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Décisions

Ministre de l’Économie, 20 novembre 2002, n° ECOC0300075Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société VM Matériaux

Ministre de l’Économie n° ECOC0300075Y

20 novembre 2002

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 16 octobre 2002, vous avez notifié la prise de contrôle de la branche négoce du groupe Mégnien par le groupe VM Matériaux via sa filiale VM Distribution.

I. - Les parties et l'opération envisagée

VM Matériaux est un groupe régional actif dans le secteur du bâtiment ; ses activités sont réparties en 3 branches distinctes : le négoce de matériaux de construction et de produits pour la construction et la rénovation du bâtiment, qui représente 74 % de son chiffre d'affaires, l'industrie du béton (14 % du chiffre d'affaires) et la menuiserie industrielle (12 % du chiffre d'affaires). La branche négoce, objet de la présente opération, regroupe 63 agences commerciales et 2 plates-formes logistiques situées dans 16 départements de l'Ouest et du Sud-Ouest du territoire national. Le groupe VM Matériaux détient, par ailleurs, des participations dans 7 agences implantées outre-mer. Les agences métropolitaines, dont la clientèle est majoritairement constituée de professionnels du secteur du bâtiment, distribuent principalement des matériaux et produits de gros œuvre et second œuvre, menuiserie, charpente et couverture, carrelage et sanitaire, quincaillerie et outillage.

Le groupe VM Matériaux a réalisé en 2001, en France exclusivement, un chiffre d'affaires consolidé de 290,7 millions d'euros.

Mégnien opère dans le secteur des matériaux de construction et exerce des activités industrielles et de négoce de matériaux, d'articles de bricolage, de menuiserie et de bois. L'activité de négoce de matériaux de construction, objet de la présente opération, se développe au travers de 15 agences établies dans le centre ouest de la France, dont 6 disposent d'une surface de vente sous enseigne M. Bricolage. Les agences les plus importantes sont spécialisées dans le négoce de panneaux de bois qui représente l'activité historique du groupe Mégnien.

La branche négoce de Mégnien a réalisé, en 2001, un chiffre d'affaires de 91,4 millions d'euros, intégralement en France.

L'opération envisagée a pour objet l'acquisition par le groupe VM Matériaux, via la société anonyme VM Distribution, de la branche négoce du groupe Mégnien par acquisition de l'intégralité du capital de la société holding Mégnien SA, après cession du pôle industrie du groupe à M. Alexis Mégnien. L'opération constitue donc bien une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires précités, cette opération n'est pas de dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce, relatives au contrôle de la concentration économique.

II. - La définition des marchés en cause

Les parties sont toutes deux présentes dans le secteur de la distribution en gros de matériaux de construction. Cette activité comprend la vente de matériaux tels que le bois, les panneaux de bois, les produits de gros œuvre (parpaings, ciment, agrégats, briques, armatures, etc.), les matériaux d'isolation, les matériaux de couverture, les produits d'aménagement intérieur ou extérieur, les produits se rapportant au carrelage, sanitaire, cuisine, menuiserie, chauffage, etc. En conséquence, les parties interviennent à la fois en amont en tant qu'acheteurs de matériaux auprès des fabricants de ces matériaux (i) et en aval en leur qualité de grossistes sur le marché du négoce de matériaux de construction (ii).

i) Les marchés de l'approvisionnement

VM Matériaux achète la quasi-totalité des matériaux qu'il revend ensuite en tant que négociant. Le montant total de ses achats s'est élevé à environ 106,7 millions d'euros. La part des achats de VM Matériaux est évaluée à environ 1 % de la demande totale en France de matériaux de construction. Mégnien achète également la plus grande part des matériaux qu'il revend, et ce pour un montant total de 22,5 millions d'euros environ. La part de ses achats se situe donc approximativement à 0,2 % de l'approvisionnement total.

En matière d'approvisionnement, il est possible de distinguer autant de marchés distincts qu'il existe de familles de produits (cf. note 1). En effet, chaque famille de produits a ses caractéristiques propres, faisant intervenir un nombre d'opérateurs très variable, de tailles très diverses, en fonction des investissements, du savoir-faire ou encore du niveau de recherche et développement nécessaires à la fabrication des différents matériaux de construction.

Au cas d'espèce, il n'est toutefois pas nécessaire de segmenter précisément le marché de l'approvisionnement dans la mesure où, quelle que soit la délimitation de marché de produit ou géographique retenue, l'apport de la société objet de l'opération n'entraîne que de très faibles additions en termes de parts de marché sur le ou les différents marchés de l'approvisionnement.

ii) Les marchés du négoce de matériaux de construction

La Commission définit le négoce de matériaux comme étant " une activité traditionnelle par laquelle les négociants stockent l'ensemble des matériaux nécessaires aux entreprises du secteur du bâtiment " (cf. note 2). En effet, l'activité consiste à fournir en gros un large assortiment de matériaux qui, bien que non substituables entre eux, sont toutefois nécessaires et souvent associés pour réaliser un projet de construction.

