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Décisions

Cass. crim., 8 février 1995, n° 92-82.148

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Galand

Avocat :

Me Le Prado

T. corr. Nanterre, du 5 févr. 1991

5 février 1991

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par B, la société M, civilement responsable, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 9e chambre, du 12 mars 1992, qui, pour infractions à la loi du 29 décembre 1979 et au décret du 6 septembre 1982, relatifs à la publicité, aux enseignes et préenseignes, a condamné le premier à 153 amendes de 300 francs et a déclaré la seconde, civilement responsable ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs et les observations additionnelles ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, 14 de la loi du 29 décembre 1979 relative aux publicités, enseignes et préenseignes, défaut de réponse à conclusion et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'illégalité du décret du 6 septembre 1982 pris en application de l'article 14 de la loi du 29 décembre 1979 ;

" aux motifs que l'alinéa en question, qui ne figurait pas à l'origine dans le projet de décret soumis à l'avis du Conseil d'Etat, a donné lieu à un amendement présenté le 18 février 1982 par le représentant du gouvernement devant l'assemblée générale de la haute juridiction, qui l'a examiné et écarté ; que le gouvernement, ayant régulièrement consulté le Conseil d'Etat sur cette disposition projetée, pouvait valablement la faire figurer dans le texte du décret qu'il a pris le 6 septembre 1982 ;

" alors que comme Gérard B l'a fait valoir dans ses conclusions, l'illégalité du décret du 6 septembre 1982 tient non à ce qu'un de ces alinéas n'a pas été soumis à l'avis obligatoire du Conseil d'Etat, mais à ce que sa rédaction définitive, telle qu'elle a été publiée au Journal officiel, diffère tant de celle du projet initial déposé par le gouvernement que de celle proposée par le Conseil d'Etat ; qu'ainsi la cour, outre qu'elle n'a pas répondu aux conclusions de l'appelant, a violé les textes susvisés en refusant de déclarer illégal l'alinéa 4 de l'article 1er du décret du 6 septembre 1982, base des poursuites ;

- Attendu que pour rejeter l'exception soulevée par le prévenu, prise de l'illégalité du décret en Conseil d'Etat du 6 septembre 1982, fondement de la poursuite, l'arrêt attaqué relève que les dispositions de l'article premier, 4e alinéa, de ce décret, tel qu'il a été publié au Journal officiel, sont celles du projet soumis à l'avis du Conseil d'Etat, après amendement présenté par le gouvernement ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans encourir le grief allégué ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 7 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, des articles 4 du Code pénal, 1er du décret du 6 septembre 1982, 29 de la loi du 29 décembre 1979 relative aux publicités, enseignes et préenseignes, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le demandeur à 153 amendes de 300 francs chacune des chefs d'infractions au stationnement et à la circulation de véhicules terrestres utilisés ou équipés aux fins essentiellement de servir de support à de la publicité, et du chef d'utilisation de véhicules publicitaires dont la surface totale excède 16 m2 ;

" alors que le décret du 6 septembre 1982 réglementant l'usage des véhicules utilisés à des fins essentiellement publicitaires, à supposer qu'il ne soit pas entaché d'illégalité, ne prévoit aucune sanction aux règles qu'il édicte ; que la Cour ne pouvait appliquer les peines définies par l'article 29 de la loi du 29 décembre 1979 qui ne prévoit de sanctions pénales correctionnelles que pour l'utilisation de procédés interdits par ladite loi de publicité terrestre, et non pour la méconnaissance des réglementations édictées par les décrets pris en application de cette loi ; que la peine prononcée est donc illégale ;

- Attendu que Gérard B, dirigeant de la société M, est poursuivi pour avoir utilisé des véhicules à des fins essentiellement publicitaires dans des conditions interdites par le décret du 6 septembre 1982 pris en application de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes ;

Attendu que pour rejeter les conclusions du prévenu qui soutenait que la violation des prescriptions de ce décret n'était pas pénalement punissable, la cour d'appel énonce qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 29 décembre 1979, la publicité sur les véhicules terrestres peut être réglementée, subordonnée à autorisation ou interdite, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat; qu'elle relève que l'article 29 de la même loi sanctionne celui qui aura apposé, fait apposer ou maintenu après mise en demeure une publicité, une enseigne ou une préenseigne, dans les lieux, sur des emplacements ou selon des procédés interdits, notamment en application de l'article 14; que la cour d'appel en déduit que la violation des interdictions édictées par le décret du 6 septembre 1982 réglementant l'usage des véhicules à des fins essentiellement publicitaires est réprimée par les pénalités prévues à l'article 29;

Attendu qu'en cet état les juges ont fait l'exacte application de la loi; que le moyen ne saurait, dès lors, être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 4 du Code pénal, des articles 14 et 29 de la loi du 29 septembre 1979 relative aux publicités, enseignes et préenseignes, de l'article 1er du décret du 6 septembre 1982 réglementant l'usage des véhicules à des fins essentiellement publicitaires, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défauts et contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué déclarant le prévenu coupable d'avoir fait circuler en convoi, au moins 2 véhicules terrestres utilisés ou équipés aux fins de servir de support à de la publicité, dont la surface totale de publicité apposée excédait 16 m2, et à vitesse anormalement réduite dans des zones interdites, a retenu à son encontre l'existence de 153 infractions ;

