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Décisions

CCE, 17 janvier 1979, n° 79-298

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Beecham/Parke-Davis

CCE n° 79-298

17 janvier 1979

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 85 ; vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962 (1), et notamment ses articles 4, 6 et 8 ; vu la notification qui lui a été faite le 28 janvier 1974, conformément à l'article 4 du règlement n° 17 par Beecham Group Limited, Beecham House, a Brentford, Middlesex, Royaume-Uni, en vue d'obtenir que l'accord de recherche et de développement en commun conclu en mai 1973 par cette société avec Parke, Davis and Company, Joseph Campau à The River, Detroit, Michigan, Etats Unis d'Amérique, et modifié le 23 février 1976, soit, dans la mesure où ledit accord s'avère tomber sous le coup de l'article 85 paragraphe 1 du Traité CEE, déclaré exempté de l'application de ce paragraphe en vertu du paragraphe 3 de l'article en question ; après avoir entendu les entreprises intéressées, conformément aux dispositions de l'article 1 9 paragraphe 1 du règlement n° 17 précité et à celles du règlement n° 99163/CEE (2) ; vu la publication du contenu essentiel de cette notification au Journal officiel n° C 248 du 19 octobre 1978, conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17 ; vu l'avis du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes recueilli le 22 novembre 1978, conformément à l'article 10 du règlement n° 17,

I. LES FAITS

A. Objet de la procédure

1. La présente procédure concerne un accord de recherche et de développement conclu entre Beecham Group Limited (ci-après dénommée Beecham), une société enregistrée en Angleterre, d'une part, et Parke, Davis and Company (ci-après dénommée Parke-Davis), une société enregistrée dans l'État de Michigan aux États-Unis, d'autre part, Beechani et Parke-Davis ont conclu cet accord dans le but de créer un produit pharmaceutique (ci-après dénommé le produit .) destiné au traitement prophylactique à long terme de personnes ayant des antécédents familiaux d'hypertension ou atteintes d'une affection cardiaque causée par des insuffisances circulatoires.

B. Les entreprises

2. a) Beecham est un fabricant de taille moyenne de produits pharmaceutiques en Europe. Elle dispose d'installations de recherche, de production et de distribution dans l'ensemble du Marché commun et dans le reste du monde elle a réalisé en 1976/1977 un chiffre d'affaires de... (3) millions de livres sterling dans le secteur des produits pharmaceutiques. Pendant cette même période, son chiffre d'affaires mondial s'est élevé à 720,8 millions de livres sterling ;

b) Parke-Davis consacre une partie importante de ses activités à la recherche, à la production et à la commercialisation de produits pharmaceutiques ; elle a des filiales dans le Marché commun, et plus précisément en France, en Belgique et en Italie. Son chiffre d'affaires, dans le secteur des produits pharmaceutiques, s'est élevé à millions de dollars en 1976. Pendant la même période, son chiffre d'affaires mondial a atteint millions de dollars. Parke-Davis est une filiale de Warner Lambert, société établie dans l'État du New Jersey (États-Unis) qui exerce ses activités dans un grand nombre de secteurs et qui a réalisé un chiffre d'affaires mondial de 2500 millions de dollars en 1977 ;

c) ces deux entreprises commercialisent dans le Marché commun et dans le reste du monde une vaste gamme de spécialités pharmaceutiques soumises à prescription et destinées à l'usage humain. Une grande partie des produits de chacune de ces sociétés relèvent de la même catégorie commerciale, encore que leurs indications thérapeutiques ne soient pas toujours identiques. Ces sociétés possèdent, chacune de leur côté, une expérience considérable de la recherche, du développement et de la commercialisation des produits pharmaceutiques, y compris de produits destinés au traitement des anomalies sanguines. Cependant, ni l'une ni l'autre n'a mis sur le marché des produits dont les indications thérapeutiques soient identiques à celles qu'aura le " produit " ;

d) certaines autres entreprises pharmaceutiques de tailles diverses mènent des recherches et commercialisent une vaste gamme de produits dans le même domaine thérapeutique que celui du " produit ", lequel est l'un des plus importants de cette industrie par le volume des ventes, qui devraient dépasser 300 millions de dollars dans la Communauté économique européenne au cours de l'année 1978. Parmi les sociétés qui réalisent la plus grande partie de ces ventes se rangent Sandoz, Boehringer Mannheim, Merck, Ciba Geigy et Boehringer Ingelheim.

C. Domaine de la recherche

3. Beecham et Parke-Davis ont l'une et l'autre des programmes de recherche considérables. Leurs budgets de recherche et de développement dans le secteur pharmaceutique totalisaient... millions de livres sterling en 1976/1977 ... millions de livres sterling 1977/1978) pour Beecham ... millions de dollars en 1976 pour Parke-Davis. Warner Lambert, la société mère de Parke-Davis, investit peu dans la recherche de médicaments soumis à prescription et sa principale activité dans le domaine pharmaceutique porte sur les spécialités pharmaceutiques non soumises à prescription.

En dépit de l'importance de ces investissements destinés à la recherche, aucune des deux parties n'a égalé le niveau d'investissement, de certains autres fabricants de produits pharmaceutiques dont les budgets de recherche représentent parfois jusqu'à 15 % et plus de leur chiffre d'affaires en produits pharmaceutiques En outre, le fait que la majeure partie (... % environ) de ce budget de recherche soit généralement consacrée à l'amélioration ou au développement de nouvelles applications de produits existants montre l'expérience qu'à cette industrie des risques financiers inhérents à la mise au point d'un nouveau produit.

4. Dans le cas présent, la recherche et le développement visent la création d'un nouveau produit qui aura des applications thérapeutiques différentes de celles des produits existants. Il est destiné au traitement prophylactique à long terme des insuffisances circulatoires et, comme il n'existe à l'heure actuelle aucune méthode de prévention efficace pour lutter contre la prolifération de ces affections, un tel produit serait d'une très grande utilité sur le plan médical.

