Cass. crim., 21 janvier 2003, n° 02-81.660
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
FDSAV, INAO, Union Nationale de l'Apiculture Française
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Agostini
Avocat général :
M. Frechede
Avocats :
SCP Parmentier, Didier, SCP Boulloche, SCP Piwnica, Molinié.
LA COUR: - I. Sur le pourvoi en ce qu'il est formé par l'Union nationale de l'apiculture française: - Attendu qu'aucun moyen n'est produit;
II. Sur le pourvoi en ce qu'il est formé par la Fédération départementale des syndicats agricoles des Vosges, le Syndicat de l'AOC "Miel de sapin des Vosges" et l'Institut national des appellations d'origine; - Vu les mémoires ampliatifs, complémentaire et additionnel en demande et le mémoire en défense produits: - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Pau, 30 janvier 2002) qu'en octobre et novembre 1996, Vincent M, président directeur général de la société X a commercialisé du miel sous la dénomination "Fleurs des Vosges"; que les expertises réalisées en application des articles L. 215-9 et suivants du Code de la consommation ont établi la présence prédominante de pollen de châtaignier, non caractéristique de la zone de production annoncée, alors que, de plus, un décret et un arrêté du 30juillet 1996 pris en application des articles L. 641-2 et suivants du Code rural ont défini l'appellation d'origine protégée "Miel de sapin des Vosges"; - Attendu que, poursuivi pour délits de tromperie et de mise en vente d'un produit portant une appellation d'origine inexacte, Vincent M a été relaxé par les premiers juges; que, sur l'appel des seules parties civiles, la cour d'appel a confirmé le jugement entrepris;
En cet état; - Sur le premier moyen de cassation proposé par l'INAO, pris de la violation des articles L. 2 13-1 du Code de la consommation, 6 du décret n° 76-717 du 22 juillet 1976, 591 et 693 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu du chef de tromperie et a débouté l'INAO de sa demande de dommages-intérêts;
"aux motifs que les châtaigniers sont abondants dans les collines du versant Est des Vosges; que les produits litigieux ne font référence ni au terme "Montagne", ni à celui de "Miel de sapin des Vosges" protégé par les décrets et arrêtés du 30 juillet 1996 portant reconnaissance de l'appellation d'origine contrôlée du même nom; qu'au demeurant, les sapins n'ayant pas de fleurs, le miel de sapin est un miel fabriqué par les abeilles à partir des excréments de sucre de pucerons et constitue donc un miel de miellat, par opposition au miel de nectar qui provient des fleurs; que le prévenu a démontré l'adéquation entre les acquisitions de miel des Vosges, ou présenté comme tel par ses fournisseurs, et la vente sous l'appellation "fleurs des Vosges" étant rappelé qu'il se fournissait en miel soit directement auprès d'apiculteurs des Vosges qui le vendaient comme miel des Vosges, soit auprès de sociétés intermédiaires de négoce et de courtage en miel sous cette même dénomination; que n'ayant pas vendu plus de miel des Vosges qu'il n'en a acquis, la mauvaise foi du prévenu n'est pas démontrée; que Mme Tisse, qui avait participé à la contre-expertise, indique dans une lettre du 14 mars 2001 qu'on ne relie jamais le pourcentage de pollens présents avec une miellée majoritaire dans la mesure où l'on peut avoir une pollution par des pollens et que cela arrive très souvent avec le châtaignier; que l'utilisation du terme "Fleur des Vosges" ne présente aucun risque d'équivoque avec l'appellation "Miel de sapin des Vosges":
"1°) alors, d'une part, que constitue l'élément matériel du délit de tromperie, le fait de commercialiser un produit portant une indication erronée quant à son origine; qu'en ne s'expliquant pas sur la circonstance, qu'elle avait pourtant expressément relevée, que les analyses du miel commercialisé par le prévenu sous l'appellation "Fleur des Vosges" avaient mis en évidence la présence de pollens d'origine méridionale, espagnole et hongroise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;
