CA Paris, 14e ch. B, 10 novembre 2000, n° 2000-14906
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Coala (SA)
Défendeur :
Cegid (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cuinat
Conseillers :
MM. André, Valette
Avoués :
SCP Verdun-Seveno, SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Bénétreau
Avocats :
Mes Houari, Boulanger, Bensoussan.
La SA Cegid, qui a pour activité la conception et l'édition de progiciels destinés en particulier aux experts-comptables, a publié le 27 juin 2000 un communiqué de presse concernant un nouveau produit qu'elle commercialise sous la dénomination "Cegis PGI Experts".
Estimant que ce communiqué constituait une publicité comparative déloyale, la SA Coala, concurrente de la SA Cegid, l'a assignée en référé "d'heure à heure" par acte du 20 juillet 2000 devant le Président du Tribunal de commerce de Paris, afin d'obtenir, sous astreinte, la cessation immédiate de la publicité incriminée ainsi que la publication de la décision à intervenir aux frais de la SA Cegid.
Par ordonnance de référé du 27 juillet 2000, le Président du Tribunal de commerce de Paris a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la SA Coala, ni à l'application de l'article 700 du NCPC et l'a condamnée aux dépens.
La SA Coala a relevé appel le 4 août 2000 de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 12 octobre 2000, la société Coala demande à la cour, en sa fondant sur les dispositions des articles 873, 546 du NCPC et sur celles des articles L. 121-8 et suivants du Code de la consommation :
- d'infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée, et, statuant à nouveau :
- de constater que la publicité commerciale constituée par le "communiqué de presse" du 29 juin 2000, publiée par la société Cegid sur son site Web et distribuée notamment au congrès de l'IFEC, est une publicité comparative qui vise la société Coala ;
- de constater que cette publicité comparative est illicite tant pour des raisons de forme que de fond ;
- de constater que cette publicité lui porte préjudice et trouble l'ordre public économique ;
- de constater qu'il existe un trouble manifestement illicite ainsi qu'un dommage imminent ;
- d'ordonner à la SA Cegid de retirer cette publicité où qu'elle se trouve, et ce, sous astreinte de 10 000 F par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
- d'ordonner à la société Cegid de faire paraître la décision dans un magazine spécialisé pour experts-comptables, ainsi que dans un quotidien économique national ;
- d'ordonner à la SA Cegid de lui payer la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC ;
- de condamner la SA Cegid aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 12 octobre 2000, la SA Cegid, intimée, soulève à titre liminaire, en invoquant l'article 4 du NCPC, l'irrecevabilité des prétentions nouvelles de la SA Coala au motif que celles-ci sont fondées sur un communiqué de presse présenté sur le site de la SA Cegid, alors que le premier juge n'avait eu à connaître que d'un communiqué de presse diffusé sur le site de l'IFEC.
Elle soutient ensuite à titre subsidiaire, que les articles 872 et 873 du NCPC dont les conditions ne sont pas réunies en l'espèce, ne sont pas applicables.
À titre plus subsidiaire, elle fait valoir que les dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation ne peuvent non plus recevoir application en ce que le communiqué de presse d'une part ne cite à aucun moment les marques, le nom d'un produit ou d'un quelconque signe distinctif de la société Coala et de ce qu'il ne s'agit pas d'une publicité.
En conséquence, elle demande à la cour :
- de juger irrecevables les demandes nouvelles de la société Coala ;
- subsidiairement, de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé ;
- plus subsidiairement, de dire et juger que les articles L. 121-8 et suivants du Code de la consommation sont inapplicables au litige ;
- à titre reconventionnel, de condamner la société Coala à lui verser les sommes de 30 000 F pour procédure abusive et de 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE,
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'à l'occasion du congrès de l'Institut Français des Experts-comptables (IFEC) qui s'est tenu à Lyon les 29 juin et 1er juillet 2000, la SA Cegid a publié un communiqué de presse daté du 27 juin 2000 et intitulé "La profession comptable au centre de la stratégie Cegid", afin d'annoncer le lancement par elle de la première gamme de progiciels de gestion intégrés pour les experts-comptables et auditeurs "Cegid PGI EXPERT S5" ;
qu'à la page 5, la SA Cegid, après avoir affirmé être la seule, face à ses principaux concurrents, à proposer des solutions intégrant les technologies les plus matures qui feront référence pour les cinq prochaines années, dresse un tableau comparatif des solutions informatiques pour les cabinets d'expertise comptable se présentant comme suit :
2000_14906_TAB1.jpg
Considérant que, postérieurement au congrès de l'IFEC, la diffusion du communiqué, sur le propre site internet de la SA Cegid dont fait état la société Coala dans ses écritures d'appel, constitue la proposition par celle-ci de la preuve de l'existence du trouble manifestement illicite qu'elle invoque, laquelle est recevable par application de l'article 563 du NCPC et non une prétention nouvelle comme le soutient à tort la SA Cegid ;
qu'il n'y a aucune modification du litige, lequel porte comme en première instance sur le caractère illicite de la publicité comparative faite par la SA Cegid, selon la SA Coala, au moyen de ce communiqué ;
Considérant qu'il ne saurait être sérieusement discuté que le communiqué de presse litigieux, qui a pour objet essentiel de vanter les mérites de sa nouvelle gamme de progiciels de gestion à l'intention de la profession d'expert-comptable, constitue un acte de publicité dont la diffusion sur des sites internet est un support ;
Considérant en revanche qu'il apparaît que le tableau comparatif ne cite ou ne représente la marque de la SA Coala, ni également sa raison sociale ou sa dénomination commerciale, ni enfin son nom commercial ;
qu'il ne ressort pas non plus à l'évidence en examinant ce tableau, même pour un consommateur averti, que la solution A 1993 permette de l'identifier comme étant celle élaborée par la société Coala ;
qu'à cet égard, le fait d'utiliser la lettre A que l'on retrouve dans sa dénomination sociale ne peut être considéré comme déterminant ;
que les attestations que produit la société Coala, lesquelles sont rédigées et dactylographiées en des termes identiques, ne sauraient être non plus considérées comme suffisamment probantes ;
Considérant que dans ces conditions, alors que la société Coala n'est pas désignée, ni identifiable de manière évidente et qu'il n'est pas discuté qu'elle n'est pas la seule concurrente de la SA Cegid, il ne saurait être reproché à celle-ci de ne pas avoir communiqué au préalable à la société Coala le message publicitaire incriminé ;
Considérant qu'il s'ensuit qu'en l'absence d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent démontré par la SA Coala, il ne saurait être ordonné les mesures de remise en état qu'elle sollicite ;
qu'il y a lieu en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;
Considérant que l'exercice par la SA Coala de son droit d'appel ne fait pas apparaître un comportement fautif ayant causé un préjudice à la SA Cegid laquelle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ;
Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la SA Cegid les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés ;
Considérant que la SA Coala qui succombe sur son appel doit être condamnée aux entiers dépens ;
Par ces motifs, LA COUR, Déclare la SA Coala mal fondée en son appel et la déboute ; Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ; Y ajoutant : Rejette la demande de dommages et intérêts formée par la SA Cegid pour appel abusif ; Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du NCPC ; Condamne la SA Coala aux entiers dépens ; Admet la SCP Verdun-Seveno, Avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.