Pour atteindre un tel résultat, des études et des tests détaillés exigés par les autorités médicales doivent être réalisés sur une période suffisamment longue pour garantir l'efficacité et la sécurité du produit lors d'un usage prolongé, ce qui accroît les risques d'échec, particulièrement pendant les dernières phases d'un programme de développement qui ne pourra manquer d'avoir été onéreux. C'est pourquoi le nombre de nouveaux produits qui parviennent au stade de la commercialisation est extrêmement faible par rapport aux milliers de produits qui font l'objet de recherches.

Par conséquent, les travaux de recherche et de développement nécessaires à la mise au point du produit seront particulièrement longs et coûteux. Les parties estiment qu'ils s'étendront sur une période de dix à douze ans environ, dont au moins cinq à sept ans pour le seul développement (tests cliniques, etc.). Le coût total dépassera probablement 20 millions de dollars pour les dix à douze ans envisagés. Ce chiffre est confirmé d'une façon générale par des publications telles que Innovation in the Pharmaceutical Industry de Schwarzmann, où les dépenses moyennes de développement pour chaque nouvelle entité chimique sont estimées à 24,4 millions de dollars pour 1973.

2. Les deux parties avaient, de manière autonome, effectué des recherches préliminaires dans le domaine en question et poursuivent leurs travaux de recherche sur d'autres types de thérapeutiques appartenant à des domaines connexes. L'expérience que, chacune de leur côte, elles ont acquise dans ce domaine est complémentaire de celle de l'autre. La recherche individuelle n'ayant eu que peu de résultats utiles et les risques étant considérables, elles ont toutes deux mis fin à leurs travaux dans ce domaine pour ne les reprendre que dans le cadre de la présente coopération, laquelle répond aux critères financiers et techniques requis pour rendre les facteurs de risque acceptables aux deux parties.

Dans le cas présent, chaque société avait sa propre gamme de composés à tester et les travaux ont été effectués séparément dans les laboratoires des deux sociétés. La recherche commune a donc pris la forme d'une planification en commun des recherches individuelles et d'un échange des résultats (savoir-faire et licences), ce qui leur a permis d'éviter tout double emploi.

Ces facteurs ont conduit les parties à conclure l'accord de recherche et de développement en commun.

D. L'accord

a) Généralités

6. Le programme de recherche en commun comporte deux phases qui portent dans l'accord les appellations de projet et de " programme de développement ". Le projet s pour but d'identifier des " substances pouvant être prometteuses " et d'en analyser les propriétés par une série de tests. Ces substances sont destinées à être développées au cours d'un programme de développement en vue d'être commercialisées (clause 1).

b) Le projet

7. Les parties participeront pour moitié à l'effort de recherche engagé pour le projet en ce qui concerne le personnel et l'équipement ; elles se partageront également de manière équitable des coûts et constitueront chacune une équipe de recherche pour la réalisation du projet (clause 2).

8. Dès le départ, la planification des divers aspects de la réalisation du projet ainsi que sa portée et son orientation seront décidées par les parties au cours de réunions périodiques qui auront lieu au moins deux fois par an. Cette planification couvre le programme de travail de chaque partie, la nature et le volume des ressources à fournir, l'estimation et le contrôle des coûts et les dispositions financières assurant l'égalité des contributions des parties (clauses 3 et 5).

9. Les parties se communiqueront tous les détails des travaux en cours et se réuniront régulièrement à des intervalles ne dépassant pas six mois afin de faire le point sur les travaux (clauses 4 et 5).

10. Les parties garderont la plus stricte discrétion sur les informations, le savoir-faire et les données résultant du projet du ou [...] ILLISIBLE suite (clause 6).

11. Chaque partie a le droit de demander des brevets en son nom propre pour protéger les résultats découlant de sa contribution au projet. Les parties pourront déposer conjointement une demande de brevet couvrant les résultats découlant de leur contribution commune au projet (clause 7).

12. Il était prévu à l'origine que le projet prendrait fin le 4 mai 1976. Aux termes de l'accord, le projet pouvait ensuite être prolongé par tranches de deux ans, à condition qu'un programme de développement ait été mis en route pour au moins un composé résultant du projet ou qu'il existe un accord écrit entre les parties.

13. Si le projet devait être interrompu

a) par consentement mutuel, ou

b) parce qu'un programme de développement n'aurait pas été mis en route avant l'échéance prévue, ou

c) faute d'accord pour la poursuite du projet pour une nouvelle période de deux ans,

chaque partie se trouverait dégagée de ses obligations envers l'autre (clause 10).

e) Le programme de développement

14. L'accord prévoit une mise au point initiale commune de tout programme de développement et une participation égale des parties à l'ensemble des coûts. Si l'une des parties estime, contrairement à l'autre, qu'une substance semble justifier la poursuite de travaux de développement, elle peut prendre l'initiative d'un programme individuel de développement. L'autre partie aura accès aux résultats comme si les travaux avaient été menés en commun, à moins qu'à ce moment les parties ne soient engagées dans un programme de développement ou qu'elles n'en aient entrepris aucun, auxquels cas la partie initialement non intéressée devra indemniser l'autre pour ces informations jusqu'à concurrence de 75 % des coûts de développement nécessaires à leur obtention. La clause 12 prévoit l'application aux programmes de développement des dispositions de l'accord relatives au projet dans le domaine de la divulgation des résultats et des rapports d'avancement des travaux, des réunions d'examen des résultats, de l'obligation au secret et des droits de brevets (clauses 4, 5, 6 et 7 respectivement).

