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Décisions

Cass. crim., 22 décembre 1987, n° 86-92.463

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Berthiau

Rapporteur :

Mme Guirimand

Avocat général :

M. Rabut

Avocat :

SCP Waquet.

Grenoble, ch. corr., du 16 avr. 1986

16 avril 1986

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par B Gérard, contre un arrêt de la Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 16 avril 1986 qui, pour infractions à la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et pré-enseignes, l'a condamné à 12 amendes de 600 francs chacune ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 7 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, des articles 4 du Code pénal, 1er du décret du 6 septembre 1982, 29 de la loi du 29 décembre 1979, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné B à 12 amendes de 600 francs des chefs d'infractions au stationnement et à la circulation des véhicules publicitaires, et du chef d'utilisation de véhicules publicitaires dont la surface totale de publicité excède 16 m² ;

" alors que le décret du 6 septembre 1982, qui réglemente la publicité mobile, ne prévoit aucune sanction aux règles qu'il édicte ; que la cour ne pouvait appliquer les peines définies par l'article 29 de la loi du 29 décembre 1979 qui ne prévoit de sanction pénale correctionnelle que pour les infractions aux dispositions de ladite loi et non pour les infractions aux décrets pris pour son application ; que la peine prononcée est donc illégale " ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, 4 du Code pénal, 1er du décret du 6 septembre 1982, 14 de la loi du 29 décembre 1979, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné B à 12 amendes de 600 francs des chefs d'infraction au stationnement et à la circulation de véhicules publicitaires et du chef d'utilisation de tels véhicules dont la surface publicitaire totale excède 16 m2 ;

" aux motifs que les dispositions réglementaires n'excèdent pas les limites de l'habilitation accordée au gouvernement par l'article 14 de la loi ; qu'elles apportent certes des restrictions à la circulation et au stationnement des véhicules publicitaires mais ne comportent pas une interdiction absolue de circuler ni une interdiction aux publicitaires d'exercer leur commerce ;

" alors que l'article 14 de la loi du 29 décembre 1979, qui ne comporte aucune interdiction d'utiliser des véhicules comme support publicitaire, a seulement donné compétence au gouvernement pour réglementer l'affichage mobile, en le subordonnant à autorisation et en l'interdisant sous certaines conditions qu'il lui appartenait de préciser ; que l'article 1er du décret du 6 septembre 1982, qui édicte une réglementation tellement draconienne qu'elle revient à interdire de façon générale et absolue la circulation sur la voie publique de véhicules publicitaires et qui prévoit en son dernier alinéa que des dérogations pourront être accordées par l'autorité de police à cette interdiction, dans des conditions qui ne sont pas précisées, laissant ainsi la délivrance des autorisations à l'arbitraire de ladite autorité, excède les limites de l'habilitation législative résultant de l'article 14 de la loi du 29 décembre 1979, et rompt l'égalité des citoyens devant la loi ; qu'ainsi le décret du 6 septembre 1982, servant de base à la poursuite est manifestement illégal ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 14 du Code pénal, 1er du décret du 6 septembre 1982, 14 et 24 de la loi du 29 décembre 1979, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné B à 12 amendes de 600 francs des chefs d'infraction au stationnement et à la circulation de véhicules publicitaires et du chef d'utilisation de tels véhicules dont la surface publicitaire totale excède 16 m2 ;

" alors que le décret du 6 septembre 1982, en limitant à 16 m2 la surface totale de publicités apposées sur chaque véhicule, a créé une discrimination quant aux supports, les afficheurs fixes ne connaissant pas une telle restriction, qui n'est justifiée ni par un motif d'intérêt général, ni par une différence de situation des intéressés ; qu'ainsi, le décret servant de base à la poursuite est illégal ; et alors qu'en toutes hypothèses l'arrêt attaqué a omis de répondre à ce moyen développé dans les conclusions du prévenu " ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme sur la culpabilité que B, qui dirige la société anonyme M a été cité devant la juridiction répressive sur le fondement des dispositions des articles 14 et 29 de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes ainsi que de l'article 1er du décret du 6 septembre 1982 qui réglemente l'usage de véhicules terrestres utilisés ou équipés à des fins essentiellement publicitaires, pour avoir, au mois d'octobre 1983, fait circuler en convoi et à une vitesse anormalement réduite des véhicules ainsi équipés et présentant des surfaces totales de publicité excédant 16 m2, et également pour avoir, au mois de novembre de la même année, fait stationner ce même type de véhicules en des lieux où les publicités étaient visibles d'une voie ouverte à la circulation publique ;

Attendu que devant les juges du fond, le prévenu a excipé de l'illégalité du décret du 6 septembre 1982, en prétendant que ce texte qui déterminait les éléments du délit poursuivi était contraire aux dispositions de la Constitution du 4 octobre 1958, qui réserve au législateur l'incrimination des faits délictuels et leur sanction pénale ; que B a soutenu par ailleurs que ledit décret portait atteinte à la liberté de circuler et d'exercer le commerce et qu'il créait enfin une discrimination quant aux supports " fixes " ou " mobiles " de publicité, l'affichage " fixe " ne connaissant pas la restriction de surface de 16 mètres carrés imposée dans le cas de l'affichage " mobile " ;

