CCE, 16 décembre 1985, n° 85-615
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
P&I Clubs
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n°17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de la Grèce, et notamment ses articles 6 et 8, vu les notifications faites à propos de l'International Group Agreement les 18 juin 1981, 27 juillet 1984 et 20 février 1985 par les dix-sept Protection and Indemnity Clubs dont la liste est jointe en annexe, vu la publication, conformément à l'article 19 para- graphe 3 dudit règlement n° 17, de l'essentiel du contenu de la demande et de la notification (2), Considérant que la Commission n'a pas été avisée d'autres faits importants à la suite de sa communication au titre de l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17 et qu'elle n'a pas non plus reçu d'observations qui seraient de nature à la faire revenir sur son intention de donner suite à la demande d'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE; après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, Considérant ce qui suit:
I. LES FAITS
(1) Le 18 juin 1981, dix-sept clubs de protection et d'indemnisation [Protection and Indemnity Clubs (P & I Clubs) - mutuelles sans but lucratif fournissant certains types d'assurance maritime], dont les noms et adresses sont repris en annexe, ont notifié à la Commission, conformément à l'article 4 du règlement n° 17, le texte d'un accord qu'ils se proposaient de mettre en application et pour lequel demandaient une attestation négative ou, subsidiairement, une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE. L'accord, connu sous le nom d'International Group Agreement (IGA), est entré en vigueur le 8 décembre 1981.
(2) A l'issue d'un examen provisoire, la Commission a estimé que l'accord contenait un certain nombre de clauses qui ne pouvaient être exemptées au titre de l'article 85 paragraphe 3. En conséquence, elle a engagé une procédure le 18 février 1983 et adressé aux demandeurs, le 24 février 1983, la communication des griefs préalable à l'adoption d'une décision au titre de l'article 15 paragraphe 6 du règlement n° 17.
(3) Après discussion avec la Commission, les clubs ont soumis, le 1er novembre 1983, une note exposant une série de modifications qu'ils proposaient d'apporter à l'IGA. Les clubs demandaient à la Commission si elle accepterait de délivrer l'attestation visée à l'article 19 paragraphe 3 au bénéfice de l'IGA, au cas où celui-ci serait modifié conformément aux propositions contenues dans la note.
(4) Le 1er décembre 1983, l'Union des armateurs grecs et le Comité de coopération de la marine marchande grecque, dont les membres adhèrent également aux clubs P & I, ont introduit une plainte formelle au titre de l'article 3 du règlement n° 17, portant sur:
i) un accord formulé dans des termes analogues à ceux de l'IGA et qui était appliqué par les clubs P & I avant l'adoption de celui-ci;
ii) l'IGA tel qu'il avait été notifié et adopté;
iii) l'IGA modifié conformément aux propositions actuelles.
(5) Le 12 juillet 1984, la Commission a adressé aux clubs P & I une communication des griefs où elle déclarait que, à l'examen des données dont elle disposait, certaines clauses de l'IGA lui paraissaient enfreindre les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 et ne remplissaient pas les conditions d'exemption énoncées à l'article 85 paragraphe 3.
(6) Le 27 juillet 1984, les clubs P & I notifiaient une version modifiée de l'IGA (IGA 1984) pour laquelle ils sollicitaient une attestation négative ou, subsidiairement, une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE. Ce texte est entré en vigueur le 31 juillet 1984.
(7) Le 2 août 1984, la Commission annonçait aux clubs que, en l'absence d'un accord sur tous les points soulevés dans la communication des griefs, qui eût permis à la Commission d'accorder une exemption, elle se voyait dans l'obligation de poursuivre la procédure au titre de l'article 85 paragraphe 1.
(8) Le 27 septembre 1984, les clubs faisaient savoir à la Commission que, sans préjudice de leur position dans la procédure en cours, mais pour tenter de régler la question dans le sens de l'article 85 paragraphe 3, ils étaient disposés à modifier l'IGA conformément à la notification faite en 1984.
A. Le marché et les entreprises en cause
(9) L'assurance P & I désigne traditionnellement l'assurance de responsabilité aux tiers et de certaines responsabilités contractuelles liées à l'exploitation des navires. Les premiers clubs P & I ont été crées en Angleterre au milieu du 19e siècle. Ils fonctionnent selon le principe de l'assurance mutuelle; il ne s'agit donc pas d'assureurs commerciaux, mais d'associations de propriétaires, armateurs, exploitants et administrateurs de navires, qui acceptent de mettre leurs responsabilités en commun, sans esprit de lucre. Dans l'ensemble, tous les clubs P & I couvrent les mêmes types de risques, mais les normes de franchise ou de recouvrement varient selon les cas.Le propriétaire de navire assure généralement la coque et les machines auprès d'assureurs commerciaux, tandis que les responsabilités contractuelles et certaines responsabilités aux tiers sont presque toujours placées auprès des clubs P & I.
(10) Chaque association fonctionne comme une mutuelle, sans but lucratif, à l'avantage de ses membres. Chaque association assure les responsabilités aux tiers et contractuelles de ses membres liées à l'exploitation de leurs navires. En outre, les associations regroupent et réassurent collectivement les risques dépassant certains seuils. Ce pool est exploité conjointement par tous les clubs, qui se partagent le risque de toute demande d'indemnisation adressée à tout membre d'un club lorsqu'elle excède la limite assumée par ledit club. Ainsi, toute demande importante adressée à un club n'est pas supportée uniquement par les membres de celui-ci, mais l'excédent est réparti proportionnellement entre les membres de tous les clubs du pool. Ce dernier réassure aussi sur le marché mondial les risques excédant la limite qu'il assume.
(11) Les divers clubs P & I qui ont signé l'IGA ont assuré quelque 90 % du tonnage maritime mondial en 1979 et 1980. En 1980, le tonnage marchand au long cours enregistré dans les Etats membres de la Communauté économique européenne se chiffrait à quelque 112,5 millions de tonnes de jauge, presque entièrement assurées par les clubs du groupe international. Les primes versées aux clubs en 1983 peuvent être estimées à un montant bien supérieur à 500 millions de dollars.
