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CCE, 13 juillet 1983, n° 83-390

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Rockwell-Iveco

CCE n° 83-390

13 juillet 1983

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de la Gréce, et notamment ses articles 4, 6 et 8, vu la notification faite, le 18 août 1981, par Rockwell International Corporation, Pittsburgh, Pennsylvanie, Etats-Unis d'Amérique, et par Iveco (Industrial Vehicles Corporation BV), Amstelveen, Pays-Bas, conformément à l'article 4 du règlement n° 17, demandant que la série d'accords, composée d'un accord de base qui a pris effet le 13 juin 1981 et de plusieurs accords complémentaires, soit déclarée exemptée de l'application de l'article 85 paragraphe 1, au titre du paragraphe 3 de cet article, vu le résumé de la notification publié, conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, au Journal officiel des Communautés européennes (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, conformément à l'article 10 du règlement n° 17, considérant ce qui suit:

I. LES FAITS

A. Objet de la décision

La présente décision concerne la production et la commercialisation en commun de ponts arrière pour camions par Rockwell International Corporation (ci-après dénommée " Rockwell "), producteur d'équipements pour véhicules automobiles et par le fabricant de camions Iveco (Industrial Vehicles Corporation BV) (ci-après dénommée " Iveco "). La coopération comprend la création et l'exploitation d'une entreprise commune.

B. Les entreprises

1. Rockwell est une société américaine qui possède des intérêts dans plusieurs branches industrielles parmi lesquelles la production et la vente d'équipements pour véhicules automobiles, et plus spécialement de ponts arrière pour camions, dont Rockwell est le principal fournisseur sur le marché américain. En 1981, le secteur automobile a contribué pour 22 % environ au chiffre total des ventes de Rockwell qui s'est élevé à 7 milliards de dollars des Etats-Unis (7,4 milliards d'Ecus) (3). En Europe, Rockwell possède cinq filiales à 100 % et des participations allant jusqu'à 50 % dans trois autres sociétés, opérant toutes dans le secteur automobile.

Parmi ces sociétés, Rockwell-Maudslay Ltd, au Royaume-Uni, que Rockwell a rachetée à British Leyland en 1972, est dans la Communauté économique européenne, la seule filiale de Rockwell qui fabrique et vend des essieux de camions destinés à la conduite sur route. Au départ, elle produisait uniquement des essieux de camions de conception British Leyland au Royaume-Uni; actuellement, toutefois, elle fournit également des essieux de conception Rockwell à ... (4). ... Par ailleurs, Rockwell (Etats-Unis) a vendu ... essieux en 1980 et ... en 1981 à des constructeurs de camions dans la Communauté économique européenne.

2. Iveco est une société holding de droit néerlandais qui possède plusieurs filiales dans différents Etats membres; elle appartient elle-même à 100 % à International Holding of Fiat (IHF), membre du groupe Fiat. Elle est le deuxième producteur de véhicules utilitaires ayant un poids maximal admis égal ou supérieur à 3,5 tonnes dans la Communauté économique européenne et en Europe occidentale, avec une part de marché d'environ 17,2 % en 1981, contre 26 % (5) environ au premier producteur Daimler-Benz.

Le groupe Iveco vend ses camions sous les noms de Iveco, Fiat, OM, Unic, Magirus-Deutz et Lancia. En 1981, les ventes consolidées du groupe Fiat se sont chiffrées à 22 000 milliards de lires italiennes (16,653 milliards d'Ecus). Le groupe Iveco dispose de quatre usines pour la fabrication et l'assemblage d'essieux ou de parties d'essieux, qui répondent aux besoins du groupe. Trois sont situées en Italie et la quatrième fait partie de l'usine Magirus-Deutz à Ulm, en République fédérale d'Allemagne. Iveco n'a encore jamais vendu d'essieux à des tiers.

3. Pour former leur entreprise commune, les parties ont utilisé une filiale existante d'Iveco, la société Omevi (Officine Meccaniche Veicoli Industriali SpA) créée en 1980, dont le siège social est à Turin et ayant pour fin commerciale la fabrication et la vente d'équipements pour véhicules automobiles. Rockwell a pris une participation minoritaire dans cette société par l'intermédiaire d'une de ses filiales à 100 %. À l'issue d'une période transitoire, Rockwell détiendra 60 % des parts, contre 40 % à Iveco. La raison sociale de la société deviendra alors " Rockwell CVC SpA " et son capital sera de 48 milliards de lires italiennes (36,335 millions d'Ecus). Les deux parties sont représentées de façon proportionnelle au conseil d'administration, où la majorité des deux tiers est requise pour certaines décisions importantes concernant l'activité de l'entreprise commune.

Pour la production, l'entreprise commune se servira d'une usine située à Cameri, en Italie, précédemment utilisée par Vispa, filiale d'Iveco, pour l'assemblage d'autocars.

C. Les produits

Les essieux sont, avec les moteurs et les transmissions, l'élément le plus important et le plus vital d'un véhicule.

L'industrie européenne utilise deux grands types d'essieux de camions: l'essieu à réduction au pont généralement utilisé sur les camions de poids léger et moyen, et l'essieu à réduction au moyeu, utilisé sur les camions plus lourds. Les essieux à réduction au pont sont à réduction simple (un jeu d'engrenages chargés à la couronne et au pignon du différentiel) ou à réduction double (deux jeux d'engrenages). Quant à l'essieu à réduction au moyeu, il contient trois jeux d'engrenages à charge active entre la transmission et les roues. Ces dernières années, Rockwell a mis au point une nouvelle série d'essieux à réduction simple pour répondre aux exigences techniques plus sévères liées à l'élaboration de moteurs de camions consommant moins de carburant et plus silencieux. Ces moteurs tournent à vitesse plus faible, ce qui exige des rapports de pont plus bas pour assurer aux véhicules une vitesse maximale adéquate. Ce résultat est difficile à obtenir avec les essieux à réduction au moyeu, et à double réduction, car il est à peu près impossible d'atteindre par cette technique les bas rapports de pont recherchés; il faut recourir à des rapports de surmultiplication spéciaux, qui réduisent l'efficacité du moteur. Les essieux à réduction simple conçus par Rockwell opèrent la transmission en prise directe, c'est-à-dire à son point d'efficacité maximale, tout en ayant la puissance nécessaire pour entraîner à une vitesse de croisière satisfaisante des camions à pleine charge.

