Livv
Décisions

CA Rennes, ch. corr., 26 février 1985, n° 277-85

RENNES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Aubry

Conseillers :

M. Martail, Hardy

Avocats :

Mes Cheyron, De Chaisemartin, Hermant, Menard, Valluis, Berheim

CA Rennes n° 277-85

26 février 1985

Statuant sur les appels interjetés par Jean-Marc L, Jacques D, prévenus, la société I-E civilement responsable de Jean-Marc L, la société C civilement responsable de Jacques D, la société P, Edouard L Président de l'Association des Centres Distributeurs X, la société Coopérative Y d'un jugement du Tribunal correctionnel de Nantes en date du 27 mars 1984 qui,

Sur l'action publique,

A déclaré Jacques D et Jean-Marc L coupables du délit de publicité mensongère,

En répression, les a condamné chacun, à la peine de 100 000 F d'amende,

A déclaré la société C et la société I-E civilement responsables,

A dit n'y avoir lieu à publicité requise par le Ministère Public,

A déclaré les constitutions de partie civile recevables,

Monsieur Edouard L, Président Directeur Général de la société Coopérative Y ;

A alloué 1 franc à chacun, à titre de réparation du préjudice moral ;

A ordonné la publication du jugement par extrait dans les vingt journaux nationaux et régionaux au choix des parties civiles aux frais des inculpés jusqu'à concurrence de la somme de 2 000 F par publication ;

A déclaré Monsieur le Directeur de la société Sodiretz recevable en sa constitution de partie civile ;

Lui a alloué la somme de 10 000 F en réparation de son préjudice commercial ;

A ordonné la publication du jugement par extrait dans les journaux Presse-Océan, Ouest-France, L'Eclair, LSA et Points de Vente au frais des inculpés jusqu'à concurrence de la somme de 2 000 F par publication ;

A alloué à Monsieur le Directeur de la société Sodiretz la somme de 5 000 F en application de l'article 475-1du Code de procédure pénale ;

A déclaré Monsieur le Président Directeur Général de la société Paris Distribution recevable en sa constitution de partie civile,

A condamné Jacques D et Jean-Marc L solidairement à lui verser la somme de 10 000 F en réparation de son préjudice commercial ;

A ordonné la publication dudit jugement par extrait dans les journaux locaux Presse-Océan, Ouest-France, L'Eclair aux frais des inculpés jusqu'à concurrence de la somme de 2 000 F par publication,

A condamné Jacques D et Jean-Marc L, solidairement, aux dépens ;

Considérant que les appels des prévenus sont généraux ;

Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme ;

Considérant, au fond que pour l'exposé détaillé des faits, la cour se réfère expressément aux motifs de la décision déférée qui en constituent une analyse exacte ;

Sur la procédure :

Considérant qu'en raison des intempéries inhabituelles, Jean-Marc L qui est absent n'a pu se présenter devant la cour ; qu'il sera donc jugé par défaut ;

Considérant que Jacques D prévenu est présent, que les deux civilement responsables et les trois parties civiles sont régulièrement représentées à l'audience ; Qu'ils seront donc jugés contradictoirement ;

Considérant que par ordonnance du 25 mai 1983, le juge d'instruction de Nantes a renvoyé devant le tribunal correctionnel de cette ville Jean-Marc L et Jacques D sous la prévention d'avoir sur le territoire national et particulièrement à Nantes, courant 1979, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, effectué diverses publicités comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, portant sur les prix et conditions de vente de biens, ainsi que sur les qualités et aptitudes des vendeurs de ces biens, plus précisément en :

- diffusant un tract de 4 pages commençant par les mentions " en France il y a 45 C responsables de vos économies ; C se soumet à l'indice des économies de l'I " et se terminait par " que les résultats lui soient favorables ou non C s'est engagé à les rendre publiques ; C en prend le risque. Signature illisible " ;

- diffusant un tract de deux pages commençant par les mentions " à l'indice des économies, I stimule la concurrence et fait baisser les prix " et se terminant par " C a lancé la guerre des prix ; Profitez-en " ;

- en publiant par l'intermédiaire de la presse un article commençant par " indice des économies ; en mai, C Nantes premier dans sa région " et en se terminant par " il a même été le moins cher : il est en tête au classement de l'indice. Signé Jean-Marc L, Directeur Général de l'I " ;

- en diffusant sur les ondes des radios Europe n° 1 et RTL les 6 communiqués suivants :

Premier communiqué : commençant par " voici un communiqué de l'I à la demande de C. Jean-Marc L Directeur de l'I vous parle de l'indice des économies " et se terminant par " ils prennent le risque " ;

Deuxième communiqué : commençant par " voici un communiqué de l'I à la demande de C " et se terminant par " les magasins C ont décidé de se soumettre à l'indice des économies " ;

