CA Paris, 4e ch. A, 13 novembre 2002, n° 2000-15560
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Haribo Ricqlès Zan (Sté)
Défendeur :
Société Confiserw Van Damme (NV)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Marais
Conseillers :
Mmes Magueur, Rosenthal-Rolland
Avoués :
Me Teytaud, SCP Bommart Forster
Avocats :
Mes Boespflug, Antoine Lalance.
La société Haribo Ricqlès Zan, ci-après Haribo, fabrique et commercialise, parmi de multiples friandises, des bonbons en guimauve dits marshmallows.
Reprochant à la société Van Damme d'avoir introduit sur le marché, au milieu de l'année 1999, les mêmes produits dans des conditionnements présentant un même aspect d'ensemble, la société Haribo a saisi le Tribunal de commerce de Paris d'une action en concurrence déloyale.
Par jugement du 19 juillet 2000, le tribunal a déclaré mal fondée la demande de la société Haribo, l'en a déboutée et l'a condamnée à payer à la société Van Damme la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
LA COUR,
Vu l'appel de cette décision interjeié le 18 août 2000 par la Société Haribo ;
Vu les dernières écritures signifiées le 11 décembre 2000 par lesquelles la société Haribo, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, prétend à cet effet que :
- les conditionnements de couleur dominante violette et verte datent respectivement de 1990 et 1993,
- les produits provenant d'entreprises tierces versés aux débats ne sont pas datés et ne permettent pas de contester le caractère distinctif des éléments qu'elle revendique,
- l'aspect des marshmallows qu'elle commercialise permet d'identifier ses produits indépendamment de la dénomination sous laquelle ils sont vendus,
et demande à la cour de :
- dire que la société Van Damme a commis des actes de concurrence déloyale en utilisant des conditionnements conférant à ses produits un même aspect d'ensemble ;
- condamner la société Van Damme à lui payer la somme de 1 000 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- interdire à la société Van Damme de commercialiser les marshmallows présentés dans les conditions incriminées, sous astreinte de 10 000 F par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues de son choix, aux fiais de la société Van Damme, sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 30 000 F HT,
Vu les dernières écritures signifiées le 9 avril 2001 aux termes desquelles la société Van Damme sollicite la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, réclamant à ce titre l'allocation d'une indemnité de 1 000 000 F, la publication de l'arrêt à intervenir et une somme de 50 000 F en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et fait valoir qu'à supposer même que la société Haribo démontre l'antériorité de l'utilisation des couleurs violette et verte sur ses emballages, leur reprise ne saurait être fautive, les éléments qu'elle revendique étant dépourvus de caractère distinctif ;
Sur quoi,
- Sur la concurrence déloyale
Considérant que la société Haribo caractérise le conditionnement des guimauves qu'elle fabrique et commercialise de la manière suivante :
- un sachet de couleur dominante violette au milieu duquel se trouve une fenêtre bordée par un liseré permettant de voir les marshmallows cylindriques blancs et roses,
- un sachet de couleur dominante verte au milieu duquel se trouve une fenêtre bordée par un liseré permettant de voir des marshmallows cubiques, blancs, roses et verts ;
Considérant qu'il ressort des documents publicitaires produits aux débats que le sachet de couleur violette est commercialisé depuis le mois d'octobre 1990, un petit personnage représentant un enfant à la tignasse brune ébouriffée étant apposé sur l'angle gauche de la fenêtre ; que le sachet de couleur verte figure, aux côtés du conditionnement de couleur violette, sur un catalogue Haribo daté de 1993 que ces éléments permettent donc de dater de façon certaine les conditionnements invoqués par la société Haribo, d'octobre 1990 pour le premier, de 1993 pour le second que l'apposition sur les deux types de conditionnements, en 1999, au milieu de la fenêtre, du même dessin d'enfant que celui figurant dans l'angle, allongé sur un matelas de marchmallows, ne modifie pas notablement les caractéristiques revendiquées par la société Haribo qui ne se trouvent pas affectées par cet ajout ;
Considérant que les conditionnements utilisés par des sociétés tierces pour des produits identiques, guimauves, dont des photographies sont produites aux débats, ne sont pas datés ; qu'au surplus, aucun ne reprend la conjonction d'éléments invoqués par la société Haribo , une couleur de sachet en liaison avec son contenu à savoir, des guimauves de forme cylindrique et de couleur rose et blanche dans un sachet à dominante violette, des guimauves de forme cubique et de couleur rose, blanche et verte clans un sachet à dominante verte, les dits produits apparaissant dans une fenêtre bordée d'un liseré ;
Considérant que par l'effet des investissements publicitaires de la société Haribo, ces éléments graphiques associés à ces couleurs, identifient le produit en cause et son contenu aux yeux de la clientèle, constituée majoritairement d'enfants;
Considérant que la comparaison des produits concernés permet de relever que la société Van Damme a repris les éléments caractéristiques des conditionnements de la société Haribo en associant les couleurs, violette et verte, à la forme et aux couleurs des guimauves, qui se découvrent dans une fenêtre bordée d'un liseré de couleur que les différences de nuance du violet et du vert, comme la présence de personnages différents sur les fenêtres ne modifient pas l'impression visuelle d'ensemble qui se dégage de l'examen des conditionnements concurrents ; que l'apposition de la marque Haribo et de la dénomination "Chamallows" n'est pas davantage de nature à dissiper le risque de confusion résultant de la reprise des autres éléments propres à identifier les produits;
Considérant que si la société Haribo ne peut s'approprier les couleurs verte et violette, la diversité des emballages versés aux débats, dont aucun ne reprend les caractéristiques de ses produits, démontre que le choix par la société Van Damme de cette association d'éléments ne répond à aucun impératif fonctionnel, il n'est donc pas fortuit; qu'il caractérise un comportement fautif;
- Sur la réparation du préjudice
Considérant que ces actes de concurrence déloyale, qui conduisent nécessairement à la banalisation des conditionnements caractéristiques de la société Haribo, ont entraîné pour celle-ci un trouble commercial certain dans la mesure où les produits en cause ont été déréférencés par la centrale d'achats des magasins exploités sous les enseignes Casino et Géant, que si la société Haribo a retrouvé la clientèle des magasins Casino, le préjudice causé justifie l'octroi d'une indemnité de 76 000 euros ;
Qu'il convient d'ordonner l'interdiction de la commercialisation des produits litigieux et d'ordonner la publication de la présente décision, selon les modalités qui seront précisées au dispositif ;
Considérant que les dispositions de l'article 700 du NCPC doivent bénéficier à la société Haribo, la somme de 7 622,45 euros devant lui être allouée à ce titre ;
Que la solution du litige commande de rejeter la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile formées par la société Van Damme
Par ces motifs, Infirme le jugement entrepris ; Statuant de nouveau, Dit que la société Van Damme, en adoptant pour la commercialisation de guimauves les éléments caractéristiques du conditionnement identifiant les produits de la société Haribo Ricqles Zan,. a commis des actes de concurrence déloyale ; Condamne en conséquence la société Van Damme à payer à la société Haribo Ricqlès Zan la somme de 76 000 euros à titre de dommages-intérêts ; Interdit à la société Van Damme la poursuite des actes sus-visés, sous astreinte de 15 euros, par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt ; Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt, en entier ou par extraits, dans trois journaux ou revues, au choix de la société Haribo Ricqles Zan, aux frais de la société Van Damme, sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 3 800 euros HT, Rejette toute autre demande, Condamne la société Van Damme à payer à la société Haribo Ricqlès Zan la somme de 7 622,45 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société Van Damme aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.