CA Lyon, 3e ch., 1 mars 1996, n° 93-06484
LYON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Mauchamp Gobert et Associés (SA)
Défendeur :
Ajena (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Karsenty
Conseillers :
M. Durand, Mme Robert
Avoués :
SCP Junillon Wicky, Me Morel
Avocats :
Mes Greffe, Coblence.
Faits, procédures et prétentions des parties :
La société Mauchamp Gobert et Associés (MGA) a, le 10 mars 1992 assigné la société Ajena devant le Tribunal de commerce de Lyon en paiement de la somme de 165 000 F à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de la somme de 25 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, en soutenant que la défenderesse avait rompu brutalement le contrat de gestion de son budget publicitaire sans respecter le préavis d'usage de six mois.
La société Ajena s'est opposée aux demandes et a sollicité des sommes de la société Mauchamp Gobert et Associés et a alloué à la société Ajena la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Appelante de cette décision la société MGA reprend ses demandes formées en première instance.
Elle soutient que début 1990, la société Ajena, qui fabrique et commercialise des jouets, lui a confié la gestion de son budget publicitaire ; qu'il était convenu que la concluante concevrait les déférentes campagnes publicitaire, le mettrait en œuvre et prendrait en charge les opérations d'édition, notamment celles concernant le catalogue Ajena ; que les honoraires étaient fixés à 450 000 F HT payables par versements mensuels ; que pour la seconde année, il était convenu une réduction des honoraires, le travail devant être moins important ; que le 18 novembre 1991, la société Ajena lui a notifié sa décision de " dénoncer la collaboration ", de ne plus lui confier à l'avenir la gestion de son budget publicitaire et lui proposait de lui confier la réalisation d'un catalogue à condition toutefois qu'elle s'aligne sur un devis de l'imprimeur ; que ne pouvant accepter une rupture dans de telles conditions, elle a rappelé à Ajena l'usage du respect d'un préavis de six mois.
Contestant avoir été chargée d'actions ponctuelles, la société MGA considère que les pièces versées aux débats, les honoraires forfaitaires et les termes même de la lettre de rupture établissent qu'elle avait une mission complète et exclusive de gestion du budget publicitaire et que leurs relations étaient à durée indéterminée.
La société Ajena conclut à la confirmation du jugement et sollicite les sommes de 30 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle soutient avoir confié deux missions précises de communication à MGA pour l'année 1990 puis pour l'année 1991 sur la base d'une rémunération mensuelle qui devait être négociée en fonction de l'évolution de ses besoins et de sa politique de communication ; que courant 1990, elle a indiqué à MGA qu'elle était contrainte de réduire son budget publicitaire et souhaitait convenir de nouvelles conditions de facturation pour 1991 ; que MGA a accepté une réduction de 27 500 F HT par mois au lieu de 37 500 F HT pour 1990 ; qu'un deuxième contrat verbal s'est donc formé en 1991, les missions " conception, rédaction artistique, suivi fabrication " figurant sur les factures d'honoraires ; qu'elle a refusé de signer un projet de " contrat de service " proposé par MGA qui ne peut prétendre à l'exécution d'obligations non souscrites ; que le 15 novembre 1991, elle confirmait une nouvelle diminution de budget pour 1992 en notifiant à MGA son intention de ne lui confier que la seule réalisation du catalogue Ajena en se référant à un devis de 335 000 F ; que par lettres des 27 novembre et 2 décembre 1991, elle prenait acte de l'absence de réponse puis du refus de MGA et en déduisait qu'elle était libre de tout engagement quant à la réalisation du catalogue.
L'intimée fait valoir que c'est à bon droit que le tribunal a considéré que les relations des parties n'entraient pas dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.
Motifs et décision :
Attendu que la société Mauchamp Gobert et Associés verse aux débats :
- un compte-rendu de réunion du 5 janvier 1990 entre les parties sur le packaging fruigolus, la répartition budgétaire, le point des travaux à réaliser ;
- une lettre que lui a adressé le 18 octobre 1990, M. Delaporte, dirigeant de la SA Ajena relative à la mise au point de sa politique générale 1991 dans laquelle il indique que par rapport au CA espéré, il a déterminé un budget publicité de 2 MF et demande à MGA de mettre au point des simulations à partir de ce budget pour déterminer si le projet est viable ;
- une télécopie adressée le 20 novembre 1990 par MGA à Ajena relative à ses premières recherches pour le plan TV Ajena ;
- le budget TV Ajena 91 accepté pour 1 923 360 F HT le 8 avril 1991 par Ajena ;
- le plan programme campagne 1990 accepté par Ajena ;
- le compte-rendu d'une réunion entre les parties du 5 novembre 1990 pour le catalogue, la télévision et " Bobbe " ;
- le projet de catalogues collection 92 Nounours et Ajena, adressé le 9 novembre 1991 à Ajena ;
- les factures d'honoraires qui font mention de " conception, rédaction artistique suivi fabrication " ;
Attendu qu'il ressort de ces documents que la société Ajena, qui n'allègue ni ne justifie avoir confié des opérations publicitaires à une autre agence, a chargé la société MGA de concevoir, d'élaborer et de réaliser ses opérations publicitaires ;que les missions confiées à MGA correspondent à la gestion complète d'un budget publicitaire et en tous cas donnent à cette agence une place déterminante dans la gestion du budget publicitaire ;
Attendu qu'aucun des documents produits par les parties ne fait état d'un terme pour leurs relations ni de missions annuelles ;que le fait qu'en 1991 l'agence de publicité ait accepté une réduction de ses honoraires, qu'elle explique par un travail moins important que celui de la première année de prise en charge du budget, n'a pas pour effet de constituer une nouvelle convention alors que les missions sont les mêmes ;
Attendu que compte tenu du rôle qu'elle a accompli, l'agence est fondée à se prévaloir de l'usage, non contesté, établi entre les agences de publicité et leur client relatif au préavis de rupture de six mois, en raison des impératifs de prévision à longue échéance des campagnes de publicité ;
Attendu que dans ces conditions, il sera fait droit à la demande d'indemnité compensatrice dont le montant n'est pas contesté ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à l'appelante la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés ;
Par ces motifs, LA COUR, Réformant le jugement entrepris ; Condamne la société Ajena à payer à la société Mauchamp Gobert et Associés la somme de 165 000 F avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Junillon et Wicky, avoués.