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Décisions

CCE, 11 décembre 1986, n° 87-13

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Association belge des banques

CCE n° 87-13

11 décembre 1986

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment ses articles 6 et 8, vu la notification et la demande d'attestation négative introduites le 31 ocotobre 1962 par l'Association belge des banques concernant des conventions, accords et recommandations relatifs à l'activité de la quasi-totalité des banques établies en Belgique, vu l'essentiel du contenu de la notification publiée (2) conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit:

I. LES FAITS

(1) L'Association belge des banques, ci-après dénommée " ABB ", a notifié le 31 octobre 1962 à la Commission, conformément à l'article 5 du règlement n° 17, une série d'ententes conclues entre ses membres au sein de l'association, en vue d'obtenir une attestation négative quant à l'application à leur égard de l'article 85 paragraphe 1 ou, à défaut, une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 de l'interdiction énoncée au paragraphe 1 dudit article.

A. L'Association belge des banques

(2) L'ABB, dont le siège est à Bruxelles, a été créée le 1er décembre 1936. Selon l'article 3 de ses statuts, elle a pour but de représenter la profession et d'assurer la protection de ses intérêts, de promouvoir ceux-ci, de traiter les questions sociales et d'étudier toute question intéressant ses membres. Pour réaliser cet objectif, elle s'efforce notamment d'établir un contact permanent entre ses membres, de définir et d'exprimer le point de vue de la profession en matière bancaire et de promouvoir entre autres des normes de nature conventionnelle tendant à faciliter l'organisation et l'exercice de leur profession.

(3) Peuvent être membres de l'ABB les banques établies en Belgique, y compris les filiales et succursales de banques étrangères, et inscrites sur la liste publiée par la Comission bancaire, institution chargée du contrôle des banques en Belgique. L'admission est décidée par le comité de direction de l'ABB. Au 1er juin 1986, sur 86 banques figurant sur ladite liste, 84 étaient membres de l'ABB.

(4) Les organes de l'ABB sont l'assemblée générale, le comité de direction, le président, le bureau, les sections spécialisées, les sections régionales et le directeur général. Le comité de direction est composé des membres du bureau - président, vice-présidents et directeur général -, des présidents des comités de direction de la Générale de Banque, de la banque Bruxelles Lambert, de la Kredietbank et de la banque Paribas Belgique et des présidents des quatre sections spécialisées (section des banques régionales, privées et spécialisées, section des banques moyennes, section des banques étrangères et section des banques belges à affiliations étrangères); c'est lui qui détermine la politique générale et la position de l'ABB à l'égard des tiers, notamment vis-à-vis des autorités publiques, et qui approuve, d'un commun accord, les normes de nature conventionnelle.

B. Le secteur financier belge

1. Les banques au sein du secteur financier en termes de dépôts

(5) La part des différents groupes d'institutions financières dans le total des dépôts de la clientèle s'établissait au 31 décembre 1984 (3) à:

- banques: 42,8 %,

- institutions publiques de crédit: 40,6 %,

- caisses d'épargne privée: 16,1 %,

- sociétés de crédit: 0,5 %.

(6) La part des banques dans ce total est en progression lente mais régulière depuis 1975 (elle s'établissait alors à 39,6 %). Cette progression s'est faite au détriment des institutions publiques de crédit (dont la part était de 44,9 % en 1975) et est due à l'augmentation des dépôts internationaux, qui ont proportionnellement doublé depuis 1975: ils représentaient 10,9 % sur 42 % en 1982, contre 5,4 % sur 39,6 % en 1975 (4).

2. Les banques au sein du secteur financier en termes de bilan

(7) Le même phénomène, plus marqué, se retrouve dans l'évolution des parts des divers groupes d'institutions financières dans le total bilantaire. Fin 1984, ces parts (1) s'élevaient à:

- banques: 68,8 %,

- institutions publiques de crédit: 22,4 %,

- caisses d'épargne privée: 8,3 %,

- sociétés de crédit: 0,5 %.

(8) La part des banques s'établissait en 1975 à seulement 56,1 % alors que celle des institutions publiques de crédit était encore de 32,5 %. Le bilan international représentait en 1982 les deux tiers (44,2 % du total bilantaire du secteur financier) de la part des banques, alors qu'il n'en représentait que les deux cinquièmes (26,1 % du total) en 1975 (5).