Troisième communiqué : commençant par " un communiqué de l'I à la demande de C. Jean-Marc L Directeur de l'I vous parle " et se terminant par " tous les C s'engagent à le rendre publique intégralement que l'indice leur soit favorable ou pas. Ils en prennent le risque " ;

Quatrième communiqué : commençant par " Jean-Marc L Directeur de l'I vous parle ", et se terminant par " ils en prennent le risque " ;

Cinquième communiqué : commençant par Jean-Marc L, Directeur de l'I " vous parle de l'indice des économies " et se terminant par " ils en prennent le risque " ;

Sixième communiqué : commençant par " Jean-Marc L, Directeur de l'I vous parle " et se terminant par " les magasins C ont décidé de se soumettre à l'indice des économies " ;

Faits prévus et punis par les articles 44 de la loi du 27 décembre 1973, 1er de la loi du 1er août 1905,

Faits :

Le 21 février 1979, la société Anonyme C, domiciliée ZAE Guenault à Evry, ayant pour PDG F Marcel, et administrateur D Jacques, la société anonyme I-E, domiciliée 20 rue Daumal à Paris 9e ayant pour PDG L Jean-Marc et la SARL R S C passaient un accord au terme duquel la société C acceptait de se " soumettre " à une mesure comparative de ses prix avec ceux d'autres réseaux de distribution, aboutissant ainsi à l'établissement d'un " indice des économies " ;

Le principe de l'opération était le suivant :

Chaque mois, L'I recueillait les prix de 200 articles tirés au sort sur une liste de 430 environ, connus d'elle seule, auprès des 45 magasins C de France ;

Corrélativement, un relevé semblable était effectué auprès de 4 ou 5 des concurrents locaux (hyper ou super-marchés de chacun des établissements concernés ;

Chaque Prix C était ensuite comparé à la moyenne des prix de ses concurrents locaux pour le même article, permettant ainsi d'obtenir un premier indice de base ;

Ensuite, ces indices initiaux étaient regroupés en six familles de produits, représentant en principe 28 % des points entrant dans le calcul de " l'indice des prix à la consommation " établi par l'INSEE ;

Les moyennes de ces catégories, affectées chacune des pondérations INSEE, étaient enfin auditionnées pour obtenir l'indice global ;

Quel que soit le résultat obtenu, l'indice des 45 magasins C devait être mensuellement publié ;

Un comité de surveillance " indépendant " composé d'étudiants d'école de commerce étaient chargés de contrôler la régularité des opérations et de donner son avis sur les listes des produits et magasins concurrents retenus ;

Courant mars 1979, la société C entamait au niveau national, par la voie de la presse écrite et radiodiffusée ainsi que par celle de distribution de prospectus aux consommateurs, une campagne publicitaire ayant pour objet " l'indice des économies " ;

Par les mêmes voies de mars à septembre 1979, étaient publiés et commentés les indices pour chacun des sites des 45 magasins C ;

Fin 1979 et début 1980, plusieurs concurrents de la société anonyme C portaient plainte avec constitution de partie civile pour publicité mensongère contre les dirigeants de C et celui de l'I ;

L'information diligentée à la suite de ces plaintes a permis d'établir que diverses allégations mensongères ou de nature à induire en erreur, ont été utilisées par les mis en cause dans la publicité réalisée ;

Il a ainsi été établi que c'était l'agence de publicité R-S, auteur précédemment de la " campagne " produits libres de C qui était à l'origine du " marché " et de la conception par l'I de " l'indice des économies " ;

Or, on relève dans les arguments publicitaires utilisés, plusieurs insertions de nature à persuader le consommateur qu'I et C ont agi en totale indépendance l'un de l'autre, alors qu'il n'en est rien ;

Prospectus d'information :

Page 1, C se soumet à l'indice des économies de l'I ;

Page 2, " Pourquoi l'indice " par Jean-Marc L ;

Les Français connaissent l'indice officiel des prix baromètre qui, indique mois après mois, les variations du coût de la vie. Ils connaissent aussi les indices de popularité des personnalités politiques que l'I recueille depuis trente ans " ;

" Maintenant l'I crée un nouvel outil de mesure : l'indice des économies.

" Cet indice mensuel sera le résultat d'une comparaison de prix qui s'est effectuée à partir des relevés fait sur 430 produits de grande consommation, rigoureusement identiques et vendus dans des hypermarchés et supermarchés ;

" Au total plus de 200 magasins et plus de 90 000 observations mensuelles de prix. "

Les 45 magasins C ont décidé de se soumettre au verdict de cet indice. "

Tract :

" C se soumet à l'indice des économies de l'I ".

