CA Paris, 5e ch. B, 27 février 1997, n° 95-15454
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
RDV Copy (SARL)
Défendeur :
Sodex (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leclercq
Conseillers :
M. Bouche, Mme Cabat
Avoués :
Me Blin, SCP d'Auriac Guizard
Avocats :
Mes Jove Dejaiffe, Sautelet.
La société Sodex, régisseur de publicité sur supports appartenant à des entreprises de transports en commun, a le 6 mars 1992 reçu de l'agence de publicité Pré'Fé'Rence un ordre de publicité concernant une société RDV Copy en exécution duquel elle a assuré la publicité commandée pendant deux semaines sur les bus du réseau Tram de Melun en avril et septembre 1992.
L'agence Pré'Fé'Rence n'a pas acquitté les factures correspondantes et a été mise en redressement judiciaire. La société Sodex a déclaré sa créance et s'est retournée contre le bénéficiaire de la campagne publicitaire en le faisant assigner le 10 août 1993 en paiement de la somme de 27 722,75 F.
Par jugement du 28 mars 1995 le Tribunal de commerce de Paris a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société RDV Copy et l'a condamnée à payer à la société Sodex la somme de 27 722,75 F avec intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 1992.
La société RDV Copy a fait appel de cette décision assortie de l'exécution provisoire moyennant fourniture d'une caution de 30 000 F.
Elle soutient, contrairement à ce que le tribunal a jugé, que l'article 2 du contrat qui stipule la solidarité envers la société Sodex de l'agence et de l'annonceur, n'est pas applicable et s'en tient aux termes de son courrier du 28 juillet 1992 qui précise que la société Pré'Fé'Rence était son fournisseur et non son mandataire.
Elle en déduit qu'ayant réglé le prix convenu de la publicité à la société Pré'Fé'Rence, elle est fondée à demander la levée de toute condamnation, la restitution de la somme de 27 722,75 F versée en exécution du jugement déféré augmentée des intérêts au taux légal et le paiement au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile d'une indemnité de 5 000 F qu'elle porte ensuite à 10 000 F.
L'appelante soutient que le contrat du 6 mars 1992 signé entre les sociétés Sodex et Pré'Fé'Rence ne lui a pas été dénoncé ; qu'elle n'a ainsi jamais approuvé, lorsqu'elle a passé sa commande ferme à la société Pré'Fé'Rence, les conditions générales figurant au dos d'un contrat dont elle ignorait la teneur et particulièrement la clause ducroire qu'il comportait , que les documents contractuels qu'elle a signés avec la société Pré'Fé'Rence ne font pas état de cette clause ducroire ni d'un engagement à l'égard de la société Sodex et que la société Sodex ne peut même pas se prévaloir d'un mandat apparent dont la société Pré'Fé'Rence aurait été investie.
La société Sodex conclut au contraire à la confirmation du jugement critiqué et à la condamnation de l'appelante à lui payer 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle soutient en effet que l'absence de paiement de sa facture par la société Pré'Fé'Rence l'autorise, en application des usages et de l'article 2 du contrat, et conformément à la mise en demeure qu'elle lui a adressée en vain le 16 novembre 1992, à exiger de la société RDV Copy le paiement de la facture restée impayée.
Elle prétend qu'il n'est pas besoin que la société RDV Copy ait signé une convention comportant la clause ducroire souscrite par la société Pré'Fé'Rence en faveur de la société Sodex pour répondre des engagements pris en son nom par son mandataire ducroire. Elle ajoute qu'en sa qualité de régisseur, elle a exécuté les ordres que lui a transmis le mandataire apparent de l'annonceur concernant une publicité dont la société RDV Copy a bénéficié.
Elle soutient enfin que les versements faits par l'annonceur à son mandataire ne sont pas libératoires vis-à-vis du régisseur.
Motifs de la cour :
Considérant que la société RDV Copy soutient qu'elle n'a donné aucun mandat à la société Pré'Fé'Rence qui a agi à son égard en tant que prestataire de services et s'est engagée personnellement envers le régisseur de publicité du support convoité ; qu'elle ajoute que le contrat du 6 mars 1992 qui liait l'agence et le régisseur lui est inopposable et en déduit que le régisseur aurait dû vérifier la qualité à contracter de son interlocuteur et que le paiement de la facture de la société Pré'Fé'Rence la libère de toute obligation envers la société Sodex ;
Considérant que le contrat du 6 mars 1992 précise que la société Pré'Fé'Rence agissait à titre de mandataire ducroire de la société RDV Copy et confiait à la société Sodex une publicité concernant la société RDV Copy qualifiée de preneur ou d'annonceur ;
Que l'article 2 des conditions générales de ce contrat dont la rédaction est conforme aux usages en matières d'affichage et de publicité, stipule que " les agences de publicité souscrivant un contrat agissent au nom et pour le compte de l'annonceur, en tant que mandataires " et que " l'un et l'autre demeurent en tout état de cause conjointement et solidairement responsables du paiement envers Sodex " ;
Que l'article 3 ajoute que "lorsque les paiements sont confiés d'ordre du preneur et sous sa responsabilité à son mandataire, les factures peuvent être libellées au titre de ce dernier, au prix net commission déduite, sans que cet opération soit opposable à la société Sodex qui conserve la faculté, le cas échéant, de facturer directement au preneur les sommes qui pourraient lui être dues" ;
Considérant que la société RDV Copy, qui soutient à juste titre que ces stipulations ne lui sont pas opposables puisqu'elle n'a pas été partie au contrat du 6 mars 1992, prétend en rester à des rapports de client à fournisseur dans ses relations avec l'agence Pré'Fé'Rence ; qu'elle ajoute que, si la prestation de publicité a bien été exécutée, elle en a payé régulièrement le prix à la société Pré'Fé'Rence et que sa dette est éteinte ;
Que le mandat, selon l'article 1984 du Code civil, est " un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom " ; que la société Pré'Fé'Rence s'est présentée à la société Sodex sans justifier certes de ses rapports avec son donneur d'ordre, mais en sa qualité incontestée d'agent de publicité et dans des circonstances réunissant les critères usuels du mandat apparent ; qu'en dévoilant au régisseur du support l'identité de l'annonceur, l'agence de publicité lui a révélé l'existence du mandat limité jusque là à ses rapports avec son commettant, et l'a mis en demeure de se prévaloir désormais directement à l'égard de l'annonceur de ses droits à charge de réciprocité concernant ses obligations,
Que la société Sodex a pu légitimement croire que l'agence de publicité Pré'Fé'Rence avait la qualité de mandataire qu'elle revendiquait pour signer le contrat ;que la société RDV Copy ne verse aux débats à l'inverse aucune pièce susceptible de démontrer l'existence de rapports contractuels différents du mandat qu'elle aurait eu avec la société Pré'Fé'Rence ou d'un accord liant les société Pré'Fé'Rence et Sodex faisant de la première le mandataire de la seconde pour l'encaissement de ses factures ;
Considérant enfin que les paiements effectués par le mandant entre les mains de son mandataire ne sont pas libératoires à l'égard du créancier tant qu'ils ne lui sont pas parvenus par transmission ou compensation ;que la société RDV Copy ne peut s'en prendre qu'à elle-même d'avoir choisi un mandataire qui s'est avéré insolvable ;
Que le jugement déféré doit être confirmé ; que les circonstances particulières de l'espèce et l'équité ne justifient pas que la société intimée reçoive une indemnité pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés devant la cour ;
Par ces motifs, Confirme le jugement du 28 mars 1995, Déboute la société Sodex de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société RDV Copy aux dépens, Admet la société civile professionnelle d'Auriac Guizard, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.