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Décisions

Ministre de l’Économie, 11 septembre 2002, n° ECOC0300048Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

aux conseils des sociétés Vossloh AG et Cogifer

Ministre de l’Économie n° ECOC0300048Y

11 septembre 2002

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 7 août 2002, vous avez notifié le projet d'acquisition des deux sociétés françaises Cogifer (ci-après " Cogifer SA ") et Cogifer TF par la société allemande Vossloh AG (ci-après " Vossloh "), auprès de la Société Industrielle du Hanau, société de droit français. Cette acquisition a été formalisée par un contrat signé le 15 juillet 2002.

I. - Les parties et l'opération

La société Vossloh AG, qui s'est récemment séparée de son activité dans le secteur de l'éclairage, est présente dans le secteur ferroviaire. Elle produit (i) des systèmes de fixation d'attaches et de rails, (ii) des locomotives diesel, (iii) des systèmes informatisés d'optimisation intégrés et individualisés, et (iv) des aiguillages et des croisements. Vossloh exerce une partie de ses activités au travers de la société VAE, qu'elle détient à 50 % et qu'elle contrôle conjointement avec la société autrichienne Voest Alpine. Le groupe Vossloh emploie près de 5 400 personnes et a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires total consolidé de 903 millions d'euros, dont 704 millions d'euros dans l'Union européenne et 27 millions d'euros en France.

Cogifer SA produit (i) des aiguillages et des croisements ainsi que (ii) des composants de signalisation ferroviaire. Le groupe Cogifer SA emploie près de 1 050 personnes, et a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires total consolidé de près de 179 millions d'euros, dont 126 millions dans l'Union européenne et 27 millions en France.

Cogifer TF est présente dans les activités (i) de pose et de maintenance de voies ferrées, et (ii) de conception et d'installation de caténaires. Le groupe Cogifer TF emploie près de 1 300 personnes, et a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires total consolidé de près de 166 millions d'euros, dont 146 millions dans l'Union européenne et 110 millions en France.

L'acquisition du groupe Cogifer (Cogifer SA et Cogifer TF), doit permettre à Vossloh d'assurer sa présence dans les infrastructures ferroviaires. Parallèlement, Vossloh se retirera totalement, d'ici janvier 2003, du capital de l'entreprise commune VAE.

Par cette opération, Vossloh acquiert le contrôle exclusif de Cogifer SA et Cogifer TF, ce qui constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

Compte tenu des chiffres d'affaires précités, cette opération n'est pas de dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce, relatives à la concentration économique.

II. - La définition des marchés

Dans les activités relatives à la production de biens ou de services destinés au secteur ferroviaire, vous identifiez sept marchés concernés par l'opération.

1. Production et ventes de systèmes de fixation et d'attaches de rails.

La Commission européenne (ci-après la " Commission ") a eu l'occasion de définir un tel marché en laissant cependant ouverte la possibilité d'une délimitation plus étroite (cf. note 1) . Au cas présent, il n'est pas nécessaire de définir plus précisément le marché en cause, dans la mesure où, quel que soit le marché retenu, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

Vous estimez que ce marché est de dimension mondiale. Tout en envisageant qu'un tel marché puisse être de taille mondiale, la Commission a laissé ouverte la délimitation exacte de sa dimension géographique. Au cas présent, celle-ci peut également être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l'analyse demeureront inchangées, que l'on retienne un marché de taille mondiale ou un marché plus étroit.

2. Production et ventes de locomotives diesel.

Au cas présent, il n'est pas nécessaire de définir plus précisément le marché en cause, dans la mesure où seule Vossloh produit et vend des locomotives et où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

Pour les mêmes raisons, la délimitation de la dimension géographique peut être laissée ouverte.

3. Systèmes informatiques d'optimisation pour réseau ferroviaire en planification, gestion du trafic, information des passagers, affichage de données, assistance au pilotage.

Au cas particulier, il n'est pas nécessaire de délimiter de manière précise le ou les marchés concernés, dans la mesure où seule Vossloh est présente dans cette activité et où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

Pour les mêmes raisons, la délimitation de la dimension géographique du ou des marchés peut être laissée ouverte.

4. Aiguillages et croisements.

La Commission a eu l'occasion de définir un tel marché (cf. note 2) . Au cas présent, il n'est pas nécessaire de définir plus précisément le marché en cause, dans la mesure où, quels que soit les marchés retenus, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

Bien qu'elle ait relevé que plusieurs facteurs plaidaient pour une dimension plutôt nationale d'un tel marché, la Commission a laissé ouverte la question de sa délimitation géographique. Au cas présent, cette question peut également être laissée ouverte, car, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

5. Système de signalisation ferroviaire.

Dans une décision datant de 1996 (cf. note 3) , la Commission a été amenée à distinguer au sein des systèmes de signalisation ceux à haut niveau technologique (" high-technology products ") d'une part, et ceux traditionnels d'autre part (" low-technology products ").