15. Chaque partie peut également se retirer du programme de développement moyennant un préavis de 6 mois et, si elle désire commercialiser un produit mis au point par la suite par l'autre partie, elle est en droit de se faire attribuer une licence en application des clauses 15 à 17 de l'accord (citées sous les points 16 et 17 ci-après) contre paiement d'une somme ne dépassant pas 75 % des coûts de développement (clause 13).

d) Droits commerciaux

16. Chaque partie aura le droit de se faire concéder par l'autre une licence non exclusive et gratuite, assortie du droit d'accorder des sous-licences pour fabriquer, faire fabriquer, utiliser et vendre un produit sans restriction au titre de tout savoir-faire ou de tous brevets autres que des brevets japonais [clause 15 a)]. Cette exclusion découle des obligations que Parke-Davis a prises envers ses filiales au Japon, dans lesquelles des tiers détiennent des participations importantes.

17. Les perfectionnements apportés à la production de la substance médicamenteuse et des formes pharmaceutiques, notamment tous les changements de méthode, feront l'objet d'une communication complète et réciproque entre les parties pendant une période de 10 ans à compter de la première mise sur le marché d'un produit [clause 15 b)].

L'accord prévoit également que si, dans les 10 ans qui suivent la date de la première mise sur le marché du produit par l'une ou l'autre des parties, l'une de ces parties réalise, développe ou acquiert un perfectionnement relatif à ce produit, en acquiert le droit ou s'en assure le contrôle, elle est tenue d'en communiquer à titre confidentiel, immédiatement et intégralement, la teneur à l'autre partie ainsi que toutes les informations disponibles relatives au mode de préparation et d'utilisation [clause 17 a)]. L'accord prévoit également des licences croisées pour ces perfectionnements [clause 17 b)].

E. L'accord dans sa version modifiée du 3 février 1976

18. En ce qui concerne l'exploitation commerciale du produit résultant d'un programme de développement, l'accord tel qu'il a été initialement notifié prévoyait que les licences et sous licences concédées par l'une ou l'autre des parties devaient entraîner le paiement de redevances sur toute vente de tout produit et dans tout pays par la " partie vendant " ou par tout licencié ou sous licencié de cette partie, la partie vendant versant à l'autre partie des redevances calculées comme suit :

i) sur les ventes de tout produit conditionné pour la vente au détail dans tout pays où ce produit, son procédé de fabrication ou sa formule sont protégés par un brevet ou par une demande de brevet, le taux de la redevance était de... % du prix de vente net dudit produit ;

ii) sur les ventes de tout produit conditionné pour la vente au détail dans tout pays où ce produit, son procédé de fabrication ou sa formule ne sont pas protégés par un brevet ou par une demande de brevet, le taux de la redevance était de... % du prix de vente net dudit produit ;

iii) sur les ventes de tout produit en vrac (que ce produit ou son procédé de fabrication soit ou non protégé par un brevet ou par une demande de brevet), le taux de la redevance était de ... % du prix de vente net dudit produit ;

iv) l'accord prévoit une formule de calcul de la redevance due sur les ventes de produits en combinaison avec d'autres composants thérapeutiques ;

v) l'obligation de verser des redevances sur les ventes réalisées dans chaque pays s'étendait sur une période de dix ans à compter de la date de première mise sur le marché du produit par la partie vendant dans le pays considéré.

19. L'obligation de communiquer à l'autre partie tout perfectionnement relatif à tout produit (voir point 17) s'étendait également sur une période de dix ans à compter de la date de première mise sur le marché du produit dans chaque pays par la partie vendant.

20. L'accord excluait expressément l'octroi de licences en France et au Japon et des dispositions spéciales avaient été prévues pour les ventes dans ces pays. Chaque partie devait mettre tout en œuvre pour permettre à l'autre partie de bénéficier en France et au Japon des droits qu'elle aurait pu exercer si la France et le Japon n'avaient pas été exclus des dispositions de l'accord. Il était ensuite précisé dans l'accord que :

" Au cas où ces efforts s'avéreraient infructueux, la partie titulaire des brevets ou de ces droits prendra avec l'assentiment de l'autre des dispositions destinées à assurer que les bénéfices ou autres avantages qu'elle retirera de ses activités commerciales ... en France et au Japon se répartissent entre elles à égalité ".

21. La Commission s'étant déclarée opposée aux dispositions indiquées aux points 18, 19 et 20 ci-dessus, qu'elle sont jugées incompatibles avec l'article 85 du Traité CEE, les parties ont convenu de supprimer les clauses litigieuses, à savoir celles qui régissaient le paiement de redevances, l'exclusion de la France des dispositions en matière de licences ainsi que le partage des bénéfices pour la France et le Japon. Les parties ont également limité l'obligation d'échanger des informations sur les perfectionnements à une durée de dix ans à partir de la date de la première mise sur le marché du produit par l'une ou l'autre des parties. Chaque partie s'est engagée à concéder à l'autre des licences gratuites assorties de la faculté d'accorder des sous licences.

F. Fin du projet

22. Les travaux de recherche nécessaires au projet et spécifiés dans le programme commun de recherche ont été effectués individuellement par les parties, qui ont utilisé à cet effet leurs propres moyens mais en pratiquant un échange complet et régulier d'informations et de résultats. Les deux parties ont donc fait porter leur effort de recherche sur divers produits, tout en évitant les doubles emplois. Les parties ont convenu de mettre fin au projet en mai 1978 et composés qui en sont issus devraient vraisemblablement faire l'objet de programmes de développement qui, de l'avis des parties, nécessiteront encore cinq à dix ans d'étroite collaboration dans le cadre du présent accord. Les frais de recherche pour les cinq années du projet avoisinent les ... millions de dollars.

Il. APPLICABILITE DE L'ARTICLE 85 PARAGRAPHE 1 DU TRAITÉ CEE

L'article 85 paragraphe 1 du Traité CEE interdit, comme étant incompatibles avec le Marché commun, tous accords entre entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun.