B. L'accord notifié initialement
(12) Le chapitre C ci-après expose les éléments essentiels de l'accord, tel qu'il se présente actuellement à la suite de modifications inscrites dans la notification de 1984 ou apportées à une date ultérieure. Toutefois, l'accord notifié initialement, en 1981, comportait des clauses qui ont été modifiées à la suite de l'intervention de la Commission. Les principales clauses que la Commission souhaitait voir modifier étaient les suivantes:
a) l'obligation pour un club (le "nouveau club") de ne pas faire offre, pour un navire déjà assuré par un autre club (le "club détenteur"), à un tarif inférieur à celui du club détenteur (c'est-à-dire au tarif auquel le club détenteur est disposé à renouveler l'assurance), à moins que le tarif du club détenteur ne dépasse la fourchette des primes couramment appliquées. Cette obligation avait pour effet d'empêcher ou de restreindre le jeu de la concurrence en matière de primes; en effet, la seule possibilité offerte à un nouveau club de reprendre le dossier d'un exploitant déjà assuré auprès d'un autre club en lui appliquant une prime nouvelle était de convaincre le comité d'experts désigné par l'IGA du caractère anormal de la prime pratiquée par le club détenteur, c'est-à-dire de le persuader qu'elle dépassait le maximum à considérer comme normal en l'espèce. Si les primes du club détenteur et du nouveau club étaient toutes les deux considérées comme normales, le club nouveau ne pouvait assurer l'exploitant qu'en alignant pour la première année sa prime sur celle du club détenteur;
b) la clause appliquant les règles d'offres de tarification visées sous a) valait non seulement pour les navires assurés à ce moment, mais aussi pour les bâtiments neufs ou nouvellement acquis (new ships rule). L'application pure et simple des règles d'offres de tarification aux bâtiments neufs ou nouvellement acquis par les exploitants constituait une restriction supplémentaire au libre choix de son assureur par l'assuré;
c) les clauses relatives à la liquidation de la quote-part en cas de retrait (release calls) : La Commission a estimé que les clauses applicables à la liquidation de la quote-part en cas de retrait - c'est-à-dire aux montants payables par les membres d'un club en cas de retrait d'un navire ou d'une flotte au titre de leur quote-part des créances des tiers sur le club pendant la durée de leur affiliation - auraient pu éventuellement renforcer les restrictions imposées aux passages d'un club à un autre;
d) les règles relatives à un coût total estimé [estimated total cost (ETC)] pour les navires-citernes: Ces dispositions constituaient des restrictions de concurrence du fait que les clubs convenaient de primes de base minimales qui devaient être respectées dans tous leurs contrats d'assurance de navires-citernes;
e) les clauses relatives à la composition et aux procédures du comité d'experts: Si ces règles n'ont pas entraîné de restrictions clairement définies, la Commission a cependant estimé qu'elles avaient pour objet ou pour effet de renforcer les liens entre les clubs et qu'elles ont pu contribuer à restreindre les mouvements d'un club à un autre. Cette opinion se fondait, d'une part, sur la composition du comité, qui ne contenait aucun membre indépendant, et, de l'autre, sur les procédures du comité, qui ne prévoyaient aucune possibilité de recours et limitaient l'accès aux actes du comité aux seules "personnes autorisées par les clubs".
C. L'accord modifié à la suite de l'intervention de la Commission
(13) L'accord modifié communiqué à la Commission à l'issue des discussions tient compte des objections formulées au chapitre B ci-avant.
(14) Fixation de primes pour les navires déjà aussurés
a) En principe, un exploitant de navire est libre de changer de club, pourvu que le tarif proposé par le nouveau club ne soit pas jugé anormalement bas par un comité d'experts;
b) toutefois, en particulier pour offrir au club détenteur un délai entre le moment où il reçoit le préavis de départ de l'exploitant et celui où il fixe provisoirement les tarifs qu'il appliquera à ses membres au cours de l'année à venir, la liberté de changer de club suppose l'existence, au 30 septembre de l'année précédant celle pour laquelle la nouvelle police d'assurance doit prendre effet, d'un engagement ferme entre l'exploitant et le nouveau club, au tarif proposé par ce dernier. En outre, le club détenteur doit être informé de cet engagement dans les trois jours de sa conclusion. Pourvu que l'engagement ferme soit conclu et notifié de cette manière et que le tarif ne soit pas contesté par le club détenteur ou, s'il est contesté, qu'il soit jugé normal par le comité d'experts, l'exploitant pourra se faire assurer auprès du nouveau club à partir du 20 février de l'année suivante, date de départ des nouvelles polices d'assurance;
c) comme les tarifs que le nouveau club appliquera à ses membres au cours de l'année suivante ne sont pas définitifs en septembre, c'est-à-dire lors de la conclusion du contrat avec l'exploitant qui change de club, le tarif mentionné au contrat devra être adapté pour tenir compte des facteurs suivants:
i) toute augmentation ou réduction générale des tarifs arrêtée par le nouveau club pour l'année suivante;
ii) toute modification du plafond des demandes d'indemnisation couvertes par le poolet
iii) toute modification du coût de la réassurance souscrite par le pool. Cette adaptation devra être notifiée au club détenteur;
d) le club détenteur peut s'adresser au comité d'experts:
i) dans les trente jours de la notification du tarif convenu avec le nouveau club, pour établir si la prime convenue est normale;
ii) dans les deux jours ouvrables suivant la notification du tarif adapté, pour établir si l'ajustement traduit bien les facteurs précités. Si le comité estime que le tarif convenu est anormalement bas ou que l'ajustement ne traduit pas correctement les facteurs précités, le nouveau club pourra quand même assurer l'exploitant, mais il ne profitera pas, pendant deux ans, de tous les avantages liés au pool.Si aucun contrat n'est conclu à la date du 30 septembre, les règles applicables seront celles de l'IGA tel qu'il a été notifié initialement, c'est-à-dire que le nouveau club ne pourra offrir un tarif inférieur à l'exploitant que si le tarif appliqué par le club détenteur est anormal. S'il offre néanmoins un tarif inférieur alors que le taux appliqué par le club détenteur n'est pas jugé anormalement élevé, les avantages que le nouveau club tire du pool s'en trouveront réduits. Le nouveau club est cependant libre de passer un contrat avec l'exploitant au même tarif que le club détenteur.
(15) Bâtiments neufs :
a) Un exploitant qui a conclu avec un nouveau club un engagement ferme portant sur un ou plusieurs navires, conformément à la procédure d'engagement au 30 septembre (voir point 14 ci-avant) peut, après cette date, assurer auprès de lui un bâtiment neuf (ou nouvellement acquis) en bénéficiant immédiatement du nouveau tarif du club, si le comité ne le juge pas anormalement bas;
b) sous réserve du cas où un exploitant dont les navires sont assurés auprès d'un club a déjà conclu, pour un ou plusieurs navires, un accord définitif avec un nouveau club conformément à la procédure d'engagement au 30 septembre, il ne peut assurer aucun bâtiment neuf (ou nouvellement acquis) auprès d'un club quelconque pour le reste de l'exercice en cours à un tarif inférieur à celui offert par le club détenteur, à moins que le comité ne juge ce tarif anormalement élevé.