Flash Publicitaire Europe 1 diffusé entre le 12 et le 16 mai 1979 ;

Jean-Marc L, Directeur de l'I vous parle :

" L'indice des économies sera chaque mois, le résultat d'une comparaison de prix, cet indice devrait fournir aux Français des éléments d'informations pour défendre leur pouvoir d'achats.

" En effet, chaque mois l'I relèvera dans 200 grandes surfaces les prix de 430 produits identiques de grande consommation.

" L'I fera 90 000 observations de prix pour établir cet indice à partir de faits objectivement vérifiables.

" Les 45 magasins C ont décidé de se soumettre à l'indice, chaque mois l'I établira un communiqué des résultats par magasin.

" Tous les C s'engagent à le rendre public intégrale que l'indice leur soit favorable ou pas.

" Ils en prennent le risque.

" Jean-Marc L, directeur de l'I vous parle de l'indice des économies.

" L'indice des économies est un instrument de comparaison portant sur les prix de 430 produits identiques dans plus de 200 magasins à grande surface, les 45 C ont décidé de se soumettre à cet indice.

" Chaque mois, l'I établira un communiqué des résultats magasin par magasin, tous les C s'engagent à le rendre public intégralement que l'indice leur soit favorable ou pas.

" Ils prennent le risque. "

" Jean-Marc L, directeur de l'I vous parle :

" Face au grand sujet, l'Ivous informe des opinions des Français, leur préoccupation aujourd'hui : les prix.

" Aussi l'I crée un nouvel indice : " l'indice des économies ".

" Il devait fournir aux Français des éléments d'informations pour défendre leur pouvoir d'achats, il sera le résultat d'une comparaison des prix de 430 produits identiques dans plus de 200 magasins à grande surface.

" Les magasins C ont décidé de se soumettre à l'indice des économies.

Annexe 4 : Flashs Publicitaires RTL diffusés entre le 12 et 16 mars 1979 :

" Voici un communiqué de l'I à la demande de C.

" Jean-Marc L, directeur de l'I, vous parle :

" L'indice des économies sera, chaque mois, le résultat d'une comparaison de prix.

" Cet indice devrait fournir aux français des éléments d'information pour défendre leur pouvoir d'achat. En effet, chaque mois, l'I relèvera dans 200 grande surfaces les prix de 430 produits identiques de grande consommation. L'I fera 90 000 observations de prix pour établir cet indice à partir de faits objectivement vérifiables.

" Les 45 magasins C ont décidé de se soumettre à l'indice.

" Chaque mois, l'I établira un communiqué des résultats par magasin.

" Tous les C s'engagent à le rendre public intégralement, que l'indice leur soit favorable ou pas.

" Ils en prennent le risque. "

Radio

Voici un communiqué de l'I à la demande de C.

" Jean-Marc L, Directeur de l'I vous parle de l'indice des économies :

" L'indice des économies est un instrument de comparaison portant sur les prix de 430 produits identiques dans plus de 200 magasins à grande surface.

" Les 45 C ont décidé de se soumettre à cet indice.

" Chaque mois, l'I établira un communiqué des résultats magasin par magasin.

" Tous les C s'engagent à le rendre public intégralement, que l'indice leur favorable ou pas.

" Ils en prennent le risque. "

Voici un communiqué de l'I à la demande de C.

" Jean-Marc L, directeur de l'I vous parle :

" Face aux grands sujets, l'I vous informe des opinions des français.

" Leur préoccupation aujourd'hui : les prix. Aussi l'I crée un nouvel indice : l'indice des économies.

" Il devrait fournir aux Français des éléments d'informations pour défendre leur pouvoir d'achat. Il sera le résultat d'une comparaison des prix de 430 produits identiques dans plus de 200 magasins à grande surface.

" Les magasins C ont décidé de se soumettre à l'indice des économies ".

Annexe 5 : Prospectus :

" L'indice des économies I stimule la concurrence et fait baisser les prix. " ! " Cet indice a été calculé à partir de 430 articles parfaitement comparable, sélection par l'I - C ne fait pas ses calculs sur des produits d'appel mais il se soumet à l'indice des économies I. "

2°) en second lieu il peut être reproché aux inculpés d'avoir utilisé une qualification trompeuse pour l'indice créé.

De deux rapports établis par les services de la Répression des Fraudes (annexe 109-16) et les services de la police judiciaire (C 51 page 6) il ressort qu'il est faux de dire que l'indice I était un indice des " économies ".

En effet, eu égard au petit nombre d'articles pris en considération il n'est pas possible d'affirmer qu'un consommateur moyen s'approvisionnant dans un magasin C aurait fait une économie correspondant à celle annoncée par l'indice par rapport à la moyenne des prix pratiqués par les concurrents.

