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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 23 mai 1996, n° 9479-94

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Chauffaclim (SA)

Défendeur :

SCP Brouard & Daude (ès qual.), Open Studio (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Monteils

Conseillers :

M. Besse, Mme Bardy

Avoués :

Me Treynet, SCP Keime & Guttin

Avocats :

Mes Sourcis, Delpla.

T. com. Pontoise, 3e ch., du 10 nov. 199…

10 novembre 1994

La société Chauffaclim commercialise des matériels de chauffage, climatisation, traitement de l'air. Elle a commencé à constituer un réseau de franchisés en 1993.

Le 29 janvier 1993, elle a conclu avec la société Open Studio, agence de conseil en communication, un contrat de communication à titre exclusif, pour l'élaboration et la mise en œuvre de ses campagnes de publicité pour l'ensemble de ses franchisés, sans limitation territoriale.

La société Open Studio s'engageait à fournir, en janvier 1993 :

- plan de communication pour les douze premiers franchisés ;

- en septembre 1993, un deuxième plan pour vingt quatre franchisés,

- la conception, rédaction, création du matériel publicitaire : maquettes, graphiques, radio, visuelles, audios,

- des sondages publimétrie ou BVA,

- des recommandations, radio (chérie FM),

- des affichages,

- des réalisations techniques,

- des brochures.

Le budget est détaillé pour chaque prestation :

* total pour le budget 1993 : 1 093 000 F HT,

* pour 1994 : 2 404 600 F HT.

Le règlement devait être effectué en douze mensualités égales.

Le contrat était conclu pour deux ans à compter du 1er janvier 1993.

La société Chauffaclim a signalé des manquements à la société Open Studio le 1er avril 1993.

Le 30 juin 1993, la société Chauffaclim a signalé le mécontentement de ses franchisés.

Le 14 octobre 1993, elle a fait part de son vif mécontentement et de celui de ses franchisés, au sujet des plaquettes quatre pages.

Le 28 octobre 1993, la société Chauffaclim a envoyé une lettre recommandée avec accusé de réception rappelant les problèmes importants rencontrés par son réseau de franchisés. Elle a avisé la société Open Studio qu'elle entendait dénoncer le contrat du 29 janvier 1993 et qu'elle formait opposition au paiement de trois traites.

Les critiques de cette lettre ont été contestées par la société Open Studio dans une réponse détaillée du 29 octobre 1993, qui met la société Chauffaclim en demeure d'exécuter ses obligations contractuelles et de lever son opposition au paiement des traites d'échéance d'octobre, novembre et décembre 1993.

La société Open Studio a assigné la société Chauffaclim le 10 novembre 1993 en résolution du contrat, aux torts de la société Chauffaclim et dommages et intérêts de 1 500 000 F.

Par jugement du 10 novembre 1994, le Tribunal de commerce de Pontoise :

- a ordonné la résolution du contrat signé entre les parties avec effet au 1er janvier 1994, aux torts de la société Chauffaclim,

- a condamné la société Chauffaclim à payer à la société Open Studio ou à ses représentants légaux la somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- a rejeté les demandes reconventionnelles de la société Chauffaclim,

- a ordonné l'exécution provisoire.

La société Chauffaclim a fait appel. Elle demande de constater que par application de l'article 1184 du Code civil, et notamment son alinéa 1er, la société Chauffaclim était fondée à soulever l'exception d'inexécution de ses obligations par la société Open Studio ;

En conséquence,

- de prononcer la résiliation du contrat de communication signé entre la société Open Studio et la société Chauffaclim à la date du 30 octobre 1993,

- de rejeter les demandes de la société Open Studio,

- de condamner la société Brouard & Daude, administrateur de la société Open Studio, à verser la somme de 2 613 444,77 F en réparation du préjudice subi ; 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- d'ordonner la production de l'état des salaires des dirigeants de la société Open Studio.

La SCP Brouard & Daude, mandataire liquidateur de la société Open Studio, demande de débouter la société Chauffaclim de ses demandes.

Elle forme appel incident et demande de dire que la résolution judiciaire du contrat du 29 janvier 1993 prendra effet au 1er novembre 1993,

- de porter à 1,5 million de francs les dommages et intérêts alloués à la société Open Studio,

- de confirmer le jugement pour le surplus et,

- de condamner la société Chauffaclim à verser 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Chauffaclim, concluant après l'ordonnance de clôture, demande de la révoquer et de lui donner acte de ce qu'elle rectifie l'erreur matérielle de ses écritures précédentes ; elle demande de fixer sa créance à 2 613 434,77 F pour la réparation de son préjudice.

