Livv
Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 29 septembre 1995, n° 94-10576

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Didier (ès qual.), Publi Dynamic Group (Sté)

Défendeur :

L'Univers du Cuir France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leclercq

Conseillers :

MM. Bouche, Lefèvre

Avoués :

SCP Varin Petit, SCP d'Auriac Guizard

Avocats :

Mes Greffe, Chabrux.

T. com. Paris, 16e ch., du 14 mars 1994

14 mars 1994

Faits et procédure :

La société Publi Dynamic Group PDG, agence de publicité, a reçu pour ses prestations de la société L'Univers du cuir France UCF sa cliente des honoraires de 237 880 F en 1990, de 680 700 F en 1991 et de 127 335 F en 1992. Ces relations contractuelles ont pris fin en septembre 1992, une agence de publicité ayant été choisie par la société UCF.

La société PDG a assigné la société UCF en paiement d'une indemnité de rupture de 246 000 F et de 100 000 F de dommages-intérêts en réparation d'actes de contrefaçon. La société PDG a été déclarée en redressement judiciaire le 22 décembre 1992 puis en liquidation judiciaire le 22 juin 1993. Maître Isabelle Didier, mandataire liquidateur, a poursuivi la procédure.

Par jugement du 14 mars 1994, le Tribunal de commerce de Paris a débouté la société PDG de toutes ses demandes et la société UCF de sa demande de dommages et intérêts et a condamné la société PDG à payer à la société UCF 4 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Maître Didier a fait appel par acte du 27 avril 1994.

Demandes et moyens des parties :

Par conclusions signifiées les 29 juillet 1994 et 12 mai 1995, Maître Didier demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire que la société UCF a commis une faute en mettant fin brutalement à ses relations avec l'agence PDG et lui doit une indemnité sur la base d'une obligation d'un préavis de six mois, de condamner l'intimée à lui payer 246 000 F hors taxes avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 29 septembre 1992, de dire que la société UCF s'est livrée à des actes de contrefaçon et de la condamner à lui payer 100 000 F de dommages et intérêts ainsi que 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle conteste l'existence du " désengagement progressif " de la société UCF retenu par les premiers juges et prétend que la diminution en 1992 du montant des honoraires perçus par la société PDG doit être imputée à une réduction proportionnelle du budget publicitaire de la société UCF.

Elle soutient que les usages et une jurisprudence constante depuis 1970 assurent aux agences de publicité le droit à un préavis de rupture de six mois et précise que les 246 000 F demandés correspondent à la moitié des honoraires et commissions perçus du 1er septembre 1991 au 31 août 1992. Elle ajoute que la " filiale " belge de la société UCF a copié sensiblement le modèle de dépliant qu'elle avait présenté le 25 mai 1992 à la société UCF et que celle-ci ne pouvait transmettre la maquette de ce dépliant publicitaire à sa " filiale " belge sans qu'aucune convention de cession soit conclue.

Par conclusions signifiées les 19 octobre et 26 mai 1995, la société UCF demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter Maître Didier de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer 20 000 F de dommages et intérêts et 15 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle soutient que dès la fin de 1991 la société PDG avait été informée de ce que sa société mère avait décidé de confier la publicité du groupe Univers du cuir à une agence internationale ; que les honoraires de la société PDG ont été réduits d'un commun accord pendant la période transitoire et qu'aucun préavis ne devait être observé, l'agence n'étant intervenue que sur missions ponctuelles au coup par coup sans être investie d'une mission générale.

Elle précise qu'un préavis a bien été donné à compter du 1er février 1992 et conteste subsidiairement le calcul de l'indemnité réclamée en ce qu'il inclurait 94 162 F de frais techniques.

Elle soutient enfin que la publicité de la filiale belge ne peut justifier une demande d'indemnisation de la société PDG dès lors que cette publicité critiquée a été réalisée par une société belge qui n'est pas en cause, qu'elle-même n'est pas intervenue dans sa conception et sa diffusion, que la technique du grattage avec révélateur utilisée depuis de nombreuses années par d'autres annonceurs n'a rien d'original et qu'aucun préjudice n'est prouvé ;

Sur quoi, LA COUR,

Sur l'indemnité de résiliation :

Considérant qu'aucun contrat écrit n'a été établi ; qu'aucun échange de courrier pouvant en tenir lieu n'est produit ; qu'il résulte cependant des documents versés aux débats et notamment de tableaux fournis par les deux parties dont l'un porte les mentions " honoraires campagne nationale " et " suivi global " que des honoraires forfaitaires mensuels ont été versés en 1991 et 1992 ;

Que la société UCF prétend que les rémunérations forfaitaires mensuelles versées en 1992 ne correspondaient à aucune prestation précise ; que des prestations ponctuelles ont été rémunérées à part, notamment pour des " opérations Kit " ; qu'un tableau récapitulatif des honoraires du1er septembre 1991 au 30 août 1992 établi par la société PDG mais dont les chiffres ne sont pas contestés, distingue les honoraires " mensuels " des honoraires " ponctuels " ;

Considérant qu'il résulte des ces éléments que la société PDG avait reçu une mission générale et qu'elle n'est pas intervenue seulement pour fournir des prestations ponctuelles, qu'il convenait que la société PDG bénéficie d'un préavis raisonnable tenant compte de la durée de mise au point des prestations publicitaires et conforme aux usages de la profession ;