Doit donc être considérée comme tendancieuse l'utilisation de la terminologie " indice des économies " ainsi que la publicité suivante :

Annexe 6 :

" Indice des économies - En mai C Nantes premier dans sa région. - moins 3% ".

3°) en troisième lieu, C et l'I ont indiqué dans une plaquette (annexe 1 page 3) que la liste des 430 produits retenus pour l'établissement de l'indice des économies couvrait 28 % de la liste des points entrant dans le calcul de l'indice INSEE.

Or, cette affirmation est partiellement exacte et de surcroît de nature à induire en erreur.

Sur le plan théorique tout d'abord, les services de la répression des fraudes ont relevé (annexe 109-16) que l'indice des économies ne recouvrait en réalité que 26,61 % de l'indice INSEE.

Sur le plan pratique, ils ont observé qu'en raison de la difficulté qu'il y avait à retrouver dans chacune des surfaces de vente visitées, la totalité des 430 produits retenus, s'opérait systématiquement une réduction conséquente des points INSEE des listes de produits relevés.

Ainsi (cf. annexe 109 : 16 page 16 tableau 2) pour les magasins C le point INSEE n'a jamais excédé 24,07 % et pour chacun des sites considérés il a varié de 11,32 % à 24,07 %.

Dans le même sens les services du SRPJ ont noté pour les relevés effectués à Nantes :

Mars 1979 : magasin SUMA : 12,49 %

Avril 1979 : Leclerc Nantes : 19,27 %

Mai 1979 : Leclerc Nantes : 18,08 %

4°) Par ailleurs peuvent être relevées, dans la publicité effectuée, diverses allégations purement mensongères :

Dans le prospectus relatif au mode d'établissement de l'indice, les inculpés ont expliqué que chaque mois sous contrôle d'huissier, il était procédé au tirage au sort (cf. annexe 1 page 3) de 200 des 430 produits composant la liste.

La procédure a établi que cette opération n'avait eu lieu que pour l'établissement du premier indice et avait été abandonné dès le mois d'avril 1979 sans que le consommateur ait été seulement avisé.

Dans la même plaquette (page 3) ils ont indiqué que les prix avaient été relevés dans les différents magasins considérés par des délégués de l'I, en trois jours.

L'enquête du SRPJ a démontré qu'à Nantes certains relevés avaient largement dépassé ce délai :

Août 1979 - du 6 au 11 août

Septembre 1979 - du 10 au 22 septembre

Une enquêtrice de l'I Madame V a en outre indiqué que cinq jours lui avaient été accordés pour mener à bien sa mission.

Courant mai 1979, a paru à Nantes dans la presse locale (annexe 6) une publicité intitulée : " Indice des économies - en mai C Nantes premiers dans sa région. Et énonçant : " Voici ce que démontre le résulte de l'indice pour le mois dernier : sur 430 produits C a été moins cher par rapport à la moyenne des prix pratiqués dans les principales grandes surfaces de la région. Il a même été le moins cher : il est en tête au classement de l'indice. signé Jean-Marc L directeur général de l'I ".

Or l'examen des relevés de prix de mai 1979 sur le site de Nantes a fait apparaître que seulement 260 produits environ ont été relevés au magasin C.

5°) Doit être considérée comme tout aussi trompeuse la publicité effectuée par les inculpés quant au choix des éléments de référence servant à établir l'indice : produits et magasins.

A - Produits :

Dans la plaquette relative au lancement de l'opération (annexe 1) ils ont expliqué que les 1 530 produits retenus avaient été " définis par leur marque, leur conditionnement, leur poids, leur couleur et leur taille ".

Dans un prospectus distribué en juin 1979 à Nantes ils ont indiqué : " cet article a été calculé à partir de 430 articles parfaitement comparables, sélectionnés par l'I " et ont poursuivi : " C ne fait pas ses calculs sur des produits d'appel ". (annexe 5).

Enfin dans un encart publicitaire publié dans la presse nantaise en mai 1979, ils ont affirmé ; " l'indice des économies est je le rappelle une comparaison de prix portant sur 430 produits de grande consommation et identiques relevés dans les magasins à grande surface de la région, dont C. " (annexe 6).

Or la procédure a révélé que le mode d'établissement de l'indice était tout autre.

Ainsi le comité de surveillance mis en place par C et l'I a-t-il noté dans un de ses communiqués que seuls 250 produits environ se retrouvaient dans chacun des magasins visités.

L'étude des relevés effectuée à Nantes a démontré qu'une cinquantaine de produits étaient non identifiables, que certains relevés n'étaient pas complets (avril 1979 - Le X Nantes-la-Bottière) et établis avec plus ou moins de sérieux ; le temps passé par deux " releveurs " dans le même magasin lors de deux vagues successives, étant parfois fort différent.

