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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 12 juin 1998, n° 96-19629

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Office de publicité, d'édition et de communication (SARL), Pierrel (ès qual.)

Défendeur :

La Logiciellerie (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leclercq

Conseillers :

M. Bouche, Mme Cabat

Avoués :

Me Bodin Casalis, SCP Hardouin Le Bousse Herscovici

Avocats :

Mes Bikard, Welsch, Guepiette.

T. com., Paris, 17e ch., du 4 juin 1996

4 juin 1996

La société La Logiciellerie, spécialisée dans la conception de logiciels, a conçu un programme spécifique pour la gestion des golfs dénommé Albatros. Elle a signé le 20 janvier 1995 un ordre d'insertion publicitaire confiant à la société Office de Publicité d'Edition et de Communication dite OPE-COM la parution d'une publicité relative au programme Albatros dans des magazines Golf en 1995 et elle a versé le 18 mars 1995 un acompte de 5 000 F sur le prix de 50 000 F hors taxes, soit 59 300 F toutes taxes comprises prévu dans l'ordre d'insertion.

La société OPE-COM a fait paraître les publicités dans dix magazines de golf et a accepté de réduire sa facture de 5 000 F en réparation d'une erreur commise dans la publicité parue dans la revue du Golf d'Etretat. N'ayant pas reçu paiement de sa facture du 20 juin 1995 d'un montant de 54 300 F, la société OPE-COM a assigné le 12 octobre suivant la société La Logiciellerie.

Par jugement du 4 juin 1996, le Tribunal de commerce de Paris a dit que la société OPE-COM n'avait pas exécuté convenablement ses obligations, a prononcé en conséquence la résolution du contrat à ses torts et l'a condamnée à rembourser à la société La Logiciellerie l'acompte de 5 000 F qu'elle avait reçu.

La société OPE-COM a fait appel de cette décision dont l'exécution provisoire a été exclue. A la suite d'un jugement qui a prononcé sa liquidation judiciaire le 11 février 1997, Maître Pierrel, son mandataire liquidateur, intervient en reprise d'instance et demande que lui soit adjugé le bénéfice des conclusions signifiées par son administrée.

La société OPE-COM soutient que la prestation de publicité à prix réduit convenue ne concernait qu'une demi-page, qu'en l'absence de retour du bon à tirer qu'elle avait adressé à la société La Logiciellerie, elle était en droit de faire paraître des publicités conformes à ce bon, que celles-ci ont paru dans les revues et qu'elle a facturé la prestation au prix convenu sous déduction de 5 000 F en raison de l'erreur qu'elle reconnaît avoir commise dans une des revues.

Elle conclut ainsi à l'infirmation du jugement déféré et à la condamnation de la société La Logiciellerie à lui payer 54 300 F avec intérêts au taux légal à compter du 2 juin 1995, eux-mêmes capitalisés ainsi que 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société La Logiciellerie prétend au contraire :

- que les parties avaient convenu que la prestation comprenait une demi-page de publicité et une demi-page de rédactionnel, soit une page entière ;

- que la réduction de moitié en dimension de la publicité parue et l'absence d'un rédactionnel " que la société OPE-COM s'était engagée à composer avec son aide et qui devait constituer " l'accroche " nécessaire du message, constituent autant de violations des accords ;

- qu'aucun bon à tirer n'a été reçu et encore moins signé par la société La Logiciellerie et qu'elle a donc été trompée sur les conditions substantielles de son engagement.

La société intimée conclut en conséquence à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de la société OPE-COM à lui payer 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

A raison de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société OPE-COM, elle a déclaré une créance de 5 000 F entre les mains de Maître Pierrel et en demande la fixation à ce montant.