Mais considérant que la notification de la rupture, point de départ du délai de préavis, pouvait être aussi informelle que le contrat lui-même ; que son existence peut se déduire de simples circonstances de fait ;

Que dans une lettre du 9 octobre 1992, faisant suite à un précédent échange de courrier, la société UCF écrivait à la société PDG " vous aviez été avertis qu'il serait procédé au chois d'une agence internationale dès le début d'année 1992 ... c'est la raison pour laquelle nous vous avons demandé de ne plus porter en comptes que des honoraires mensuels de gestion afin de couvrir les frais qui pourraient être engagés par vos soins pendant la période transitoire... " ; que cette lettre n'a pas reçu de démenti ; que la diminution considérable du montant des honoraires mensuels forfaitaires qui sont passés de 58 700 F en 1991 à 10 500 F à partir de janvier 1992, ne s'explique que par un changement de stratégie publicitaire que la société PDG n'a pu ignorer et contre laquelle elle ne semble pas avoir protesté ;

Qu'il est ainsi établi que la société PDG avait été informée dès janvier 1992 que la fin des relations contractuelles litigieuses était proche ;qu'elles ont encore duré huit mois et demi, jusqu'au 11 septembre 1992, date à laquelle a été révélé à la société PDG le nom de l'agence qui lui succédait ; qu'il n'est pas contesté que le forfait mensuel de 10 500 F convenu pour " frais de gestion " correspondant aux huit premiers mois de l'année 1992 a été versé ;qu'il n'apparaît pas que ces paiements aient eu une contrepartie matérielle effective ;que Maître Didier ne justifie d'aucune prestation correspondante ;qu'il s'en suit que le préavis dû a été en fait respecté ;

Considérant que Maître Didier ne saurait prétendre que la rupture incriminée a été brutale ;que la rémunération qui a été versée en 1992 sans contrepartie peut au surplus constituer l'indemnité d'un montant parfaitement raisonnable à laquelle la société PDG était en droit de prétendre compte tenu de la brièveté des relations contractuelles qui n'ont débuté qu'en juin 1990, selon la première facture dont copie est versée aux débats ;

Considérant que la demande d'indemnité de rupture n'est pas fondée ;

Sur la contrefaçon :

Considérant que Maître Didier verse aux débats deux dépliants, l'un en trois volets réalisé par la société PDG et qualifié ci-après d'original, l'autre en deux volets réalisé par la société belge du groupe Univers du cuir et prétendument contrefaisant ; que les formats de ces dépliants sont proches, mais non identiques ; que la présentation en 10 points du " nouvel univers " offert, n'est pas reproduit dans le dépliant critiqué ; que les seuls points communs sont l'utilisation de la formule " un nouvel univers s'offre à vous ", peu originale du fait que le mot " univers " figure dans la marque concernée et l'offre de cadeaux dévoilés par grattage, procédé ordinaire de publicité dépourvu de réelle originalité ;

Que deux éléments d'une maquette de quatre pages également sont repris sur une des pages du dépliant incriminé, d'autre part l'utilisation du terme " vapo magique " pour désigner l'instrument dont le grattage révèlera la nature du cadeau acquis (un vaporisateur dans la maquette, un stylo dans le dépliant critiqué) et d'autre part la présentation de deux " cadeaux " dans deux cases liées par le signe + ;

Que deux modèles de dépliants cependant ont été payés par la société UCF selon une facture du 25 mai 1992 à laquelle se réfère Maître Didier ; qu'en face du poste " création " figurent seulement les initiales " PM " signifiant pour mémoire dont la présence constitue une présomption d'absence de suite ;

Qu'il n'est pas contesté par ailleurs que le dépliant incriminé a été édité et utilisé en Belgique ; qu'il comporte un plan indiquant l'emplacement d'un magasin situé dans une ville de la banlieue de Bruxelles, Rhode St Genèse ; qu'y figure la mention " Ed. resp. L'univers du cuir. Chaussée de Waterloo 39 1640 Rhode St Genèse " ; que le responsable de l'édition de la brochure est ainsi clairement désigné ; qu'il n'est pas établi que la société UCF dont Maître Didier ne justifie pas qu'elle contrôle le capital de la société belge éditrice, soit intervenue en quoi que ce soit dans la réalisation et l'utilisation de ce dépliant ;

Que la société UCF déclare sans être sérieusement contredite qu'elle n'a aucun lien juridique ou commercial avec la société belge et que la maquette qu'elle n'a pas retenue pour ses franchisés français en raison de son absence de caractère novateur, lui a été présentée par la société PDG lors d'une réunion internationale de l'ensemble des franchisés de l'enseigne ; que des franchisés belges et leur franchiseur ont pu en avoir connaissance sans l'intervention de l'intimée ; qu'il s'ensuit que la demande de dommages et intérêts pour contrefaçon n'est pas fondée ;

Sur les demandes de l'intimée :

Considérant qu'il n'est pas établi que la procédure soit abusive ; qu'en revanche il est équitable d'accorder à la société UCF la somme de 10 000 F au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Condamne Maître Isabelle Didier ès qualité de liquidateur de la société PDG à payer à la société Univers du cuir France la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs demandes contraires ou complémentaires, Condamne Maître Isabelle Didier ès qualité aux dépens d'appel, Admet la société civile professionnelle d'Auriac Guizard, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.