Enfin, trois enquêtrices de l'I ayant opéré sur Nantes ont concédé qu'elles n'avaient tenu compte ni de la marque des produits relevés, ni de leur caractère promotionnel, mais seulement de la faiblesse de leur prix.

B) Magasins :

Toujours dans la plaquette relative aux modes d'élaboration de l'indice (annexe 1 page 3) les inculpés ont déclaré sous la rubrique : " Ou et quand sont relevés les prix " ;

" Les prix sont relevés chaque mois dans plus de 200 magasins de grandes surfaces en libre-service. Pour chacun des 45 magasins C on a retenu les 4 ou 5 points de vente les plus grands et les plus proches possible du magasin C ".

La procédure a permis d'établir que cette publicité était inexacte et tendancieuse.

Ainsi a-t-il été démontré qu'à Nantes au mois de mars ont été ignorés deux hypermarchés importants : Euromarché 5600 m2 et le Centre Leclerc de la Bottière 4000 m2, alors qu'était pris en considération un magasin SUMA de 1 500 m2.

De même il est apparu sur le même site qu'avait été retenu le magasin Casino qui de l'avis même d'un des membres de la commission de surveillance n'avait pas les mêmes objectifs de prix que ses concurrents.

Il est certain enfin qu'au plan national cette fois, a été comparé " l'incomparable ". Ainsi au mois d'avril :

C Bassens 5 400 m2 a été opposé au magasin Genty-Cathiard 400 m2.

C Brogny 4 792 m2 a été opposé aux magasins Provinvia 500 m2 et Unico 400 m2.

C Chambery 4 500 m2 a été opposé aux magasins Provincia 400 m2.

C Annecy 4 792 m2 a été opposé au magasins Provencia 456 m2.

C Echirolles 10 600 m2 a été opposé aux magasins Genty-Gathiard 500 m2 et Nouvelles Galeries 550 m2.

C Chartres 6 898 m2 a été opposé aux magasins Monoprix 476 m2.

Considérant que le prévenu D Jacques et les deux civilement responsables sollicitent leur mise hors de cause ;

Que le Ministère Public requiert une aggravation des peines ou au moins la confirmation de la décision déférée ;

Motifs de la décision :

Considérant que l'argumentation doit s'établir ainsi :

Les faits et la prévention :

A - Sur la nature même de l'indice :

1 - La société commerciale C a chargé en 1979 la société I - E de procéder à une étude comparative de prix entre différents magasins de vente en grande surface et d'élaborer à partir de cette étude en argument statistique pouvant servir de base à une campagne publicitaire ;

Cette étude, qualifiée " indice des économies " par I - E, a permis à la société C d'entreprendre avec le concours actif d'I - E une campagne publicitaire à apparence pseudo-scientifique;

2 - Cette étude, et ses résultats ont en effet été présentés par I- E , et par C comme un travail effectué à priori par I - E, dans le cadre d'une recherche statistique fondamentale, et tenu à la disposition de toute entreprise de distribution intéressée alors qu'il s'agissait d'une étude élaborée à la demande et à l'intention exclusives de la société C;

La présentation de ce " produit " était donc de nature à induire le public en erreur;

3 - De même les différentes maquettes ou les différents communiqués présentés sur les ondes des radios Europe n° 1 et RTL par la société I - E faisant ressortir que la société C aurait décidé se soumettre à l'indice des économies étaient également de nature à induire le public en erreur en présentant faussement la société C comme étant la seule entreprise de distribution ayant accepté de soumettre ses prix aux résultat d'une étude statistique fondamentale.

4 - Les documents saisis dans le cadre de l'information, notamment le contrat du 21 février 1979, et les dépositions recueillies, ont fait ressortir qu'à partir d'une méthode de travail statistique mise au point par I - E, cette société a élaboré à la demande de C et aux fins d'une campagne publicitaire destinée à démontrer que C serait moins cher, l'indice des économies incriminé.

Ces même documents font ressortir que ces deux sociétés représentées respectivement par M. D (C) et L (I - E), ont été d'accord pour considérer que C était l'auteur du concept " indice des économies " mis au point à des fins promotionnelles, et qu'I - E, auteur des moyens techniques de réalisation, apparaîtrait comme le seul auteur des messages publicitaires de présentation de l'indice et de son contenu.

5 - Ainsi, tout était organisé pour que la campagne sur l'indice des économies apparaisse comme la résultante d'études statistiques impartiales et objectives effectuées à priori par un organisme de sondages et de statistiques totalement indépendant de C et auxquelles cette société prenait le risque de se soumettre.

Le public se trouvait donc nécessairement induit en erreur et amené à considérer que les résultats comparatifs publiés auraient valeur probante.