2°) alors, d'autre part, que, s'appropriant les conclusions des experts, INAO exposait dans ses conclusions que, si des châtaigniers sont effectivement présents dans les collines du versant Est des Vosges, les miels produits dans cette zone ne présentent pas un taux de pollen de châtaignier supérieur à 15 %; qu'il en déduisait que le miel commercialisé par le prévenu, dont les experts avaient constaté qu'il contenait environ 80 % de ce pollen, ne pouvait pas être originaire des Vosges; qu'en se bornant à constater, pour exclure la tromperie, que des châtaigniers étaient présents dans le massif vosgien, sans s'expliquer sur ce moyen tiré de la teneur anormalement importante du pollen de châtaignier dans la composition du miel litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale; 3°) alors, enfin, que le contrôle de la conformité d'un produit, effectué en application de l'article L. 213-1 du Code de la consommation en vue d'assurer la loyauté des transactions commerciales, s'exerce à tous les stades de sa commercialisation; qu'en déduisant la bonne foi du prévenu de la seule circonstance que ses fournisseurs lui avaient présenté le miel qu'il avait acquis comme originaire des Vosges, sans rechercher s'il avait procédé à la vérification de l'origine des marchandises qu'il était tenu d'effectuer en sa qualité de grossiste, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision";
Sur le premier moyen de cassation proposé par la FDSAV et le syndicat de l'AOC "Miel de sapin des Vosges", pris de la violation des articles L. 115-1, L. 115-16 et L. 213-1 du Code de la consommation, 6 du décret n° 76-717 du 22 juillet 1976, 485 et 593 du Code de procédure pénale;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Vincent M des poursuites dirigées contre lui des chefs d'apposition d'une appellation d'origine inexacte sur les produits mis en vente et de tromperie ou tentative de tromperie des consommateurs sur la nature, l'origine et les qualités substantielles d'un miel commercialisé sous la dénomination "Fleurs des Vosges";
"aux motifs que "le rapport d'analyses n° 96-14160 de la DGCCRF du miel litigieux fait état de ce que le pollen dominant est celui du châtaignier et relève également la présence d'un pollen isolé "l'eucalyptus" pour conclure que le miel est à dominante châtaignier, que l'eucalyptus n'est pas caractéristique des Vosges et qu'une dénomination Miel l'Apiculteur Fleur des Vosges n'est pas conforme; qu'un autre rapport d'analyse n° L. 96-14161 relèvera: "miel à dominante châtaignier les pollens d'eucalyptus, lavande et thym sont d'origine méridionale, celui ciste Lodaniférus d'origine espagnole, le Lorantus europeus d'origine hongroise pour confirmer la non-conformité du produit avec sa dénomination; que les analyses n'étaient pas contradictoires; que lors du procès-verbal de 1ère comparution de Vincent M du 5 décembre 1997, ce dernier précise: "la référence dans une appellation de miel à un nom géographique oblige seulement le producteur du miel à commercialiser exclusivement un miel provenant de cette région sous cette appellation", puis: "je vous remets un récapitulatif de nos achats et de nos ventes concernant le miel des Vosges qui est un des plus chers à l'heure actuelle sur le marché pour nous. Lorsque nous avons des surstocks de miel de certaines qualités, comme le miel des Vosges, il nous arrive de le commercialiser en le déclassant..."; qu'en application de l'article L. 215-1 2 du Code de la consommation, Vincent M a sollicité une contre-expertise des miels litigieux; que le rapport de commission d'expert du 4 août 1998 est plus nuancé; qu'il en ressort que les résultats analytiques des deux experts sont comparables et les 4 échantillons sont similaires; qu'il convient de relever les éléments suivants: "une teneur très élevée en pollens de châtaignier (72 à 88 %) exprimée en pourcentage relatif des pollens identifiés et quantifiés (ce qui exclut une simple pollution du miel par ce pollen); les miels présentent des caractères orgonoleptiques identiques... et sont fortement marqués par la miellée de châtaignier, le châtaignier est bien présent dans les collines du versant Est des Vosges...; toutefois, à notre connaissance, il ne jamais été constaté de production mono-florale de miels de châtaignier dans les Vosges ou alors de façon anecdotique...; en conclusion, les miels que nous avons analysés ne paraissent pas