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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 8 novembre 2001, n° 99-07780

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Laboratoire Garnier et CIE (SNC)

Défendeur :

Rulquin Distribution (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Laporte (faisant fonctions)

Conseillers :

MM. Fedou, Coupin, Denis

Avoués :

SCP Jullien-Lecharny-Rol, SCP Lissarrague & Dupuis

Avocats :

Mes Mendras, Charbonnier.

T. com. Nanterre, 7e ch., du 7 sept. 199…

7 septembre 1999

FAITS ET PROCEDURE:

La SNC Laboratoire Garnier et Cie-Garnier - a lancé en 1996 un nouveau shampoing sous la dénomination "Fructis".

Imputant à la SA Rulquin Distribution - Rulquin - des actes de concurrence déloyale et parasitaire à son détriment pour avoir mis sur le marché en 1998 un shampoing "Tonifruit" en imitant le conditionnement du sien, la société Garnier a introduit une action devant le Tribunal de commerce de Nanterre aux fins d'en obtenir la cessation et la réparation de son préjudice.

Par jugement rendu le 07 septembre 1999, cette juridiction a débouté la société Garnier de toutes ses prétentions et la société Rulquin de sa demande en dommages et intérêts, alloué à cette dernière une indemnité de 15 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et condamné la demanderesse aux dépens.

Appelante de cette décision, la société Garnier qui reprend son argumentation de première instance soutient que le conditionnement du produit Tonifruit reprend toutes les caractéristiques essentielles du flacon du shampoing Fructis, leader sur le marché, consistant en la couleur verte fluorescente du corps, en la couleur vert foncé du capuchon sous forme de boule et en la structure de l'étiquette figurant au dos associant au mode d'emploi des vignettes carrées incluant des illustrations dont la couleur dominante est le jaune.

Elle prétend avoir subi un important préjudice résultant du détournement de clientèle et de l'avilissement de son produit dont l'évaluation devra être opérée par un technicien.

Elle s'estime en droit de rechercher également des mesures de publication pour parfaire son indemnisation.

Elle demande, en conséquence, à la cour d'interdire à la société Rulquin de poursuivre la commercialisation du produit Tonifruit dans le conditionnement incriminé sous astreinte de 1 000 F par infraction constatée, l'octroi d'une provision de 1 000 000 de F, une expertise, la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues de son choix aux frais de la société intimée ainsi qu'une indemnité de 35 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Rulquin conclut à la confirmation du jugement déféré sauf à y ajouter 20 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire et une indemnité de 10 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle oppose que les écritures de l'appelante ne répondent pas aux prescriptions de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile.

Elle ajoute que la société Garnier ne démontre pas l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux de nature à fonder son action en relevant l'absence de similitude des flacons et d'innovation du produit Fructis comme tout appauvrissement de l'appelante.

MOTIFS DE LA DECISION:

Considérant que la société Garnier ayant expressément spécifié dans ses conclusions récapitulatives du 12 mars 2001 que son action était fondée sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil et les principes jurisprudentiels en matière de concurrence déloyale et parasitaire, ses écritures sont conformes à l'article 954 du nouveau Code de procédure civile ;

Que le moyen tiré du non respect de ce texte non fondé sera rejeté ;

Considérant qu'il importe de procéder à l'examen comparatif et synthétique des deux conditionnements des shampoings concurrents;

Considérant qu'ils présentent une couleur voisine pouvant être qualifiée de "vert-pomme" ou de "vert fluo" largement diffusée pour des produits de toute nature puisque ce type de couleur est redevenu à la mode depuis quelques annéeset a, au demeurant, déjà été utilisée 18 ans auparavant par la société Colgate Palmolive pour commercialiser un shampoing dénommé "Prairial" ;

Considérant que le flacon Fructis a la forme générale d'un trapèze surmonté dans le prolongement d'un capuchonqui y fait corps d'un vert soutenu ne s'ouvrant pas sur lequel est encastré un petit bouchon en demi-bille de teinte verte foncée servant à son ouverture ;

Considérant que le flacon "Tonifruit" est quant à lui de forme plus classique, de plus petite taille et plus arrondi, comprend un socle incorporé et un corps s'évasant légèrement vers le haut ainsi qu'un gros bouchon d'un vert foncé, non similaire à celui de la petite bille de Fructis ;

Considérant que le recto du flacon Fructis comporte une simple pellicule plastique transparente alors que celui de Tonifruit dispose d'une étiquette verte d'un ton plus soutenu que le flacon et tranchant avec le fond ;

Que la calligraphie fort différente des mentions respectives qui y sont apposées, comme la présentation générale des étiquettes et l'apposition sur le produit Fructis de boules et d'un petit carré de couleurs rose, jaune et orange font qu'ils n'ont rien en commun;

Considérant qu'il peut être formulé la même observation au titre du verso des flacons en raison de sa présentation générale, du contenu des caractères et des couleurs prédominantes utilisées, orange et vert pour Tonifruit et vert et jaune pour Fructis ;

Considérant qu'il ressort de l'examen des échantillons produits, que les conditionnements ne présentant ainsi pas des ressemblances dans leur conception esthétique générale, leur forme globale et particulière, leurs modalités d'ouverture, leur étiquetage, leur graphisme et leur texte, comme dans leur composition générale susceptibles de les rendre similaires et de nature à générer par l'impression d'ensemble qu'ils dégagent une confusion dans l'esprit de la clientèle, laquelle ne saurait résulter du simple usage d'une couleur courante;

Considérant dans ces conditions que le tribunal a débouté, à juste titre, la société Garnier de toutes ses prétentions ;

Considérant que la société Rulquin ne démontrant pas que la société Garnier ait abusé de son droit d'agir en justice, sa demande en dommages et intérêts sera rejetée ;

Considérant que l'équité commande, en revanche, de lui accorder une indemnité supplémentaire de 2 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que la société Garnier qui succombe en son appel, supportera les dépens.

Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Rejette le moyen tiré du non respect de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Déboute la SA Rulquin Distribution de sa demande en dommages et intérêts, Condamne la SNC laboratoire Garnier et Cie à verser à la SA Rulquin Distribution une indemnité complémentaire de 2 500 euros (16 398,93 F) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP Lissarrague-Dupuis & Associes, avoués, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.