A. Accord entre entreprises

23. L'accord de recherche et de développement en commun considéré constitue un accord entre entreprises au sens des dispositions de l'article 85 paragraphe 1.

B. Liens entre les parties

24. Les deux parties assurent la recherche, le développement, la production et la commercialisation d'une large gamme de produits pharmaceutiques. Elles sont implantées à la fois dans la Communauté et dans le reste du monde. Elles se concurrencent sur ces marchés pour une large gamme de produits pharmaceutiques, et notamment pour les substances appartenant à des classes thérapeutiques apparentées à celle du produit.

25. À l'instar d'autres fabricants de produits pharmaceutiques, les deux parties sont constamment à la recherche de spécialités qui puissent remplacer celles qui existent ou s'efforcent de produire des médicaments qui offrent de meilleures qualités thérapeutiques. Même les entreprises qui détiennent une importante part de certains marchés risquent toujours de voir apparaître de nouveaux concurrents sur le marché. Elles se consacrent donc activement à la recherche et au développement. Elles doivent, bien sûr, concentrer leurs efforts sur certains domaines thérapeutiques, ce qui ne signifie toutefois pas que leurs travaux soient limités à ces seuls domaines, Au contraire, leur souci constant est de lancer de nouveaux médicaments. La concurrence au niveau de la recherche et du développement est l'élément moteur du secteur pharmaceutique et le succès commercial des deux sociétés en cause dépend des résultats de la concurrence à laquelle elles se livrent dans le domaine de l'innovation.

D'une manière générale, les entreprises pharmaceutiques investissent beaucoup plus dans la recherche que d'autres entreprises (15 % ou plus de leur chiffre d'affaires) et, jusqu'au stade de la commercialisation, la recherche et le développement sont particulièrement coûteux en raison du nombre et de la longueur des tests nécessaires pour satisfaire aux normes imposées par les autorités nationales. Selon les parties, ces coûts s'élèvent entre 20 et 25 millions de dollars par spécialité dans le cas d'un produit nouveau. Ceci montre bien l'importance de la recherche et du développement dans le domaine pharmaceutique.

26. Étant donné l'expérience qu'elles avaient acquise dans la classe thérapeutique à laquelle appartient le produit, Beecham et Parke-Davis ont toutes deux décidé d'entreprendre des recherches dans le domaine du produit, lequel doit permettre de nouvelles applications thérapeutiques dans le contrôle à long terme des insuffisances circulatoires. Ces deux sociétés étaient en mesure de fournir chacune un apport technologique complet au programme de recherche en commun. En fait, elles étaient toutes les deux capables d'effectuer leurs propres tests et de présenter pour évaluation leur propre gamme de composés dans l'optique des travaux en commun. Toutes les deux ont l'intention de produire et de commercialiser individuellement le produit. Ces deux entreprises sont donc concurrentes.

C. Restrictions à la concurrence

27. Pendant toute la durée du projet, les parties ont conservé leurs propres équipes de recherche, qui ont continué à travailler dans le domaine en question, tout en respectant les programmes de travail dont elles étaient convenues lors de la phase initiale de l'accord. Les deux parties sont également convenues de se communiquer à intervalles réguliers le détail de tous les travaux entrepris dans le cadre du projet. La communication des résultats et les échanges réguliers de rapports intérimaires doivent se poursuivre au cours de tout programme de développement qui serait éventuellement mis en route après la sélection d'un compose mis au point dans le cadre du projet de recherche en commun. En fait, les deux équipes ont testé et sélectionné individuellement un certain nombre de composés dont ... sont susceptibles de faire l'objet de programmes de développement.

28. Par cet accord, les parties ont donc défini et appliqué un programme de recherche en commun impliquant une collaboration très étroite. Chaque partie est tenue de donner à l'autre accès aux résultats obtenus dans le cadre de la recherche et du programme de développement en commun. Cet échange de résultats prendra la forme de communications verbales ou écrites ou, s'il y a acquisition de droits de propriété commerciale, la forme d'une licence concédée par le titulaire du brevet à l'autre partie. En outre, elles coordonnent la planification de la recherche en commun. C'est ensemble qu'elles décident de l'orientation du programme, des substances devant faire l'objet de la recherche ainsi que de la dotation en ressources et en personnel. Tout au long d'un programme de développement, cette étroite collaboration se poursuit sous la même forme que pendant le projet. La collaboration entre les parties à chaque stade de la recherche et du développement signifie qu'au cours de la phase d'innovation, aucune des deux ne peut se procurer un avantage concurrentiel qui lui permette de distancer l'autre.

29. Cette collaboration s'étend, sans exception, à toutes les activités de recherche des parties dans les domaines du produit et elle lie ces parties pour une très longue période.

Assurément, chaque partie a, selon les termes du contrat, la faculté d'effectuer seule des travaux de recherche et de développement sur une substance que l'autre partie ne souhaite pas conserver dans le programme de recherche en commun. Cependant, s'il apparaît qu'une substance mérite des recherches plus poussées, il est très probable que les deux parties voudront en approfondir l'étude et même qu'elles feront passer la recherche en commun avant la recherche individuelle dans d'autres domaines. Il y a donc très peu de chances pour qu'une telle substance soit retirée du programme de recherche en commun. En revanche, l'autre partie doit pouvoir avoir accès aux résultats de cette recherche individuelle, ce qui diminue encore l'attrait d'une recherche de ce type.

30. Les dispositions de l'accord relatives à sa cessation comportent également des restrictions à la recherche et au développement individuels. Elles prévoient en effet que la partie qui souhaite abandonner le programme de développement communique son préavis par écrit, auquel cas elle aura droit à se voir concéder une licence l'autorisant à fabriquer, utiliser ou vendre tout produit mis au point au cours des travaux de recherche menés par l'autre partie si les résultats sont entièrement ou essentiellement dérivés de ceux du projet ou du programme de développement. Elle ne peut cependant obtenir ces licences qu'en versant à l'autre partie une redevance atteignant au maximum 75 % des frais engagés pour la poursuite du projet ou du programme de développement. Il est évident qu'une telle clause peut décourager l'abandon du projet et la mise en route d'une recherche individuelle.