caractéristiques de zone de production annoncée" (ces conclusions ne sont pas catégoriques); que dans la revue "L'Apiculture française" II est mentionné: "les collines sous vosgiennes présentent de belles forêts d'acacias et de châtaigniers qui se plaisent sur les versants bien ensoleillés et sur les terrains calcaires qui se réchauffent facilement" (D.13 annexe 7), puis dans l'atlas photographique d'analyse pollinique des miels réalisé par Jean Louveaurc, il est confirmé "les châtaigniers sont abondants en France, dans le Massif Central, les Pyrénées, les Alpes, la Bretagne, une partie de la Normandie, le Morvan, les environs de Paris, les Maures et l'Esterel, le versant Est des Vosges... les miels de châtaigniers sont donc très courants en France..."; que ces revues scientifiques vont à l'encontre des affirmations de certaines parties civiles, le terme "Vosges" englobant tout le massif vosgien et non pas seulement le département des Vosges; que d'ailleurs (cote 32), l'Office National des Forêts, dans une lettre du 8 janvier 1997, avec pour objet "répartition du tilleul et des châtaigniers dans le département des Vosges" relate que "le châtaignier n'est que très exceptionnellement présent et uniquement sous la forme d'individus isolés" (mais le secteur est restrictif par rapport au massif vosgien);" que le jugement rendu par le Tribunal civil de première instance de Nancy du 25 avril 1952 a statué ainsi: "...dit et juge en outre qu'ont seuls droit à l'appellation d'origine "Miel des Vosges, Montagne ou plaine" les miels naturels récoltés exclusivement dans la région ainsi délimitée: département de la Meurthe et Moselle en partie, à savoir Cantons de Cirey-sur-vezouze, Badonviller et Baccarat, département de la Moselle en partie, à savoir: arrondissement de Sarrebourg, département des Vosges en partie, à savoir arrondissement de Saint-Dié, Remirement, Epinal et Mirecourt, cantons de La Marche, Vittel, Dompaire, Charmes, Darnay et Monthureux-sur-Saône..."; qu'il convient de relever que les produits litigieux ne font pas référence au terme "Montagne" (annexe 5-D. 3) ni à celui de "Miel de Sapin des Vosges" (AOC décrets du 30 juillet 1996 et arrêté du 30 juillet 1996) (les sapins n'ayant pas de fleurs, le Miel de Sapin est un miel fabriqué par les abeilles à partir des excréments de sucre de pucerons, miel de miellat, et ce, par opposition au miel de nectar qui lui provient des fleurs); que, par ailleurs, Vincent M a démontré l'adéquation entre les acquisitions du miel des Vosges (ou présentés comme tel par ses fournisseurs) et la vente sous l'appellation "fleur des Vosges", étant rappelé que Vincent M se fournissait en miel soit directement auprès d'apiculteurs dés Vosges qui le vendaient comme miel des Vosges, soit auprès de sociétés intermédiaires de négoce et de courtage en miel, sous cette même dénomination; que n'ayant pas vendu plus de miel des Vosges qu'elle en avait acquis (le miel des Vosges étant l'un des plus chers), la mauvaise foi de la société X n'est pas démontrée; que Mme Tisse, qui avait participé à la contre-expertise, indique dans une lettre du 14 mars 2001 qu'on ne relie jamais le pourcentage de pollens présents avec une miellée majoritaire, on peut avoir une pollution par des pollens, et cela arrive très souvent avec le châtaignier, en ajoutant "quant à une dénomination géographique, votre mandant doit savoir où le miel a été produit"; qu'en utilisant le terme "miel fleurs des Vosges" il n'y avait aucun risque d'équivoque avec l'appellation "Miel de Sapin des Vosges"; que, conformément à ce qui a été jugé en première instance, la preuve n 'est pas rapportée tant sur le dossier d'information qu'au cours des débats, que le prévenu ait intentionnellement trompé ou tenté de tromper les consommateurs sur la nature, l'origine ou les qualités substantielles du miel qu'il a commercialisé sous la dénomination "Fleurs des Vosges" et il ne peut également lui être fait le reproche d'avoir apposé sur les produits mis en vente une appellation d'une origine inexacte";
