Cass. crim., 22 mai 2002, n° 01-84.056
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Beraudo
Avocats :
Mes Bouthors, Hemery, Guinard.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par M. Christian, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 30 janvier 2001, qui, pour tromperie, faux, falsification de documents administratifs et usage, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement, 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille 5 ans d'interdiction d'exercice d'une activité professionnelle, a ordonné une mesure de diffusion et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 66 de la Constitution, 75, 76, 385, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a rejeté l'exception de nullité de la procédure prise des conditions dans lesquelles avaient été saisis dans l'entreprise les documents ayant servi à étayer la prévention ;
"aux motifs que, dans une société, l'ensemble des locaux du siège ne sauraient se voir attribuer le qualificatif de domicile du dirigeant social, ledit qualificatif se devant d'être réservé au seul bureau personnel de cette personne physique ; que, dès lors, en dehors des opérations effectuées dans le bureau personnel du dirigeant, la personne se comportant comme le représentant qualifié de la société a qualité pour s'opposer au besoin à l'accès aux locaux de l'entreprise par les enquêteurs dans le cadre de l'enquête préliminaire mais également pour consentir aux perquisitions, visites et saisies de pièces à conviction ; qu'il résulte en l'espèce du procès-verbal de saisie établi par les services de gendarmerie de la brigade de recherches d'Arras que Christelle D. s'est présentée comme étant co-gérante de la société M. ; qu'elle a réaffirmé cette qualité dans le cadre de son procès-verbal d'audition signé par ses soins, ses liens de parenté avec le gérant et le fait qu'elle soit détentrice d'une partie des parts sociales étant de nature à asseoir chez elle un sentiment d'autorité dans l'entreprise, quand bien même elle n'est pas en réalité effectivement co-gérante ; qu'il convient de conclure de ces éléments que Christelle D. s'est bien comportée en représentant qualifié de l'entreprise apte à consentir aux actes énoncés par l'article 76 du Code de procédure pénale ; que Christelle D. n'avait pas à consentir en l'espèce à une perquisition, la notion de visite domiciliaire ne se distinguant pas de celle de perquisition, dès lors qu'il ressort de l'examen de la procédure que les services de gendarmerie se sont simplement présentés dans l'entreprise et n'ont pas procédé eux-mêmes à une recherche active concernant les documents, la remise des documents litigieux par Christelle D. ayant été spontanée ; que Christelle D. a dûment consenti par acte entièrement écrit de sa main à la saisie des documents litigieux, le fait qu'elle ait marqué 9 heures comme heure des opérations, alors que les services de gendarmerie ont été reçus et ont établi à 10 heures 20, le procès-verbal de saisie n'étant pas de nature à affecter la réalité de son consentement préalable ; qu'il ne peut être prétendu enfin que Christelle D. aurait été l'instrument passif d'une perquisition masquée dans le bureau de Christian M., dirigeant social, dès lors qu'aucun élément du dossier ne permet de parvenir à une telle conclusion, et que, par ailleurs, Christelle D., chargée du secrétariat et de la comptabilité, était directement en possession des documents, à savoir les factures, les chèques de règlement, les registres de police véhicules d'occasion pour les années en cause (PV saisie, côte D 8/5) ; que seule la réquisition faite à M. J. à 11 heures 57 (D 7/5) dans le but d'une assistance à examen du système informatique de la SARL M. est annulable dans la mesure où cette réquisition se présente bien comme un acte préparatoire à une mesure de perquisition, mais l'annulation ne saurait s'étendre au-delà, dès lors qu'aucun acte ultérieur et notamment aucun procès-vérbal de résultat d'examen informatique, aucun acte d'audition de témoin ou de mise en cause, non plus qu'aucun acte de l'enquête ne trouve son support dans cette réquisition ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne le rejet de l'exception de nullité sauf pour ce qui concerne cette cote D 7/5 (arrêt p. 21 à 23) ;
1°) alors que, d'une part, dans le cadre d'une enquête préliminaire de droit commun, la visite domiciliaire des services a lieu d'être préalablement autorisée ; que le consentement spécialement requis par l'article 76 du Code de procédure pénale est distinct du consentement à la perquisition ou à la saisie ;