La gamme actuelle des essieux Iveco comporte des essieux à réduction double et des essieux à réduction au moyeu. Elle n'est pas complètement rationalisée quant aux matériaux et à l'interchangeabilité des éléments.

D. But de l'entreprise commune

1. Suivant les estimations des parties, la construction d'une nouvelle usine de fabrication d'essieux en Europe, de la taille envisagée pour l'entreprise commune, coûterait au moins 200 millions de dollars des Etats-Unis (209,6 millions d'Ecus). La mise en place de l'entreprise commune coûtera sensiblement moins cher puisque des machines et des installations existantes seront utilisées. Outre un investissement en capital de 48 milliards de lires italiennes (36,335 millions d'Ecus), Rockwell et Iveco prévoient qu'il faudra consacrer à l'entreprise commune, au cours des trois ou quatre premières années d'activité, environ 135 milliards de lires italiennes (102 millions d'Ecus), à répartir entre les deux parties.

Compte tenu de l'importance des investissements requis et de la structure du marché européen des essieux (voir point F ci-après), Rockwell pense qu'une meilleure pénétration du marché ne peut être tentée qu'avec un partenaire puissant, qui achètera la plus grande partie de la production initiale. Quant à Iveco, elle souhaite accéder à la technologie de Rockwell en matière d'essieux, pour éviter de devoir procéder elle-même à de coûteux travaux de recherche et de mise au point. Les deux partenaires sont convaincus que, dans un avenir proche, les petits constructeurs de camions noamment seront contraints d'acheter certains éléments importants comme les essieux aux producteurs spécialisés, eu égard au coût élevé de toute innovation. Aussi l'objectif à long terme des partenaires est-il de vendre environ 50 % de la production de l'entreprise commune à d'autres constructeurs de camions que les filiales d'Iveco.

2. Le domaine d'activités de l'entreprise commune sera la production et la commercialisation de ponts arrière, y compris leurs éléments et pièces de rechange, pour véhicules utilitaires d'un poids maximal admis de sept tonnes et plus. Sa production future est destinée à remplacer - sauf quelques exceptions - la production intégrée d'essieux des filiales d'Iveco et leur gamme actuelle d'essieux. À cet effet, Rockwell communique à l'entreprise commune son savoir-faire en matière de fabrication d'essieux à réduction simple. Six essieux de la gamme actuelle d'essieux Rockwell ont été choisis pour être fabriqués par l'entreprise commune, qui continuera à fabriquer, sous licence Vispa, certains des essieux pour véhicules utilitaires légers et des essieux à réduction au moyeu du groupe Iveco. Rockwell et Iveco sont convenus d'envisager ultérieurement l'opportunité d'étendre la gamme de produits de l'entreprise commune aux essieux à réduction au moyeu actuellement fabriqués par Magirus-Deutz, en rachetant l'actif de cette dernière.

3. Avant que l'entreprise commune ne puisse commencer une production complète, il faudra un certain temps pour transférer à l'usine de Cameri l'équipement approprié des trois unités actuelles de production d'essieux des filiales d'Iveco en Italie. Au cours de cette étape préliminaire, l'entreprise commune ne fabriquera que certains éléments pour quelques essieux Iveco, cette dernière continuant à fabriquer le reste pour son propre compte. Après cette phase, l'entreprise commune s'engagera, par étapes, dans la fabrication des essieux Rockwell. Le dernier type d'essieux Rockwell (le sixième) devrait commencer à être fabriqué environ 18 mois après le premier. D'après les prévisions des parties, à ce moment là les filiales d'Iveco achèteront encore la plus grande partie de la production totale de l'entreprise commune.

E. Les accords

1. a) Le 18 août 1981, Rockwell et Iveco ont notifié à la Commission une série d'accords composée d'un accord de base qui a pris effet le 13 juin 1981 et de plusieurs accords complémentaires dont la conclusion est prévue dans l'accord de base auquel ils se rattachent. Aux dires des parties, tous ces accords forment un ensemble complexe dont chaque élément est essentiel à la réalisation de l'entreprise commune.

b) La conclusion (closing) est intervenue le 2 mars 1982; les parties ont signé un accord de conclusion (closing agreement), ainsi que tous les accords susmentionnés dont l'accord de base prévoyait la mise en œuvre à la date de la conclusion (closing date).