C. Les ententes notifiées

1. Notification et mises à jour

(9) Le 31 octobre 1962, l'ABB a notifié à la Commission, en précisant pour chaque entente les banques membres de l'ABB qui y participaient et celles qui la notifiaient ainsi que leur date d'entrée en vigueur, une série de huit conventions et dix accords conclus entre ses membres au sein de l'association et sept recommandations émises par l'association.

(10) En réponse à la demande de renseignements que la Commission lui a adressée le 6 novembre 1975 en application de l'article 11 du règlement n° 17, l'ABB lui a notamment communiqué, le 23 janvier 1976, la liste des conventions, accords et recommandations en vigueur à cette date, la liste des banques ne participant pas à tout ou partie des ententes, ainsi que le texte des ententes modifiées ou nouvelles.

(11) Le 14 juillet 1981, la Cour de justice, dans l'arrêt Zuechner contre Bayerische Vereinsbank (6), a pris position sur certains points qui pouvaient encore paraître sujets à discussion quant à l'applicabilité des règles de concurrence du traité aux accords entre banques. À la suite de cet arrêt et de l'enquête effectuée par les services de la Commission dans chacun des Etats membres, alors au nombre de dix, sur les accords interbancaires nationaux relatifs aux commissions pour rémunération des services de banque, une nouvelle demande de renseignements, en date du 3 mai 1983, a été adressée à l'ABB. En réponse à cette demande, l'ABB a fait part à la Commission, les 13, 21 et 27 juin 1983, des modifications apportées aux ententes déjà notifiées et lui a adressé le texte des nouvelles ententes conclues depuis 1976, et dont certaines étaient alors en cours de refonte. À une nouvelle demande de mise à jour, faite par la Commission le 26 juillet 1984, l'ABB a répondu le 5 septembre 1984 en indiquant les principales modifications intervenues depuis juin 1983.

2. Ententes en vigueur lors de la communication des griefs

(12) Il résultait de cette dernière mise à jour qu'étaient en vigueur, lors de la communication des griefs le 13 juin 1985, douze conventions, deux accords et huit recommandations (la différence d'appellation entre ces ententes ne répondait pas à une systématique précise préétablie; quant à leurs effets, ils étaient identiques, si ce n'est que les conventions prévoyaient des sanctions en cas de manquements à leurs dispositions):

(13) a) Conventions

AC1 : Comptes et dépôts ;

AC2 : Recouvrement de chèques et d'effets

AC2 bis : Recouvrement d'effets en francs belges sur la Belgique

AC3 : Droits de garde de titres en dépôt à découvert ;

AC4 : Paiements de coupons, remboursements et répartitions sur titres ;

AC5 : Diverses opérations sur titres ;

AC6 : Location de coffres-forts ;

AC7 : Exécution des conventions d'ordre professionnel conclues ou à conclure entre les banques exerçant leur activité en Belgique ;

AC8 : En matière de concurrence ;

AC9 : Paiements internationaux et opérations de change ;

AC10 : Conditions applicables à l'encaissement de papier commercial et de chèques en relation directe ou indirecte avec l'étranger, aux opérations sur marchandises en relation directe ou indirecte avec l'étranger et aux crédits documentaires ;

AC11 : Conditions applicables au banques et banquiers établis à l'étranger.

b) Accords

AA2 : Article 45 de la loi uniforme sur la lettre de change et le billet à ordre ;

AA4 : Réduction du travail afférent au contrôle des oppositions effectué à l'occasion des opérations sur titres.

c) Recommandations

AR1 : Introduction dans la législation belge de la sixième directive de la CEE relative à la TVA ;

AR2 : Gratuité des transferts de devises entre les banques ;

AR7 : Promotion de l'usage du chèque ;

AR8 : Exécution de décisions prises par les CIRIB (7);

AR9 : Prêts personnels ;

AR11 : Respect des conventions et accords interbancaires ;

AR13 : Rationalisation bancaire ;

AR15 : Protection contre les agressions à main armée.

3. Champ d'application des griefs

(14) Les griefs portaient sur les seuls accords sur les commissions pour rémunération de services prélevées par les banques. En était donc exclue la convention AC1 relative aux comptes et dépôts, la Commission réservant pour l'instant sa position sur cette convention, dont les dispositions principales portent sur les taux d'intérêts créditeurs.

(15) Parmi les accords rentrant dans le champ d'application des griefs, la Commission a indiqué, dans sa communication des griefs du 13 juin 1985, qu'elle pouvait considérer comme n'étant pas restrictifs de concurrence l'accord AA4 et les recommandations AR1, AR2, AR7, AR8, AR9, AR13 et AR15.