(16) Liquidation de la quote-part en cas de retrait :
a) Lorsqu'un exploitant est invité, par un club qu'il quitte, à payer sa part des créances des tiers sur le club pour les exercices non clôturés pendant lesquels il en est resté membre, l'exploitant peut soit verser les fonds demandés, soit fournir une garantie bancaire pour sa part des créances des tiers sur le club.
b) Si l'exploitant considère que le montant qui lui est réclamé est anormal, il peut, dans un délai de vingt jours ouvrables, s'adresser au comité d'experts pour établir si le montant réclamé à titre de règlement final est conforme au taux ou à la formule fixés par les directeurs du club détenteur et est applicable à tous ses membres dans des circonstances semblables, et, si tel n'est pas le cas, si ce montant est raisonnable.
c) Toutefois, le club détenteur peut soumettre le droit pour l'exploitant de demander pareille évaluation au dépôt d'un montant équivalant à celui qu'il réclame ou à la constitution d'une garantie bancaire équivalente. Dans la mesure où le comité d'experts se prononce en faveur de l'exploitant, le dépôt sera remboursé ou la garantie levée.
(17) Règles de calcul du coût minimal total estimé pour les navires-citernesLe tarif minimal prévu par l'accord notifié initialement a été supprimé. Les nouvelles dispositions sont les suivantes:
a) les tarifs fixés pour les navires-citernes doivent tenir compte d'une manière juste et adéquate des éléments de coût suivants:
i) demandes d'indemnisation à concurrence du montant assumé par le club;
ii) contributions aux demandes d'indemnisation assumées par le pool;
iii) coût de la réassurance;
iv) frais administratifs;
b) les clubs recommanderont chaque année une provision minimale raisonnable pour faire face aux demandes d'indemnisation assumées par le pool.
(18) Composition du comité d'experts et procédure
Le comité comporte désormais un élément indépendant qu'il ne comportait pas auparavant. Outre deux membres - un pour chaque club directement concerné (club détenteur et nouveau club) - choisis sur une liste A, le comité comprendra un troisième membre, choisi sur une liste B (composée de personnes qui ne sont pas parties à l'affaire et sont reconnues comme personnes indépendantes qualifiées par leur expérience) .La liste A comprendra une ou plusieurs personnes désignées par chaque club parmi ses administrateurs, employés ou associés ou parmi ses directeurs.Une personne figurant sur la liste A ne peut être désignée au sein du comité par le club qui l'a fait inscrire sur cette liste ou par un club qui réassure ou est réassuré par ledit club. Les deux membres choisis sur la liste A désigneront conjointement un troisième membre choisi sur la liste B; s'ils ne peuvent se mettre d'accord dans un délai de trois jours ouvrables, la désignation sera faite par le secrétaire du comité. Le comité, qui agira en tant qu'arbitre conformément aux lois anglaises sur l'arbitrage de 1950 et 1979, devra rendre des décisions écrites motivées.
(19) Conformément à ce qu'ils ont annoncé dans leur lettre du 27 septembre 1984 (voir point 8 ci-avant, les clubs ont conclu un IGA modifié (IGA 1985), qui est entré en vigueur le 20 février 1985.
(20) Après la publication de la communication faite conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, la Commission a reçu des observations de la part de l'Union des armateurs grecs et du Comité de coopération de la marine marchande grecque, qui avaient déjà introduit une plainte formelle le 1er décembre 1983 en vertu de l'article 3 du règlement n° 17. Ces organisations ont exprimé les objections suivantes à l'octroi d'une exemption au bénéfice de l'IGA:
- d'une manière générale, les quatre conditions de l'applicabilité de l'article 85 paragraphe 3 ne sont pas réunies,
- plus spécifiquement, la date limite du 30 septembre est mal choisie et impraticable. Les plaignants suggèrent de la remplacer par celle du 30 novembre au motif que, dans la pratique, toutes les données et précisions requises ne pourraient avoir été reçues et examinées pour cette date,
- l'échéance du 30 septembre est inconciliable avec les règles de tarification applicables aux bâtiments neufs et les plaignants suggèrent, par conséquent, soit d'exclure les bâtiments neufs du champ d'application des règles de tarification, soit de fixer la date limite au 30 novembre. La Commission considère que ces objections ne sont pas fondées, pour les raisons qu'elle indiquera dans la présente décision. Toutefois, son rejet des objections tient avant tout au fait que les critiques émises sont d'ordre purement spéculatif et que les plaignants n'ont fourni aucune preuve à l'appui de leurs dires. Il importe au surplus de noter qu'avant d'expédier sa communication des griefs, datée du 12 juillet 1984 (voir point 5 ci-avant), la Commission avait reçu de plusieurs propriétaires de navires et des associations des propriétaires de navires, tous membres des clubs P & I au même titre que les plaignants, une quinzaine de lettres appuyant l'IGA. Ces propriétaires, qui peuvent être considérés comme constituant la majorité des propriétaires de navires de la Communauté, désavouaient entièrement la position adoptée par l'Union des armateurs grecs et par la Comité de coopération de la marine marchande grecque. Ils soulignaient en particulier que le système actuel des clubs P & I est favorable aux propriétaires tant en raison des services qu'il offre que parce qu'il leur fournit une couverture indispensable "au prix de revient", et que toute menace de déstabilisation pesant sur le système est dommageable non seulement pour les intérêts des propriétaires, mais aussi pour tous les utilisateurs de transports. Tout affaiblissement de la structure du pool serait défavorable à deux égards: tout d'abord, les clubs, d'une manière générale, ne seraient plus en mesure de faire face, en cas d'incident grave, à leurs obligations au titre du pool; ensuite, les demandes d'indemnisation adressées par des tiers risqueraient de n'être pas satisfaites, ce qui ferait retomber sur la communauté mondiale tout entière le coût de l'impossibilité, pour le secteur, de s'acquitter de ses obligations.
II. APPRECIATION JURIDIQUE
A. Article 85 paragraphe 1
(21) L'article 85 paragraphe 1 du traité CEE interdit comme étant incompatibles avec le Marché commun tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont suceptibles d'affecter le commerce entre les Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun. L'article 85 s'applique indifféremment aux services et aux biens.
(22) Les clubs qui ont notifié l'IGA sont des entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1.
S'il est exact que les accords d'assurance mutuelle en tant que tels ne constituent pas une restriction de la concurrence, l'accord considéré présente toutefois la particularité d'établir un système qui a pour effet de réduire la concurrence entre les clubs en limitant le droit de chacun de faire des offres de tarification, que ce soit pour les navires déjà assurés auprès d'un autre club ou bien pour les navires neufs ou nouvellement achetés, et de restreindre du même coup la liberté de l'assuré de choisir son assureur.
(23) Cette restriction a des conséquences considérables pour l'offre de tarifs des clubs du fait que le compartiment considéré du marché des assurances est dominé par les Clubs P & I, qui assurent la presque totalité de la flotte maritime marchande immatriculée dans les Etats membres de la Communauté.