2. Les parties essentielles de cette série d'accords sont les suivants:

a) l'accord de base (the basic agreement) entre Rockwell et Iveco, qui prévoit la création d'une filiale commune et régit les rapports des sociétés mères entre elles et vis-à-vis de l'entreprise commune; l'accord de base prévoit aussi l'obligation pour Vispa, filiale d'Iveco, d'accorder une licence à l'entreprise commune sur sa technologie en matière d'essieux;

b) un accord entre les actionnaires (Shareholders' Agreement) entre les deux filiales des parties qui détiennent les actions de l'entreprise commune, comportant des dispositions régissant leur représentation au sein de son conseil d'administration et la nomination et les pouvoirs des personnes chargées de sa direction, la répartition des dividendes et la protection du porteur de parts minoritaires;

c) un accord de licence de technologie (Technology Licence Agreement) entre Rockwell et l'entreprise commune;

d) un accord de licence de marque (Trademark Licence Agreement) entre Rockwell et l'entreprise commune;

e) trois accords d'achat/approvisionnement entre l'entreprise commune et les filiales Magirus-Deutz, Unic et Vispa d'Iveco, aux termes desquels lesdites filiales sont tenues à quelques exceptions près de s'approvisionner en essieux exclusivement auprès de l'entreprise commune, laquelle s'engage pour sa part à satisfaire à leurs besoins;

f) deux accords de distribution selon lesquels l'entreprise commune devient distributeur non-exclusif des essieux produits actuellement par Magirus-Deutz (pour 7 ans) et par Rockwell-Maudslay (pour 6 ans); en outre, elle a le droit de rechercher des commandes pour les essieux fabriqués aux Etats-Unis par Rockwell, comme prévu dans l'accord de représentation de Rockwell US; les parties ont renoncé à l'exclusivité initialement prévue dans ces accords.

3. Pour assurer la réussite de leur entreprise commune et pour protéger leurs investissements, les sociétés mères ont prévu certaines restrictions à la concurrence qu'elles se livrent mutuellement et au champ d'action de l'entreprise commune. Elles sont convenues de n'étendre leur capacité de production d'essieux en Europe occidentale, en Afrique et au Moyen-Orient que par l'intermédiaire de l'entreprise commune, sauf pour les exceptions prévues ci-dessous. En outre, l'entreprise commune ne pourra investir dans des installations industrielles autres que l'usine de Cameri qu'avec l'accord de Rockwell et d'Iveco. Si le développement éventuel des ventes d'essieux dans le territoire susmentionné exige de nouveaux investissements en biens d'équipement en dehors de l'Italie, les parties s'efforceront de réaliser ces investissements par l'intermédiaire de l'entreprise commune, moyennant un apport de capital soit par les deux parties au prorata de leur participation, soit par Rockwell agissant seule, soit par l'intermédiaire d'une nouvelle entreprise commune 60/40 %. Si Iveco n'accepte aucune de ces possibilités, Rockwell a la faculté de réaliser l'investissement seule et de communiquer sa technologie en matière d'essieux à l'entreprise servant de support à l'investissement.

4. a) D'après l'accord de licence de technologie, Rockwell transmet à l'entreprise commune sa technologie dans le domaine des ponts arrière à réduction simple. Cette technologie repose essentiellement sur du savoir-faire; la gamme des essieux Rockwell ne fait pas l'objet de brevets importants. Selon Rockwell, son savoir-faire s'étend à trois grands domaines:

aa) la conception des essieux:

elle optimise le taillage des engrenages, la durée de vie des coussinets, la lubrification et les jonctions à boulons. Rockwell a créé une banque de données empirique permettant notamment de mettre au point et de calibrer les engrenages qui sont les éléments clés des essieux à réduction simple du fait qu'ils déterminent le rapport de réduction. Cette banque de données est également utilisée pour mettre au point le flux de lubrification et pour sélectionner et spécifier les coussinets de palier appropriés;

bb) le choix des matériaux:

ce choix revêt la plus grande importance pour réduire le poids et obtenir la résistance et la durabilité requises à un coût acceptable. Rockwell ne cesse d'essayer de nouveaux matériaux plus légers ou permettant de réduire les frottements et, grâce à ses travaux de recherche, à sa technologie en matière de métaux et à ses analyses de fiabilité, elle a acquis le savoir-faire nécessaire pour déterminer le matériau qui donne la combinaison optimale desdits facteurs;

cc) les procédés de fabrication:

ceux mis au point par Rockwell concernent principalement les opérations d'usinage et de traitement des métaux, et notamment les opérations de durcissement qui sont décisives pour optimiser le rapport entre la durabilité, l'usinabilité et le coût.

b) Le territoire auquel se rapportent les licences se subdivise en trois zones, définies comme suit:

- territoire A: Italie,

- territoire B: Europe occidentale, y compris l'ensemble de la Communauté économique européenne, Moyen-Orient et plusieurs pays africains,

- territoire C: les pays de l'Est.

EMPLACEMENT TABLEAU

En outre, l'entreprise commune a le droit d'utiliser dans le monde entier les produits visés par cet accord comme partie d'autres équipements. Les licences exclusives le sont également en ce qui concerne Rockwell elle-même.

c) L'entreprise commune peut transmettre à son tour la technologie à toute filiale à 100 % établie sur le territoire A, B ou C. Elle peut également le faire au bénéfice des filiales ou des preneurs de licence d'Iveco pour permettre à celle-ci d'exploiter pleinement les possibilités commerciales dans le domaine de la technologie en matière de camions. Rockwell, en qualité d'actionnaire majoritaire de l'entreprise commune, s'est engagée à ne pas refuser son accord en pareil cas.

d) En retour, l'entreprise commune accordera à Rockwell une licence d'utilisation en dehors du territoire, de toute amélioration apportée par elle à la technologie transmise; cette licence est non-exclusive, sauf aux Etats-Unis d'Amérique, au Canada et au Mexique, pendant la durée de la licence de technologie.

e) La licence sera valable pendant dix ans, à l'issue desquels l'entreprise disposera d'une licence non-exlusive perpétuelles irrévocable et ne donnant pas lieu à redevances, de fabrication et de vente, dans le territoire; des produits relevant de l'accord de technologie et d'utilisation dans le monde entier, y compris le droit de communiquer la technologie à des tiers. En outre Rockwell continuera à compléter l'information de l'entreprise commune pendant trois ans après la date d'expiration. Pour la licence, l'entreprise commune devra verser une somme unique.