L'offre des négociants s'adresse en priorité à des professionnels du bâtiment ou à des particuliers bricoleurs lourds dont les attentes sont proches de celles de professionnels. Ceci implique des caractéristiques spécifiques en termes d'organisation de distribution des produits : les négociants disposent de stocks importants, de gammes profondes, ils livrent généralement la marchandise à leur clientèle, proposent parfois la livraison directe par le fournisseur pour les commandes importantes, ont une activité de conseil très importante aux yeux de la clientèle, accordent des délais de paiement, assument le risque-client, etc.

Cette offre se distingue de celle des grandes surfaces de bricolage (GSB) ou des rayons bricolage des grandes surfaces alimentaires (GSA) dans la mesure où ces dernières s'adressent principalement à une clientèle de particuliers dans le cadre de leurs achats de matériel de bricolage. Lorsque des professionnels s'adressent aux GSB ou aux GSA pour certains matériaux, leur comportement reste proche de celui des particuliers (achats ponctuels de petites quantités, à emporter, absence de délais de paiement, etc.). Si les négociants traditionnels et les GSB/GSA sont amenés à proposer les mêmes produits, les services et les conditions de vente qui s'y rapportent diffèrent sensiblement d'un canal de distribution à l'autre, ce qui justifie qu'ils puissent être considérés comme appartenant à des marchés distincts (cf. note 3).

Compte tenu du fait que seul Mégnien détient, sous l'enseigne grand public M. Bricolage, un réseau de surfaces de vente destiné aux particuliers, les parties considèrent à juste titre que le marché du bricolage à destination des particuliers n'est pas concerné par la présente opération.

La question d'une possible segmentation plus fine du négoce de matériaux a été abordée à plusieurs reprises dans la pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence (cf. note 4), de la Commission (cf. note 5) et du ministre (cf. note 6). Il est ainsi possible de distinguer les négociants " généralistes ", qui proposent une gamme de produits large mais peu profonde, des négociants " spécialisés ", dont l'offre est centrée sur une famille de produits. VM Matériaux dispose de points de vente généralistes ou multispécialistes tandis que Mégnien exerce une activité principalement centrée sur le négoce de panneaux de bois.

Du point de vue géographique, la Commission a relevé qu'en matière de distribution de matériaux de construction la dimension à retenir était au plus nationale, mais que la question d'une délimitation plus restreinte restait ouverte. En effet, les professionnels du bâtiment effectuent très généralement leurs achats dans un périmètre relativement restreint. Selon les parties, la clientèle des négociants en matériaux de construction n'est prête à se déplacer pour ses approvisionnements que dans un rayon maximum d'environ 50 kilomètres, compte tenu du caractère essentiellement rural de la région concernée par l'opération.

II. - L'analyse concurrentielle

i) Sur les marchés amont de l'approvisionnement

Sur les marchés de l'approvisionnement, si l'apport de Mégnien est significatif, il n'en demeure pas moins que l'opération ne modifiera pas sensiblement les rapports commerciaux entre les fournisseurs et le nouvel ensemble, la part des achats de ce dernier dans le chiffre d'affaires global des fournisseurs du secteur restant extrêmement faible ([...] % environ). En conséquence, sans qu'il soit même nécessaire d'examiner les débouchés alternatifs dont pourraient disposer les fournisseurs communs aux parties, on constate qu'il est exclu que l'opération ait pour effet de placer leurs fournisseurs en situation de dépendance économique.

ii) Sur les marchés du négoce de matériaux de construction

Au plan national, VM Matériaux a réalisé, en 2001, [0-10] % des ventes en gros de matériaux de construction, tandis que Mégnien n'en a réalisé que [0-10] %. La nouvelle entité réalisera ainsi [0-10] % des ventes du secteur, ce qui est négligeable en comparaison de celles réalisées par les groupes leaders tels que Point P ([20-30] %) et Pinault Bois Matériaux ([0-10] %).

Au plan local, VM Matériaux et Mégnien ont une présence commune dans six départements de l'Ouest de la France.

Dans trois de ces départements (Charente, Charente-Maritime et Maine-et-Loire), la part des ventes du nouvel ensemble dans le total des ventes de matériaux réalisées par les négociants dans chacun de ces départements reste modérée (respectivement [0-10] %, [10-20] % et [0-10] %). De plus, l'apport de Mégnien dans chacune de ces zones se limite à une seule agence. Par ailleurs, de forts concurrents y sont implantés (Point P, Pinault Bois et Matériaux et autres négociants locaux).

