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Décisions

CA Paris, 25e ch. B, 25 octobre 1991, n° 8844-89

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Belier (SA)

Défendeur :

Groupement d'intérêt Économique de l'Association Française d'Épargne et de Retraite

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Feuillard

Conseillers :

Mme Pinot, M. Perie

Avoués :

SCP Garrabos Alizard, SCP Jobin

Avocats :

Mes Dely, Bendahou.

T. com. Paris, 17e ch., du 23 nov. 1988

23 novembre 1988

LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société Agence Ulysse, ci-après l'Agence, d'un jugement du Tribunal de commerce de Paris (17e chambre), assorti de l'exécution provisoire, intervenu le 23 novembre 1988 dans le litige qui l'oppose au Groupement d'intérêt Économique de l'Association Française d'Épargne et de Retraite, ci-après le GIE AFER, qui a dit le contrat liant les parties résilié aux torts de l'Agence et condamné celle-ci à payer au GIE AFER 365 000 F de dommages-intérêts et 10 000 F par application de l'article 700 du NCPC et aux dépens.

Il est fait référence pour la relation des faits à l'exposé des premiers juges.

Il suffit de rappeler que le GIE AFER a confié à l'Agence à la suite d'une procédure de sélection, par courrier du 25 septembre 1987, une campagne de publicité télévisée pour ses produits d'épargne. Un texte et un numéro d'appel téléphonique relié à une chaîne de répondeurs apparaissaient sur l'écran de telle sorte que les téléspectateurs intéressés pouvaient laisser leurs références pour être ensuite personnellement contactés. En raison à la défaillance de la batterie de répondeurs nécessaire à la réussite de l'opération, la campagne s'est avérée désastreuse. C'est ainsi que le GIE AFER a engagé la présente instance, sollicitant des dommages-intérêts et la restitution des sommes versées.

Le tribunal, pour faire droit en partie à ses demandes, a essentiellement retenu que l'Agence apparaissait comme entièrement responsable du mauvais fonctionnement des répondeurs, lequel était à l'origine de l'échec de l'opération.

Appelante, l'Agence Ulysse, puis la société Belier qui, après absorption, reprend l'instance en ses lieu et place, comme telle appelante, font valoir qu'en prononçant la résolution du contrat le tribunal se serait contredit puisqu'il avait par ailleurs relevé que le choix des moyens avait été pleinement accepté par le GIE AFER ; qu'en outre, en ordonnant la restitution des sommes versées, même à titre de dommages-intérêts, il avait donné à la résiliation qu'il prononçait les effets d'une résolution ; qu'en tout cas l'Agence n'était tenue qu'à une obligation de moyens qu'elle a parfaitement remplie eu égard aux 20 000 appels reçus et aux 1200 adresses collectées.

Elle prie la cour de réformer le jugement et de condamner le GIE AFER à lui payer le solde de sa campagne publicitaire, soit 1 944 773,27 F, 300 000 F de dommages-intérêts pour résistance abusive et rupture abusive du contrat et 75 000 F par application de l'article 700 du NCPC.

Intimé, le GIE AFER soutient que la convention serait nulle pour erreur sur une qualité substantielle de la chose objet du contrat en raison d'une inadéquation de la campagne proposée par rapport au but recherché ; qu'il y a lieu, subsidiairement, à sa résolution, l'Agence ayant commis des fautes graves dans le choix du support publicitaire et dans l'exécution même de l'option " créatrice ", durée et environnement des films publicitaires, et étant également responsable de la défaillance, dont elle fait l'aveu dans ses écritures de première instance, de la chaîne de répondeurs, pièce maîtresse de l'opération.

Il demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution des relations contractuelles aux torts de l'Agence, de le réformer pour le surplus, de condamner la société Belier à lui rembourser le montant des factures réglées, soit 265 112,50 F avec intérêts de droit, 500 000 F de dommages-intérêts et 10 000 F par application de l'article 700 du NCPC, et de dire sans objet les factures émises par l'agence pour un montant de 1 944 773,27 F ainsi que toute autre facture résultant du contrat litigieux.