"alors que, d'une part, un miel peut porter un nom régional, territorial ou topographique seulement si le produit provient entièrement de l'origine indiquée; qu'en l'espèce, le miel produit par la société X sous la dénomination "Fleurs des Vosges" est composé de plusieurs pollens dont certains ne proviennent pas des Vosges, notamment eucalyptus, lavande et thym, un autre, ciste, étant d'origine espagnole, et un dernier, loranthus, d'origine hongroise; que ce miel, composé de pollens dont certains n'étaient pas originaires des Vosges, ne pouvait être vendu avec une dénomination évoquant les Vosges; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen;
"alors que, d'autre part, le vendeur d'un bien doit s'assurer de sa conformité avec la réglementation, et doit, en particulier, vérifier les caractéristiques des marchandises qui lui sont livrées et qu'il entend proposer à la vente; qu'en l'espèce, pour décider que Vincent M avait acquis du miel des Vosges, la cour d'appel s'est contentée de préciser que ce miel avait été présenté comme tel par les fournisseurs de Vincent M; que celui-ci avait pourtant le devoir et les moyens de vérifier la provenance de ce miel; qu'en prononçant la relaxe de Vincent M, sans avoir justifié qu'il avait contrôlé la provenance du miel qu'il avait acheté, et donc que ce miel pouvait être vendu sous la dénomination "Fleurs des Vosges", la cour d'appel a violé les dispositions susvisées;
"alors qu'en troisième lieu, les demanderesses ont soutenu, dans leurs conclusions d'appel, que le pollen de châtaignier, lorsqu'il était utilisé dans un miel provenant des Vosges, n'était présent qu'à hauteur de 10 à15 %, mais qu'un miel composé de ce pollen à hauteur de 80 % environ ne pouvait être présenté comme un miel des Vosges; que, pour décider que les infractions reprochées au prévenu n'étaient pas constituées, la cour d'appel a relevé que des châtaigniers étaient présents dans le massif vosgien; qu'en ne s'expliquant pas sur le moyen pris de l'importance du pollen de châtaignier dans la composition du miel litigieux, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une violation des textes cités au moyen;
"alors qu'enfin, les demanderesses avaient également soutenu qu'un miel vendu sous une dénomination se référant à des "fleurs" ne pouvait être composé à 80 % d'un pollen provenant d'une même fleur; qu'en particulier, il résulte de la contre-expertise demandée par Vincent M que la dénomination "Fleurs des Vosges" pouvait laisser supposer des miels de fleurs où aucune miellée dominante ne devait être perceptible, de sorte que les miels analysés ne paraissaient pas caractéristiques de la zone de production annoncée; qu'il n'est pas contesté que le miel vendu par Vincent M sous la dénomination "Fleurs des Vosges" était composé de pollen de châtaignier à concurrence de 72 à 88 %;qu'en ne recherchant pas si cette composition excluait que le miel vendu puisse être présenté comme produit à partir de plusieurs fleurs, la cour d'appel a violé les textes susvisés";
Les moyens étant réunis; - Vu l'article 593 du Code de procédure pénale: - Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence;
Attendu que, pour renvoyer Vincent M des fins de la poursuite pour tromperie, les juges d'appel relèvent que les conclusions des experts sur l'origine non caractéristique du pollen dominant ne sont pas catégoriques et qu'il existe des châtaigniers dans le massif vosgien; qu'ils ajoutent que le miel ainsi commercialisé par le prévenu lui était vendu par des fournisseurs qui le lui présentaient comme provenant des Vosges;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans se référer aux prescriptions du décret du 22 juillet 1976 pris pour l'application des articles L. 213-1 et suivants du Code de la consommation et fixant les règles de dénomination du miel et sans rechercher si la mauvaise foi du prévenu ne résultait pas du défaut de vérification de l'origine et de la composition du miel qu'il a commercialisé, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision; d'où il suit que la cassation est encourue de ce chef;
Et sur le deuxième moyen de cassation proposé par l'INAO, pris de la violation des articles L. 115-16 et L. 213-1 du Code de la consommation, 6 du décret n° 76-717 du 22 juillet 1976, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu des fins de la poursuite et a débouté l'INA O de sa demande de dommages-intérêts;