(16) Par contre, la Commission faisait part, dans cette même lettre, de son intention de prendre une décision d'interdiction à l'encontre des ententes restantes, à savoir: les conventions AC2, AC2bis, AC3, AC4, AC5, AC6, AC7, AC8, AC9, AC10 et AC11, l'accord AA2 et la recommandation AR11.

4. Renonciation de l'ABB à certains des accords notifiés

(17) À la suite de l'envoi des griefs et des discussions qui ont ensuite eu lieu entre l'ABB et la direction générale de la concurrence de la Commission, l'ABB a indiqué, par lettre du 8 avril 1986, avoir renoncé, à compter du 1er avril 1986, à certaines des ententes en totalité et aux autres en partie.

(18) Les ententes totalement abandonnées sont les conventions AC2, AC2bis, AC3, AC6, AC7, AC8 et AC11 et la recommandation AR11. Les autres ententes, à savoir les conventions AC4, AC5, AC9 et AC10, ainsi que l'accord AA2, ont été abandonnées partiellement; en ont été ôtées, notamment, toutes les dispositions relatives à des tarifications portant sur les relations avec la clientèle.

D. Champ d'application de la présente décision

(19) De l'accord AA2, l'ABB a extrait toute tarification, et même toute référence à une quelconque commission, de sorte que, désormais, cet accord n'est plus restrictif de concurrence et peut être assimilé aux accords de même nature énumérés au point 15.

(20) La présente décision ne porte donc que sur les trois conventions relatives à des commissions perçues dans les relations interbancaires; l'une, relative à diverses opérations sur titres, se substitue aux anciennes conventions AC4 et AC5, et les deux autres, portant sur les échanges monétaires et commerciaux avec l'étranger, remplacent les anciennes conventions AC9 et AC10.

(21) Le texte définitif de ces trois conventions a été adressé par l'ABB à la Commission le 30 mai 1986. Leur intitulé exact est:

- convention interbancaire relative à l'intervention de plusieurs banques dans les opérations sur titres,

- convention interbancaire relative à l'intervention de plusieurs banques dans les paiements provenant de l'étranger,

- convention interbancaire relative à l'intervention de deux banques établies en Belgique dans l'encaissement de chèques et de papier commercial provenant de l'étranger.

E. Contenu essentiel des conventions visées par la présente décision

1. Convention relative aux opérations sur titres

(22) Cette convention détermine le montant des ristournes que, sur les commissions qu'elles reçoivent pour ces services, les banques-domiciles rétrocèdent aux autres banques établies en Belgique en rémunération de leur intervention, d'une part, pour les paiements de coupons et de titres, et, d'autre part, dans diverses autres opérations sur titres. Le montant de ces ristournes est exprimé en pourcentage de la commission perçue par la banque-domicile. Ce pourcentage varie suivant la nature de l'opération.

a) Paiements de coupons et de titres

(23) Pour les titres représentés par un certificat CIK (Caisse interprofessionnelle de dépôts et de virements de titres), ainsi que pour leurs coupons, la ristourne est de 50 %, avec un maximum de 625 francs belges par titre au porteur et de 200 francs belges par coupon. Pour les titres non représentés par un certificat CIK, ainsi que pour leurs coupons, la ristourne est de 80 %, avec un maximum, pour les titres au porteur, de 625 francs belges par titre et de 200 francs belges par coupon, et, pour les certificats nominatifs, de 1 750 francs belges par certificat et de 625 francs belges par coupon.

(24) Pour les emprunts supranationaux et internationaux, la ristourne est de 40 %. Pour les emprunts des villes d'Anvers, Bruxelles, Gand et Liège, la ristourne est des deux tiers.

(25) Pour les coupons de titres au porteur représentatifs de valeurs étrangères, la ristourne est de 40 % si les titres sont représentés par un certificat CIK et de 50 % dans l'autre cas.

b) Diverses opérations sur titres

(26) La ristourne est de 50 % de la commission perçue lors de diverses opérations sur titres: échange, attribution, recouponnement, estampillage de titres, émargement de certificats nominatifs et dépôt de titres en vue d'une assemblée générale.

(27) Lorsque les titres sont déposés en CIK, la ristourne, pour les trois premières des opérations énumérées au point précédent, se calcule sur la base du tarif préférentiel CIK et après déduction de la commission perçue sur cet organisme; elle est nulle pour l'estampillage, la CIK percevant la commission pour cette opération.