5. En vertu de l'accord complémentaire de licence de marque, l'entreprise commune obtient, sans redevances, la licence non-exclusive d'utilisation de la marque Rockwell pendant une période initiale de cinq ans et, par la suite, tant que Rockwell exercera effectivement le contrôle sur l'entreprise commune.

6. Tous les essieux Iveco ne devant pas être remplacés par des essieux de conception Rockwell, Vispa, filiale d'Iveco, transmet également à l'entreprise commune sa technologie en matière d'essieux. Des dispositions en ce sens figurent dans l'accord de base. Elles prévoient que Vispa accordera à l'entreprise commune, sans redevance, une licence exclusive de fabrication pour l'Italie des essieux de conception Vispa produits par l'entreprise commune, ainsi qu'une licence non-exclusive de vente de ces mêmes essieux dans le territoire. Certains essieux sont d'ores et déjà énumérés; l'entreprise commune pourra reprendre la production et la vente d'autres essieux de conception Vispa moyennant notification écrite à Vispa. Elle a le droit de transmettre cette technologie, sous réserve du droit correspondant accordé à Vispa dans des cas déterminés. La licence aura une durée de dix ans, à l'expiration desquels l'entreprise commune conservera une licence non-exclusive libre de redevances et perpétuelle, de fabrication et de vente des produits dans le territoire et d'utilisation dans le monde entier.

7. L'entreprise commune a passé des accords d'achat/approvisionnement avec chacune des filiales d'Iveco, à savoir Vispa (Italie), Unic (France) et Magirus-Deutz (Allemagne). Pendant une période de sept ans à compter du début de la production commerciale à l'usine de Cameri des six modèles d'essieux Rockwell spécifiés, avec un maximum de huit ans à compter du début de la production commerciale du premier de ces modèles, ces filiales seront tenues - avec certaines restrictions - de s'approvisionner en essieux exclusivement auprès de l'entreprise commune, laquelle s'engage pour sa part à satisfaire à leurs besoins.

F. Le marché

La demande européenne de ponts arrière pour camions en Europe, qui est fonction du nombre de camions produits, est satisfaite en majeure partie par les constructeurs de camions eux-mêmes, qui représentent environ 95 % de la production (1981: 96,1 %) (1). Les grands constructeurs européens de camions se sont toujours efforcés de fabriquer eux-mêmes le plus grand nombre possible des éléments clés de leurs camions; aussi disposent-ils tous d'unités de production d'essieux suffisantes pour répondre à leurs besoins. En règle générale, ils ne vendent pas d'essieux aux tiers et n'en achètent à des fabricants indépendants qu'aux fins d'applications particulières; c'est pourquoi les producteurs indépendants comme Rockwell-Maudslay et ses concurrents n'ont pas réussi, dans le passé, à s'attribuer une part importante de la production européenne globale.

Les concurrents de Rockwell-Maudslay sur le marché libre européen des essieux font, eux aussi, partie de groupes industriels importants. Eaton est une société établie aux Etats-Unis dont le chiffre d'affaires total en 1981 de 3,2 milliards de dollars des Etats-Unis (3,3 milliards d'Ecus) a été réalisé pour près de la moitié dans le secteur des composants pour véhicules automobiles, et en particulier pour poids lourds, tels que les transmissions, les essieux et les freins. Guest, Keen and Nettlefolds Ltd (GKN) est un groupe industriel ayant son siège social au Royaume-Uni. 33 % de son chiffre d'affaires de 1980 (1,9 milliard de livres, soit 3,5 milliards d'Ecus) ont été réalisés dans le secteur des composants pour véhicules automobiles. SOMA, le troisième concurrent indépendant, fait partie du groupe français Valeo dont le chiffre d'affaires total en 1981 était de 6,9 milliards de francs français (un milliard d'Ecus). SOMA produit surtout des essieux et des composants pour transmissions pour poids lourds et avait en 1981 un chiffre d'affaires de 590 millions de francs français (89,7 millions d'Ecus).

EMPLACEMENT TABLEAU

Le marché " libre " des essieux sur lequel les fabricants indépendants se font concurrence est donc très limité, comparé à la production globale d'essieux dans la Communauté économique européenne. Les essieux produits par les constructeurs de camions n'étant normalement pas vendus aux autres constructeurs de camions, il convient de ne pas en tenir compte pour déterminer le volume du " marché ". Les constructeurs de camions n'interviennent sur le marché qu'au stade de leurs produits finals, les véhicules utilitaires, dont les essieux ne sont qu'un élément. Sur ce marché, Iveco occupait en 1981 la deuxième place avec 17,2 % environ, derrière Daimler-Benz avec 26 %.

La situation est totalement différente aux Etats-Unis, marché national de Rockwell. Les constructeurs américains de camions achètent régulièrement à l'extérieur une grande partie des composants, y compris des éléments clés tels que les moteurs, les transmissions et les essieux, plutôt que de les fabriquer eux-mêmes. Souvent, ils donnent à leurs clients le choix entre les produits de plusieurs fabricants indépendants d'éléments clés. Le constructeur monte ensuite le camion selon les desiderata du client. Les fabricants indépendants s'attribuent ainsi une part importante de la production de certains composants; cette part atteint environ 70 % de la production totale dans le cas des ponts arrière pour camions.

G. Observations des tiers

La Commission n'a reçu aucune observation de tiers après la publication du résumé des accords en cause.