Sur ce, LA COUR,

Considérant, certes, que s'agissant du contenu du message publicitaire, de sa présentation (durée du film), du choix des chaînes, de l'environnement des émissions, l'Agence n'était tenue qu'à une obligation de moyens ;

Qu'il n'est nullement démontré qu'elle y ait manqué et, notamment, qu'elle ait failli à son obligation de conseil en ne mettant pas en mesure le GIE AFER d'apprécier des choix qu'il lui appartenait, en définitive, d'approuver ou non, la seule circonstance que les résultats attendus n'aient pas été atteints, même de très loin, étant insuffisante pour justifier la résolution du contrat et, a fortiori, sa nullité.

Mais considérant que, une fois ces choix arrêtés, l'Agence se trouvait tenue d'une obligation de résultat s'agissant de l'exécution matérielle de la campagne ;

Qu'elle y a gravement manqué en ne s'assurant pas que la batterie de répondeurs téléphoniques mise en place, dont elle ne conteste pas avoir été responsable à l'égard du GIE AFER, fonctionnait correctement ;

Qu'il est, en effet, constant que du bon fonctionnement de ces répondeurs dépendait le succès matériel de l'opération qui tendait principalement à une première prise de contact avec les clients potentiels ;

Qu'il n'est pas, par ailleurs, sérieusement discuté que la chaîne des répondeurs n'a pas assuré sa fonction, ce qui résulte d'ailleurs suffisamment du procès-verbal d'huissier de justice du 3 novembre 1987 versé aux débats qui révèle que le message délivré était confus et, surtout, que la coupure de la communication intervenait trop rapidement sans que l'interlocuteur ait été mis en mesure de se présenter ;

Qu'ainsi, la campagne publicitaire s'est trouvée, dans son ensemble, privée de toute efficacité ;

Considérant, par suite,qu'il convient de prononcer la résolution de la convention aux torts de l'Agenceet de réformer la décision déférée en ce qu'elle a prononcé sa " résiliation ", étant observé que le GIE AFER, qui poursuit bien la résolution puisqu'il sollicite notamment le remboursement des sommes versées, demande par erreur, dans le dispositif de ses écritures, la confirmation du jugement pour avoir prononcé la " résolution " ;

Qu'il s'ensuit que l'Agence sera condamnée au remboursement de la somme de 265 112,50 F, montant des factures payées par le GIE AFER, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 1er mars 1988 ;

Qu'à l'évidence, les autres factures émises deviennent sans objet et l'Agence doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 1 944 773,27 F, ainsi que, compte tenu des motifs qui précèdent, de sa demande de dommages-intérêts ;

Considérant que le GIE AFER est également bien fondé à demander des dommages-intérêts pour compenser la perte des gains qu'il pouvait attendre de cette campagne ;

Qu'il réclame, par référence au bénéfice de 396 483 F réalisé lors d'une campagne de presse effectuée en 1987 pour un budget d'environ 2 000 00 F, une indemnité de 500 000 F ;

Que, toutefois, pour tenir compte des aléas inhérents à toute campagne publicitaire dont les résultats sont nécessairement variables et jamais garantis, il y a lieu de fixer à 150 000 F la somme qui lui sera allouée de ce chef ;

Considérant, enfin, que l'équité commande de lui accorder, en cause d'appel, à hauteur de 8 000 F, le bénéfice des dispositions de l'article 700 du NCPC qui, en revanche, sera refusé à l'Agence qui succombe ;

Par ces motifs : Reçoit la société Belier dans son intervention et lui donne acte de ce qu'elle reprend l'instance aux lieu et place de la société Agence Ulysse ; Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Paris (17e chambre) du 23 novembre 1988 sur le principe des dommages-intérêts accordés au GIE AFER, sur l'application de l'article 700 du NCPC et sur les dépens ; L'infirme pour le surplus, Statuant à nouveau : Prononce la résolution de la convention aux torts de la société Belier venant aux droits de la société Agence Ulysse ; Condamne la société Belier à payer au GIE AFER : - 265 112,50 F avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 1988, - 150 000 F de dommages-intérêts, - 8 000 F par application de l'article 700 du NCPC ; Rejette toute demande autre, plus ample ou contraire des parties ; Condamne la société Belier aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP Trotry-Jobin, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.