SUR L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Considérant qu'aucune considération d'équité ne justifie en l'espèce, l'octroi de sommes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement ; Joint les procédures n° 8031-94 et n° 6987-93 ; Réformant les jugements entrepris et statuant à nouveau ; Dit la société Agence Immobilière Durand " AID " partiellement fondée en sa demande de sommes au titre de la redevance prévue par l'accord du 30 septembre 1982 ; Fixe à trois cent soixante mille francs (360 000 F) les sommes dues de ce chef ; Dit que la société AID Service n°1 est fondée en sa demande d'une somme de 900 704 F au titre des frais financiers ; Dit que, par suite des comptes entre les parties la société AID Service n°1 est créancière de la société Agence Immobilière Durand pour une somme de cinq cent quarante mille sept cent quatre francs (540 704 F) ; Déboute la société Agence Immobilière Durand de sa demande de dissolution de la société AID Service n°1 ; Déboute la société Agence Immobilière Durand de sa demande visant à interdire l'usage de la dénomination " AID Service n°1 " ; Sur les demandes formées par AID Service n°1 au titre de la violation de la clause de non concurrence, Ordonne avant-dire droit une expertise confiée à Monsieur Marque Pierre-Louis, 70 Avenue Victor Cresson 92130 Issy-les-Moulineaux Tel 45.31.16.17, avec mission indiquée dans les motifs, aux frais avancés par AID Service n°1 ; Fixe à dix mille francs (10 000 F) la somme qui devra être consignée par AID Service n°1 au titre de provision à valoir sur la rémunération définitive de l'expert dans le délai d'un mois à compter de la signification ; Dit que l'expert devra déposer son rapport dans les six mois de la réception de l'avis de consignation ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Réserve les dépens.