Discussion

Considérant que les dernières conclusions de la société Chauffaclim seront admises aux débats, l'intimée ne s'y opposant pas, étant observé que la procédure collective de la société Open Studio ne permettait pas de faire droit à une demande de condamnation pour une créance antérieure au redressement judiciaire ;

Considérant que la société Chauffaclim soutient que la société Open Studio n'a pas exécuté les prestations contractuelles de manière complète et satisfaisante ; qu'elle a dès le 1er avril 1993, soit à peine plus de deux mois après la signature du contrat, commencé à signaler des manquements, qu'elle a opéré plusieurs mises en garde et fait part à la société Open Studio du mécontentement de ses franchisés ;

Considérant que c'est à la société Chauffaclim de rapporter la preuve des griefs qu'elle formule contre la société Open Studio, et des manquements aux stipulations contractuelles ;que les lettres de reproches qu'elle a envoyées ne suffisent pas à démontrer que le contrat n'a pas été respecté ;

Considérant que la société Open Studio a répondu point par point dans une lettre du 29 octobre 1993 à la liste de reproches contenue dans le courrier du 28 octobre 1993 de la société Chauffaclim ;

Considérant, sur le premier grief, qu'il apparaît surprenant que la société Chauffaclim n'ait pas exigé plus tôt l'exécution du pré-test, qu'il est manifeste que la société Chauffaclim et la société Open Studio étaient d'accord pour le supprimer ;

Considérant qu'il est également certain que les parties ont modifié en partie les modalités de distribution qu'elles avaient envisagées au départ, que la société Chauffaclim était d'accord pour ces changements pour lesquels elle n'a émis aucune protestation, alors qu'elles avaient des relations fréquentes et harmonieuses, jusqu'à la brusque décision de fin octobre 1993 ;

Considérant qu'il n'est pas établi que les franchisés de la société Chauffaclim s'étaient plaint des prestations de la société Open Studio avant la décision de rupture ; qu'il apparaît au contraire que les lettres des franchisés sont soit concomitantes, soit postérieures à la dénonciation du contrat par la société Chauffaclim ;

Considérant que la société Open Studio est tenue à une obligation de moyens et non de résultats;que l'inefficacité de la campagne publicitaire dont se plaignent certains franchisés (manque de " retours ", fréquentation des magasins très insuffisante) peut s'expliquer par d'autres causes que des manquements de la société Open Studio ;qu'il est constant que la société Chauffaclim a commencé la mise en place d'un réseau de franchisés en même temps qu'elle confiait sa publicité à la société Open Studio, qu'il s'agissait d'une création d'image, laquelle, ainsi que le prévoit le contrat initial, devait être " corrigée en plus ou en moins " pendant la campagne 1993 ;

Considérant que c'est par une exacte analyse des rapports des parties, que le tribunal a dit que la société Chauffaclim ne rapportait pas la preuve des vices ou malfaçons qu'elle reprochait à son prestataire de service et qu'elle aurait dû, avant de rompre unilatéralement, mettre en demeure la société Open Studio de respecter les termes du contrat ; que c'est à juste titre que la rupture aux torts de la société Chauffaclim a été constatée ;

Considérant que la date de résolution du contrat doit être fixée au 1er novembre 1993, la société Chauffaclim ayant cessé de régler les mensualités dues dès cette date ;

Considérant que le préjudice subi par la société Open Studio est important, qu'il est constant que la société Chauffaclim a cessé de régler les sommes dues à la société Open Studio du jour au lendemain, alors que celle-ci avait engagé des dépenses, devait régler ses propres fournisseurs et ses employés ; que la cour trouve en la cause les éléments permettant d'évaluer les dommages et intérêts à la somme de 800 000 F ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société Brouard & Daude la charge de la totalité des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer ;

Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement du 10 novembre 1994 en ce qu'il a ordonné la résolution du contrat du 29 janvier 1993, aux torts de la société Chauffaclim, L'émendant, Dit que la résolution du contrat prend effet au 1er novembre 1993, Porte à huit cent mille francs (800 000 F) le montant des dommages alloués à la société Open Studio, Confirme le jugement pour le surplus, Condamne la société Chauffaclim à payer à la SCP Brouard & Daude, ès-qualité, la somme de trente mille francs (30 000 F) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Débouté les parties de toutes autres demandes, Condamne la société Chauffaclim aux dépens et accorde à la SCP Keime & Guttin, avoués, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.