31. La collaboration n'est pas limitée à la recherche et au développement, mais s'étend également à la production. Les parties doivent s'informer mutuellement des perfectionnements apportés à la production de la substance et aux formes pharmaceutiques pendant les dix années qui suivent la première mise sur le marché du produit et, pendant cette même période, elles doivent également s'informer mutuellement de tout perfectionnement dont elles auraient connaissance soit à la suite de leurs propres expériences scientifiques ou commerciales soit par l'intermédiaire d'un tiers, en communiquant tout les détails présentant un intérêt sur la manière d'appliquer ou d'utiliser le perfectionnement.

Les deux parties seront donc en mesure d'associer leurs connaissances et savoir-faire propres pour améliorer le produit qui aura, de ce fait, au cours de la période couverte par l'accord, la même composition, les mêmes propriétés et les mêmes applications.

32. Sur tous ces points, l'accord limite considérablement la concurrence entre les parties pendant la durée du programme de recherche et de développement et pendant les dix premières années de production et de commercialisation du produit. Pendant cette période, les deux parties ont accès aux mêmes connaissances techniques et pharmacologiques concernant le produit. Même si chacune d'elles reste libre de fabriquer et de commercialiser le produit dans le pays, dans les quantités et sous les marques commerciales de son choix, elle est cependant privée, pendant une période de temps considérable, de toute possibilité de devancer l'autre dans le domaine pharmaceutique, ce qui, en cas de succès dans la recherche et le développement, aura d'importantes conséquences tant sur le plan médical que commercial. Bien que les parties prétendent que la concurrence entre elles-mêmes et tout autre fabricant qui pratiquerait la recherche dans le même domaine ou des domaines similaires s'en trouvera stimulée, il n'en est pas moins vrai que la coopération a pour effet de restreindre, pendant la durée de l'accord, la concurrence entre les signataires, qui sont des concurrents dans la Communauté et dans le monde entier. L'accord a donc pour effet de restreindre la concurrence dans le Marché commun au sens de l'article 85 paragraphe 1.

33. Contrairement à l'opinion des parties, la présente affaire se distingue nettement des cas auxquels s'applique la communication relative aux accords, décisions et pratiques concertées concernant la coopération entre entreprises (4). Cette communication ne couvre que les accords concernant les échanges d'expériences et de résultats et l'exécution en commun de travaux de recherche ou le développement en commun des résultats de cette recherche. La communication précise que de tels échanges ne sont autorisés, en ce qui concerne leurs effets sur la position concurrentielle des parties à un accord, que jusqu'au stade de l'application industrielle des résultats de la coopération et pour autant que les parties restent libres dans leur recherche et dans leur développement pour compte propre.

Les parties procéderont à des échanges bilatéraux et permanents d'informations spécifiques dans le domaine de la recherche appliquée en vue de les amener à appliquer industriellement le même procédé pour la production du même produit.

En conséquence, la coopération considérée ne porte pas seulement sur l'information et elle n'est pas non plus limitée à la recherche. C'est un programme de collaboration prévoyant une coopération et des échanges bilatéraux tout au long de la phase de recherche et de développement ainsi que pendant les dix premières années de l'application industrielle des résultats du programme commun.

La présente affaire dépasse donc le cadre de la communication précitée et doit être considérée comme tombant sous le coup des dispositions de l'article 85 paragraphe 1. Cette conclusion est confirmée par l'article 1er sous b) du règlement (CEE) n° 2821/71 du Conseil (5), qui autorise la Commission à accorder une exemption par catégorie aux accords qui ont pour objet :

" la recherche et le développement de produits ou procédés jusqu'au stade de l'application industrielle ainsi que l'exploitation des résultats, y compris les dispositions relatives au droit de la propriété industrielle et à la connaissance technique non divulguée.

Ainsi donc, la question de l'applicabilité de l'article 85 paragraphe 1 peut se poser non seulement pour les accords qui sortent du cadre des dispositions du règlement précité, mais également pour ceux qui relèvent de son champ d'application. Toute exemption doit donc être justifiée au regard de l'article 85 paragraphe 3.

D. Effets sur le commerce entre États membres

34. La recherche et le développement en commun sont réalisés dans le secteur pharmaceutique, secteur extrêmement actif, par deux sociétés d'une importance et d'une taille considérables dont les activités s'exercent dans tous les États membres et dans des pays tiers. La coopération empêche chacune des parties de distancer l'autre sur le plan technologique. Le produit, qui ne doit être commercialisé que si la recherche en commun s'avère fructueuse, sera fabrique selon le même procédé et les mêmes brevets et il sera égale ment commercialisé dans toute la Communauté par les parties elles-mêmes ou par leurs filiales ou sociétés associées comme leur propre produit. Il fera donc l'objet d'échanges entre les États membres. Les effets qui en résulteront pour ces échanges devraient être considérables, vu les indications et les effets thérapeutiques exceptionnels que présenterait un produit valable pour le traitement d'une affection aussi répandue que les insuffisances circulatoires. Les restrictions visées sous la lettre C sont donc de nature à affecter sensiblement le commerce entre les États membres.

III. APPLICABILITÉ DE L'ARTICLE 85 PARAGRAPHE 3 DU TRAITÉ CEE

Conformément à l'article 85 paragraphe 3, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE peuvent être déclarées inapplicables aux accords entre entreprises qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte et sans

a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables à la réalisation de ces objectifs ;

b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.