(28) De même, la ristourne est nulle sur les commissions particulières perçues par la banque qui détient la dotation des titres nouveaux, en cas d'échange avec concordance de numéros, et par la banque qui détient la dotation des nouvelles feuilles de coupons, en cas de recouponnement.

2. Convention relative aux paiements provenant de l'étranger

(29) La convention détermine le montant maximal de la commission de paiement qui peut être perçue entre banques pour toute opération de paiement international en devises provenant de l'étranger et transitant par une banque établie en Belgique à destination d'une autre banque établie en Belgique. Ce montant maximal est nul pour les opérations dont le montant est inférieur à 1 000 francs belges, il est de 225 francs belges pour les opérations dont le montant est compris entre 1 001 francs belges et 100 000 francs belges, de 250 francs belges pour celles entre 100 001 francs belges et 300 000 francs belges et de 600 francs belges pour celles dont le montant est supérieur à 300 000 francs belges.

(30) La convention spécifie que sont exclus de son champ d'application:

- les eurochèques émis jusqu'à concurrence du montant maximal de compensation (8),

- les chèques de voyage européens,

- les chèques de voyage en devises émis au nom de la banque destinataire,

- les opérations d'achat, vente et encaissement de titres ou coupons,

- les paiements de pensions étrangères à caractère social effectués par des personnes morales à l'ordre de bénéficiaires régnicoles (9) ou assimilés.

(31) La convention précise aussi que la banque intermédiaire se dispense, à l'occasion des opérations rentrant dans le champ de la convention, de tout acte de concurrence déloyale qui consisterait à entrer ou tenter d'entrer en relation, directement ou non, avec la clientèle de la banque destinataire.

3. Convention relative à l'encaissement de chèques et de papier commercial provenant de l'étranger

(32) Cette convention ne comporte plus de tarification. Elle prévoit seulement le principe de la perception de commissions et précise à qui en incombe la charge. Elle indique que la banque chargée de l'encaissement a le droit de percevoir des commissions et frais à charge du donneur d'ordre. Pour l'encaissement de chèques, la commission est toujours à charge du mandant. En matière de papier commercial, la convention, se référant à l'article 22 des règles uniformes élaborées en la matière par la Chambre internationale de commerce (10), prévoit les dispositions suivantes: si la lettre de remise prescrit que les commissions et frais sont supportés par le tiré et si le tiré refuse de les payer, la banque chargée de l'encaissement peut percevoir ces commissions et frais à charge du mandant, sauf si l'ordre d'encaissement contient expressément des instructions contraires.

(33) Lorsque la présentation auprès d'une seconde banque établie en Belgique est faite à la demande expresse du tiré, la première banque doit le préciser expressément dans sa remise, faute de quoi la seconde banque lui porte en compte ses commissions et frais comme si la présentation à la seconde banque avait été faite sur instructions du mandant étranger; la commission que la seconde banque a la faculté de percevoir ne peut être portée à charge de la première banque, mais bien du tiré.

F. Observations de tiers

(34) Aucune observation n'a été reçue de tiers à la suite de la publication, conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, du sommaire des trois conventions.

II. APRECIATION JURIDIQUE

A. Article 85 paragraphe 1

1. Entreprises et association d'entreprises

(35) Entités économiques exerçant des activités de nature économique, les banques appliquant les conventions notifiées sont des entreprises au sens de l'article 85. L'ABB, qui regroupe de telles entreprises, constitue une association d'entreprises au sens de cette même disposition.

2. Accords entre entreprises et décisions d'association d'entreprises

(36) Il convient, à cet égard, d'opérer une distinction entre membres et non-membres de l'ABB. Pour ce qui est des membres de l'ABB, il n'y a pas eu, à l'inverse des conventions notifiées en 1962, adhésion formelle de leur part aux trois conventions visées par la présente décision. Le texte leur en a été adressé par l'ABB en indiquant qu'elles se substituaient aux anciennes conventions abrogées à compter du 1er avril 1986. Les trois nouvelles conventions peuvent donc être assimilées, s'agissant des membres de l'ABB, à des décisions d'association d'entreprises. Sinon, dans la mesure où aucune banque membre de l'ABB ne lui a indiqué, au reçu de nouvelles conventions, qu'elle ne s'y conformerait pas, il est possible de considérer qu'il y a eu adhésion tacite et donc qu'il s'agit d'accords entre entreprises. Dans les deux cas, les ententes tombent, en tout état de cause, sous l'article 85.