II. EN DROIT

Article 85 paragraphe 1

1. L'accord de base entre les entreprises Rockwell et Iveco, relatif à la création d'une entreprise commune pour la production et la commercialisation d'essieux moteurs pour poids lourds, et les accords annexes, relèvent du champ d'application de l'article 85 paragraphe 1 du traité. Ils peuvent cependant bénéficier de l'exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3, dont les conditions sont remplies en l'occurrence.

2. Les accords notifiés par Rockwell et Iveco forment un tout, contenant à la fois des dispositions régissant les rapports réciproques entre les parties et des dispositions régissant leurs rapports verticaux avec leur entreprise commune.

3. Pour ce qui est des rapports horizontaux entre Rockwell et Iveco, l'article 85 paragraphe 1 est applicable parce que les deux entreprises sont à considérer comme des concurrents tout au moins potentiels sur le marché en cause.

a) Les deux parties fabriquaient, dès avant la conclusion de l'accord, les produits que l'entreprise commune est appelée à fabriquer. Rockwell est déjà représentée sur le marché européen des essieux par ses exportations à partir des Etats-Unis et à travers sa filiale Rockwell-Maudslay. Iveco doit être considérée elle aussi comme un concurrent potentiel sur le marché européen des essieux, même si elle n'a encore jamais vendu ses essieux à des tiers. Ses capacités n'étant pas pleinement utilisées, elle pourrait augmenter sa production en vue de telles ventes.

b) Même après l'entrée en vigueur des accords, il subsistera une concurrence potentielle entre Rockwell et Iveco. Magirus-Deutz et Vispa, filiales d'Iveco, poursuivent leur production dans des domaines voisins, ce qui permettra en fait à Iveco de reprendre une activité autonome dans le domaine en question.

Rockwell continue à faire fabriquer par sa filiale Rockwell-Maudslay des essieux destinés au marché européen. Elle reste un fournisseur important sur d'autres marchés géographiques, notamment aux Etats-Unis et pourrait, comme dans le passé, exporter vers le marché européen.

4. L'accord en vue de la création de l'entreprise commune a pour objet et pour effet de restreindre et de fausser la concurrence à l'intérieur du Marché commun. La structure de l'offre sur le marché en cause est modifiée du fait que les parties renoncent à la possibilité de fabriquer les produits visés en toute autonomie et de les vendre sur le marché en s'y faisant concurrence. En outre, les accords comportent des obligations expresses que les parties considèrent comme un élément essentiel de leur accord global et qui ont un effet restrictif sur le comportement adopté par Rockwell, Iveco et l'entreprise commune en matière de concurrence.

5. Les accords contiennent les restrictions suivantes.

a) Outre ses propres essieux, l'entreprise commune commercialisera, sur une base non exclusive, les essieux qui seront encore produits de façon indépendante par Rockwell-Maudslay et Magirus-Deutz. En conséquence, Rockwell et Iveco n'utilisent pas, dans les limites convenues, la possibilité de vendre ces essieux pour leur propre compte et ne suivent pas une politique de commercialisation indépendante.

b) Rockwell s'est engagée, tant que durera l'accord de licence de technologie, à ne plus accorder de nouvelles licences de fabrication pour l'Italie ni de nouvelles licences de vente pour le territoire B. Iveco accorde à l'entreprise commune une licence exclusive de fabrication des modèles d'essieux Vispa en Italie. Rockwell et Iveco perdent ainsi le droit de conclure des contrats avec d'autres preneurs éventuels de licences dans les territoires en cause.

c) En vertu de l'accord de base, et pour toute la durée de celui-ci, Rockwell et Iveco se sont engagées à effectuer, en principe par le biais de la seule entreprise commune, des investissements dans le domaine d'activité de l'entreprise commune, en vue d'augmenter leur capacité dans les territoires A et B. Les investissements dans d'autres usines que celle de Cameri nécessitent l'accord des deux partenaires. Si ceux-ci ne parviennent pas à s'entendre sur un éventuel investissement hors de l'Italie selon la procédure prévue par l'accord et dans ce cas seulement, Rockwell pourra le réaliser seule. Il en résulte une restriction de l'autonomie concurrentielle des partenaires, restriction qui prend de l'importance à mesure que leurs espoirs se concrétisent et que le marché libre des essieux poursuit son expansion.

d) Aux termes des accords d'achat/approvisionnement passés entre l'entreprise commune et les filiales d'Iveco, ces dernières sont tenues, dans certaines limites, de s'approvisionner exclusivement auprès de l'entreprise commune pendant huit ans à compter du début de la fabrication du premier essieu Rockwell. Cette obligation formelle d'achat les empêche juridiquement de s'adresser à d'autres fabricants pour couvrir une partie au moins de leurs besoins en essieux. Compte tenu notamment de la durée des accords, les possibilités de vente d'autres fabricants d'essieux risquent de s'en trouver réduites.

6. Les restrictions de concurrence précitées ont des effets sensibles sur le marché libre des essieux à l'intérieur du Marché commun, du fait que l'entreprise commune s'attribuera une part importante de ce marché puisqu'elle répondra à la plus grande partie des besoins d'Iveco en essieux moteurs, qui sont considérables.

7. Les accords sont susceptibles d'affecter d'une manière sensible le commerce entre Etats membres car il est prévu que l'entreprise commune vendra des essieux aux constructeurs de camions dans l'ensemble du Marché commun.

Article 85 paragraphe 3

Les accords examinés ci-dessus répondent aux conditions d'exemption prévues à l'article 85 paragraphe 3.

La coopération entraîne, pour la production des biens concernés et pour les consommateurs, des avantages économiques qui ne pouraient être obtenus en l'absence de l'entreprise commune et qui dépassent ses inconvénients.

Amélioration de la production et de la distribution, promotion du progrès technique et économique

8. Compte tenu de la structure actuelle du marché européen des essieux, l'apparition d'un nouveau concurrent efficace, sous les traits de l'entreprise commune, représente un avantage objectif, qui améliore la production et la vente des produits visés.