(24) La Commission estime que les clauses suivantes tombent sous le coup de l'interdiction énoncée à l'article 85 paragraphe 1:
- les règles de tarification applicables aux navires déjà assurés (voir point 25),
- les règles de tarification pour les navires neufs (voir point 26),
- les règles gouvernant la liquidation de la quote-part en cas de retrait (voir point 27),
- les règles de calcul du coût total estimé pour les navires-citernes (voir point 28).
25) Règles de tarification pour les navires déjà assurésDe nombreux assureurs qui, en l'absence de l'IGA, se concurrenceraient sans restriction, notamment en matière de tarification, ont créé, dans le cadre dudit accord, un dispositif limitant la liberté pour un nouveau club (New Club) d'assurer un bâtiment déjà assuré auprès d'un club dit "détenteur" (Holding Club) ;
Cette limitation est double:
- Premièrement, l'exploitant ne peut faire usage de sa liberté de changer de club qu'à condition que l'exploitant et le nouveau club signent, avant le 30 septembre de l'année en cours, un engagement ferme fixant la prime d'assurance, et que le club détenteur en soit notifié dans les trois jours. A défaut d'un engagement ferme, l'exploitant ne peut transférer son dossier à un nouveau club que si ce dernier lui applique les mêmes tarifs que le club détenteur, à moins que les tarifs de ce dernier ne soient jugés excessifs (voir point 48).
- Deuxièmement, le dispositif décrit implique aussi que le tarif proposé par le nouveau club soit reconnu comme raisonnable par le club détenteur ou, en cas de contestation, qu'il soit reconnu tel par le comité d'experts. Cette stipulation a pour effet de restreindre la liberté de l'assureur de passer contrat avec un nouveau client et, par voie de conséquence, la liberté de l'assuré de faire jouer la concurrence à son avantage.
(26) Tarification applicable aux bâtiments neufs
En dépit des modifications apportées à l'IGA initialement notifié à la suite de l'intervention de la Commission, l'IGA 1985 contient toujours des restrictions de concurrence en ce qui concerne la tarification applicable aux bâtiments neufs.L'exploitant d'une flotte qui achète une nouvelle unité dans le courant d'un exercice d'assurance n'est pas entièrement libre de demander une offre de tarification pour la nouvelle unité à un assureur de son choix.Les règles actuellement en vigueur imposent à l'assuré l'obligation de s'adresser en premier lieu aux clubs qui assurent déjà une partie ou la totalité de sa flotte.L'exploitant d'un bâtiment neuf ou nouvellement acquis ne peut profiter immédiatement du tarif plus intéressant offert par un nouveau club qu'à condition d'avoir passé avec ce dernier un engagement ferme selon la procédure d'engagement au 30 septembre [voir point 14 sous b)] pour un ou plusieurs de ses navires, déjà assurés. Toutefois, si le club détenteur conteste l'offre de tarification, l'exploitant ne bénéficiera immédiatement du tarif offert par le nouveau club qui si le comité d'experts ne le juge pas anormalement bas. Dans tous les autres cas, l'exploitant ne peut assurer un bâtiment neuf ou nouvellement acquis auprès d'un club pour l'exercice d'assurance restant à courir à un tarif inférieur à celui du club détenteur, à moins que le comité d'experts ne juge excessif le tarif appliqué par ce dernier. Cette stipulation a pour effet de limiter le choix de l'exploitant d'un bâtiment neuf ou nouvellement acquis qui recherche une tarification plus avantageuse que celle proposée par son club détenteur.
(27) Règles régissant la liquidation de la quote-part en cas de retrait.
Si ces règles n'entraînent pas, en tant que telles, de restrictions spécifiques, la Commission estime que les règles gouvernant le calcul du montant payable par les membres d'un club en cas de retrait d'un navire ou d'une flotte au titre de leur quote-part des créances des tiers sur le club nées pendant la durée de leur affiliation et restant dues au moment de leur retrait, risquent de renforcer les restrictions imposées aux passage d'un club à l'autre. Ces règles pourraient effectivement être utilisées pour restreindre davantage les possibilités des exploitants de solliciter une meilleure offre de tarification de la part d'un autre club. Le montant de la liquidation de la quote-part réclamé par le club détenteur en cas de retrait risque de décourager les transferts entre clubs.
(28) Règles de calcul du coût minimal total estimé pour les navires-citernes.
A la suite de l'intervention de la Commission, les clubs sont convenus de supprimer le tarif minimal prévu dans l'accord initialement notifié. Le texte de l'accord actuel contient encore des clauses limitant la concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1. En l'absence d'un accord, les assureurs seraient libres d'offrir pour les navires-citernes des tarifs qu'ils fixeraient d'après leur propre évaluation des risques.Par ailleurs, l'accord actuel impose aux clubs l'obligation de tenir dûment compte dans leur tarification des éléments de coût suivants:
i) demandes d'indeminisation à concurrence du montant assumé par le club;
ii) contributions aux demandes d'indemnisation assumées par le pool;
iii) coût de la réassurance;
iv) frais administratifs.
En outre, les clubs recommandent chaque année la constitution d'une provision minimale raisonnable pour faire face aux demandes d'indemnisation assumées par le pool.
Donc, même si l'obligation de pratiquer uniformément un tarif minimal n'existe plus, les assureurs sont limités dans leur liberté de tarification pour les navires-citernes.
(29) L'accord notifié est susceptible d'exercer un effet sensible sur les échanges entre les Etats membres, du fait qu'il est applicable dans l'ensemble du Marché commun et dans les pays tiers. La presque totalité de la flotte marchande communautaire est assurée par les clubs, de sorte qu'il est courant que des navires battant pavillon d'un Etat membre soient assurés auprès d'un club établi dans un autre. En outre, des clubs ayant des établissements dans plusieurs Etats membres sont parties à l'accord.
B. Article 85 paragraphe 3
(30) Aux termes de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables à tout accord entre entreprises qui contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans;
a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs;
b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.
