CA Bordeaux, 2e ch., 20 mars 1991, n° 4740-89
BORDEAUX
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Bouchonnerie Gabriel (SA)
Défendeur :
Start Informatique (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gaubert
Conseillers :
M. Martin, Mlle Courbin
Avoués :
SCP Boyreau, SCP Labory-Moussie-rustmann
Avocats :
Mes Lecoq, Boerner.
Attendu que la Cour se réfère pour l'exposé des faits de la procédure et des moyens des parties au jugement déféré et aux conclusions déposées, certains éléments seulement étant rappelés ;
Que la SA Bouchonnerie Gabriel qui fabrique et façonne des bouchons acquérait pour la gestion de sa comptabilité différents matériels informatiques et un logiciel mis au point par la Société Start Informatique ;
Qu'ayant appris que Start Informatique ne lui aurait pas livré le matériel commandé et facturé, elle assignait le 14 octobre 1985 Start Informatique en référé en désignation d'un expert ;
Que Monsieur Biensan, désigné par ordonnance du 17 octobre 1985, déposait son rapport au vu duquel elle demandait la condamnation de Start Informatique ;
Que le Tribunal, par la décision déférée, condamnait la Société Start Informatique à payer à la Société Bouchonnerie Gabriel 50.000 F au titre du préjudice subi, le matériel fonctionnant normalement conformément aux besoins de la Société, mais ayant une capacité réelle très inférieure à celle prévue contractuellement, outre 5.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; décision assortie de l'exécution provisoire moyennant fourniture d'une caution bancaire ;
Attendu que l'appelante conclut à la confirmation du jugement qui a retenu la responsabilité de Start Informatique, mais à sa réformation en ce qu'il a réduit à 50.000 F, " usant de son pouvoir souverain d'appréciation ", sa demande de dommages intérêts fixée à 400.000 F et parfaitement justifiée ; qu'elle sollicite donc cette somme outre 30.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Attendu que l'intimée critique le rapport de Monsieur Biensan qui a considéré la capacité du matériel in abstract et non eu égard au contrat et ne répond pas aux chefs de sa mission ; qu'elle demande la réformation du jugement, la désignation d'un nouvel expert dont les opérations porteront tant sur le matériel que sur l'éventuel préjudice de la Société Bouchonnerie Gabriel ; que subsidiairement elle demande la condamnation de celle-ci à lui payer 88.950 F avec intérêts de droit depuis la facture du 1er juillet 1985 outre 10.000 F à titre de dommages intérêts et 10.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et la main levée de la mesure de séquestre aux frais avancés de la Société Bouchonnerie Gabriel ;
Attendu que le vendeur a l'obligation de délivrer une chose dont les caractéristiques correspondent à la demande, que l'acheteur ne peut être tenu d'accepter une chose différente ;
Qu'il résulte des documents versés aux débats qu'un premier contrat de vente a été conclu le 20 février 1984 concernant un ordinateur START 4000, un écran-clavier et un logiciel, le tout réceptionné selon procès-verbal du 2 avril 1984 pour le prix de 117 414 F TTC ; qu'un deuxième contrat du 15 novembre 1984 prévoit une extension à cent millions d'octets pour le prix de 88.950 F TTC grâce à un matériel réceptionné selon procès-verbal du 6 mars 1985 ;
Attendu qu'aux termes de l'expertise de Monsieur Biensan, le matériel livré correspond à celui qui est facturé sauf en ce qui concerne la capacité ~ la capacité réelle n'atteignant dans la meilleure des hypothèses que 54 % de la capacité contractuelle ;
Que Start Informatique a déposé un dire contestant cette conclusion soutenant n'avoir jamais prétendu que 100 millions d'octets en ligne correspondent à 100 millions de capacité disponibles pour l'utilisateur, que le contrat de vente ne contient pas comme objet une extension à 100 millions d'octets disponibles pour la Société Bouchonnerie Gabriel ;
Que le bon de commande ne précise pas ce point ; que l'expert ne répond pas précisément sur ce point ;
Que toutefois une nouvelle expertise est inutile, alors que Monsieur Biensan constatait dans son rapport déposé le 15 septembre 1987 que le matériel remplissait l'usage auquel il était destiné lorsqu'il l'avait examiné, " réserve nécessaire du fait de la croissance rapide de la Société Bouchonnerie Gabriel qui peut entraîner la saturation d'un matériel livré depuis prés de trois ans " ;
Que la Société Bouchonnerie Gabriel n'établit pas la réalité de cette saturation, d'autant que dés 1987 sans attendre cette éventuelle saturation et en l'absence de toute preuve de la survenance d'incidents, elle a fait le choix d'abandonner le matériel et d'en acquérir un nouveau ;
Qu'en tout état de cause en admettant que le défaut de capacité ait été effectif, la Société Bouchonnerie Gabriel ne justifie d'aucun préjudice consécutif à ce défaut de conformité et ne saurait donc réclamer une quelconque indemnité à ce titre, s'agissant d'un préjudice purement éventuel non survenu dans un avenir prévisible ;
Attendu,ainsi, qu'il doit être fait droit à l'appel incident de la Société Start Informatique fondée à demander la réformation du jugement en ce qu'il a alloué à la Société Bouchonnerie Gabriel 50.000 F en réparation d'un préjudice non justifié ;
Qu'en l'absence de préjudice établi sa demande est rejetée ;
Attendu que la Société Start Informatique est fondée, en l'absence de toute contestation de la Société Bouchonnerie Gabriel, à demander paiement de la facture du 1er juillet 1985 de 88 950 F avec intérêts de droit à compter du 19 septembre 1990, en l'absence de mise en demeure préalable justifiée, et la main levée de la mesure de séquestre aux frais de la Société Bouchonnerie Gabriel ;
Attendu que la Société Bouchonnerie Gabriel qui succombe en sa thèse doit supporter les entiers dépens ; qu'elle a contraint par l'exercice de l'appel la Société Start Informatique à exposer des frais irrépétibles de procédure qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge et que la Cour fixe à 4.000 F ;
Par ces motifs : La Cour, Déclare la Société Bouchonnerie Gabriel recevable mais non fondée en son appel, fait droit à l'appel incident de la Société Start Informatique et réforme en conséquence la décision déférée en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau déboute la Société Bouchonnerie Gabriel de sa demande ; Y ajoutant ; Condamne la Société Bouchonnerie Gabriel à payer à Start Informatique 88 950 F avec intérêts de droit à compter du 19 septembre 1990 et ordonne la levée de la mesure de séquestre effective depuis le 31 janvier 1986 aux frais de la Société Bouchonnerie Gabriel ; Déboute la Société Start Informatique de sa demande de dommages intérêts ; Condamne la Société Bouchonnerie Gabriel à lui payer 4.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la Société Bouchonnerie Gabriel aux entiers dépens, application étant faite des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.