Grâce au transfert à l'entreprise commune de la capacité existante d'Iveco, la coopération permet d'utiliser cette capacité plus complètement que par le passé, du fait que la production de l'entreprise commune est appelée à répondre non seulement aux besoins des filiales d'Iveco, mais aussi à ceux d'autres constructeurs de camions. Les coûts unitaires de production devraient baisser sous l'effet à la fois de l'accroissement du volume de la production et de la réduction du nombre de composants qui caractérise la gamme d'essieux Rockwell.

D'autre part, l'entreprise commune permet à Iveco d'accéder à la technologie de Rockwell, lui évitant ainsi de coûteux travaux de mise au point. L'exploitation en commun de connaissances techniques complémentaires par un fabricant d'essieux spécialisé et par un constructeur de camions expérimenté devrait contribuer à promouvoir le progrès technique des produits en cause.

En conséquence, l'entreprise commune disposera des capacités nécessaires pour répondre à la demande d'autres constructeurs de camions et sera en mesure de leur offrir une nouvelle série d'essieux en s'appuyant sur la technologie de Rockwell. La distribution, étendue aux essieux Magirus-Deutz et Rockwell-Maudslay, permet de présenter une gamme plus vaste de produits. L'entreprise commune est donc susceptible d'offrir aux tiers constructeurs de camions une alternative intéressante à leur production d'essieux intégrée et de stimuler efficacement le marché libre des essieux.

Avantages pour les utilisateurs

9. Les accords réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte.

Les premiers bénéficiaires des avantages techniques et économiques résultant de la coopération seront les acheteurs d'essieux moteurs pour camions, à qui des produits de haute technologie seront proposés. En outre, il est à prévoir que l'entreprise commune sera contrainte de répercuter sur ses clients les avantages au niveau des coûts de production. Les clients potentiels sont les fabricants de camions, c'est-à-dire des entre prises importantes, qui disposent d'un savoir-faire en matière de production d'essieux et qui n'abandonneront ou ne restreindront cette production que s'ils y trouvent des avantages économiques sensibles.

Les acheteurs de camions devraient également tirer profit de la collaboration. L'exploitation en commun de connaissances spécialisées en matière de construction d'essieux et de camions garantit qu'il sera tenu compte au maximum des besoins des utilisateurs de camions lors de la construction des essieux. Comme les essieux moteurs représentent une fraction importante du coût de production global d'un camion, et compte tenu de la forte concurrence qui existe entre les producteurs de camions dans la Communauté économique européenne, le prix du camion pour l'utilisateur devrait s'en trouver favorablement influencé.

Caractère indispensable

10. Les accords ne contiennent pas de restrictions de concurrence qui ne soient pas indispensables, pendant la période d'exemption, pour atteindre les objectifs précités.

a) La création de l'entreprise commune est indispensable au succès de la coopération, car elle constitue le seul moyen possible de réaliser l'objectif que constitue l'accès, sur le marché, d'un concurrent efficace, en limitant les dépenses d'investissement et le risque commercial important lié à la structure du marché.

D'autres solutions, restreignant moins la concurrence, ne permettraient pas d'obtenir les avantages attendus de l'entreprise commune.

Un simple accord de sous-traitance avec Rockwell rendrait Iveco dépendante à l'égard de la fiabilité de son partenaire, sans avoir aucune influence directe sur sa production. Compte tenu du grand nombre d'essieux requis par Iveco, en tant que deuxième plus grand constructeur de camions en Europe, cette alternative ne saurait constituer une solution raisonnable ni adéquate.

Une simple cession de savoir-faire ne saurait être retenue à titre d'autre alternative. La participation de Rockwell dans l'entreprise commune assure que cette dernière disposera pendant plusieurs années des renseignements les plus récents, ce qui présente une importance particulière eu égard à la rapidité du progrès technique. Cet avantage résultera du fait que Rockwell sera elle-même intéressée à la prospérité de l'entreprise commune. Il n'en serait sans doute pas ainsi si Rockwell devait simplement accorder à Iveco le droit d'exploiter son savoir-faire.

b) Les circonstances propres au cas d'espèce justifient l'extension des activités de l'entreprise commune à la distribution des produits fabriqués en commun. L'objectif des partenaires est d'opérer une percée sur un marché encore sous-développé et de l'animer, ce qui exige un gros effort de commercialisation et de vente. Le succès commercial de l'entreprise commune suppose que les tiers constructeurs de camions soient prêts à renoncer, du moins en partie, à leur propre production d'essieux. Une décision si lourde de conséquences pour une entreprise ne peut se prendre qu'à l'issue de tractations longues et minutieuses, au cours desquelles les clients potentiels doivent se convaincre des avantages techniques et économiques offerts par l'achat des essieux moteurs auprès d'un fabricant tiers.

Cette difficulté de se constituer une clientèle ainsi que le temps et le personnel requis à cet effet, joints à des considérations d'ordre technique, militent en faveur de la distribution conjointe par l'intermédiaire de l'entreprise commune. Les essieux moteurs pour véhicules utilitaires ne sont pas des produits finis au sens où ils peuvent être montés sans problème sur un camion. Un client ne se décide à l'achat qu'après une longue série de tests et, le cas échéant, après avoir demandé au fournisseur de lui établir des plans intégrant des éléments spécialement conçus à son usage. Ceci suppose une collaboration technique étroite avec l'acheteur que le producteur, en l'occurrence l'entreprise commune, est mieux à même d'assurer.

