Livv
Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 9 mai 1996, n° 12152-93

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Glogowski

Défendeur :

ODA (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Magendie

Conseillers :

MM. Frank, Boilevin

Avoués :

SCP Lefèvre, Tardy, Me Jupin

Avocats :

Mes Collin, Quenet.

T. com. Nanterre, du 24 sept. 1993

24 septembre 1993

Rappel des faits et de la procédure :

Le 29 octobre 1991, le docteur Glogowski, médecin radiologue à la Ferté Bernard a demandé à l'Office d'annonces de faire paraître dans l'annuaire officiel des abonnés du téléphone de l'édition 1992 relatif aux départements de la Sarthe, de l'Eure-et-Loir, de l'Orne et du Loir-et-Cher, une insertion dont il a communiqué le texte, moyennant une somme de 13 591,56 F ;

Le texte publié dans l'annuaire du téléphone édition 1992 ne reproduisait pas intégralement le texte demande :

" Centre de radiologie, mammographie, échographie, doppler cardiaque vasculaire, angiographie numérisée et d'ostéodensitométrie - Docteur Glogowski, 1 rue Marceau 72400 La Ferté Bernard 43 93 13 20 ",

mais seulement : " Centre de radiologie et imagerie médicale - Docteur Glogowski, 1 rue Marceau 43 93 13 20 " ;

Ces modifications étant intervenues sans qu'il en soit informé, M. Glogowski a assigné la SA Office d'annonces devant le tribunal de Nanterre pour entendre ce dernier :

- condamner la SA Office d'annonces (ODA) à lui payer la somme de 800 000 F à titre de dommages-intérêts, ainsi que la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, requérant en outre les dépens ;

Par des conclusions en date du 7 mai 1993, la société Office d'annonces demande au tribunal de débouter le docteur Glogowski de toutes ses demandes, fins et conclusions et de le condamner en tous les dépens ;

A l'appui de son action, le docteur Glogowski Adam faisait valoir que l'erreur n'est pas purement matérielle, et ne consiste pas seulement en l'omission de mots, l'insertion de 1992 ne reproduisant même pas l'insertion parue dans l'édition de 1991 ; qu'elle " n'est pas le fruit du hasard et procède d'une volonté délibérée et malicieuse " de lui nuire ; qu'il se trouve victime d'une véritable discrimination de traitement par rapport aux autres cabinets de radiologie de la même région dont la rubrique comporte les vocables " échographie " - " doppler - ostéodensitométrie - angiographie - mammographie " ; que l'Office d'annonces a engagé sa responsabilité contractuelle à son égard sur le fondement des articles 1146 et 1147 du Code civil, et qu'il doit être condamné à réparer le préjudice subi par lui, évalué à la somme de 800 000 F compte tenu du chiffre d'affaires réalisé par le cabinet Glogowski ;

L'Office d'annonces, quant à lui, soutenait que l'annonce initialement souscrite par le docteur Glogowski Adam avait été modifiée pour respecter les instructions données par l'Ordre National des Médecins stipulant que " l'annuaire est fait pour informer le public... ", " qu'il ne doit pas être un vecteur de publicité pour le médecin " ; que le reproche de discrimination formulé par le docteur Glogowski Adam n'est pas fondé, que les insertions évoquées par lui provenant de certains confrères émanent non de médecins personnes physiques mais de centres médicaux personnes morales et qu'aucun nom de médecin n'y figure ;

Par le jugement entrepris, le tribunal de commerce a retenu que M. Glogowski n'avait pas été préalablement informé des modifications que l'Office d'annonces avait cru devoir apporter pour se conformer, selon ses dires, aux instructions de l'Ordre des Médecins ;

Ainsi l'ODA n'a pas exécuté complètement le contrat.

Toutefois, le docteur Glogowski n'apporte pas la preuve de la volonté délibérée et malicieuse de son cocontractant de lui nuire, ni de son préjudice.

Le tribunal a seulement retenu le préjudice subi par le docteur Glogowski Adam pour non-respect des règles usuelles relatives à la publication des insertions, à la somme de 13 591,56 F, montant de l'insertion le déboutant pour le surplus ;

Exposé des thèses en présence et des demandes des parties :

M. Glogowski, appelant, s'attache à caractériser la faute commise à son égard par la société ODA, soulignant que le médecin demeure seule responsable vis-à-vis de son ordre des éventuelles infractions à la déontologie.

Il soutient ensuite que l'amputation de l'insertion lui a causé un préjudice professionnel - consistant en une perte de clientèle - alors qu'il a assuré des frais professionnels très importants.

Il évalue son préjudice à une somme de l'ordre de 800 000 F.