De ce premier point de vue, la création et la diffusion de l' " indice des économies " ressortent donc au délit de publicité mensongère ou trompeuse défini par l'art. 44 de la loi du 27 décembre 1973 et il a été commis par les signataires du contrat du 21 février 1979, MM. D et L.

B) Sur les éléments de calcul

Le dossier de l'information fait ressortir qu'il ne s'agit pas, contrairement à la dénomination apparente, d'un indice des économies, mais d'un indice de prix, de sorte que contrairement à ce qu'il résulte pour un consommateur moyen de l'appréhension du concept " indice des économies ", celui qui se rend chez C n'économise pas sur les prix par rapport aux prix pratiqués par les concurrents le pourcentage mentionné dans la publicité.

Ainsi, là encore, la qualification même de l'étude d'apparence statistique et scientifique est de nature à induire en erreur le consommateur moyen.

La définition même d'un indice impliquerait que les magasins de référence demeurent les mêmes et que tous les articles retenus pour les comparaisons soient rigoureusement les mêmes dans tous les magasins choisis pour le calcul : mêmes marques, mêmes conditionnements, même contextures, mêmes poids, volumes tailles ou couleurs.

L'information pénale a fait ressortir une modification fréquente des magasins de référence et l'impossibilité de trouver des produits identiques, indépendamment même des produits frais, de sorte qu'en définitive les comparaisons ont été effectuées sur " le produit le moins cher " de différents magasins sans que l'on ait égard à une véritable comparaison.

Les " produits les moins chers " ainsi définis aux enquêteurs, représentent près de 12 % du nombre total de produits initialement retenus et 15 % du nombre de produits lesquels les comparaisons ont en en définitive été effectuées.

Les dirigeants de C et I - E savaient cependant que ces produits sans marque n'auraient pas du être pris en considération.

En outre, alors que les documents publicitaires énonçaient que les 430 produits de comparaison retenus représentaient 28 % du budget des ménages définie par l'INSEE, seuls n'ont en définitive été retenus que 326 produits ne représentant plus que 19,2 % de ce budget.

Aucune indication rectificative n'a cependant jamais été publiée.

Ainsi de ce second point de vue, le public a été également induit en erreur.

II - Les auteurs des infractions

Vainement MM. D et L allèguent qu'ils ne seraient aucunement responsables de la campagne publicitaire faite autour de l'indice des économies au motif que non seulement la direction de la campagne publicitaire, mais encore sa conception intrinsèque, auraient été l'œuvre de l'agence de publicité R et S, et ils déduisent de ce que celle-ci n'a pas fait l'objet de poursuites, qu'il ne serait pas possible de les poursuivre directement.

Cette argumentation ne saurait être retenue.

Le contrat et sa contre lettre du 21 février 1979 sont signés par les 3 sociétés I - E, C et R S ; ils constituent donc un ensemble dont aucune des 3 sociétés ne peut se dissocier. Aucune d'entre elles ne peut prétendre en avoir ignoré tel ou tel article qui ne la concernerait pas directement.

Si le contrat énonce que C et l'agence R S sont les co-auteurs de l'indice des économies qu'ils ont mis au point pour l'utiliser à des fins promotionnelles, ce même contrat énonce qu'I - E est l'auteur des moyens et techniques mis en ouvre pour réaliser cet indice.

Le contrat précise en outre que l'I sera le seul auteur non pas seulement des messages techniques qui seront diffusés, mais encore du contenu des communiqués qui seront diffusés.

Ainsi, non seulement la participation de la société I - E à l'élaboration et à la mise en œuvre de la campagne publicitaire en a constitué un élément essentiel sans lequel celle-ci n'aurait pu s'effectuer, mais en outre cette société a accepté expressément d'apparaître, mais en outre cette société a accepté expressément d'apparaître comme l'auteur des messages et de leur contenu alors qu'en tout état de cause elle connaissait, comme la société C, le caractère fallacieux desdits messages, tant en ce qui concerne leur présentation que leur contenu.

Si au sens de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973, l'annonceur pour compte duquel la publicité est diffusée (c'est-à-dire C) est responsable à titre principal de l'infraction commise, le conseiller ou le professionnel technique qui lui a permis de réaliser les faits délictueux ou en a facilité la réalisation, a participé directement à l'infraction et doit en conséquence être poursuivi en qualité de co-auteur de ces incriminations étant sans intérêt, la complicité n'étant qu'un mode de participation à une infraction, la peine encourue étant d'ailleurs la même dans les deux cas.

Il importe peu au surplus à la validité des poursuites qu'une troisième co-auteur de l'infraction ne soit pas poursuivi, cette situation étant sans incidence sur la validité des poursuites engagées à l'encontre des autres co-auteurs.