(37) En ce qui concerne les non-membres de l'ABB, ils peuvent, comme dans le passé, appliquer les conventions de l'ABB, en tout ou en partie. Sous cet aspect, ces conventions sont à regarder comme des accords entre entreprises au sens de l'article 85.

3. Atteinte au commerce entre Etats membres

(38) La notion de commerce, au sens de l'article 85 du traité, a une portée large (11). Elle vise les échanges économiques en général, notamment les échanges monétaires et les services bancaires.

(39) Des accords nationaux de prix s'étendant à l'ensemble du territoire d'un Etat membre peuvent avoir pour effet de consolider un cloisonnement de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité. Les ententes notifiées par l'ABB produisent leurs effets sur l'ensemble du territoire national.

(40) En outre, ainsi que l'a indiqué l'ABB elle-même à propos des banques belges implantées à l'étranger (12), la succursale continue de faire partie intégrante de la structure de la banque qui l'a organisée et fonctionne sous son autorité directe. Quelles que soient les considérations qui peuvent s'appliquer aux filiales des banques étrangères établies en Belgique, leurs succursales, à tout le moins, constituent des émanations directes de ces banques et, partant, participent aux échanges entre Etats membres.

(41) Or, sur les 84 banques établies en Belgique fin 1985 figurent 61 banques de droit étranger (succursales sans personnalité juridique propre) ou de droit belge à majorité étrangère (filiales) (13), dont 27 de huit Etats membres(14). Sur ces 61 banques, 28 sont des succursales, dont 14 de sept Etats membres (15). Parmi les dix plus importantes banques établies en Belgique fin 1984 et classées selon le total de leur bilan (15) figuraient sept banques de droit étranger ou à majorité étrangère (six succursales et une filiale). Si l'on considère les banques non plus en fonction de leur bilan mais de leurs dépôts, quatre banques de droit étranger ou à majorité étrangère (deux succursales et deux filiales) figuraient parmi les dix plus importantes banques établies en Belgique fin 1984 (16). L'importance dans le secteur bancaire belge des banques d'appartenance étrangère (succursales et filiales à majorité étrangère) est allée croissante ces quinze dernières années: de 1970 à 1985, leur part dans le total du bilan est passée de 22,5 % à 51 %, dans les dépôts de la clientèle de 10,8 à 19,9 %, dans les crédits à la clientèle de 21,9 % à 40,9 %, et dans les opérations interbancaires de 35,7 % à 67,5 % (17).

(42) Le degré d'internationalisation des activités bancaires montre également l'incidence des conventions interbancaires sur le commerce entre Etats membres. Par suite de l'implantation croissante de banques étrangères en Belgique, les opérations internationales effectuées par les banques établies en Belgique représentent une part de plus en plus importante du total de leurs activités.En 1985, cette part s'établissait à 69,6 % du total de leur bilan (contre 41 % en 1970), à 27,5 % du total des dépôts clients (12,5 % en 1970), à 55,2 % du total des crédits clients (23 % en 1970) et à 95,7 % des opérations interbancaires (95 % en 1970) (18).

(43) En outre, les trois conventions, en ce qu'elles visent indirectement des services fournis indistinctement à la clientèle nationale et étrangère, sont susceptibles d'affecter les échanges intracommunautaires. Deux d'entre elles, en ce qu'elles concernent directement des opérations en devises ou des opérations en provenance de l'étranger, affectent directement le commerce entre Etats membres. La troisième, celle sur les titres, concerne aussi les échanges entre Etats membres puisque sont visés, d'une part, les émetteurs étrangers qui chargent des banques belges du service financier de leurs titres en Belgique et, d'autre part, les détenteurs étrangers de titres belges.

4. Restrictions de concurrence

(44) Deux des trois conventions, celle relative aux opérations sur titres et celle concernant les paiements provenant de l'étranger, restreignent, voire éliminent, la liberté des banques qui les appliquent de déterminer bilatéralement la rémunération des services qu'elles s'offrent entre elles. En se conformant à la convention relative aux opérations sur titres, les banques se privent de la possibilité de négocier entre elles, individuellement, des conditions plus avantageuses que celles fixées dans la convention. Les restrictions de concurrence dans la convention concernant les paiements provenant de l'étranger sont encore plus marquées, puisque la convention comporte une tarification uniforme exprimée en montants absolus: le montant de la commission est ainsi prédéterminé, ce qui n'est pas le cas dans la convention relative aux opérations sur titres, où seuls les pourcentages de la ristourne sont fixés, mais non le montant exact de la ristourne, qui dépend du montant de la commission perçue par la banque-domicile (commission qui ne fait plus, elle-même, l'objet d'une convention interbancaire).

