CA Paris, 4e ch. A, 20 février 2002, n° 2000-22734
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Le Nouvel Eldorado (SA)
Défendeur :
Fauchon (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Marais
Conseillers :
Mmes Magueur, Rosenthal-Rolland
Avoués :
Me Baufumé, SCP Hardouin
Avocats :
Mes Ennochi, Maisse.
La société Fauchon a confié à l'agence Le Nouvel Eldorado la gestion de son budget de communication publicitaire. Dans le cadre de ces rapports contractuels, la société Le Nouvel Eldorado a réalisé pour les magasins Fauchon une campagne de publicité pour le thé en sachets cristal. D'un commun accord entre les parties, le contrat a pris fin le 30 septembre 1998.
Reprochant à la société Fauchon d'avoir poursuivi l'exploitation de ses créations publicitaires au delà de cette date, la société Le Nouvel Eldorado a saisi le Tribunal de commerce de Paris aux fins de voir constater des actes de contrefaçon, réclamant l'allocation d'une somme de 400 000 F à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 22 septembre 2000, le tribunal a débouté la société Le Nouvel Eldorado de ses demandes, tout en relevant que la somme de 40 000 F perçue par celle-ci en exécution de l'ordonnance de référé du 10 février 1999 suffit à réparer son préjudice.
LA COUR,
Vu l'appel de cette décision interjeté le 16 novembre 2000 par la société Le Nouvel Eldorado ;
Vu les dernières écritures signifiées le 17 décembre 2001 par lesquelles la société Le Nouvel Eldorado, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, soutient que ses créations publicitaires ont été utilisées par la société Fauchon sans autorisation postérieurement au 1er octobre 1998 et demande à la Cour de :
- dire que cette reproduction illicite constitue une contrefaçon,
- condamner la société Fauchon à lui payer la somme de 400 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de cette utilisation sans droits et celle de 40 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures signifiées le 3 janvier 2002 aux termes desquelles la société Fauchon sollicite l'infirmation du jugement déféré et la restitution de la somme de 40 000 F soit 6 097,96 euros, avec intérêts de droit à compter du 26 mars 1999, réglée en exécution de l'ordonnance de référé et fait valoir à cet effet que la campagne publicitaire s'est déroulée dans des délais normaux excluant tout usage illicite, réclamant en outre l'allocation d'une somme de 40 000 F soit 6 097,96 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Sur quoi,
- Sur la contrefaçon
Considérant qu'il n'est pas contesté que les parties ont, d'un commun accord, mis fin à leurs relations contractuelles le 30 septembre 1998 ;qu'au delà de cette date, la société Fauchon ne pouvait poursuivre l'utilisation des créations publicitaires de la société Le Nouvel Eldorado, sans porter atteinte à ses droits d'auteur ;
Considérant qu'il ressort des procès-verbaux de constat dressés les 14 octobre et 6 novembre 1998 par Maître Proust, huissier de justice, que des affichettes publicitaires sous forme de PLV destinées à promouvoir le thé de la marque "Fauchon" étaient exposées dans la boulangerie et le salon de thé à l'enseigne Fauchon situés Place de la Madeleine à Paris ; que la société Fauchon ne conteste pas qu'il s'agit bien des créations publicitaires de la société appelante ; que les correspondances échangées entre les parties ne prévoient aucune prorogation tirée d'impératifs commerciaux, sans cession de droits ;
Considérant qu'en faisant usage de ces documents publicitaires au delà du terme contractuel, la société Fauchon a commis des actes de contrefaçon ;
- Sur le préjudice :
Considérant que si l'utilisation illicite des créations publicitaires n'a pas excédé la durée d'un mois et six jours, la représentation litigieuse a eu lieu dans les deux magasins les plus prestigieux et les plus fréquentés de la société Fauchon, situés place de la Madeleine à Paris, lieu où est situé son siège social ;
Qu'alors que les parties n'ont pu s'entendre sur une cession définitive des droits d'exploitation de ces créations, le préjudice résultant pour la société Le Nouvel Eldorado de cet usage non autorisé sera entièrement réparé par l'allocation d'une indemnité de 150 000 F, soit 22 867,35 euros ; qu'il conviendra de déduire de ce montant, les sommes versées en exécution de l'ordonnance de référé du 10 février 1999 ;
Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à la société Le Nouvel Eldorado ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 50 000 F, soit 7 622,45 euros ;
Que l'appel ayant été déclaré fondé, la société Fauchon doit être déboutée de sa demande sur ce même fondement ;
Par ces motifs : Infirme le jugement entrepris ; Statuant à nouveau, Condamne la société Fauchon à payer à la société Le Nouvel Eldorado la somme de 150 000 F, soit 22 867,35 euros, à titre de dommages-intérêts, dont sera déduite la somme versée en exécution de l'ordonnance de référé du 10 février 1999, et celle de 50 000 F, soit 7 622,45 euros, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette le surplus des demandes ; Condamne la société Fauchon aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.