CA Paris, 15e ch. A, 25 septembre 1990, n° 89-15769
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Gipa (SARL)
Défendeur :
ODA (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Léonnet
Conseillers :
MM. Maglioli, Duclaud
Avoués :
SCP Teytaud, SCP Régnier-Sevestre-Régnier
Avocats :
SCP Gervy, Me Azancot.
LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société Gipa d'un jugement du Tribunal de commerce de Paris du 6 juin 1989 qui l'a condamnée à payer à la société Office d'annonces la somme de 94 661,59 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 1989 et celle de 9 466 F au titre de la clause pénale.
Les faits et la procédure peuvent être résumés ainsi qu'il suit.
La société Gipa, spécialisée dans la pose de systèmes de sécurité électronique contre le vol, a conclu trois contrats de publicité, courant septembre et octobre 1986, avec l'Office d'annonces, concessionnaire exclusif de la publicité insérée dans l'annuaire officiel des abonnés au téléphone édité par l'administration des P et T.
L'exécution de l'un de ces contrats fait l'objet du présent litige. Par convention du 14 octobre 1986, l'Office d'annonces s'engageait, moyennant un prix de 104 192,47 F (TTC) à faire publier dans l'annuaire de Seine-Saint-Denis et dans celui du Val-de-Marne 1987 deux encarts publicitaires, l'un à la rubrique " Protection contre le vol (matériel et installations) ", l'autre à la rubrique " Serrurerie, métallerie ".
En réalité, le premier encart va paraître dans l'annuaire de Seine-Saint-Denis 1987 sous la rubrique " Prothésistes dentaires " et le second sous la rubrique " Sièges transformables ".
A la suite des réclamations formulées par la société Gipa quant à ces anomalies, l'Office d'annonces proposa à celle-ci de lui faire un avoir de 50 % du montant des insertions litigieuses soit de la somme de 25 565,49 F (TTC). Non satisfaite de ce geste qu'elle estimait hors de proportion avec le montant de son préjudice qu'elle évalue à la somme de 150 000 F, la société Gipa refusa de régler les sommes qui lui étaient réclamées par l'Office d'annonces en vertu des trois contrats de publicité, à savoir :
- 15 259,95 F au titre du premier contrat,
- 73 693,98 F au titre du troisième contrat après déduction de l'avoir précité.
C'est dans ces conditions que l'Offices d'annonces, après avoir envoyé une mise en demeure par lettre recommandée le 9 janvier 1989 demeurée vaine, a assigné la société Gipa en paiement de ces sommes.
Selon les mentions du jugement déféré, cette dernière représentée à l'audience par son gérant a reconnu la dette dans son principe mais a contesté l'exécution des prestations.
Comme il a été exposé plus haut, le Tribunal de commerce de Paris a accueilli cette demande.
La société Gipa a interjeté appel de cette décision.
Elle demande à la cour :
- de l'infirmer ;
- de prononcer la résiliation du contrat qu'elle avait conclu avec l'Office d'annonces aux fins d'insertions publicitaires dans l'annuaire officiel des abonnés au téléphone classés par professions de Seine-Saint-Denis, édition 1987 ;
- de condamner en conséquence l'Office d'annonces à la rembourser en deniers ou quittance de la somme de 49 131 F ;
- de la condamner encore à lui verser la somme de 150 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Office d'annonces, intimée, sollicite la confirmation du jugement déféré, l'allocation de la somme de 5 000 F de dommages-intérêts pour appel abusif et celle de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Ceci étant exposé, LA COUR,
I- Sur la réalisation du contrat de publicité afférent aux insertions dans l'annuaire de Seine-Saint-Denis 1987 :
Considérant que pour la société Office d'annonces, la société Gipa ne saurait se prévaloir du décalage des insertions publicitaires dont il s'agit pour obtenir la résolution du contrat de publicité y afférent car les conditions générales du contrat stipulaient que " les annonces hors colonne sont entièrement soumises aux nécessités de mise en page et peuvent être classées hors arrondissement voir hors rubrique " ;
Mais considérant que ces conditions générales sont imprimées de manière quasi illisible tant en raison de la petitesse des caractères que de l'extrême pâleur de leur couleur ; que contre toute logique, elles ne figurent qu'au recto de la première page d'un contrat qui comporte deux pages ; que la mention au recto de renvoi aux conditions générales qui figurent au verso de la première feuille du contrat se présente sous la forme d'un " Nota " sous l'emplacement réservé à la signature du client de manière telle que cette simple référence ne permet pas de s'assurer que le client a eu connaissance desdites conditions générales, ce qui la prive d'effets ;
Qu'au demeurant, si la clause invoquée par la société Office d'annonces avait été insérée dans des conditions générales opposables à la société Gipa, ce texte s'analysant en une clause limitative de responsabilité, aurait pu être sérieusement discutée quant à sa validité par la société Gipa ;