"aux motifs que les produits litigieux ne font référence ni au terme "Montagne", ni à celui de "Miel de sapin des Vosges" protégé par les décrets et arrêtés du 30 juillet 1996 portant reconnaissance de l'appellation d'origine contrôlée du même nom; qu'eu demeurant, les sapins n'ayant pas de fleurs, le miel de sapin est un miel fabriqué par les abeilles à partir des excréments de sucre de pucerons et constitue donc un miel de miellat, par opposition au miel de nectar qui provient des fleurs; que l'utilisation du terme "Fleur des Vosges" ne présente aucun risque d'équivoque avec l'appellation "Miel de sa pin des Vosges";
"1°) alors, d'une part, que, lorsqu'une marchandise se voit expressément réserver une appellation, le vendeur se rend coupable de tromperie en désignant une autre marchandise, fût-elle voisine, par ladite appellation, même avec l'adjonction d'un autre terme ou d'un qualificatif; qu'ayant constaté que le miel de sapin des Vosges faisait l'objet d'une appellation d'origine contrôlée, la cour d'appel ne pouvait pas tenir pour permise la vente de miel sous la dénomination "Fleurs des Vosges";
2°) alors, d'autre part, que la protection conférée par l'appellation d'origine contrôlée "Miel de sapin des Vosges" fait obstacle à ce que la référence géographique des Vosges soit utilisée pour d'autres miels que les miels de sapin; qu'en relaxant le prévenu du chef d'apposition sur des produits mis en vente d'une appellation d'origine inexacte, après avoir relevé que le miel que celui-ci commercialisait sous la dénomination "Fleurs des Vosges" ne provenait pas de sapins, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et, partant, s'est contredite";
Sur le troisième moyen de cassation proposé par l'INAO, pris de la violation des articles L. 115-5, L. 115-16 et L. 213-1 du Code de la consommation, L. 641-2 du Code rural, 6 du décret n° 76-717 du 22 juillet 1976, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu des fins de la poursuite et a débouté I'INAO de sa demande de dommages-intérêts;
"aux motifs que les produits litigieux ne font référence ni au terme "Montagne" ni à celui de "Miel de sapin des Vosges" protégé par les décrets et arrêtés du 30 juillet 1996 portant reconnaissance de l'appellation d'origine contrôlée du même nom; qu'au demeurant, les sapins n'ayant pas de fleurs, le miel de sapin est un miel fabriqué par les abeilles à partir des excréments de sucre de pucerons et constitue donc un miel de miellat, par opposition au miel de nectar qui provient des fleurs; que l'utilisation du terme "Fleur des Vosges" ne présente aucun risque d'équivoque avec l'appellation "Miel de sapin des Vosges";
"1°) alors que le nom qui constitue l'appellation d'origine ou toute autre mention l'évoquant ne peuvent être employés pour aucun produit similaire; qu'en considérant, dès lors, que l'utilisation du terme "Fleur des Vosges" ne présentait aucun risque d'équivoque avec l'appellation "Miel de Sapin des Vosges" quand s'agissant de miels, c'est-à-dire de produits similaires, l'utilisation du nom de l'appellation ou de toute autre mention l'évoquant était purement et simplement interdite, la cour d'appel a violé l'article L. 115-5 du Code de la consommation devenu L. 64 1-2 du Code rural;
2°) alors, subsidiairement, que la cour d'appel, qui n 'e pas établi en quoi le miel de fleur n'était pas un produit similaire au miel de miellat (miel de sapin), a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 115-5 du Code de la consommation, devenu L. 641-2 du Code rural";
Sur le second moyen de cassation proposé par la Fédération Départementale des Syndicats Apicoles des Vosges et le Syndicat de l'AOC "Miel de sapin des Vosges", pris de la violation des articles L. 115-1, L. 115-5 et L. 115-16 du Code de la consommation, 6 du décret n° 76-717 du 22 juillet 1976, 485 et 593 du Code de procédure pénale;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Vincent M des poursuites dirigées contre lui des chefs d'apposition d'une appellation d'origine inexacte sur les produits mis en vente et de tromperie ou tentative de tromperie des consommateurs sur la nature, l'origine et les qualités substantielles d'un miel commercialisé sous la dénomination "Fleurs des Vosges";