" aux motifs, d'une part, que ne fait l'objet d'aucune contestation sérieuse la matérialité de la circulation de certains véhicules en convoi de 2 ou 3 ou même sans précision de nombre, le terme de convois impliquant la pluralité ; que les constatations des agents verbalisateurs sont à cet égard précises ; "alors qu'un véhicule ne peut être considéré comme circulant en convoi au sens du décret du 6 septembre 1982 qu'à la condition qu'il soit établi qu'il suivait volontairement le même itinéraire qu'un ou plusieurs autres véhicules ; que le prévenu a expressément contesté par voie de conclusions que les procès-verbaux aient été de nature à établir qu'il y ait eu circulation en convoi bien que le nombre de véhicules n'était, selon ses propres énonciations, pas mentionné dans les procès-verbaux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité ;

" aux motifs, d'autre part, que l'appréciation du caractère anormalement réduit de la vitesse d'un véhicule doit être laissée à la prudence des agents verbalisateurs et qu'il convient donc de tenir pour matériellement établies, contrairement à ce qu'ont fait les premiers juges, les réductions anormales de vitesse constatées en ces seuls termes dans les procès-verbaux ; " alors que la constatation du caractère anormalement réduit de la vitesse, si elle relève de la prudence des agents verbalisateurs, doit être caractérisée par des éléments de fait permettant au juge de l'apprécier au regard des conditions générales de circulation des véhicules ; que les procès-verbaux de police ne comportant, selon les propres énonciations de l'arrêt attaqué, aucune précision sur la vitesse des véhicules en cause ni sur la fluidité de la circulation, la cour, en retenant l'infraction de circulation à vitesse anormalement réduite, n'a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité ;

" et aux motifs, enfin, que conformément aux dispositions des articles 7 et 13 de la loi du 29 décembre 1979, il a été dérogé, pour la ville de Paris, par arrêté municipal du 7 juillet 1986, aux règles d'interdiction de la publicité résultant de l'inscription des sites, par création de zones de publicité restreinte, de zones de publicité soumise au régime général et de zones de publicité élargie ; que le plan de zonage résultant de cette réglementation municipale avait été modifié, à la date de la première infraction relevée contre le prévenu, le 20 mai 1989, par les arrêtés municipaux des 1er février et 3 novembre 1988 ; que figurent seulement au dossier le plan détaillé de zonage des quatre premiers arrondissements de Paris et une carte générale de Paris sur laquelle les sites classés et les sites interdits de publicité sont signalés en couleurs ; que les indications de localisation des infractions contenues dans les procès-verbaux des agents verbalisateurs sont suffisantes pour permettre à la juridiction de jugement d'exercer son contrôle de matérialité pour ce qui concerne les quatre premiers arrondissements de Paris ; que ces indications par contre s'avèrent parfois insuffisantes pour que ce contrôle puisse être exercé au sujet des infractions de cet ordre relevées dans les autres arrondissements, que c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté les constatations non probantes qui correspondent à 22 infractions ;

" alors que la cour ne pouvait sans contradiction reconnaître que la réglementation de la publicité dans la ville de Paris avait été modifiée entre la date de la première et la dernière infraction et qu'elle ne disposait que d'un plan détaillé de zonage pour les seuls quatre premiers arrondissements et confirmer la décision des premiers juges ayant notamment retenu des infractions commises dans le 16e arrondissement (affaires nos 361-00102, 361-0012, 2829-00278) ou dans le 15e arrondissement (affaire n° 361-00148), qu'elle ne pouvait davantage reprocher à B la circulation de véhicule à proximité de monuments historiques sans en préciser la distance (affaire n° 185-00232) ; qu'en définitive, on ignore tout de la nature des 153 infractions retenues à l'encontre du demandeur et que la Chambre criminelle est dans l'impossibilité d'exercer son contrôle de légalité ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la cour de cassation en mesure de s'assurer que les juges du second degré, qui n'avaient pas à répondre mieux qu'ils l'ont fait aux conclusions dont ils étaient saisis, ont exposé sans insuffisance ni contradiction les motifs dont ils ont déduit que les infractions reprochées au prévenu étaient caractérisées en tous leurs éléments ; que le moyen, qui revient à remettre en question les faits et circonstances de la cause souverainement appréciés par les juges du fond après débats contradictoires, ne sauraient être admis ;

Et sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 et 34 de la loi du 29 décembre 1979, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le demandeur à 153 amendes de 300 francs chacune ;

" aux motifs que " le calcul du nombre de publicités en infraction, qui détermine le nombre des amendes, doit prendre en compte, pour chaque véhicule minéralogiquement identifié et dont la situation irrégulière est constatée en un jour et lieu déterminés, le nombre (4, 3 ou 2 selon les cas) de toutes les violations aux interdictions édictées " ;

" alors que l'article 29 de la loi du 29 décembre 1979 dispose que l'amende sera appliquée autant de fois qu'il y aura de publicités en infraction ; que la loi précitée définit la publicité comme l'inscription, forme ou image destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions étant assimilées à des publicités ; que plusieurs amendes ne peuvent donc être infligées pour la circulation d'un seul véhicule en infraction avec les dispositions de la loi du 29 décembre 1979 et du décret du 6 septembre 1982 ;

Attendu que pour condamner le prévenu à 153 amendes, l'arrêt attaqué énonce que le calcul du nombre des amendes doit prendre en compte, pour chaque véhicule servant à l'affichage publicitaire, toutes les violations des interdictions édictées;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi; qu'en effet, aux termes de l'article 29, dernier alinéa, de la loi du 29 décembre 1979, l'amende sera appliquée autant de fois qu'il y aura de publicités, d'enseignes ou de préenseignes en infraction; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.