Il sollicite enfin l'octroi d'une somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

L'ODA réfute cette argumentation, en soulignant notamment que M. Glogowski avait parfaitement été informé des modifications qui lui avaient été annoncées et qui n'avaient appelé aucune opposition de sa part. cette connaissance résulte en effet de la lettre adressée par Glogowski à l'ODA le 11 septembre 1992.

Elle fait encore valoir que les insertions commandées par M. Glogowski n'étaient pas conformes à sa déontologie.

A titre subsidiaire, elle conteste l'existence d'un préjudice ajoutant qu'une somme de 7 542,96 F a été restituée à l'intéressé le 16 décembre 1991.

Elle demande à la cour de :

- recevoir la société Office d'annonces en son appel incident,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de l'Office d'annonces,

- à titre subsidiaire, réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'Office d'annonces au paiement d'une somme de 13 691,56 F ;

- en tout état de cause, débouter M. Glogowski de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- le condamner au paiement d'une somme de 12 000 F au titre des dispositions de l'article 700 du NCPC ;

- le condamner en tous les dépens, dont distraction pour ce qui le concerne, au profit de Maître Jupin, avoué aux offres de droit.

Sur ce, LA COUR,

Sur la faute :

Considérant que M. Glogowski fonde son action en responsabilité contractuelle sur le fait que l'ODA a procédé à la modification des insertions litigieuses sans son accord ;

Considérant que la lettre adressée par M. Glogowski à l'ODA le 11 septembre 1992, - alors que l'insertion litigieuse est du mois d'octobre 1991 - n'établit nullement comme l'intimé le soutient, l'existence d'un accord téléphonique que l'intéressé lui aurait donné sur le texte modifié ; que le docteur Glogowski se borne en effet dans ce courrier, à reprendre la position de l'Office de Vérification de la Publicité pour la réfuter ; que, de plus, le fait que la société ODA ait restitué une partie du coût de l'insertion ne saurait valoir acquiescement du docteur Glogowski au texte modifié ;

Considérant que la société ODA prétend pour se justifier que certains mentions de la publication n'étaient pas conformes à la déontologie de M. Glogowski, - notamment les articles 23 et 67 du décret du 28 juin 1979 portant Code de déontologie médicale - en sorte qu'elle avait été contrainte de procéder aux modifications qui lui sont reprochées ;

Considérant cependant, d'une part, que l'ODA ne peut se retrancher ni derrière l'avis de l'ordre des médecins,- étant précisé que celui dont elle fait état, du 27 mars 1992, est postérieur aux faits -, ni derrière les règles de déontologie professionnelle issues du décret du 28 juin 1979, le médecin demeurant seul responsable vis-à-vis de son ordre des infractions éventuelles à sa déontologie, dont un tiers ne saurait se faire juge ;

Considérant, d'autre part, que l'argumentation de la société ODA est d'autant plus contestable que celle-ci, qui n'établit ni n'allègue l'existence de poursuites professionnelles à l'encontre du docteur Glogowski - a rétabli en 1993 les mentions demandées par l'intéressé ;

Considérant enfin que force est de constater que les mentions revendiquées par le docteur Glogowski étaient admises dans l'annuaire de 1991 au profit de personnes morales, alors que la déontologie s'applique de la même façon à celles-ci ;

Considérant par suite que la société ODA a commis une faute en procédant à la modification du texte qui lui avait été remis ;

Sur le préjudice :

Considérant que l'insertion tronquée outre qu'elle a provoqué une rupture d'égalité du traitement entre le docteur Glogowski et les autres cabinets de radiologues, a privé celui-ci, qui a un cabinet important, de la chance certaine de voir des patients s'adresser à lui en considération des précisions figurant dans l'annonce d'origine ;

Que cette perte de chance sera justement réparée par la somme de 100 000 F ;

Qu'il convient d'ajouter à cette somme le paiement en deniers ou quittances de celle de 13 591,56 F correspondant au montant de l'insertion ;

Sur l'article 700 du NCPC :

Considérant que l'équité ne justifie pas de ne pas laisser à la charge du docteur Glogowski les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Dit M. Glogowski recevable et partiellement fondé en son appel, Confirme le jugement entrepris, pour d'autres motifs, en ce qu'il a retenu une faute à l'encontre de la société Office d'annonces ; Confirme le jugement en ce qu'il a alloué au docteur Glogowski une somme de 13 591,56 F, Cette condamnation étant prononcée en deniers ou quittances, Réformant le jugement pour le surplus et y ajoutant, Condamne la société Office d'annonces à payer à M. Glogowski 100 000 F à titre de dommages-intérêts ; Condamne la société Office d'annonces à 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP Lefèvre et Tardy, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.