2°) alors que, d'autre part, la personne habilitée à consentir aux actes prévus par l'article 76 du Code de procédure pénale s'entend du représentant légal de l'entreprise ou de son délégataire désigné ; qu'il appartenait dès lors aux services de s'assurer de la réalité des fonctions de la salariée qui s'était faussement déclarée "cogérante";
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité prise de l'irrégularité du procès-verbal de saisie, l'arrêt attaqué retient que des gendarmes, agissant en enquête préliminaire, se sont présentés au garage exploité par la société dont Christian M. est le gérant et que, sur leur demande, la secrétaire comptable leur a remis de son plein gré des documents qu'elle détenait et qui ont été placés sous main de justice ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, et, dès lors que les formalités prévues par l'article 76 du Code de procédure pénale ne sont pas applicables lorsque, comme en l'espèce, la saisie procède non d'une perquisition mais d'une remise volontaire, la cour d'appel a justifié sa décision ; que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 131-26, 132-19, 441-10 du Code pénal, L. 216-3 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la cour a pénalement condamné le prévenu à une peine ferme, à plusieurs interdictions et a ordonné la publication de son arrêt ;
"aux motifs que l'enquête a permis d'établir que 98 voitures vendues par la société M. pendant la période de prévention avaient fait l'objet de modification de leur kilométrage par les soins du prévenu lui-même, que 5 véhicules avaient été faussement immatriculés avec la délivrance de faux certificats de résidence ou de vente ; que le prévenu avait de lui-même abaissé le kilométrage afin de parvenir à une revente rapide des véhicules pour se procurer de la trésorerie ; que les fausses immatriculations intermédiaires avaient pour objet d'éviter les contacts entre les anciens et les nouveaux propriétaires ; que les faits sont constants et non contestés ; que sur la peine, le jugement entrepris a exactement souligné l'ampleur des faits reprochés, le nombre très important de victimes occasionné par les agissements de Christian M. et, sur le plan de l'ordre public, le préjudice social et économique important ; qu'il ajustement relevé que le prévenu avait déjà été condamné pour obtention frauduleuse de document administratif et n'a pas cependant tenu compte de cet avertissement judiciaire ; qu'il en a justement conclu que seule une peine d'emprisonnement ferme était à même de correspondre à une répression adaptée aux faits reprochés ; que la peine de un an est justifiée dans son quantum ; qu'une interdiction d'exercer l'activité professionnelle de garagiste pendant 5 ans en application de l'article 441-10 du Code pénal est en l'espèce justifiée ainsi que l'interdiction des droits civiques, civils et de famille prononcée en application du même article pour une durée de 5 ans également ; qu'enfin, la mesure de publication de la décision prononcée en application de l'article L. 2 16-3 du Code de la consommation sera confirmée, la cour infirmant toutefois la limitation du coût de l'insertion à 3 000 francs ; que les dispositions civiles du jugement seront confirmées à l'exception du cas de Jean-Marc B. ;
1°) alors que, d'une part, l'adoption des motifs des premiers juges ne satisfait pas à l'exigence d'une motivation spéciale requise par l'article 132-19, alinéa 2, du Code pénal ;
2°) alors que, d'autre part, la combinaison de sanctions portant tout à la fois sur la liberté, le patrimoine, l'exercice des droits civils, civiques et de famille et l'exercice d'une activité professionnelle, a lieu d'être proportionnée aux faits et à la personnalité du prévenu; qu'il appartenait aux juridictions du fond de motiver spécialement leur décision sur ces points ;
3°) alors, enfin, qu'il est interdit au juge répressif d'ordonner la publication ou l'affichage d'une condamnation sans en indiquer le coût " ;
Attendu que, d'une part, les énonciations de l'arrêt, reprises au moyen, motivant la condamnation de Christian M., déclaré coupable de tromperie, faux et usage, à une peine d'emprisonnement sans sursis répondent aux exigences de l'article 132-19 du Code pénal ;
Attendu que, d'autre part, en prononçant en outre les peines complémentaires encourues par le prévenu par application des articles 441-10 du Code pénal et L. 216-3 du Code de la consommation, la cour d'appel a fait usage d'une faculté dont elle ne doit aucun compte ;
Attendu, enfin, que ni l'article L. 216-3 du Code de la consommation, ni l'article 131-5 du Code pénal ne prévoient la fixation, par la juridiction pénale du coût de la diffusion de la décision de condamnation, qui a pour seule limite le montant de l'amende encouru ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi ;