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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 29 septembre 1995, n° 93-8320

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pierrel (ès qual.), Marie et Associés (Sté)

Défendeur :

Biscuits Saint-Michel Grellier (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guerrini

Conseillers :

M. Ancel, Mme Régniez

Avoués :

SCP Varin Petit, SCP Teytaud

Avocats :

Me Lagarde, Cabinet Greffe.

T. com. Paris, 7e ch., du 2 mars 1993

2 mars 1993

Appel a été interjeté par Maître Pierrel ès qualité de mandataire liquidateur de la société Marie et Associés, société en liquidation judiciaire, d'une décision rendue par le Tribunal de commerce de Paris le 2 mars 1993 par laquelle il a été débouté de toutes ses demandes formées à l'encontre de la société Biscuits Saint-Michel Grellier (ci-après Saint-Michel) et condamné au paiement de la somme de 40 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Les circonstances de fait ont été exactement rapportées par les premiers juges ; il convient donc de s'y référer et de rappeler seulement que Saint-Michel, annonceur, avait confié des campagnes publicitaires à des sociétés animées par M. d'Arjuzon, sociétés absorbées par Marie ; que, par lettre du 28 novembre 1990, Saint-Michel a avisé Marie qu'elle était mise en concurrence avec d'autres sociétés et que " la présente a pour but de fixer le point de départ du préavis de rupture au 1er décembre 1990 selon les usages professionnels " ; que par lettre du 8 avril 1991, l'annonceur écrivait qu'elle n'était pas retenue pour la campagne " Galettes Saint-Michel " et que " sur un plan pratique, conformément à notre lettre du 28 novembre 1990, notre collaboration doit cesser le 31 mai 1991 " ;

Reprenant ses moyens développés en première instance, l'appelant sollicite l'infirmation de la décision en toutes ses dispositions, soutenant que la lettre du 28 novembre 1990 est ambiguë et ne peut valoir comme lettre de rupture avec préavis de six mois prévu par les usages professionnels, que la période supposée de préavis a été vidée de toute sa substance, le budget publicitaire ayant été réduit dans des proportions très importantes ; il demande, en conséquence, de constater que Saint-Michel n'a pas régulièrement notifié de rupture du contrat de publicité qui la liait à Marie, de constater que Saint-Michel a vidé le prétendu préavis de rupture de sa substance, de la condamner à payer la somme de 580 802 F et celle de 100 000 F à titre de dommages-intérêts, cette brusque rupture ayant entraîné la cessation des paiements ainsi que paiement de 40 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Saint-Michel demande la confirmation de la décision, y ajoutant, elle sollicite de dire l'appel abusif et de condamner Maître Pierrel, ès qualité, au paiement de la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 40 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; elle demande encore de lui donner acte de son changement de forme sociale de SARL en SA à directoire ;

Sur ce, LA COUR, qui pour un plus ample exposé se réfère à la décision attaquée et aux écritures d'appel,

Sur la rupture sans préavis :

Considérant que par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont relevé que la lettre du 28 novembre 1990 ne comportait aucune ambiguïté ; qu'en effet d'une part, par cette lettre, Saint-Michel informait l'agence de publicité qu'elle était mise en compétition avec d'autres sociétés et d'autre part, lui notifiait le point de départ de la période de préavis de six mois ; qu'il ne peut être fait grief à Saint-Michel de ne pas avoir notifié par une lettre distincte la rupture des relations contractuelles, ni d'avoir employé les termes : " par la présente, je mets fin à nos relations contractuelles avec période de préavis de six mois " dès lors que les termes employés signifiaient clairement que Saint-Michel rompait les relations puisqu'une période de préavis était visée ; qu'il s'ensuit que la décision sera confirmée en ce que la demande pour brusque rupture a été rejetée ;

Sur l'exécution de bonne foi de la campagne publicitaire durant la période de préavis :

Considérant que l'appelant reproche à l'annonceur d'avoir, au cours de cette période de préavis réduit le travail confié pour en fait le reporter sur la nouvelle agence publicitaire choisie et d'avoir ainsi détourné la période de préavis de sa finalité ;

Considérant que, durant la période de préavis, chacune des parties a toute liberté pour rechercher soit un annonceur soit une agence de publicité avec laquelle il pourra librement traiter après fin du préavis ;que ces recherches réciproques, ne constituent pas une faute contractuelle dans la mesure du moins où les parties continuent d'exécuter loyalement leurs obligations et ne se contentent pas seulement de respecter la forme du préavis pour éviter le versement de l'indemnité de préavis calculée sur le chiffre d'affaires de l'année de la rupture ;

Considérant qu'en l'espèce, il ne peut être tiré argument de la seule baisse du chiffre d'affaires du programme publicitaire au cours du 1er semestre 1991 pour en déduire que la période de préavis a été privée de toute substance ;qu'en effet, tous les ordres publicitaires passés pour l'annonceur durant cette période l'ont été par l'intermédiaire de Marie ;qu'il n'est pas établi que la baisse de ce budget ait été une volonté délibérée de l'annonceur pour éviter de travailler avec l'ancienne agence ;qu'il s'ensuit qu'à défaut de prouver un comportement fautif durant la période de préavis, l'appelant sera débouté de sa demande et la décision des premiers juges confirmée ;

Considérant qu'il ne sera pas fait droit à l'appel incident pour procédure abusive dès lors que l'appelant a pu se méprendre de bonne foi sur la portée de ses droits ;

Considérant que l'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens engagés dans cette instance (première instance et appel confondus) ;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, statuant dans la limite de l'appel, Confirme la décision en toutes ses dispositions excepté sur la condamnation au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Statuant de nouveau de ce chef, Dit n'y avoir lieu d'allouer d'indemnité de ce chef tant en première instance qu'en appel, Rejette toutes autres demandes, Condamne l'appelant aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP Teytaud, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.