Les exonérations de responsabilité que, dans le contrat du 21 février 1979, ses signataires ont pu se concéder ne sont opposables ni aux tiers ni au Ministère Public et ne sauraient être prises en considération par les juridictions pénales.

III - La mauvaise foi :

Vainement, Messieurs D et L tentent de se soustraire à la prévention en prétendant démontrer leur bonne foi déduite soit de l'absence de critique formulée à l'égard de la campagne publicitaire par le Bureau de Vérification de la Publicité (BVP) soit par la mise en place d'un prétendu Comité de surveillance indépendant, soit encore par l'absence de constitution de partie civile de quelque association de consommateurs que ce soit ;

Cette argumentation ne saurait être retenue ;

De jurisprudence constate et répétée de la Cour de cassation le délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, prévue par l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 étant exclusif de la mauvaise foi, il faut et il suffit pour retenir la complicité de ce délit au sens de l'article 60 du Code pénal d'établir que c'est en connaissance de cause que le complice a donné à l'annonceur des instructions ou bien à fournir les moyens pour la création de la publicité ;

Qu'il convient d'observer que Jean-Marc L et Jacques D ont tous deux reconnu (côtes C 106 et C 107) avoir participé à l'élaboration des textes publicitaires critiqués que c'est donc à juste titre que Jacques D et Jean-Marc L tous deux concepteurs de l'indice incriminé et responsables de la campagne publicitaire ont été condamnés par le tribunal ;

Considérant que les faits de la cause ont été exactement et sainement appréciés par le tribunal qui a déclaré les prévenus coupables de l'infraction visée à la prévention ;

Considérant que pour l'application de la peine, il y a lieu de tenir compte de ce que si les renseignements fournis sur les prévenus ne sont pas mauvais la responsabilité de L est plus importante que celle de D ;

Qu'il résulte de ce qui précède que les sanctions infligées par le tribunal en réparation de fautes dont la gravité est certaine, ne sont nullement excessives mais suffisantes et doivent être confirmées en ce qui concerne Jacques D mais augmentées en ce qui concerne Jean-Marc L pour être fixées en plus juste réparation des infractions commises à 200 000 F d'amende ;

Considérant que les prévenus reconnus coupables doivent supporter les dépens chacun pour moitié ;

Sur les actions civiles,

Considérant que la société Sodiretz n'a pas relevé appel et sollicite la confirmation des dispositions de la décision déférée la concernant ;

Considérant que l'Association des centres distributeurs X et la société Coopérative Y concluent et font plaider ;

Divers centres distributeurs X sont mentionnés parmi les établissements dont les prix ont fait l'objet des études comparatives constituant " l'indice des économies ".

Les centres distributeurs X sont des entreprises indépendantes regroupées par l'intermédiaire de leurs représentants légaux dans l'Association des Centres Distributeurs X, association déclarée constituée en application de la loi du 1er juillet 1901 qui a pour objet, notamment, d'assurer la diffusion des principes de distribution initiés par Edouard L., contribuer à l'éducation du consommateur, assurer le respect des principes qui les unissent et faire valoir dans un but de défense commune les droits moraux de ses adhérents.

Ces mêmes centres distributeurs X sont également regroupés en tant qu'entreprises à l'intérieur de la société Coopérative Y qui a pour objet, outre le groupement des demandes de ses adhérents, la recherche et l'achat de marchandises au prix les plus avantageux conformément aux dispositions de l'art. 1 de la loi du 11 juillet 1972, et la recherche de la réalisation d'une diminution des frais et charges de ses adhérents et la réduction corrélative des prix de vente au public.

Dès lors que l'élaboration et la diffusion des études comparatives ainsi effectuées par le Président de C et le Directeur Général d'I - E, ou à leur initiative, ressortent à l'infraction définie par l'art. 44 de la loi du 27 décembre 1973 et qu'elles portent ainsi atteinte à l'intérêt moral des Centres Distributeurs X, la constitution de partie civile de l'ACD X et de la société SC Y est donc recevable.

En outre, l'ACD X, auteur d'une plaquette répondant à celle diffusée par C et I - E, ayant été assignée en dommages-intérêts par cette dernière, la Cour d'appel de Paris, aux termes d'un arrêt rendu le 25 mai 1981, a considéré que l'actuelle instance pénale pourrait avoir une influence sur l'instance dont elle était saisie.