Les mêmes considérations s'appliquent au fait que l'entreprise commune aura également le droit non-exclusif de distribuer les essieux produits par Magirus-Deutz et Rockwell-Maudslay. Les parties ont manifestement pour objectif de concentrer sur l'entreprise commune autant qu'elles le peuvent aujourd'hui, leurs intérêts en matière de fabrication d'essieux moteurs en Europe, tout en poursuivant dans les domaines assez limités, leur production autonome d'essieux. D'autre part, les accords de distribution permettent à l'entreprise commune d'offrir une gamme plus étendue de produits à ses clients potentiels. Les accords ne dépassent cependant pas ce qui est absolument nécessaire à cette fin, dans la mesure où les parties restent libres de reprendre leurs ventes indépendamment si cela leur semble plus avantageux.

c) L'exclusivité de droits conférée à l'entreprise commune par les accords de technologie et l'obligation de non-concurrence qui en résulte pour les parties, peuvent être considérées comme indispensables à la réalisation des objectifs de ces accords. Les difficultés, déjà évoquées, d'étendre le marché et d'acquérir une clientèle, exigent que l'entreprise commune soit protégée dans ses efforts tendant à développer sa propre position sur le marché et à amortir les sommes investies. La période de onze ans n'apparaît pas excessive car les droits exclusifs ne commenceront en pratique à prendre de l'importance qu'à l'issue de la phase préparatoire, cette importance s'accroissant par la suite progressivement jusqu'à ce que le dernier des six essieux Rockwell auxquels s'applique l'accord de licence soit produit en série.

d) Les restrictions aux investissements prévues dans l'accord de base doivent également être considérées comme indispensables pendant la durée de l'exemption. Pour avoir des chances de réussir, l'entreprise commune doit être certaine que pendant sa phase d'installation, les associés concentreront sur elle les intérêts économiques qu'ils possèdent dans le domaine de ses activités et qu'ils ne procèderont pas à des investissements distincts, qui pourraient menacer ses fondements économiques. En plus, l'obligation d'une démarche commune des parties dans l'éventualité d'un nouvel investissement est atténuée dans la mesure où Rockwell, après rejet par Iveco des diverses solutions prévues par les accords, est en droit de procéder seule à l'investissement.

Les sommes importantes à investir dans la création de l'entreprise commune et le long délai à prévoir avant que les capacités de l'entreprise commune ne soient utilisées à suffisance et avant qu'elle ne soit en mesure d'introduire ses produits sur le marché amènent à considérer comme inévitable le maintien de la restriction aux investissements jusqu'à la fin de la période d'exemption.

e) Les accords obligent les filiales d'Iveco, pendant sept ans à dater du début de la production de tous les essieux Rockwell, avec un maximum de huit ans à dater du début de la production du premier essieu, à s'approvisionner en essieux auprès de la seule entreprise commune. Cette obligation est également indispensable tout au long de la période précitée pour atteindre les objectifs assignés à l'entreprise commune.

Les contractants prévoient que les filiales d'Iveco achèteront au départ de loin la plus grande partie de la production totale de l'entreprise commune. Même à l'expiration de la première phase, ce pourcentage, d'après les estimations des intéressés, atteindrait encore au moins 60 %. Les décisions des partenaires en matière d'investissements et leurs calculs de rentabilité s'appuient sur la certitude de ce débouché. Aussi, compte tenu des difficultés à prévoir dans la recherche d'autres clients, l'obligation précitée présente-t-elle une importance directe pour la réussite économique de l'entreprise commune au cours de la phase initiale. À l'expiration de cette période, en revanche, les filiales d'Iveco doivent être libres de passer leurs contrats d'approvisionnement en essieux avec tout fournisseur qui leur paraîtra offrir les conditions les plus avantageuses.

L'élimination de la concurrence

11. L'accord ne donne pas aux parties la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

a) Sur le marché visé, qui est celui des essieux moteurs pour véhicules utilitaires moyens et lourds d'un poids total admis de 7 à plus de 16 tonnes, environ 95 % de la production européenne est assurée par les constructeurs de camions, qui l'intègrent à leur cycle de fabrication et couvrent ainsi leurs besoins propres. Les 5 % restants se répartissent entre les fabricants " libres " d'essieux, qui les vendent à divers constructeurs de camions. Sur ce marché (libre) européen, dans ses limites restreintes, la part de Rockwell, par l'intermédiaire de sa filiale Rockwell-Maudslay, était en 1981 de ... % environ, contre ... % (Eaton), ... % (Soma) et ... % (GKN) environ pour ses principaux concurrents.

Du fait qu'Iveco abandonne en grande partie la production des essieux qu'elle fabriquait pour son usage, l'entreprise commune acquiert une position très importante sur le marché, puisque, dès le départ, elle assurera l'approvisionnement d'Iveco en essieux moteurs.

b) Toutefois, alors même qu'Iveco cesse de produire pour son propre compte, la production interne des constructeurs de camions représente encore quelque 80 % de la production globale d'essieux dans le Marché commun. Tous les autres grands constructeurs européens de camions continuent à fabriquer eux-mêmes les essieux moteurs qui leur sont nécessaires et restent dès lors indépendants des fabricants libres d'essieux. Ces derniers, quelle que soit leur part de marché, doivent en tenir compte. Dès lors, quoi qu'il advienne, l'entreprise commune sera amenée à se comporter en concurrent sur le marché en cause.

L'on peut donc raisonnablement s'attendre à ce que la compétitivité des autres fabricants indépendants d'essieux ne soit pas compromise par l'apparition, sur le marché, d'un concurrent puissant. Cela sera d'autant plus vrai que l'entreprise commune saura convaincre les constructeurs de camions de changer leur politique, c'est-à-dire de renoncer à fabriquer eux-mêmes leurs essieux pour les acheter à des tiers, déterminant ainsi une tendance qui créerait une situation plus compétitive sur ce marché, situation dont les autres fabricants libres d'essieux profiteraient également.