Considérant qu'il découle de cette constatation relative aux conditions générales que celles-ci ne lient pas les parties ; qu'il n'en demeure pas moins que le contrat d'insertions publicitaires dans l'annuaire de Seine-Saint-Denis 1987 est valable ; mais que les obligations des parties, et notamment celles de la société Office d'annonces, doivent être appréciées au regard des règles du droit commun des obligations ;
Considérant, à cet égard, qu'il découle de l'objet même du contrat d'insertions d'une annonce publicitaire dans un annuaire téléphonique que cette dernière doit figurer nécessairement dans la rubrique correspondant à la catégorie professionnelle de l'annonceur ; que la société Office d'annonces ne saurait invoquer aujourd'hui des contraintes matérielles pour échapper à cette obligation de résultat car la technique de photocomposition employée par l'Imprimerie Nationale pour l'impression de l'annuaire de Seine-Saint-Denis (rappelées par les mentions portées à la dernière page de l'annuaire) permet de maîtriser les problèmes de mise en page ;
Considérant qu'il apparaît dès lors que la société Office d'annonces a commis deux manquements à ses obligations contractuelles ;que d'une part, la publicité Gipa qui devait être insérée sous la rubrique " Protection contre le vol (matériel et installations) a été publiée sous la rubrique " Prothésistes dentaires ", et ce alors que cette dernière est séparée de la première citée par celle intitulée " Protection et Sécurité du Travail " ;que d'autre part, elle a publié l'annonce publicitaire de Gipa sous la nomenclature " Sièges transformables " au lieu de " Serrurerie, métallerie ", et ce, alors que cette dernière rubrique est séparée de la première citée par les nomenclatures suivantes : " Sexologues ", " Sièges, chaises, fauteuils (fabrication) ", " Sièges, chaises, fauteuils (fourniture pour) ", " Sièges de style " ;
Considérant que ce décalage de l'annonce publicitaire par rapport à la rubrique choisie par l'annonceur porte un grave préjudice à celui-ci puisque la méthode de recherche des indications des " pages jaunes " est centrée uniquement sur la rubrique ainsi que l'exposent les pages 60 et 61 de l'annuaire dont il s'agit sous la rubrique :" Mode d'emploi des pages jaunes " ;
Considérant que les fautes de la société Office d'annonces ont causé un préjudice très important à la société Gipa en la privant d'une zone d'activité professionnelle particulièrement importante puisque toujours selon les indications du même annuaire (p. 43), la population de Seine-Saint-Denis était en 1982 de 1 327 080 habitants ;
Considérant que la cour trouve dans le dossier les éléments nécessaires pour fixer le préjudice de la société Gipa à la somme de 100 000 F ;
II- Sur les demandes de la société Office d'annonces en paiement des trois contrats de publicité :
Considérant que la société Gipa doit payer le montant du solde restant dû concernant les trois contrats de publicité qu'elle a conclus, soit les sommes de 15 259,98 F (premier contrat), de 5 074,66 F (deuxième contrat) et 73 696,98 F (troisième contrat), le tout étant d'un montant de 94 661,59 F et ce avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 1989, les motifs du jugement déféré étant confirmés sur ce point ainsi que ceux qui l'ont conduit à réduire à la somme de 9 466 F le montant de la clause pénale ;
Considérant qu'il en résulte que la société Gipa sera déboutée de sa demande de restitution au titre de l'exécution provisoire ;
III- Sur les autres demandes :
Considérant que la société Office d'annonces qui succombe partiellement en ses prétentions ne saurait obtenir des dommages-intérêts pour appel abusif ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef ;
Considérant en dernier lieu, que l'équité ne commande pas d'allouer une somme en faveur de l'une ou l'autre partie ;
Par ces motifs, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Gipa à verser à la société Office d'annonces la somme de 94 661 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 1989 et celle de 9 466 F au titre de la clause pénale ; Y ajoutant : Déboute la société Gipa de sa demande de restitution des sommes versées par elle à la société Office d'annonces au titre de l'exécution provisoire ; Condamne la société Office d'annonces au titre de l'exécution provisoire ; Condamne la société Office d'annonces à verser à la société Gipa la somme de 100 000 F de dommages-intérêts pour inexécution fautive du contrat de publicité afférent à l'annuaire officiel des P et T de la Seine-Saint-Denis, édition 1987 ; Déboute la société Office d'annonces de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ; Déboute les partie de leurs demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Partage les dépens de première instance et d'appel par moitié ; dit qu'ils seront recouvrés dans cette proportion par les avoués de la cause conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.