(31) L'IGA tel qu'il a été modifié suite à l'intervention de la Commission remplit les conditions énoncées à l'article 85 paragraphe 3. Amélioration de la protection ou de la distribution
(32) L'IGA a été conçu en vue de maintenir le système d'assurance mutuelle offert par les P & I Clubs, dont les avantages sont essentiellement les suivants:
- la réduction des primes d'assurance, du fait que les clubs n'ont pas un but lucratif et que chaque membre assume une partie des demandes d'indemnisation adressées au club et des frais de réassurance et d'administration,- un meilleur système de règlement des indemnisations et une assistance plus rapide aux propriétaires de navires, du fait que l'assuré et l'assureur ont en principe des intérêts communs, ce qui exclut les conflits,
- la flexibilité de la couverture d'assurance. Grâce à la latitude laissée aux directeurs des clubs, les risques qui ne sont pas expressément couverts par la police peuvent néanmoins donner lieu à indemnisation. Ce type de flexibilité représente une particularité de l'assurance mutuelle, en ce sens que les membres d'un club font suffisamment confiance au jugement de ses directeurs pour souscrire à leurs décisions, même lorsque l'indemnisation décidée excède la couverture du risque prévue dans la police,
- une couverture illimitée: l'affiliation des clubs à un pool et la réassurance collective par les clubs de la fraction des risques excédant les plafonds permettent aux clubs de proposer aux propriétaires de navires une couverture illimitée de tous les risques, sauf le risque de pollution par hydrocarbures,
- règlement rapide des indemnisations. Cet avantage de l'assurance mutuelle peut aussi jouer au profit de personnes pouvant se prévaloir d'un droit à indemnisation vis-à-vis des propriétaires de navires, par exemple au titre d'accidents corporels ou d'accidents du travail dont sont victimes les membres de leur personnel, les dockers ou les tiers.
(33) Les règles de l'IGA servent à garantir la réalisation des quatre objectifs dont dépend le bon fonctionnement du système d'assurance mutuelle des P & I Clubs, à savoir:
- la stabilité de l'affiliation,
- le maintien du principe de mutualité,
- la stabilité des primes,
- le maintien du système de pool.
(34) La stabilité de l'affiliation est jugée importante pour deux raisons, à savoir:
- les assureurs d'un club ne seront pas en mesure d'acquérir une connaissance suffisante des dossiers pour évaluer correctement le tarif applicable à des assurés qui passent constamment d'un club à l'autre,
- les risques longs à liquider seraient très difficiles à traiter équitablement si les membres du club changeaient sans cesse.
(35) Le maintien du principe de mutualité.
Les règles de tarification sont conçues pour éviter l'application de tarifs discriminatoires, qui risque de se produire lorsque le tarif proposé par un nouveau club pour attirer un exploitant déjà assuré auprès d'un club détenteur (Holding Club) n'est pas dûment fondé sur une évaluation du risque, mais n'est établi que dans le but d'obtenir le transfert du dossier. Un tarif de ce genre peut équivaloir à une discrimination à l'encontre des membres existants du nouveau club.En vue de parer à l'éventualité d'une tarification discriminatoire de cet ordre, l'IGA contient la clause mentionnée au point 14 sous a) ci-avant, qui stipule que l'assuré peut changer de club à condition que le tarif du nouveau club ne soit pas jugé anormalement bas par un comité d'experts.
(36) Stabilité des primes.
La stabilité des primes est indispensable pour permettre aux propriétaires de navires de prévoir le coût réel de leur assurance. Un système en vertu duquel une réduction générale des tarifs, annoncée à la suite d'une sous-évaluation du coût total de l'assurance, devrait être ajustée par le jeu de surprimes élevées, serait contraire aux principes en usage en matière d'assurances et défavoriserait donc les propriétaires de navires.
(37) Maintien du système de pool.
L'offre de tarifs discriminatoires détruirait la confiance entre clubs, qui est un facteur important du bon fonctionnement du pool. En effet, on voit difficilement comment les clubs pourraient continuer d'accepter le système du pool si ce haut degré de confiance mutuelle faisait défaut.
(38) Le coût total estimé pour les navires-citernes soulève des problèmes particuliers. Sur ce point, l'IGA dans sa version 1985 contient des clauses qui ont pour effet de restreindre la concurrence (voir point 28 ci-avant) ; Toutefois, il y a lieu de tenir compte en la matière de la nature particulière des transports de produits pétroliers et gaziers par navires-citernes. Les transports de cette catégorie représentent environ 50 % du tonnage assuré auprès des clubs. Si l'assurance du tonnage pour le transport de solides donne lieu à un certain nombre de recours caractérisés par une fréquence assez régulière, il en est autrement des navires-citernes et, en particulier, de ceux qui transportent des huiles sales ou lourdes. Dans le cas des navires-citernes, les accidents sont rares mais donnent lieu à des indemnisations très lourdes.
Pour parer au risque d'une offre systématique de tarifs trop bas pour couvrir les graves incidents de cet ordre, les clubs ont décidé de mettre en commun l'expérience de leurs experts en matière d'assurance de ces risques. Si la version initialement notifiée de l'accord prévoyait un coût total minimal estimé (ETC) pour les navires-citernes, l'IGA dans sa version de 1985 laisse aux clubs la faculté de fixer les primes d'assurance des naviresciternes à la condition que la prime annoncée tienne dûment compte d'une série d'éléments constants du coût total. Compte tenu de la nécessité de prévoir un niveau de tarification suffisant pour couvrir les réparations résultant de graves incidents et du fait que les clubs doivent désormais avoir confiance dans les niveaux de tarification d'autres clubs si le pool fonctionne bien, la Commission estime que la clause applicable aux navires-citernes contribue à améliorer les services d'assurance dans ce secteur.
(39) Après avoir examiné les arguments avancés par les clubs, la Commission a constaté que les avantages de l'accord notifié dépassent les inconvénients des restrictions à la liberté des exploitants de changer de club et les restrictions imposées par la formule indiquée plus haut pour les tarifications applicables aux navires-citernes.
Dans un tel contexte, la mise en place et le fonctionnement de l'IGA peuvent être vus comme un moyen d'améliorer la prestation et la distribution des services d'assurance.
Avantages pour le consommateur
(40) Les avantages susmentionnés de prestation et de distribution des services d'assurance profitent directement aux propriétaires. En ce qui les concerne, il va sans dire que l'IGA leur offre tous les avantages d'un système d'assurance mutuelle (voir point 32 ci-avant).
(41) Toutefois, dans le contexte de l'assurance mutuelle, la Commission estime qu'il ne suffit pas de faire valoir que l'accord notifié profite aux consommateurs dans la seule mesure où les propriétaires assurés sont eux-mêmes consommateurs des services considérés.
Il y a donc lieu d'établir que des personnes autres que les assurés, à savoir les utilisateurs de transports qui sont leurs clients ainsi que le consomma teur final, bénéficient également de l'accord en cause.
(42) S'agissant des clients des assurés, il convient de tenir compte de la situation concurrentielle des transports maritimes. Ce secteur se caractérise par la distinction qui y existe entre les lignes régulières de trafic-passagers et les autres services, ces derniers déterminant un marché très actif d'affrètement maritime.
(43) Pour ce qui est des services autres que l'exploitation de lignes-passagers régulières, le caractère compétitif du marché fonde à croire que les baisses de coûts dues à la réduction des frais d'assurance seront répercutées et se traduiront par une baisse du fret maritime, avec par conséquent des effets sur les prix appliqués aux consommateurs finals des biens en question.