Appréciation des avantages et désavantages

Compte tenu de la structure particulière du marché des essieux dans la Communauté et du fait que la nouvelle entreprise commune devrait y jouer un rôle stimulateur, les avantages découlant de cette coopération dépassent de loin ses effets dommageables.

Durée de l'exemption et charges

12. Aux termes de l'article 8 paragraphe 1 du règlement n° 17, une décision d'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité est accordée par la Commission pour une durée déterminée.

L'entreprise commune décrite ci-dessus se caractérise par l'ampleur des sommes investies et des engagements souscrits par les associés. En plus, elle éprouvera des difficultés particulières à introduire ses produits sur le marché. Dans ces conditions, elle doit pouvoir bénéficier d'une période d'exemption suffisamment longue pour lui permettre d'atteindre un développement économique satisfaisant. La durée prévisible de la phase de réorganisation préalable au début de la production étant d'environ trois ans, une période totale de onze ans paraît raisonnable. Cette période s'étendra ainsi jusqu'à la fin de la première phase de production, c'est-à-dire jusqu'à la fin des engagements souscrits par les parties dans le cadre des accords de licence et d'approvisionnement. La collaboration des parties n'ayant débuté que le 2 mars 1982, avec la passation du closing agreement et des accords liés à l'accord de base, l'exemption paraît devoir être accordée à partir du 2 mars 1982. Elle cessera donc le 1er mars 1993.

13. Aux termes de l'article 8 paragraphe 1 du règlement n° 17, la déclaration d'exemption peut être assortie de conditions et de charges.

a) Les accords, en particulier les accords de technologie, ne comportent pas de dispositions pour les cas où l'entreprise commune serait dissoute pour quelque raison que ce soit. Bien que les parties n'envisagent pas elles-mêmes pareille éventualité, il faut veiller à ce qu'en pareil cas, chacune puisse continuer à utiliser les connaissances techniques cédées à l'entreprise commune ou élaborées par celle-ci et qui sont indispensables à la poursuite de la production par l'une et par l'autre. Après l'éventuelle dissolution de l'entreprise commune, les deux sociétés doivent donc être en mesure de se faire concurrence sans restrictions temporelles ou géographiques. L'exemption doit être assortie d'une charge libellée en ce sens.

b) Pour que la Commission soit en mesure d'effectuer le contrôle qui lui incombe en vertu de l'article 8 paragraphe 2 du règlement n° 17, les destinataires de la présente décision sont tenus de lui communiquer toute modification ou complément apporté aux accords ainsi que toute sentence arbitrale.

A arrêté la présente décision :

Article premier :

L'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique européenne est déclaré inapplicable au titre de l'article 85 paragraphe 3, pour la période du 2 mars 1982 au 1er mars 1993, à l'accord de base, entré en vigueur le 13 juin 1981, conclu entre les sociétés Iveco (Industrial Vehicles Corporation BV) et Rockwell International Corporation (ci-après dénommées " les sociétés mères " en vue de la constitution de leur entreprise commune dénommée Omevi (Officine Meccaniche Veicoli Industriali SpA) (ci-après dénommée " l'entreprise commune "), ainsi qu'aux accords annexes conclus entre les sociétés mères ou l'une quelconque de leurs filiales, d'une part, et l'entreprise commune, d'autre part.

Article 2 :

La déclaration d'exemption contenue à l'article 1er est assortie des charges suivantes.

1. Si l'entreprise commune venait à être dissoute ou si, à l'expiration de l'accord de licence de technologie conclu entre Rockwell et l'entreprise commune et des accords d'approvisionnement passés entre l'entreprise commune et les filiales d'Iveco suivantes, Vispa, Unic et Magirus-Deutz, Rockwell ou Iveco souhaitaient faire usage de la technologie de l'entreprise commune, les entreprises destinataires de la présente décision s'accorderont mutuellement le bénéfice des brevets licenciés à l'entreprise commune et du savoir-faire transféré à celle-ci ou acquis par elle.

Si une compensation financière est demandée pour le bénéfice ainsi accordé, celle-ci dot être calculée à des conditions au moins aussi favorables que les conditions les plus favorables prévues dans tout accord de licence ou de transfert des mêmes brevets ou du même savoir-faire à un tiers.

2. Les sociétés destinataires de la présente décision sont tenues d'informer immédiatement la Commission de toute modification ou complément apporté aux accords visés à l'article 1er, ainsi que de toute modification apportée à l'objet, à la nature ou à la portée de leur coopération, notamment à la suite d'un arbitrage ou d'un transfert d'actions de l'entreprise commune.

Article 3

La présente décision est destinée aux sociétés suivantes:

- Iveco (Industrial Vehicles Corporation BV), 5, Prof. Bavinklaan, Amstelveen, Pays-Bas,

- Rockwell International Corporation, 600 Grant Street, Pittsburgh, Pennsylvania, Etats-Unis d'Amérique,

- Omevi (Officine Meccaniche Veicoli Industriali SpA), via Puglia 35, Turin, Italie.

NOTES

(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.

(2) JO n° C 171 du 9. 7. 1982, p. 11.

(3) Toutes les conversions sont calculées au taux du 4 août 1982 (JO n° C 201 du 5. 8. 1982, p. 1).

(4) Conformément à l'article 21 paragraphe 2 du règlement n° 17, les chiffres d'affaires ne seront pas publiés au Journal officiel.

(5) Ce chiffre concerne uniquement les véhicules utilitaires ayant un poids maximal admis de 6 tonnes ou plus.