De ce second chef, l'ACD X est encore fondée à se constituer partie civile ;

L'ACD X et la société SC Y avaient demandé devant le tribunal, d'une part, de condamner MM D et L à payer à chacune d'entre elles la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts et d'autre part, d'ordonner que le jugement à intervenir soit publié à leurs frais exclusifs dans 20 journaux nationaux ou régionaux de leur choix ;

Le tribunal a réduit ces demandes au franc symbolique pour les dommages-intérêts proprement dits et a limité d'autre part à 2 000 F par publication le coût de chacune des 20 insertions qu'il a ordonné aux frais de MM. D et L ;

Outre que la somme de 1 F apparaît dérisoire même au niveau symbolique, il est en réalité inéquitable que les prévenus ne participent même pas indirectement aux frais irrépétibles que les parties civiles se sont trouvées dans l'obligation d'exposer et la condamnation à 10 000 F de dommages-intérêts ainsi demandée à l'encontre de chacun d'entre eux correspondait dans l'esprit sinon dans l'expression, à cette réparation ;

En outre, compte tenu du coût des annonces dans la presse, la limitation de chaque insertion à 2 000 F ne permettra pas de donner à ces publications l'importance que l'ampleur de la campagne publicitaire faite par C et I - E avait recherchée ;

Il apparaît donc opportun de relever à au moins 10 000 F la limitation du coût de chacune des insertions dont s'agit ;

Considérant qu'au vu des pièces justificatives produites, le montant du préjudice de chacune des sociétés sera évalué à 10 000 F que les prévenus devront indemniser ;

Qu'en outre, le coût des insertions sera limité pour chacune à 5 000 F ;

Considérant que la SA P conclut et fait plaider que le montant des dommages-intérêts devrait être élevé à 100 000 F, le coût de chaque insertion dans la presse à 10 000 F et demande en outre à voir allouer en réparation des frais irrépétibles sur la base de l'article 475-1 du Code de procédure pénale une somme de 10 000 F ;

Considérant qu'au vu des pièces justificatives produites, le montant des dommages-intérêts sera fixé à 10 000 F le coût des insertions dans les journaux à 5 000 F chacune, et le montant des frais irrépétibles à 5 000 F ;

Par ces motifs, Et ceux non contraires du tribunal que LA COUR adopte ; Statuant publiquement et contradictoirement en ce qui concerne Jacques D, la société I - E civilement responsable de Jean-Marc L, la société C civilement responsable de Jacques D, la société P, Edouard L, président de l'Association des centres distributeurs X, la société Coopérative Y, et par défaut en ce qui concerne Jean-Marc L, contradictoirement à l'égard de la société Sodiretz ; En la forme, Reçoit Jean-Marc L, Jacques D, prévenus, la société I - E civilement responsable de Jean-Marc L , la société C civilement responsable de Jacques D, le Ministère Public, la société P, Edouard L Président de l'Association des Centres Distributeurs X, la société Coopérative Y parties civiles en leurs appels ; Au fond, Sur l'action publique, En ce qui concerne Jacques D : Confirme en toutes ses dispositions la décision déférée ; En ce qui concerne Jean-Marc L : Confirme la décision déférée sur la qualification des faits et la déclaration de culpabilité ; L'émendant sur l'application de la peine, Condamne Jean-Marc L à 200 000 F (deux cents mille francs) d'amende ; Sur l'action civile : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société I - E civilement responsable de son préposé Jean-Marc L et la société C civilement responsable de son préposé Jacques D ; Confirme la décision déférée en ce qui concerne la société Sodiretz ; Réformant pour partie, Condamne in solidum Jean-Marc L et Jacques D à payer : A l'Association des Centres Distributeurs X : - La somme de 10 000 F (dix mille francs) à titre de dommages-intérêts ; - A la société Coopérative Y la somme de 10 000 F (dix mille francs) à titre de dommages-intérêts ; Ordonne en outre que le présent arrêt sera publié par extrait aux frais de L et D in solidum dans 20 journaux nationaux ou régionaux au choix exclusif des parties civiles, le coût de chaque insertion ne pouvant excéder 5 000 F, - A la société P : La somme de 10 000 F (dix mille francs) à titre de dommages- intérêts et en outre une somme de 5 000 F (cinq mille francs) sur la base de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Ordonne en outre que ce présent arrêt sera, publié par extrait dans les journaux locaux Ouest-France (Loire-Atlantique), Presse-Océan et L'Eclair aux frais des prévenus, le coût de chaque insertion ne pouvant excéder 5 000 F ; Condamne L Jean-Marc et D Jacques in solidum avec la société I - E et la société C, civilement responsables, Aux dépens de première instance et d'appel liquidés à la somme de Cinq Mille quatre cent cinquante neuf francs quatre vingt quatorze (5 5493, 94 F), chaque prévenu étant tenu de la moitié soit 2 729,97 F ; En ce compris le droit fie du présent arrêt, le droit de poste, et non compris les frais postérieurs éventuels. Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps. Le tout en application des articles : 44 de la loi du 27 décembre 1973, 1er de la loi du 1er août 1905, 473, 749 et 750 du Code de procédure pénale.