"aux motifs que "le rapport d'analyses n° 96-14 160 de la DGCCRF du miel litigieux fait état de ce que le pollen dominant est celui du châtaignier et relève également la présence d'un pollen isolé "l'eucalyptus" pour conclure que le miel est à dominante châtaignier; que l'eucalyptus n'est pas caractéristique des Vosges et qu'une dénomination: Miel l'Apiculteur Fleur des Vosges n'est pas conforme; qu'un autre rapport d'analyses n° 96-14161 relèvera: "miel à dominante châtaignier - les pollens d'eucalyptus, lavande et thym sont d'origine méridionale, celui ciste Lodaniférus d'origine espagnole, le Loran tus eurpeus d'origine hongroise pour confirmer la non-conformité du produit avec sa dénomination; que les analyses n'étaient pas contradictoires; que, lors du procès-verbal de 1ère comparution de Vincent M du 5 décembre 1997, ce dernier précise: "la référence dans une appellation de miel à un nom géographique oblige seulement le producteur du miel à commercialiser exclusivement un miel provenant de cette région sous cette appellation", puis: "je vous remets un récapitulatif de nos achats et de nos ventes concernant le miel des Vosges qui est un des plus chers à l'heure actuelle sur le marché pour nous. Lorsque nous avons des surstocks de miel de certaines qualités, comme le miel des Vosges, il nous arrive de le commercialiser en le déclassant..."; qu'en application de l'article L. 2 15-12 du Code de la consommation, Vincent M a sollicité une contre-expertise des miels litigieux; que le rapport de commission d'expert du 4 août 1998 est plus nuancé; qu'il en ressort que les résultats analytiques des deux experts sont comparables et les 4 échantillons sont similaires; qu'il convient de relever les éléments suivants: "une teneur très élevée en pollens de châtaignier (72 à 88 %) exprimée en pourcentage relatif des pollens identifiés et quantifiés (ce qui exclut une simple pollution du miel par ce pollen); les miels présentent des caractères organoleptiques identiques... et sont fortement marqués par la miellée de châtaignier, le châtaignier est bien présent dans les collines du versant Est des Vosges...; toutefois, à notre connaissance, il n'a jamais été constaté de production mono-florale de miels de châtaignier dans les Vosges ou alors de façon anecdotique...; en conclusion, les miels que nous avons analysés ne paraissent pas caractéristiques de zone de production annoncée" (ces conclusions ne sont pas catégoriques); que, dans la revue "L'Apiculture française" il est mentionné: "les collines sous vosgiennes présentent de belles forêts d'acacias et de châtaigniers qui se plaisent sur les versants bien ensoleillés et sur les terrains calcaires qui se réchauffent facilement" (D..13 annexe 7), puis dans l'atlas photographique d'analyse pollinique des miels réalisé par Jean Louveaurc, il est confirmé "les châtaigniers sont abondants en France, dans le Massif Central, les Pyrénées, les Alpes, la Bretagne, une partie de la Normandie, le Morvan, les environs de Paris, les Maures et l'Estere, le versant Est des Vosges.... les miels de châtaigniers sont donc très courants en France..."; que ces revues scientifiques vont à l'encontre des affirmations de certaines parties civiles, le terme "Vosges" englobant tout le massif vosgien et non pas seulement le département des Vosges; que d'ailleurs (cote 32), l'Office National des Forêts, dans une lettre du 8 janvier 1997, avec pour objet "répartition du tilleul et des châtaigniers dans le département des Vosges", relate que "le châtaignier n'est que très exceptionnellement présent et uniquement sous la forme d'individus isolés" (mais le secteur est restrictif par rapport au massif vosgien); "que le jugement rendu par le tribunal civil de première instance de Nancy du 25 avril 1952 a statué ainsi: "... dit et juge en outre qu'ont seuls droit à l'appellation d'origine" Miel des Vosges, Montagne ou plaine "les miels naturels récoltés exclusivement dans la région ainsi délimitée: département de la Meurthe et Moselle en partie, à savoir Cantons de Cireg-sur-Vezouze, Badonviller et Baccarat, département de la Moselle en partie, à savoir: arrondissement de Sarrebourg, département des Vosges en partie, à savoir arrondissement de