A. Progrès technique et économique

35. Le programme de recherche en commun qui fait l'objet de l'accord œuvre en l'occurrence la voie au progrès technique et économique au sens de l'article 85 paragraphe 3.

36. Le produit de la recherche et du développement en commun est un produit complexe du point de vue pharmacologique. Il ne sera ni une simple adaptation d'un composé déjà commercialisé, ni un produit ayant des effets thérapeutiques similaires à ceux d'un composé connu ; le développement de ce produit contribuerait donc incontestablement au progrès technique. La mise au point d'un tel produit permettrait la prévention efficace ou le traitement des insuffisances circulatoires chez certains patients pour le traitement desquels il n'existe aucun autre composé sur le marché qui ait des effets semblables.

37. Pour apprécier les divers éléments de cette affaire, il est important pour la Commission de savoir que, en raison de ces propriétés particulières, le produit exigera des recherches et des tests exceptionnellement longs et coûteux (voir point 4). Les risques et les coûts assumés par chaque partie se trouvent considérablement diminués par leur décision de reprendre leurs recherches individuelles sous la forme d'une collaboration pour l'utilisation de leurs propres installations spécialisées ainsi que de leurs connaissances particulières dans ce domaine et dans des domaines apparentés. La mise en commun par les deux parties de leurs possibilités et de leurs efforts de recherche est un élément qui devrait contribuer de manière déterminante à assurer, sur le plan pharmaceutique une chance raisonnable de succès.

B. Avantages pour les consommateurs

38. Le produit qui fait l'objet du programme de recherche et de développement en commun devrait permettre un traitement plus efficace des insuffisances circulatoires et présenterait même des priorités bénéfiques (voir point 4) que n'offre jusqu'ici aucun produit connu. Comme les parties auraient pu ne pas continuer leurs recherches individuelles et comme la collaboration en matière de recherche permet d'éviter tout double emploi dans un domaine extrêmement spécialisé, elle offrira au consommateur plus d'espoirs de résultats meilleurs et plus rapides grâce à un nouveau produit, aussi bien sur le plan de l'application que des effets curatifs, qu'une recherche indépendante (voir point S). En conséquence, les avantages qui en résulteront concerneront directement les consommateurs qui en auront le bénéfice immédiat.

C. Caractère indispensable des restrictions

39. Tout en étant consciente des avantages que présente une entreprise commune de recherche et de développement du point de vue du progrès technique et économique et des avantages qui en résultent pour les consommateurs, la Commission a néanmoins pour devoir d'établir que l'accord ne contient pas de restrictions à la concurrence qui ne soient pas indispensables à la réalisation de ses objectifs ou qui élimineraient toute concurrence sur les produits considérés.

Pour que puissent être obtenus les avantages de la recherche commune fondée sur une coopération technique étroite et une compréhension mutuelle, il est indispensable, en l'espèce, que des informations soient échangées sans restriction aucune au sujet des travaux de recherche organisés en commun et de leurs résultats pendant les phases du projet et du programme de développement, ce qui exige le renoncement à toute activité individuelle ou indépendante dans le domaine considéré. Dans le cas présent, ces avantages ne pourraient être obtenus que si les parties (voir point 5) recommençaient leurs recherches dans le cadre du programme commun.

Les parties doivent mettre en commun tous les résultats de leurs efforts individuels, quels qu'il soient, même lorsque l'une d'entre elles n'est pas d'accord quant au bien fondé d'un développement ultérieur et que l'autre lance un programme de développement de sa propre initiative. Dans ce cas, tout résultat non communiqué pourrait avantager l'une des parties, bien qu'ayant été obtenu grâce à la contribution de l'autre, et pourrait également entraîner des doubles emplois.

Chaque partenaire a la faculté de se retirer du projet et du programme de développement et de reprendre des recherches individuelles, auquel cas l'autre partie garde le droit de poursuivre les travaux de recherche et de développement, mais s'engage à consentir, à condition de recouvrer au maximum 75 % de ses frais de recherches, une licence à la partie qui résilie l'accord pour la fabrication et la vente du produit issu d'une recherche qui aurait abouti. Ces conditions étaient propres à garantir que les deux parties consacrent un maximum d'efforts de recherche au programme commun tout en les dissuadant de renoncer avant d'avoir abouti à un résultat. Par ailleurs, les conditions relatives à l'octroi des licences sont nécessaires pour conférer aux deux parties des chances égales de retirer le plus grand profit possible de leur effort de recherche. Sans cela en effet, l'une des parties pourrait dénoncer le contrat au moment où les travaux sont sur le point d'aboutir et de produire un résultat auquel le partenaire aurait fourni un apport essentiel.

40. L'obligation faite aux deux parties de communiquer toutes les informations issues des résultats obtenus par les travaux communs de recherche et de développement qui auraient débouché sur l'amélioration d'une formule ou d'un dosage garantit qu'au stade initial de la production les deux parties pourront mettre au point les meilleures versions thérapeutiques possibles du produit, et ceci au meilleur coût. C'est à ce stade que la production de médicament en grandes quantités risque le plus de soulever des problèmes d'ordre pharmaceutique et l'échange d'informations sur ces problèmes pendant une phase initiale ne peut être que bénéfique pour le producteur comme pour le consommateur. La Commission ne pourrait toutefois pas accepter que les dates de prise d'effet de l'obligation soient échelonnées d'après le lancement commercial du produit par pays, comme le prévoit l'accord notifié. Une telle clause aurait eu pour effet de restreindre la concurrence pour un temps exagérément long, puisque l'obligation d'échanger des informations aurait été renouvelée pour dix ans à chaque nouvelle mise sur le marché dans un pays quelconque. Les restrictions découlant de ces échanges ne sauraient donc être étendues au-delà de la période précise et limitée de la présente exemption.