(44) Le même argument vaut pour le secteur des lignes régulières de trafic-passagers, dont certains tarifs sont décidés par les conférences maritimes. Il y a lieu de rappeler, à propos de ces services, que les conférences sont, en dépit des tarifications uniformes, exposées à une forte concurrence, en particulier de la part des tiers pavillons, et il est donc permis de supposer qu'elles ne seront guère en mesure de pratiquer des augmentations supérieures à la marge nécessaire pour la couverture des coûts. Dans ces circonstances, toute réduction de coûts résultant de l'assurance mutuelle sera répercutée sur les consommateurs.
(45) Pour ces raisons, la Commission admet l'argument avancé par les clubs lorsqu'ils affirment que les réductions de coût opérées aussi bien sur le marché des lignes régulières que sur celui des autres transports du secteur maritime par les propriétaires et exploitants de navires grâce à l'IGA seront répercutées sur les consommateurs. Cet avantage vient de ce que l'intensité de la concurrence entre propriétaires et exploitants de navires est telle que les réductions de coûts obtenues par l'IGA seront répercutées pour la plus grande part, sinon la totalité, sur leur clientèle.
(46) Une constatation de même ordre peut être faite à propos du système d'indemnisation des passagers ou d'autres clients de propriétaires de navires victimes d'un préjudice assuré par les P & I Clubs. La liquidation rapide des réparations rendue possible par le système d'assurance mutuelle instauré par l'IGA représente un avantage incontestable pour le consommateur. Ceci vaut également pour la couverture illimitée et pour l'élasticité de la couverture permises par l'IGA (voir point 32 ci-avant).
(47) Nécessité absolue de dispositions restrictives
Les dispositions restrictives qui subsistent dans la version 1985 de l'IGA se révèlent indispensables à la réalisation des objectifs des P & I Clubs. La première de ces restrictions est représentée par la clause régissant les offres de tarification pour des navires déjà assurés et elle a clairement pour objet d'empêcher le transfert de dossiers d'un club à l'autre à la suite d'une tarification discriminatoire.
Il est indispensable d'empêcher la pratique de tarifications discriminatoires dans un système d'assurance mutuelle et, sans la clause de tarification, la confiance mutuelle des clubs indispensable au fonctionnement du système ne saurait subsister.
(48) La principale différence entre le système de tarification en vigueur sous l'IGA notifié en 1981 et celui de l'IGA dans sa version actuelle (1985) réside dans la possibilité donnée aux clubs d'attirer la clientèle d'un exploitant à condition d'offrir un tarif raisonnable.
L'IGA 1981 interdisait à un nouveau club de proposer une prime inférieure à celle du club détenteur, à moins que ce dernier n'eût dépassé dans ses tarifs une fourchette donnée de tarifs courants, ou en d'autres termes, réclamé une prime excessive. Dans la version 1985, de IGA, en revanche, les exploitants de navires ont en principe la faculté de changer de club pourvu que le tarif proposé par le nouveau club ne soit pas jugé trop bas, à condition d'avoir conclu au préalable avec le nouveau club un engagement ferme avec effet au début de l'exercice d'assurance suivant.
Il est exigé en outre que cet engagement ferme soit notifié au club détenteur avant le 30 septembre (selon la procédure dite d'engagement au 30 septembre), faute de quoi les clauses de réduction des avantages du pool prévues dans l'IGA 1981 seront applicables.
La date du 30 septembre est essentielle au fonctionnement du système, du fait que les assureurs doivent pouvoir établir une estimation suffisamment exacte de la quantité et de la qualité de leurs assurés pour l'exercice suivant. En fait, une telle estimation est indispensable pour permettre le calcul correct de la nouvelle prime d'un exploitant, puisque ce calcul sert à déterminer la répartition équitable des contributions de l'ensemble des membres d'un club.
En outre, l'échéance du 30 septembre coïncide avec la première date de publication des statistiques des risques encourus individuellement et collectivement par les membres des clubs, qui permet aux clubs détenteurs et aux nouveaux clubs de procéder à une évaluation prévisionnelle des risques représentés par un exploitant désireux de changer de club, quitte à réajuster leur estimation au besoin [voir point 14 sous c) ci-avant].
De l'avis de la Commission, les critiques émises par ceux qui s'opposent à la procédure d'engagement au 30 septembre sont dénuées de fondement. En premier lieu, il est inexact d'opposer cette procédure à celle de l'"ancien" IGA, comme si ce dernier avait été aboli. Un membre qui souhaite changer de club a le choix entre deux formules: soit souscrire un engagement ferme avant le 30 septembre conformément à la nouvelle procédure, soit attendre jusqu'à la saison normale de renouvellement, auquel cas les "anciennes" procédures restent valables.
Aussi la Commission ne peut-elle suivre les plaignants lorsqu'ils affirment que le nouveau mécanisme serait encore pire que l'ancien.
En second lieu, la procédure d'engagement au 30 septembre présente un avantage substantiel, en ce qu'elle permet en pratique à un membre de "vérifier" le tarif pratiqué par son club détenteur, par comparaison avec celui d'un autre club, même s'il décide finalement de rester auprès de son club actuel. Cela tient à ce que le club détenteur est obligé de fournir au nouveau club, à sa demande, le dossier des propriétaires de navires. Les opposants ont fort critiqué l'impossibilité où ils se trouvaient de procéder à cette vérification sous l'empire de l'ancien IGA. Le nouveau système représente donc une amélioration dans la mesure où il tient compte de cette objection.
La principale critique émise par les plaignants vise la date du 30 septembre, qu'ils jugent mal choisie et impraticable. A leur avis, il conviendrait de prévoir, pour la procédure d'engagement, une date plus tardive, qui permettrait de disposer de tous les renseignements utiles au renouvellement du type "traditionnel".
La Commission ne partage pas ce point de vue. Au cours de discussions qui ont eu lieu entre les services de la Commission et les clubs en vue d'inciter ceux-ci à modifier l'IGA de 1981, il fut convenu d'explorer les moyens d'éviter que l'IGA n'ait pour effet de lier toujours un propriétaire au tarif de son club détenteur pendant une année entière sans toucher à la structure de base du système. La Commission a retenu l'argument des clubs selon lequel la liberté totale donnée à un propriétaire de changer de club à tout moment compromettrait le fonctionnement du système dans son ensemble, et notamment la nécessaire stabilité de l'affiliation (voir point 34 ci-avant).