Saint-Dié, Remirement, Epinal et Mirecourt, cantons de La Marche, Vittel, Dompaire, Charmes, Darnay et Monthureux-sur-Saône..."; qu'il convient de relever que les produits litigieux ne font pas référence au terme "Montagne" (annexe 5- D. 3) ni à celui de "Miel de Sapin des Vosges" (AOC décrets du 30 juillet 1996 et arrêté du 30 juillet 1996) (les sapins n'ayant pas de fleurs, le Miel de Sapin est un miel fabriqué par les abeilles à partir des excréments de sucre de pucerons, miel de miellat, et ce, par opposition au miel de nectar qui lui provient des fleurs); que, par ailleurs, Vincent M a démontré l'adéquation entre les acquisitions du miel des Vosges (ou présentés comme tel par ses fournisseurs) et la vente sous l'appellation "fleur des Vosges", étant rappelé que Vincent M se fournissait en miel soit directement auprès d'apiculteurs dés Vosges qui le vendaient comme miel des Vosges, soit auprès de sociétés intermédiaires de négoce et de courtage en miel, sous cette même dénomination; que n'ayant pas vendu plus de miel des Vosges qu'elle en avait acquis (le miel des Vosges étant l'un des plus chers), la mauvaise foi de la société X n'est pas démontrée; que Mme Tisse, qui avait participé à la contre-expertise, indique dans une lettre du 14 mars 2001 qu'on ne relie jamais le pourcentage de pollens présents avec une miellée majoritaire, on peut avoir une pollution par des pollens, et cela arrive très souvent avec le châtaignier, en ajoutant "quant à une dénomination géographique, votre mandant doit savoir où le miel a été produit"; qu'en utilisant le terme "miel fleurs des Vosges". II n'y avait aucun risque d'équivoque avec l'appellation "Miel de Sapin des Vosges"; que, conformément à ce qui a été jugé en première instance, la preuve n'est pas rapportée tant sur le dossier d'information qu'au cours des débats, que le prévenu ait intentionnellement trompé ou tenté de tromper les consommateurs sur la nature, l'origine ou les qualités substantielles du miel qu'il a commercialisé sous la dénomination "Fleurs des Vosges" et il ne peut également lui être fait le reproche d'avoir apposé sur les produits mis en vente une appellation d'une origine inexacte";
"alors que l'appellation d'origine contrôlée "Vosges" est réservée, depuis des décrets du 30 juillet 1996 relatifs à l'AOC "Miel de sapin des Vosges", à des miels de sapin; qu'il n'est pas contesté que le miel vendu par Vincent M, postérieurement à l'entrée en vigueur de ces dispositions réglementaires, sous la dénomination "Fleurs des Vosges", ne provient pas de sapins; qu'en prononçant néanmoins la relaxe de Vincent M, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen";
Les moyens étant réunis; - Vu l'article L. 641-2 du Code rural, ensemble l'article L. 115-16 du Code de la consommation: - Attendu que l'article L. 641-2, alinéa 4, du Code rural reproduit par l'article L. 115-5 du Code de la consommation, dans sa version en vigueur au moment des faits, interdit l'emploi du nom géographique qui constitue l'appellation d'origine, ou toute autre mention l'évoquant, pour les produits similaires, et ne l'autorise pour les autres produits que lorsque cette utilisation ne détourne ni n'affaiblit la notoriété de l'appellation d'origine;
Attendu que, pour relaxer le prévenu du chef de mise en vente d'un produit portant une appellation d'origine inexacte, la cour d'appel relève que le miel de sapin est un miel de miellat alors que le miel de fleurs est un miel de nectar et qu'il n'y a pas de risque d'équivoque entre la dénomination miel "Fleurs des Vosges" et l'appellation "Miel de sapin des Vosges";
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés; d'où il suit que la cassation est également encourue;
Par ces motifs: Sur le pourvoi en ce qu'il est formé par l'Union nationale de l'apiculture française: Le Rejette; II. Sur le pourvoi en ce qu'il est formé par la Fédération Départementale des Syndicats Agricoles des Vosges, le Syndicat de l'AOC "Miel de sapin des Vosges" et l'institut national des appellations d'origine; casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Pau, en date du 30 janvier 2002, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi; Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.