(45) La troisième convention, celle relative à l'encaissement de chèques et de papier commercial provenant de l'étranger, ne comporte plus de tarification. Néanmoins, en prévoyant le principe et les modalités de perception d'une commission lors des opérations rentrant dans son champ d'application, cette convention a pour effet de restreindre de manière sensible la liberté de comportement des banques qui l'appliquent. En effet, les banques se mettent d'accord, d'une part, pour ne pas assurer gratuitement ce service et, d'autre part, pour déterminer à qui incombe la charge de la commission ainsi prévue. La possibilité que les banques renoncent à la commission n'est nullement théorique, étant donné que cette commission ne constitue pas la seule ressource des banques, qui pourraient y renoncer pour attirer la clientèle.

B. Article 85 paragraphe 3

(46) Les quatre conditions requises pour une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 sont remplies en l'espèce pour les raisons suivantes:

1. Amélioration de l'offre des services bancaires et du système des paiements

(47) La convention relative aux opérations sur titres accroît l'offre des services bancaires. Elle permet à l'ensemble des banques d'assurer à leurs clients le service financier de l'ensemble des titres, au lieu de ne leur assurer que le service financier des titres dont elles ont été directement chargées, en tant que banques-domiciles, par les émetteurs de titres.

(48) La convention relative aux paiements provenant de l'étranger améliore le fonctionnement du système des paiements, car elle permet au banquier intermédiaire de répercuter, ne serait-ce que partiellement, la commission qui lui est éventuellement imposée par son correspondant étranger. Si un montant maximal pour la commission au profit du banquier intermédiaire n'était pas fixé, chaque transaction devrait faire l'objet d'une négociation entre le banquier destinataire et le banquier intermédiaire. Une telle situation ralentirait le cours des opérations et en accroîtrait le coût au détriment de l'utilisateur final, pour autant que ce coût lui soit répercuté. Le progrès technique lié à l'utilisation de l'informatique pour l'exécution de telles opérations et la nécessité d'améliorer et d'accélérer les systèmes intégrés de paiement justifient que des commissions uniformément plafonnées s'appliquent entre tous les intermédiaires financiers opérant dans un système intégré de paiement.

(49) La convention relative à l'encaissement de chèques et de papier commercial améliore également le système des paiements en précisant à l'avance l'imputabilité des frais, ce qui permet d'éviter toute contestation ultérieure de nature à mettre en cause le bon fonctionnement des opérations rentrant dans le champ d'application de cette convention.

2. Participation des utilisateurs

(50) Les détenteurs de valeurs mobilières retirent un profit équitable de la convention relative aux opérations sur titres, parce qu'elle leur permet de s'adresser à la banque dont ils sont les clients pour les opérations à effectuer sur les titres dont leur banque n'est pas chargée d'assurer le service financier. Grâce à cette possibilité, les détenteurs de titres n'ont donc pas à s'adresser aux différentes banques-domiciles, toutes leurs opérations sur titres pouvant être centralisées dans une seule banque, celle où ils ont un compte. En outre, aucune commission supplémentaire n'est due pour ce service ni par le détenteur de titres ni par l'émetteur de titres, la banque intermédiaire étant rémunérée par la banque-domicile, qui lui reverse une partie de la commission qu'elle reçoit de l'émetteur de titres pour assurer son service financier.