Comme il est impossible de fixer avec précision la date de première mise sur le marché du produit, il est envisagé de limiter la période d'exemption de façon à donner à la Commission l'occasion du réévaluer les incidences des aspects commerciaux de l'accord et pour garantir que les parties se feront concurrence librement et sans restriction en ce qui concerne le produit après l'expiration de l'exemption.

41. Enfin, la coopération entre les parties porte exclusivement sur le produit et, après la date de première mise sur le marché, ne va pas au-delà des informations techniques nécessaires aux modes d'exploitation les plus efficaces des résultats de la recherche commune. Elle ne s'étend pas à une coopération commerciale ou à des informations qui entraîneraient vraisemblablement de nouvelles restrictions à la concurrence au stade de la mise sur le marché.

42. L'une des principales raisons d'accorder le bénéfice d'une exemption à l'accord remanié est que les deux parties restent entièrement libres de fabriquer et de commercialiser le produit aux lieux, dans les quantités et aux conditions, sous les marques et aux prix que chacune d'elles juge appropriés. Pour pouvoir bénéficier d'une exemption dans ces conditions, une coopération sous forme de recherche commune ne peut être acceptée que si les résultats de cette recherche peuvent être utilisés librement et indépendamment par chacune des deux parties, sans aucune restriction territoriale ou autre dans le domaine de la production ou de la commercialisation à l'intérieur du Marché commun.

L'accord confère à chaque partie la faculté de faire usage des résultats de la recherche commune en qualité de titulaire du brevet ou de licencié de l'autre partie et d'accorder en toute liberté des licences ou des sous-licences à des tiers. Si, dans le cas d'une recherche commune, l'octroi de sous-licences était subordonné à l'accord de l'autre partie, les parties pourraient, en fonction de leurs propres intérêts et de leur propre politique commerciale, s'empêcher mutuellement d'utiliser les résultats de la recherche commune. De plus, des tiers pourraient éventuellement voir limiter leurs possibilités d'obtenir des licences de fabrication du produit.

43. La Commission a exigé, avant d'accorder l'exemption, que les modifications suivantes (citées aux points 18 à 20) soient apportées à l'accord :

a) dans la version notifiée, l'accord excluait l'octroi de licences dans l'un des États membres, la France, où l'une des parties avait contracté antérieurement des obligations vis-à-vis de filiales, mais dans un domaine d'activité différent de celui couvert par l'accord. Cette exclusion avait pour effet d'isoler une partie du Marché commun, constituant de la sorte une entrave injustifiée à la libre circulation des produits dérivés de la recherche commune dans le Marché commun. À la demande de la Commission, les parties ont consenti à supprimer les dispositions excluant la France des clauses régissant les licences. Dans la version actuelle de l'accord, chacune des parties a droit au bénéfice d'une licence pour l'ensemble des territoires, à l'exclusion du Japon. Toutefois, il est bien entendu que, même si chaque partie a, en vertu de l'accord modifié, le droit de demander une licence pour tous les autres pays, l'accord n'entraîne pas en fait un partage du marché. C'est pourquoi, dans le souci de prévenir tout partage éventuel du marché, la Commission envisage de vérifier en temps opportun les effets pratiques des dispositions commerciales de l'accord et pour vérifier les effets des dispositions de l'accord relatives aux licences après qu'un produit aura été mis sur le marché, les parties pourront être invitées à fournir à la Commission des précisions sur les demandes de brevet et les licences et sous licences octroyées

b) parallèlement à l'exclusion mentionnée de la France pour l'octroi des licences, les parties sont convenues (voir point 20) que la partie excluant l'autre mettrait tout en œuvre pour lui garantir le bénéfice des droits dont elle aurait disposé si l'explosion n'avait pas été décidée, étant entendu que, dans le cas où ces efforts ne seraient pas satisfaisants, elle partagerait à parts égales avec la partie exclue tous les bénéfices ou autres avantages qu'elle retirerait de la commercialisation d'un produit en France. La Commission, a considéré que cette clause pouvait faire partie d'un arrangement de partage des bénéfices, qui ne serait pas indispensable à la réalisation des objectifs de l'accord. Les parties ont en conséquence supprimé la clause incriminée ;

e) l'octroi de licences ne donne plus lieu au versement de redevances, comme avant la modification de l'accord, car celles-ci risquaient d'entraîner des restrictions qui ne pouvaient pas être considérées comme indispensables. L'accord prévoyait en effet le paiement de redevances fixes aux titulaires de licences pour les ventes réalisées sous licence (voir point 18). Les parties ont fait valoir que le versement réciproque de redevances à ce niveau serait régi par des conditions commerciales raisonnables et, que ces redevances constituaient un élément essentiel de la recherche commune. Toutefois, la Commission estime, quant à elle, que des contributions à parts égales aux dépenses de recherche commune ne justifient pas forcément l'exploitation commune des bénéfices commerciaux des partenaires.

Elle juge que la recherche commune donne accès à des propres techniques que chacune des parties peut appliquer selon ses propres besoins, équipements et intérêts commerciaux. Si les résultats de la recherche commune peuvent, en particulier pour des raisons techniques, être utilisés uniquement ou principalement par l'une des parties seulement, la participation de l'autre partie, sous forme de redevances, dans les bénéfices réalisés sur la commercialisation d'un produit issu de la recherche commune pourrait apparaître logique. Dans le cas présent, toutefois, les deux sociétés considérées fabriquent et vendent toutes deux des produits pharmaceutiques dans le monde entier. Rien ne donne lieu de penser que les résultats de la recherche commune pourraient, pour des raisons techniques, n'être utilisés que par une seule d'entre elles.