Dans le département des Deux Sèvres, le nouvel ensemble disposera de 5 agences réalisant [20-30] % des ventes, tous matériaux confondus.Toutefois, seules 3 agences (1 agence généraliste, VM Matériaux, et 2 agences Mégnien dont une généraliste et une spécialisée en panneaux de bois/menuiserie) sont situées au coeur de la même zone de chalandise, à savoir la zone de Niort qui en raison du réseau routier et de la géographie de la région comprend une petite partie du territoire de deux autres départements (Charente-Maritime et Vendée). Or, dans cette zone d'un rayon de 50 kilomètres autour de la ville de Niort, VM Matériaux et Mégnien réalisent [10-20] % des ventes et la nouvelle entité sera confrontée à la concurrence des deux leaders : Point P ([20-30] % des ventes) et Pinault Bois et Matériaux ([20-30] %).

Dans le département de la Vendée, où VM Matériaux possède 19 agences dont une est spécialisée en panneaux de bois, l'apport de Mégnien est faible et se limite à 2 points de vente, qui représentent [0-10] % des ventes du département.Il s'agit d'une agence généraliste et d'une agence également spécialisée en panneaux de bois mais éloignée de celle détenue par VM Matériaux de plus de 60 kilomètres et donc située dans une zone de chalandise différente. La nouvelle entité réalisera, compte tenu de l'apport de Mégnien, [20-30] % des ventes du département mais sera notamment confrontée à la concurrence du leader Point P ([30-40] % des ventes du département).

Dans le département de la Vienne, Mégnien dispose de 4 agences dont l'activité est principalement centrée sur le négoce des panneaux de bois alors que VM Matériaux ne possède qu'une petite agence généraliste. La part du nouvel ensemble sera ainsi de [30-40] % dans les ventes totales du département et de [30-40] % dans la zone de chalandise affectée, constituée de la ville de Poitiers et de ses environs dans un rayon de 50 kilomètres, où sont implantées les 5 agences en cause.

S'agissant du négoce spécialisé des panneaux de bois, Mégnien a réalisé [50-60] % des ventes de panneaux de bois dans la zone de chalandise de Poitiers. Mais, compte tenu du fait que l'agence de VM Matériaux présente dans cette zone ne distribue pas de panneaux de bois, on peut considérer, sans qu'il soit nécessaire d'examiner de manière plus approfondie cette question, que l'opération envisagée n'entraîne aucun chevauchement d'activité entre les parties en matière de négoce de panneaux de bois. Par ailleurs, Point P et Pinault Bois Matériaux sont présents dans la zone et y réalisent respectivement [10-20] % et [10-20] % des ventes de panneaux de bois.

Aux termes du protocole d'accord notifié, VM Matériaux et la branche industrie de Mégnien ont conclu des accords commerciaux visant à maintenir, pour une durée de 5 ans, le montant moyen annuel des achats réalisé auparavant par Mégnien Distribution auprès de certains établissements de la branche industrie de Mégnien. De plus, les vendeurs s'engagent, pour une durée de cinq ans, à ne pas entrer en concurrence, directement ou indirectement, avec la nouvelle entité dans les régions Centre, Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Aquitaine, Limousin et Midi-Pyrénées ainsi qu'à ne pas chercher à embaucher ses salariés ou dirigeants sans l'accord de VM Matériaux. De manière générale, la Commission européenne considère que de telles clauses peuvent être justifiées pour des périodes n'excédant pas deux à trois ans (1). La présente décision est ainsi sans préjudice d'un examen éventuel des effets de la clause de non-concurrence au titre de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Il ressort de ces éléments que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement d'une position dominante. Je vous informe que j'autorise cette concentration.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

(1) Communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration du 4 juillet 2001 (2001-C 188-03), point 15.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, les parts de marché exactes ont été remplacées par des fourchettes plus générales.

Ces informations relèvent du " secret d'affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

NOTE (S) :

(1) Aff. M. 1684, Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Décision du ministre M. Bricolage/Tabur du 29 août 2002, en instance de publication.

(2) Aff. M. 486, Holdercim/Origny-Desvroises du 5 août 1994.

(3) Décision M. Bricolage/Tabur précitée. Décision du ministre du 6 septembre 2002 relative à l'acquisition de la société Carmat par la société Pinault Bois & Matériaux, en cours de publication. Décision du ministre du 7 novembre 2002 relative à l'acquisition de la société Comptoir des Matériaux Modernes par la société Point P SA, en cours de publication.

(4) Décision du Conseil de la concurrence n° 88-D-30, BOCCRF n° 19 du 30 septembre 1988.

(5) Aff. M. 764, Saint-Gobain/Poliet du 4 juillet 1996, et M. 1974, Cie Saint-Gobain/Raab Karcher du 22 juin 2000.

(6) Voir affaires précitées.