Pour sa part, le ministre a eu l'occasion de définir plus précisément les marchés relevant de cette activité (cf. note 4) . Il a ainsi distingué les systèmes propres au métro d'une part et les systèmes destinés aux trains d'autre part. Au sein de ces derniers il a défini au moins trois marché : (i) les systèmes de contrôle embarqués, destinés principalement aux TGV ; (ii) les systèmes mixtes, destinés aux trains rapides classiques ; (iii) les systèmes traditionnels, destinés aux trains roulant au maximum à 160 km/h.

Au cas particulier, il n'est pas nécessaire de délimiter de manière précise le ou les marchés concernés, dans la mesure où seule Cogifer SA est présente dans cette activité et où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

Pour les mêmes raisons, la définition de la dimension géographique du ou des marchés concernés peut être laissée ouverte.

6. Activités de pose et de maintenance de voies ferrées.

La Commission a eu l'occasion de définir un tel marché, qui inclut le renouvellement et la maintenance des voies ferrées (cf. note 5) .

Du fait de l'existence de normes et de spécifications nationales, la Commission a estimé que ce marché était de dimension nationale.

7. Activités liées à la conception et à l'installation de caténaires

Au cas particulier, la définition du marché peut être laissée ouverte, dans la mesure où seule Cogifer TF est présente dans cette activité et où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

Pour les mêmes raisons, la définition de la dimension géographique peut être laissée ouverte.

III. - Analyse concurrentielle

Excepté pour le marché des aiguillages et croisements, l'opération n'entraîne pas d'additions de parts de marché, et ce quelle que soit la dimension géographique retenue.

En ce qui concerne le marché des aiguillages et croisements, Vossloh y est présente au travers de la société VAE, société dont elle détient 50 % du capital et qu'elle contrôle conjointement avec la société Voest Alpine.Cogifer SA est également active sur ce marché. Toutefois, contrairement à Cogifer SA, VAE n'est pas présente sur ce marché en France. En outre, dans un acte signé le 6 août 2002 par Voest Alpine et Vossloh, Vossloh s'engage à vendre à Voest Alpine la part qu'elle détient dans le capital de VAE, et ce d'ici le 2 janvier 2003. Parallèlement, dans le même acte, Voest Alpine s'engage à acheter la part de Vossloh dans VAE dans le même délai. Ce transfert d'actions de VAE est suspendu, notamment, à l'approbation de l'acquisition du groupe Cogifer par Vossloh par les autorités de concurrence compétentes.

Il ressort de ces éléments que l'opération de concentration examinée n'entraînera pas d'additions de part de marché sur le marché des aiguillages et croisements.

Par ailleurs, le groupe Cogifer est présent sur deux marchés pouvant être considérés comme connexes au marché des systèmes de fixation et d'attaches de rails, sur lequel Vossloh est actif (Vossloh : [0-10] % des ventes françaises et [10-20] % des ventes mondiales) : le marché des aiguillages et croisements d'une part (Cogifer SA : [20-30] % des ventes françaises et [20-30] % des ventes mondiales), et le marché de la pose et de la maintenance des voies ferrées (Cogifer TF : [20-30] % du marché français) d'autre part.

Toutefois, la part de Vossloh en France sur le marché des systèmes de fixation et d'attaches est très faible et il existe sur ce marché des concurrents de taille mondiale, le principal étant la société britannique Pandrol ([10-20] % des ventes françaises et [20-30] % des ventes mondiales). Par ailleurs, sur les deux autres marchés connexes, il existe également des concurrents puissants: Seco Rail, Spie Drouard, Travaux du Sud Ouest pour la pose et la maintenance de voies ferrées en France ; Balfour Beatty, VAE, Manoir Industries pour les aiguillages et croisements. De surcroît, en matière d'aiguillages et de croisements, une grande partie des besoins de RFF sont couverts par la production interne de la SNCF. Enfin, les ventes sur les marchés en question résultent d'appels d'offres émanant en très grande partie d'opérateurs de réseaux ferroviaires nationaux, qui ont un pouvoir de négociation important.

Il peut donc s'en conclure que Vossloh ne disposera pas d'une position dominante sur un quelconque marché lui permettant de fermer l'accès des concurrents à un ou plusieurs marchés connexes, notamment par le biais de ventes liées.

En conclusion, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, les parts de marché exactes ont été remplacées par une fourchette plus générale.

Ces informations relèvent du " secret d'affaires ", en application de l'article 8 du décret no 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

NOTE (S) :

(1) M. 1259 Voest Alpine Stalh / Vossloh / VAE 06/10/1998.

(2) Voest Alpine Stalh / Vossloh / VAE précitée ; M. 2235 Corus Group / Cogifer / JV 19/12/2000.

(3) M. 685 Siemens / Lagardère 08/02/1996.

(4) Lettre du ministre en date du 28/11/1996 au conseil des sociétés Ansaldo Trasporti et C.S. Transport relative à une concentration sur le marché des systèmes de signalisation ferroviaire (BOCCRF du 27/12/1996).

(5) M. 2694 Metronet / Infraco 21/06/2002.