Initialement, la date limite était fixée au 20 août. Toutefois, à la suite des critiques émises et en dépit des hésitations des autres propriétaires membres des clubs, ces derniers ont accepté de reporter la date limite au 30 septembre. S'ils ont refusé une date plus tardive, c'est que les primes de toutes les flottes (ou presque) pourraient être renouvelées sans que l'on tienne aucun compte du tarif du club détenteur. La procédure distincte admise par les clubs aurait ainsi perdu tout son sens. Le maintien de deux procédures serait devenu inutile et le souci des clubs de maintenir la stabilité de l'affiliation en empêchant les transferts à tout moment à des tarifs anormalement bas n'aurait pas été pris en considération. En fait, le dispositif prévu à titre de "soupape de sûreté" serait devenu la norme et le système s'en serait trouvé déstabilisé.
(49) La date du 30 septembre, associée à l'obligation faite au club détenteur de communiquer au nouveau club le tarif applicable à l'exploitant concerné, tient également compte des intérêts des exploitants, qui doivent pouvoir décider aussitôt que possible s'ils maintiendront ou non leurs dossiers auprès du club détenteur, en étant pleinement informés du tarif qui leur sera fait pour l'exercice d'assurance suivant.
De l'avis de la Commission, le mécanisme ainsi institué représente un compromis adéquat entre le souci légitime des clubs de conserver leurs membres et les intérêts des exploitants, désormais en mesure de faire jouer à leur avantage la concurrence sur l'offre de tarifs et de services entre clubs.
(50) La procédure de l'engagement ferme au 30 septembre représente par conséquent un élément clef de l'IGA 1985 et est indispensable à sa mise en œuvre. Les clubs doivent toutefois s'engager à en observer scrupuleusement les clauses.
(51) La deuxième restriction contestée est la clause relative à la tarification applicable aux navires neufs, qui est le fruit d'une discussion approfondie entre la Commission et les clubs. La Commission estime qu'elle représente un compromis raisonnable entre les intérêts des clubs et ceux des exploitants individuels de navires, notamment les propriétaires qui ont introduit une plainte. Les clubs cherchent à assurer des flottes plutôt que des navires isolés et font valoir que l'exploitant qui achète un navire neuf devrait avoir l'obligation de l'assurer auprès de son club détenteur, puisque l'évaluation correcte du risque exige la connaissance du dossier personnel de l'exploitant intéressé pour l'ensemble de ses bâtiments.
Toutefois, les exploitants qui ont déposé une plainte formelle contre l'IGA estiment que l'exploitant devrait rester libre de choisir un autre club pour les bâtiments neufs, et, à l'appui de leur affirmation que la clause du "navire neuf" est superflue, ils invoquent l'existence de flottes scindées, c'est-à-dire de cas où les exploitants répartissent l'assurance de leurs navires entre différents clubs.
Toutefois, si la clause gouvernant l'assurance du navire neuf impose aux exploitants d'informer sans retard leur club détenteur de l'acquisition d'un navire neuf, elle ne permet pas à l'exploitant ayant préalablement décidé de transférer le dossier d'assurance d'un ou plusieurs vaisseaux à un nouveau club assureur, d'effectuer un tel transfert et de bénéficier aussitôt du tarif du nouveau club. Cette possibilité est une application de la théorie des "flottes scindées".
A la base, les critiques portées par les opposants à la clause régissant l'assurance des bâtiments neufs découlent logiquement de leur argument principal selon lequel tous les renouvellements devraient se faire selon une version étendue de la procédure d'engagement au 30 septembre. La Commission ayant admis les arguments des clubs suivant lesquels les règles régissant les offres de tarification devraient être appliquées aux batiments neufs, l'IGA dans sa version de 1985 relâche les règles dès qu'une partie quelconque de la flotte existante a fait l'objet d'un engagement selon la procédure au 30 septembre. La Commission admet l'argument des clubs selon lequel la liberté qui serait accordée au nouveau club d'assurer un seul bâtiment neuf dès lors que le tarif qu'il propose est "raisonnable" serait plus dangereuse dans les cas d'un bâtiment neuf que dans celui d'un renouvellement. Il serait relativement facile et sans risque pour le nouveau club d'offrir un tarif bas pour un seul navire, par opposition à une flotte tout entière. Du même coup, l'offre réduite du nouveau club pour un seul navire supplémentaire ferait pression sur le club détenteur et l'inciterait à faire une offre identique ou inférieure et à ramener ainsi ses tarifs, pour les reste de la flotte existante, à un niveau inférieur à celui qui lui paraissait justifié au nom d'une saine couverture des risques.
(52) La règle du bâtiment neuf (new ship rule), qui tient compte des intérêts contradictoires des clubs et de certains exploitants est essentielle au fonctionnement de l'IGA pour les raisons indiquées à propos de navires déjà assurés (voir point 49 ci-avant). Les bâtiments "neufs" ne peuvent être traités comme des éléments isolés du reste de la flotte d'un exploitant. Il n'est pas réaliste de fonder le raisonnement sur un navire pris isolément. Il convient plutôt d'évaluer les risques afférents à ce navire en tenant compte de tout le dossier concernant la flotte de l'exploitant (dans le cas d'une flotte scindée). Par conséquent, l'application de la date du 30 septembre aux "bâtiments neufs" doit être considérée comme indispensable.
(53) La même conclusion s'impose dans le cas des effets restrictifs potentiels des dispositions régissant la liquidation de la quote-part en cas de retrait d'un assuré. Cette liquidation se justifie par la nécessité d'empêcher l'exploitant de se soustraire à ses engagements en quittant un club auprès duquel il est débiteur d'une quote-part au titre des créances contractées par des tiers sur le club pendant la durée de son affiliation et restant à régler au moment de son départ.Il importe de reconnaître qu'une fois clôturé le dernier exercice d'assurance de sa période d'affiliation (en général, trois ans après la fin de cette année), un ancien membre a l'avantage d'être protégé contre toute créance nouvelle, alors même que les demandes d'indemnisation afférentes à sa dernière année en tant que membre - parfois jusqu'à concurrence de 50 % de leur valeur - et un certain pourcentage des demandes afférentes aux années antérieures, n'ont souvent pas encore été réglées à ce stade. Les dispositions régissant la liquidation de la quote-part en cas de retrait peuvent être considérées, en principe, comme un moyen d'empêcher la discrimination entre les membres du même club. Vu les modifications apportées par suite de l'intervention de la Commission, à savoir l'introduction de dispositions relatives au dépôt d'une garantie bancaire et d'un droit de recours auprès du comité d'experts en cas de contestation du montant réclamé, il est peu probable que la liquidation de la quote-part puisse être utilisée pour limiter les passages d'un club à l'autre. Cette observation est particulièrement vraie maintenant que la composition et les règles de procédure du comité d'experts ont été rendues compatibles avec les vues de la Commission.