De plus, les divers niveaux des redevances ne sauraient être justifiés comme étant une contrepartie raisonnable aux investissements effectués dans la recherche, vu qu'ils ne se rattachent pas à l'ensemble des activités exercées par les parties au projet. Étant donné qu'il est prévu de répartir l'ensemble des coûts à parts égales, les dispositions en matière de redevances n'ont manifestement pas pour but d'indemniser les parties pour des contributions supplémentaires ou exceptionnelles en recherche fondamentale ou en savoir-faire. Les niveaux de redevances proposés, et en particulier celui qui concerne les ventes en vrac, avaient de grandes chances de dissuader les parties de se concurrencer mutuellement, surtout dans les cas où la commercialisation pose des problèmes, puisque les redevances auraient produit des revenus considérables réalisés sans frais de production et de commercialisation. La présomption que les clauses réglant les redevances qui aient pour but de garantir le partage des bénéfices par les parties est confirmée par les dispositions relatives à l'exploitation commerciale des productions en France et au Japon (voir point 20), pays pour lesquels le partage des bénéfices avait été expressément prévu.

44. En conséquence, l'accord modifié n'impose pas aux entreprises intéressées de restrictions qui ne soient pas indispensables à la réalisation des objectifs au sens de l'article 85 paragraphe 3.

D. Élimination de la concurrence

45. D'une manière générale, l'industrie pharmaceutique est un domaine où s'exerce une vive concurrence, tant au niveau de la recherche et du développement que sur le marché même. La classe pharmaceutique dont le produit relève ne fait pas exception à cet égard et certaines des plus grandes sociétés pharmaceutiques du Marché commun offrent une large gamme de spécialités de ce type dans tous les États membres. Assurément, le produit aurait de nouvelles applications thérapeutiques, mais la concurrence issue des activités des concurrents des parties à l'accord dans le même domaine thérapeutique continuerait de s'exercer si, comme cela est probable, l'utilisation du produit n'était pas restreinte quant à ces nouvelles applications.

46. Comme il y a fort peu de chances qu'un produit commercialisable soit mis au point avant de longues années, ces sociétés, et en particulier les plus grandes, qui se sont engagées dans de vastes programmes de recherche et de développement et disposent de capacités de production plus considérables que les parties à l'accord, doivent être considérées comme capables de mettre sur le marché une préparation ayant des indications thérapeutiques similaires à celles du produit envisagé, et ceci au cours de la période prévue pour le programme de développement. De plus, si le programme de développement aboutit, les deux parties seront concurrentes pour la fabrication et la commercialisation du produit dans tous les États membres.

47. C'est pourquoi la Commission estime que l'accord n'offre pas aux parties la possibilité d'éliminer la concurrence pour le produit en cause.

Toutes les conditions énoncées à l'article 85 paragraphe 3 sont donc remplies.

IV. APPLICABILITÉ DE L'ARTICLE 8 DU RÈGLEMENT N° 17-62

48. Conformément à l'article 8 paragraphe 1 du règlement n° 17, une décision d'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité est accordée pour une durée déterminée et peut être assortie de conditions et de charges. En outre, la Commission a l'obligation, en vertu de l'article 8 paragraphe 2 dudit règlement, de s'assurer que les conditions de l'article 85 paragraphe 3 continuent d'être remplies.

49. L'accord tel qu'il a été notifié et modifié peut bénéficier d'une exemption. En conséquence, et conformément à l'article 6 paragraphe 1 du règlement n° 17, l'exemption prend effet au 23 février 1976, date à laquelle les deux sociétés ont modifié l'accord pour le rendre conforme aux conditions de l'article 85 paragraphe 3. Pour déterminer la durée de validité de l'exemption prévue à l'article 8 du règlement n° 17, il y a lieu de tenir compte, vu les montants considérables investis par les deux sociétés, de la nécessité de ménager une période suffisamment longue afin de leur laisser des chances raisonnables de réaliser leurs objectifs, eu égard en particulier au temps nécessaire pour mener à bien un programme de développement aboutissant au stade de la commercialisation.

Le produit étant destiné au traitement prophylactique des insuffisances circulatoires chez l'homme, les contrôles nécessaires pour en garantir l'efficacité et la sécurité devront s'étendre sur une période relativement plus longue que celle qu'exigerait une préparation prise à doses plus faibles et pendant une période plus courte. Toutefois, étant donné la position des deux sociétés sur le marché et leurs dimensions, ainsi que les effets des progrès réalisés dans le domaine thérapeutique en question, l'accord doit être révisé dans un délai raisonnable. Il semble donc indiqué d'accorder l'exemption pour une période de dix ans à compter de la date de la présente décision,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :

Article premier

Les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique européenne sont déclarées inapplicables, conformément à l'article 85 paragraphe 3, à l'accord conclu le 4 mai 1973 et modifié le 23 février 1976 par Beecham Group Limited et Parke, Davis and Company concernant un programme de recherche et de développement en commun, l'exploitation des résultats de leur recherche commune ou individuelle et l'échange de directives pour la fabrication.

Article 2

Chacune des deux entreprises intéressées est tenue d'informer sans retard la Commission de toute modification, de tout ajout ou de toute annulation de l'accord visé à l'article 1er, de même que de toute modification de la nature ou de la portée de la coopération.

Article 3

La présente décision prend effet au 23 février 1976 et vient à expiration le 31 décembre 1988.

Article 4

Beecham Group Limited, Beecham House, Great West Road, à Brentfort, Middlesex, Royaume-Uni et Parke, Davis and Company, Joseph Campau à The River, Detroit, Michigan, États-Unis d'Amérique, sont destinataires de la présente décision.

(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62

(2) JO n° 127 du 20. 8. 1963, p. 2268/63

(3) Dans le texte de la présente décision destine à la publication, certaines données ont été omises, conformément aux dispositions de l'article 21 du règlement n° 17-62 concernant la non divulgation des secrets d'affaires.

(4) JO n° C 75 du 29. 7. 1968, p. 3, rectifié par le JO n° C 84 du 28. 8. 1968, p. 14.

(5) JO n° L 285 du 29. 12. 1971, p. 46.