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Décisions

CA Paris, 14e ch. B, 6 octobre 1995, n° 95-12665

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Radio Télé Canigou (Sté)

Défendeur :

ODA (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cottin

Conseiller :

Mme Desolneux

Avoués :

SCP Bernabé Ricard, Me Huyghe

Avocats :

SCPA Portejoie Bernard François, Me Meyer.

T. com. Paris, prés., ord. réf., du 13 m…

13 mars 1995

LA COUR est saisie selon la procédure à jour fixe de l'appel interjeté par la société d'Exploitation Radio Télé Canigou (société RTC) d'une ordonnance de référé rendue le 15 mars 1995 par le Président du Tribunal de commerce de Paris qui, après s'être déclaré compétent, l'a condamnée à titre de provision, la somme de 13 724,39 F avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 1994, date de la mise en demeure et la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société RTC, qui souhaitait insérer des publicités dans les annuaires de France Télécom, s'est adressée à l'Agence Arc-en-ciel Diffusion afin de prendre contact avec la société ODA, régisseur de la publicité dans ces annuaires.

Le 7 juillet 1993, elle signait avec l'Agence Arc-en-ciel Diffusion un contrat aux termes duquel elle donnait mandat à cette agence, conformément aux articles 1884 et suivants du Code civil et à la loi du 29 janvier 1993 (loi Sapin), pour souscrire, en accord avec l'annonceur qui reste seul maître de son budget, ses ordres d'insertion relatifs aux espaces publicitaires dans les annuaires officiels de France Télécom auprès du régisseur exclusif ODA.

Ce contrat prévoyait que l'annonceur réglerait l'achat d'espace à l'agence, celle-ci devant, après vérification, régler avec célérité requise toutes les factures correspondant aux annonces publicitaires pour lesquelles l'annonceur aura donné son accord et accepté le bon à tirer.

La société RTC a versé à l'Agence Arc-en-Ciel Diffusion le montant des annonces publicitaires publiées à sa demande dans les annuaires de France Télécom ; toutefois l'Agence Arc-en-Ciel Diffusion, mise en liquidation judiciaire le 23 novembre 1994, n'a pas réglé à la société ODA le coût des insertions.

La société RTC s'opposant à la demande de la société ODA de régler la somme de 13 724,39 F au motif qu'elle avait déjà payé cette somme à l'Agence Arc-en-Ciel Diffusion, la société ODA a saisi le juges des référés.

C'est dans ces conditions que l'ordonnance entreprise a été rendue.

A l'appui de son appel tendant à voir confirmer l'ordonnance en date du 15 mars 1995 et voir la société ODA condamner à lui payer une somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la société RTC soutient liminairement que le Tribunal de commerce de Paris était incompétent pour connaître de la demande, celle-ci ne pouvant qu'être présentée devant le Tribunal de commerce de Nîmes, territorialement compétent ; que la clause attributive de compétence au profit de la juridiction parisienne qui figure au recto de l'ordre d'insertion signé par l'Agence Arc-en-Ciel Diffusion en exécution du mandat ne peut lui être opposable.

La société RTC soutient par ailleurs qu'un contrat d'agence peut être divisé en plusieurs contrats dont chaque élément est soumis à des règles différentes qui régissent les relations entre l'agence de publicité et l'annonceur ou celles de la même agence avec le vendeur du support publicitaire ; qu'ainsi, on peut dire qu'en traitant le marché sous son nom et sous sa responsabilité, l'Agence Arc-en-Ciel Diffusion a eu une activité de commissionnaire ; que dans ces conditions l'annonceur peut valablement payer entre les mains du commissionnaire les sommes dues au vendeur du support publicitaire ; que la loi Sapin n'a en rien modifié les règles antérieurement appliquées ; que, d'autre part, tout se passait pour la société RTC comme si l'Agence Arc-en-Ciel Diffusion était le mandataire de la société ODA ; qu'il y avait donc mandat apparent ; qu'enfin, l'application des dispositions de l'article 1240 du Code civil, les paiements sont considérés comme libératoires quand le véritable créancier n'a pas protesté contre ces versements ou n'a pas avisé les débiteurs d'avoir désormais à payer eux-mêmes ; que la société ODA n'a protesté que très tardivement, puisque ce n'est que le 26 novembre 1994 (en fait 25 novembre 1994) qu'elle a mis en demeure la société RTC de régler le montant des sommes facturées alors que l'ordre d'insertion datait du 3 décembre 1993 ;

La société RTC affirme qu'il est ainsi constant que des contestations sérieuses s'opposent à ce que le juge des référés puisse être compétent et ce, d'autant plus que l'ensemble des annonceurs a déposé une plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d'instruction de Nîmes pour abus de confiance.

La société ODA conclut à la confirmation de l'ordonnance de référé en date du 15 mars 1995 et à la condamnation de la société RTC à lui payer une somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle soutient essentiellement que la clause donnant compétence au Tribunal de commerce de Paris souscrite par l'Agence Arc-en-Ciel Diffusion engageait son mandant ; que, par ailleurs, les dispositions de la loi Sapin font que l'intermédiaire ne peut être que mandataire de l'annonceur et ne peut être lié par un contrat de commission avec le vendeur ; qu'il ne peut exister en la cause un mandat apparent ; que, d'autre part, des réclamations ont été adressées à la société RTC dès le 21 juillet 1994, alors que le règlement de la somme due aurait dû intervenir le 30 juin 1994, que l'on ne peut donc soutenir que les protestations ont été tardives.