(51) La convention relative aux paiements provenant de l'étranger réserve aussi une part équitable du profit aux utilisateurs finals, car elle évite aux bénéficiaires de paiements provenant de l'étranger de devoir s'adresser à une banque autre que celle dont ils sont les clients, dans tous les cas où leur banque n'est pas le correspondant de la banque établie à l'étranger d'où provient l'ordre. De plus, une commission n'est pas obligatoirement perçue à l'occasion de cette opération: la convention n'impose pas à la banque intermédiaire de percevoir cette commission, mais elle prévoit seulement la possibilité de le faire. Au surplus, le montant de la commission est un montant maximal: si la banque intermédiaire décide de percevoir une commission, elle peut fixer son montant au-dessous du maximum. Par ailleurs, ce maximum, qui est de 600 francs belges pour les opérations les plus importantes, est, dans tous les cas, inférieur au coût de l'opération pour la banque intermédiaire, qui est de l'ordre de 750 francs belges en moyenne; ainsi, en aucun cas, l'utilisateur final ne paie le coût réel du service fourni, même si la commission peut paraître élevée pour les opérations d'un faible montant. Les utilisateurs, intermédiaires financiers jouant le rôle de banques destinataires, et surtout la clientèle, utilisateur final, se voient réserver l'essentiel du profit: les paiements s'effectuent d'une manière accélérée, malgré le nombre toujours croissant d'opérations, et ne subissent pas de coûts de montants imprévus, calculés arbitrairement a posteriori. La convention a précisément pour objet de limiter ces coûts à des montants raisonnables, connus d'avance et librement négociés anticipativement par tous les opérateurs participant également au système de compensation, afin qu'aucun d'entre eux ne se voie imposer des conditions inéquitables ni infliger un désavantage dans la concurence.

(52) La convention relative à l'encaissement de chèques et de papier commercial provenant de l'étranger réserve également une part importante du profit aux utilisateurs, puisqu'elle permet notamment au tiré belge de ne traiter qu'avec sa banque, et non avec une autre banque établie en Belgique, correspondante de la banque établie à l'étranger d'où provient l'ordre. En outre, en ne fixant pas le montant de la commission prévue, elle permet éventuellement une négociation sur le montant, dont peut profiter celui à qui incombe en définitive la charge de cette commission.

3. Caractère indispensable des restrictions

(53) Les restrictions de concurrence imposées par la convention relative aux opérations sur titres sont indispensables pour assurer le bon fonctionnement du service financier généralisé des titres. En acceptant d'assurer le service financier de titres pour lesquels elles ne sont pas des banques-domiciles, les banques intermédiaires rendent un service à la fois à leurs clients détenteurs de titres, aux banques-domiciles, dont elles effectuent en partie la tâche, et aux émetteurs de titres, à qui elles évitent ainsi de devoir désigner de nombreuses banques-domiciles. Lorsqu'un tel service est rendu collectivement par l'ensemble des banques d'un pays à l'ensemble de la clientèle de ce pays, il est indispensable que les modalités de ce service soient déterminées d'un commun accord entre les banques. Des ristournes variables d'une banque à l'autre impliqueraient, pour chaque titre, des négociations bilatérales entre les 84 banques adhérant à la convention.

(54) Les mêmes considérations peuvent être faites à propos de la convention relative aux paiements provenant de l'étranger: il s'agit d'un service rendu collectivement par l'ensemble des banques à l'ensemble de la clientèle. En transmettant l'ordre à la banque destinataire, la banque intermédiaire rend un service au bénéficiaire du paiement, qui n'est pas son client. La restriction imposée aux banques de ne pas dépasser le maximum prévu dans la convention est indispensable pour empêcher que les banques les plus petites, qui disposent de peu de correspondants et, de ce fait, jouent surtout le rôle de banque destinataire plutôt que celui de banque intermédiaire, ne se voient imposer des conditions inéquitables et ne subissent, ainsi, un désavantage dans la concurrence.

(55) Les restrictions contenues dans la convention relative à l'encaissement de chèques et de papier commercial provenant de l'étranger sont nécessaires pour harmoniser les règles suivies en la matière et éviter ainsi toute contestation sur l'imputation des commissions et frais. S'il y avait des cas de contestation, il y aurait risque que certaines banques refusent de continuer d'assurer ce service, qui profite à la clientèle.

4. Possibilités de concurrence

(56) La convention relative aux opérations sur titres ne régit pas les relations entre les banques et leurs clients, que ce soit en amont - les émetteurs de titres - ou en aval - les détenteurs de titres. Les banques sont libres de déterminer le montant de la commission qu'elles facturent aux émetteurs de titres qui les chargent d'assurer leur service financier. Le montant de la ristourne versée en pratique aux banques intermédiaires varie donc en fonction de la commission demandée à l'émetteur par la ou les banque(s)-domicile(s): seule la part qu'elle représente dans la commission perçue par la banque-domicile est prédéterminée. Les émetteurs de titres ont donc la possibilité de faire jouer la concurrence entre les diverses banques, afin d'obtenir les meilleures conditions possibles en désignant comme banque(s)-domicile(s) celle(s) qui demande(nt) les commissions les plus faibles.