Attendu que pour écarter cette argumentation, la cour d'appel a énoncé que le décret du 6 septembre 1982 avait été régulièrement pris, après avis du Conseil d'Etat, en application de l'article 14 de la loi du 29 décembre 1979 et qu'il n'appartenait pas à la juridiction pénale d'apprécier la constitutionnalité de la disposition législative ayant délégué au pouvoir réglementaire le soin de définir les limites et les conditions des publicités effectuées au moyen de véhicules utilisés ou équipés essentiellement à cet effet ; qu'elle a ajouté que dès lors que la loi donnait au gouvernement le pouvoir d'édicter des obligations dont la méconnaissance constituait un délit défini par elle et puni des peines qu'elle avait prévues, les décrets portant application de cette loi étaient valables tant qu'ils n'excédaient pas les limites de l'habilitation accordée ; qu'après avoir observé qu'en l'espèce, l'article 14 de la loi du 29 décembre 1979 disposait que la " publicité sur les véhicules terrestres, sur l'eau ou dans les airs peut être réglementée, subordonnée à autorisation ou interdite dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ", et après avoir exposé chacune des dispositions du décret du 6 septembre 1982, pris en application de cet article 14, ladite cour a constaté que le décret précité avait réglementé la publicité sur véhicules sans dépasser les limites de l'habilitation législative ni édicter, à l'égard des publicitaires, d'interdiction absolue de circuler, de stationner ou d'exercer leur commerce ; qu'elle a relevé enfin que les dispositions en cause avaient été prises en application de la loi du 29 décembre 1979 dont l'objet tendait à protéger le cadre de vie et à limiter les effets néfastes de procédés publicitaires nouveaux et particuliers ;

Attendu qu'en cet état, et alors que les griefs exposés dans le deuxième et le troisième moyens de cassation sont inopérants en ce qu'ils critiquent la teneur d'un texte ayant valeur législative et s'imposant aux juges, qui ne peuvent apprécier sa constitutionnalité, la cour d'appel, qui a estimé à juste titre qu'en l'espèce l'habilitation législative n'avait pas été dépassée, a justifié sa décision ; qu'il s'ensuit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 14 et 29 de la loi du 29 décembre 1979, 1er du décret du 6 septembre 1982, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné B à 12 amendes de 600 francs des chefs d'infraction à la circulation et au stationnement des véhicules publicitaires et du chef d'utilisation de tels véhicules dont la surface publicitaire totale excède 16 m² ;

" aux motifs, adoptés des premiers juges, que l'article 29 de la loi du 29 décembre 1979 prévoit non pas des éléments corrélatifs d'incrimination, à savoir l'apposition et le maintien de la publicité après mise en demeure mais des options alternatives, l'apposition d'une part, ou le fait d'avoir apposé, ou d'autre part, le maintien d'une publicité après mise en demeure ;

" alors qu'il résulte tant de l'article 29 que des articles 24 et suivants de la loi que l'infraction n'est légalement constituée et les poursuites ne peuvent être valablement engagées qu'après que son auteur eut été mis en demeure dans les conditions prévues par l'article 24 ; qu'en l'espèce, les infractions reprochées à B qui n'avaient fait l'objet d'aucune mise en demeure administrative, n'étaient pas constituées ;

Attendu que contrairement à ce que soutient le demandeur, il résulte des dispositions de l'article 29 de la loi du 29 décembre 1979 que les peines prévues par ce texte sont applicables soit à celui qui appose ou fait apposer, soit à celui qui maintient après mise en demeure des publicités, enseignes ou préenseignes dans des conditions irrégulières; que, dès lors, le grief proposé est sans objet et que le moyen ne saurait être accueilli;

Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation des articles 1er du décret du 6 septembre 1982, 14 et 29 de la loi du 29 décembre 1979, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné B du chef d'utilisation de véhicules publicitaires dont la surface totale de publicité excède 16 m2, et du chef d'infraction au stationnement et à la circulation desdits véhicules ;

" aux motifs que les procès-verbaux indiquent la dimension des panneaux publicitaires de chacun des véhicules, soit 2 panneaux de 3 mètres sur 4 mètres et un panneau de 3 mètres sur 2 mètres, ce qui fait bien une surface totale de plus de 16 m2 ; que les procès-verbaux indiquent clairement la nature de la publicité apposée sur ces panneaux ;

" alors qu'aux termes du décret du 6 septembre 1982, seule la surface totale de publicité apposée sur chaque véhicule ne peut excéder 16 m2 ; que dès lors l'arrêt attaqué qui se borne à relever la dimension des panneaux publicitaires, sans rechercher quelle était la surface de publicité y apposée n'a pas caractérisé l'élément matériel du délit ;

" et alors, d'autre part, que tout délit suppose pour sa réalisation un élément intentionnel ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué qui affirme que la matérialité des faits délictueux est établie, ne relève en revanche nulle part que le prévenu ait agi intentionnellement ;

- Attendu que pour dire la prévention établie, la cour d'appel a énoncé qu'il résultait des procès-verbaux établis par les services de police que des véhicules, spécialement aménagés par la société M pour servir de supports publicitaires, avaient stationné sur diverses voies publiques ou avaient circulé, à deux, en convoi et à une vitesse anormalement réduite ; qu'elle a énoncé encore que les procès-verbaux indiquaient la dimension totale des panneaux publicitaires de ces véhicules, d'une surface globale supérieure à 16 mètres carrés, et mentionnaient la nature des publicités y étant apposées ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et de ces constatations de fait qui s'imposent à la Cour de cassation, les juges du second degré ont justifié leur décision sans encourir les griefs allégués ; que d'une part, en effet, l'article 3 de la loi du 29 décembre 1979 dispose que constitue une publicité toute inscription, forme ou image destinée à informer le public ou à attirer son attention et que les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images sont assimilés à des publicités; que, d'autre part, les infractions prévues par le décret du 6 septembre 1982 sont punissables dès lors que, comme en l'espèce, leur auteur a volontairement commis les faits incriminés par ce texte, et qu'enfin, les juges ne sont nullement tenus de s'expliquer spécialement sur l'intention du prévenu; qu'ainsi le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.