La société RTC a sollicité dans des conclusions signifiées le 7 septembre 1995, jour de l'audience des plaidoiries, l'adjudication de ses précédentes écritures et a communiqué trois nouvelles pièces.

Sur ce,

Sur la compétence :

Considérant que par contrat en date du 7 juillet 1993 la société RTC a donné mandat à l'Agence Arc-en-Ciel Diffusion de souscrire ses ordres d'insertion, relatifs aux espaces publicitaires dans les annuaires officiels de France Télécom, auprès de son régisseur exclusif, la société ODA ;

Qu'en exécution de ce mandat, l'Agence Arc-en-Ciel Diffusion a signé l'ordre d'insertion auprès de l'ODA et a souscrit à une clause attributive de compétence au profit du Tribunal de commerce de Paris ;

Qu'en application des dispositions de l'article 1998 du Code civil, le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par son mandataire ;

Qu'en conséquence cette clause attributive de compétence est opposable à la société RTC ; qu'il convient donc de rejeter l'exception d'incompétence territoriale soulevée par l'appelante ;

Sur la demande :

Considérant que s'agissant d'une procédure à jour fixe, il y a lieu de rejeter les pièces communiquées par l'appelante le jour de l'audience des plaidoiries et qu'il n'y a lieu de ne prendre en considération que les pièces déposées par la société RTC à l'appui de sa requête ;

Considérant qu'il est constant qu'en exécution du mandat qu'elle avait reçu l'Agence Arc-en-Ciel Diffusion a souscrit le 18 novembre 1993 pour le compte de la société RTC une ordre d'insertion auprès de la société ODA pour un montant de 13 724,39 F ;que la société RTC a réglé cette somme à l'Agence Arc-en-Ciel Diffusion, maisque cette agence, déclarée en liquidation judiciaire le 23 novembre 1994, n'a pas procédé au règlement de la créance de la société ODA ;

Considérant que le contrat souscrit le 7 juillet 1993 avec référence explicite à la loi du 29 janvier 1993 par la société RTC donnait mandat à l'Agence Arc-en-Ciel Diffusion, outre de souscrire des ordres d'insertion auprès de la société ODA, de vérifier très soigneusement toutes les factures et, après vérification, de les régler avec la célérité requise ;

Considérant que l'article 20 de la loi du 20 janvier 1993 ainsi rédigé dans son alinéa premier :

" Tout achat d'espace publicitaire ou de prestations ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat " ... ;

pose le principe de l'obligation d'un contrat écrit de mandat ;

Que, de son côté, l'article 21 de la loi dispose :

" Le mandataire mentionné au premier alinéa de l'article 20 ne peut ni recevoir d'autre paiement que celui qui lui est versé par son mandant pour la rémunération de l'exercice de son mandat ni aucune rémunération ou avantage quelconque de la part du vendeur. "

Considérant ainsi qu'en application des dispositions des articles 20 et 21 de la loi du 29 janvier 1993, un tel contrat de mandat exclut l'existence de tout contrat notamment de commission liant le mandataire au vendeur d'espaces publicitaires ;

Considérant par ailleurs que le contrat de mandat signé le 7 juillet 1993 prévoyait expressément que l'annonceur réglerait l'achat d'espace à l'agence et que celle-ci réglerait, après vérification, les factures de la société ODA ;

Que dans ces conditions la société RTC ne peut invoquer un quelconque mandat apparent qu'aurait présenté l'Agence Arc-en-Ciel Diffusion, cette agence ayant agi dans la seule application du contrat de mandat ;

Considérant d'autre part que la plainte avec constitution de partie civile déposée contre X pour abus de confiance entre les mains du doyen des juges d'instruction de Nîmes par divers clients de la société Agence Arc-en-Ciel Diffusion est sans intérêt dans la solution du présent litige, si ce n'est qu'elle démontre que ces clients de la société Agence Arc-en-Ciel Diffusion reprochent à celle-ci de ne pas avoir respecté son obligation de procéder au paiement entre les mains de la société ODA ;

Considérant enfin qu'il ne peut être reproché à la société ODA d'avoir tardé à réclamer le montant de sa facture à la société RTC, puisque la première lettre de réclamation a été expédiée le 21 juillet 1994 ;

Considérant donc que c'est à juste titre que le premier juge a condamné, à titre provisionnel, la société RTC à payer à la société ODA la somme de 13 724,39 F avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, l'obligation de la société RTC n'étant sérieusement contestable à hauteur de cette somme ;

Qu'il convient donc de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'il n'y a lieu en cause d'appel d'allouer à la société ODA une nouvelle indemnité au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant que la société RTC qui succombe en son appel doit voir rejeter l'ensemble de ses demandes et doit se voir condamner aux dépens ;

Par ces motifs, LA COUR, Rejette des débats les trois pièces communiquées par l'appelante le 7 septembre 1995 ; Rejette l'exception d'incompétence territoriale ; Confirme l'ordonnance de référé rendue le 15 mars 1995 par le Président du Tribunal de commerce de Paris ; Y ajoutant, Rejette toutes autres demandes ; Condamne la société d'Exploitation des Etablissements Radio Télé Canigou aux dépens ; admet Me Huyghe, avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.