(57) La convention relative aux paiements provenant de l'étranger ne régit pas non plus, les relations entre les banques et leurs clients. Des possibilités de concurrence subsistent à un double niveau. D'une part, la banque intermédiaire peut ne pas percevoir de commission et, si elle décide d'en demander une, elle peut la fixer à un montant inférieur au montant maximal prévu dans la convention. D'autre part, si une commission est perçue par la banque intermédiaire, la banque destinataire peut ne pas répercuter, ou seulement en partie, cette commission sur son client bénéficiaire du paiement: la mesure dans laquelle la commission de paiement est répercutée sur la clientèle est laissée à la libre appréciation de la banque destinataire. (58) La convention relative à l'encaissement de chèques et de papier commercial provenant de l'étranger ne comporte pas de dispositions sur le montant des commissions, dont elle prévoit seulement la perception. Des possibilités de concurrence subsistent donc en la matière entre les banques qui peuvent demander pour ce même service des commissions d'un montant différent, la connaissance qu'elles ont du montant de la commission n'étant qu'a posteriori.

C. Articles 6 et 8 du règlement n° 17

(59) En application de l'article 6 paragraphe 1 du règlement n° 17, la présente décision prend effet au 30 mai 1986, date à laquelle l'ABB a adressé à la Commission la version définitive des trois conventions faisant l'objet de la présente décision.

(60) En application de l'article 8 paragraphe 1 du règlement n° 17, l'exemption résultant de la présente décision est accordée pour une durée initiale de dix ans, les restrictions contenues dans les conventions n'ayant pas une portée considérable.

(61) Pour permettre à la Commission de s'assurer que les conditions qui ont justifié l'octroi de l'exemption continuent d'être remplies pendant toute la durée de la période d'exemption, l'ABB doit porter immédiatement à la connaissance de la Commission tout complément ou modification apportés aux trois conventions en question, ainsi que tout nouvel accord conclu entre ses membres en son sein,

A arrêté la présente décision:

Article premier :

Conformément à l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 sont déclarées inapplicables, pour la période allant du 30 mai 1986 au 29 mai 1996, aux trois accords suivants conclus entre les membres de l'Association belge des banques:

- convention interbancaire relative à l'intervention de plusieurs banques dans les opérations sur titres,

- convention interbancaire relative à l'intervention de plusieurs banques dans les paiements provenant de l'étranger,

- convention interbancaire relative à l'intervention de deux banques établies en Belgique dans l'encaissement de chèques et de papier commercial provenant de l'étranger.

Article 2 :

La présente décision est assortie de la charge suivante: l'Association belge des banques doit informer sans délai la Commission de tout complément ou modification apportés aux trois conventions mentionnées à l'article 1er et de tout nouvel accord conclu entre ses membres en son sein.

Article 3 :

La présente décision est destinée à l'Association belge des banques, rue Ravenstein 36 (boîte 5), B-1000 Bruxelles.

Notes

(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.

(2) JO n° C 199 du 8. 8. 1986, p. 2.

(3) " Les banques au sein du secteur financier en 1984 ", Aspects et documents n° 42, p. 30, ABB, octobre 1985.

(4) " Les banques au sein du secteur financier depuis 1975 ", volume I, " Analyse comparative ", Aspects et documents n° 29, p. 19, ABB, mai 1984.

(5) " Les banques au sein du secteur financier depuis 1975 ", vol. I, " Analyse comparative ", Aspects et documents n° 29, p. 18, ABB, mai 1984.

(6) Affaire 172-80, Recueil de la jurisprudence de la Cour 1981, p. 2021.

(7) Conférences internationales pour la rationalisation dans les rapports interbancaires.

(8) Actuellement, ce montant maximal correspond à la contrevaleur approximative de 600 francs suisses.

(9) Le régnicole se définit comme toute personne physique ayant sa résidence principale en Belgique, ainsi que toute personne morale dont le siège social est en Belgique.

(10) Brochure n° 322 de la Chambre internationale de commerce.

(11) Voir arrêt précité point 11.

(12) " Le réseau des banques belges à l'étranger ", Aspects et documents n° 17, ABB, avril 1983, p. 6.

(13) " Vade-mecum statistique du secteur bancaire 1985 ", Aspects et documents n° 49, ABB, mai 1986, p. 88.

(14) Y compris l'Espagne et le Portugal.

(15) " Vade-mecum statistique du secteur bancaire 1985 ", Aspects et documents n° 49, ABB, mai 1986, p. 34.

(16) Idem, p. 37.

(17) Idem, p. 89.

(18) Idem, p. 83.