(54) Enfin, les règles régissant le coût minimal total estimé pour les navires citernes sont indispensables au bon fonctionnement d'un système d'assurance mutuelle, eu égard à l'ampleur exceptionnelle du risque assuré (voir point 38 ci-avant).
(55) Elimination de la concurrence
L'IGA ne permet pas aux entreprises en cause d'éliminer la concurrence pour une part importante des services d'assurance considérés. Chaque club est désormais libre de déterminer les tarifs applicables à ses membres. En outre, il est permis de penser que les nouvelles possibilités de changement de club sous l'IGA modifié intensifieront la concurrence entre clubs sur l'offre de services.
(56) Pour les motifs précités, la Commission est d'avis que, à la suite des modifications admises par les clubs au cours des trois années de discussion ou presque, les conditions définies à l'article 85 paragraphe 3 sont remplies.
La Commission estime également que les points de vue des plaignants ont été pris en considération au cours de ces discussions. Plusieurs entretiens ont d'ailleurs eu lieu avec les plaignants, qui ont eu l'occasion d'exposer en détail leurs préoccupations aux services de la Commission. L'IGA dans sa version de 1985 résulte de contacts intensifs entre la Commission, les clubs et les opposants.
Dans ces conditions, la Commission considère que l'IGA de 1985 représente un compromis équitable entre les divers intérêts en présence. L'interdiction de l'IGA risquerait fort d'avoir des effets défavorables sur le système d'assurance mutuelle, tel qu'il est appliqué depuis plus d'un siècle par les clubs. En outre, l'attention de la Commission a été attirée sur le fait que l'interdiction de l'IGA inciterait une grande partie des membres des clubs, du moins ceux qui ne sont pas établis dans la Communauté, à quitter ceux-ci et à fonder de nouveaux clubs P & I en dehors de la Communauté.
A la lumière de ces réflexions, et compte tenu de ce que toute mesure susceptible de saper l'organisation et de compromettre le fonctionnement du pool serait préjudiciable non seulement aux intérêts des propriétaires de navires, mais aussi à ceux des consommateurs et des tiers (compte tenu en particulier des risques de pollution par les hydrocarbures) , la Commission estime pouvoir exempter l'IGA, sous réserve d'une vérification et d'une surveillance rigoureuses de l'accord.
C. Articles 6 et 8 du règlement n°17
(57) L'état du marché et le fait que la procédure d'engagement au 30 septembre n'ait pas encore fait ses preuves justifient l'octroi d'une exemption limitée à dix ans à compter de la date de la dernière notification (20 février 1985).
(58) En vue de permettre à la Commission de se rendre compte si les conditions qui ont justifié l'octroi de l'exemption continueront d'être réunies pendant toute la durée de la période d'exemption, les parties intéressées seront tenues de rendre compte à la Commission une fois par an des modifications éventuelles de l'accord notifié ou de la passation éventuelle de nouveaux accords entre elles. Toutefois, elles ne seront pas dispensées pour autant de notifier à la Commission toute modification de fond ou de signature apportée à l'accord exempté en vertu de l'article 4 paragraphe 1 du règlement n° 17, sous peine d'être privées du bénéfice de l'exemption. En outre, les parties intéressées seront tenues, en vue de permettre à la Commission de vérifier l'application de la procédure d'engagement au 30 septembre, de lui faire tenir un rapport annuel contenant les statistiques suivantes:
- le nombre de demandes officielles d'application de la nouvelle procédure introduites auprès d'un nouveau club par les exploitants de navires (les statistiques seront ventilées par club), le nombre de saisines du comité d'experts en raison de litiges relatifs aux tarifications, avec indication des décisions rendues,
- le nombre des changements de clubs effectués en application de la procédure en question,
A arrêté la présente décision:
Article premier :
Les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE sont déclarées inapplicables à l'International Group Agreement dans sa dernière version notifiée le 20 février 1985 en vertu des dispositions de l'article 85 paragraphe 3 du traité instituant la Communauté économique européenne. La présente exemption expire le 20 février 1995.
Article 2 :
Les entreprises destinataires de la présente décision tiendront la Commission informée en lui rendant compte une fois par an des modifications et/ou ajouts apportés à l'accord notifié et des passations de nouveaux accords entre elles-mêmes ou entre elles-mêmes et un autre P & I Club. Elles communiqueront en outre à la Commission un rapport annuel contenant les statistiques qui doivent permettre à la Commission de vérifier le fonctionnement de la procédure d'engagement au 30 septembre.
Article 3 :
La présente décision est destinée aux entreprises énumérées à l'annexe.
Notes :
(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.
(2) JO n° C 9 du 11. 1. 1985, p. 11.
Bilag - Anhang - Ðáñáñôçìá - Annex - Annexe - Allegato - Bijlage
The Britannia Steamship Insurance Association Limited. Southwark Towers,32 London Bridge Street, London SE1.
The London Steamship Owners' Mutual Insurance Association Limited. 17 Crosswall, London EC3.
The Newcastle Protection and Indemnity Association. Centro House,3 Cloth Market, Newcastle-upon-Tyne.
The North of England Protecting and Indemnity Association Limited. Douglas House,4 Neville Street, Newcastle-upon-Tyne.
The Standard Steamship Owners' Protection and Indemnity Association Limited. International House,World Trade Centre,1 St Katharine's Way, London E1 9UN.
The Standard Steamship Owners' Protection and Indemnity Association (Bermuda) Limited. Burnaby Building,Burnaby Street, Hamilton, Bermuda.
The Steamship Mutual Underwriting Association Limited Aquatical House, 201/211 Bishopsgate,London EC2. Sveriges Angfartys Assurans Forening. Barlastgatan 2,S-400 40 Goeteborg, Sweden.
The Shipowners' Mutual Protection and Indemnity Association (Luxembourg). 33 Boulevard Prince Henri, Luxembourg.
The Steamship Mutual Underwriting Association (Bermuda) Limited. Clarendon House, Church Street West, Hamilton, Bermuda.
The Sunderland Steamship Protecting and Indemnity Association. Tavistock House, Borough Road,Sunderland.
The United Kingdom Mutual Steamship Assurance Association (Bermuda) Limited. Mercury House, Front Street, Hamilton, Bermuda.
The West of England Shipowners' Mutual Protection and Indemnity Association (Luxembourg). 33 Boulevard Prince Henri, Luxembourg.
Assuranceforeningen Gard (Gjensidig). 4801 Arendal,Norway.
Assuranceforeningen Skuld (Gjensidig). Stortingst. 18,Oslo 1,Norway.
The Japan Shipowners' Mutual Protection and Indemnity Association. Yanagiya Building, 2-1-10 Nihonbashi, Chuoh-Ku, Tokyo, Japan.
The Liverpool and London Steamship Protection and Indemnity Association Limited. Equity & Law House, 47 Castle Street,Liverpool.