Motifs de la cour :

Considérant que l'ordre d'insertion du 20 janvier 1995 a été surchargé à la rubrique " surface " de telle sorte qu'il n'est guère exploitable ; que les conditions particulières manuscrites stipulent toutefois de manière lisible : " Nous avons décidé de programmer 1/2 p. red. + 1/2 p. pub. pour le produit Albatros dans les magazines de golf 1995 " ; que la lettre " p " ne peut signifier que " page " ;

Que " le tarif et Format des publicités " qui figure imprimé de manière tout aussi lisible en encart sur l'ordre de publicité, indique un prix de 10 000 F pour une 1/2 page ;

Qu'en discordance avec ce tarif, les parties ont convenu de manière manuscrite sur ce même ordre d'insertion des conditions financières suivantes pour dix publicités en page intérieure ;

Prix : 50 000 F ;

TVA : 9 300 F :

Total TTC : 59 300 F ;

Que sur cette somme, un acompte de 5 000 F a été versé par l'annonceur le 28 mars 1995 ;

Considérant que la société La Logiciellerie prétend que la société OPE-COM s'est engagée à faire paraître la publicité sur une page entière et qu'elle a été trompée en découvrant que l'image et le message publicitaires d'une part, et un " rédactionnel " qu'elle juge succinct et très contestable d'autre part, avaient été réunis sur une demi-page :

Qu'elle prétend que le " rédactionnel " tenant lieu selon elle d' " accroche " s'est avéré en réalité inexistant, que la seconde demi-page qui devait lui être consacrée, a été oubliée, et que la société de publicité n'a pas rempli son engagement de rédiger un " rédactionnel " approprié ; qu'elle ajoute que sa surprise est d'autant plus grande qu'elle n'a jamais reçu de bon à tirer et observe que l'exemplaire du 12 mars 1995 produit par la société OPE-COM n'est pas signé ;

Considérant qu'il appartient à la société La Logiciellerie de prouver l'étendue de la prestation qu'elle a commandée ;que la surcharge du bon et la différence considérable existant entre le tarif officiel de la page entière tel qu'il est imprimé sur l'ordre d'insertion, et le prix inférieur des deux tiers porté sur ce même document tendent à établir que l'ordre de publicité a été modifié en cours de négociation et ne concernait dans sa version définitive que dix demi-pages ;qu'il existe en toute hypothèse une contradiction majeure qui ne peut profiter qu'à la société OPE-COM ;

Que la société La Logiciellerie ne justifie d'aucune manifestation d'impatience de sa part en l'absence de proposition du " rédactionnel " d'une demi-page dont elle prétend que la société OPE-COM s'était engagée à l'élaborer avec sa collaboration, ni d'une quelconque contestation émise lorsqu'elle a reçu par fax du 8 février 1995 la communication de trois projets d'insertion d'une demi-page seulement incluant " rédactionnel " et publicité, ce qui confirme l'accord des parties sur le format d'une demi-page de publicité ;

Qu'enfin, ni la première lettre de protestation adressée le 24 avril 1995 par la société La Logiciellerie à la société OPE-COM ni la lettre de confirmation de doléance de son président directeur général du 21 juin 1995 ne formulent aucun grief concernant le format des publicités déjà parues ; que l'argument relatif au format n'est apparu pour la première fois que dans les conclusions du 4 décembre 1995 en réplique à l'assignation introductive d'instance ;

Considérant que la publicité est parue sans " coquille " et de manière très lisible dans les magazines Golf, sauf dans celui du golf d'Etretat pour lequel la société OPE-COM a consenti une réfaction du prix ;qu'un texte explicatif du rôle du logiciel Albatros y a été intégré qui interdit à l'annonceur de soutenir qu'aucune prestation sérieuse conforme à sa volonté n'a été réalisée ; que la facture de la société OPE-COM doit être payée, sous déduction de l'acompte de 5 000 F ;

Considérant que l'absence de bon à tirer signé par la société La Logiciellerie est en grande partie à l'origine de la contestation ;que la société OPE-COM est en grande partie à l'origine de la contestation ; que la société OPE-COM, spécialiste de la publicité et de la communication, a commis en cela une imprudence dont elle doit assumer la responsabilité ; qu'en équité elle soit ainsi conserver la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés pour faire valoir ses droits ;

Que l'appelante est fondée toutefois à bénéficier de la capitalisation des intérêts qui lui sont dus depuis plus d'un an à compter de ses conclusions du 22 novembre 1996 qui en font la demande ;

Par ces motifs: Infirmant totalement le jugement du 4 juin 1996, et faisant partiellement droit à l'appel de la société OPE-COM aujourd'hui représentée par Maître Pierrel son mandataire liquidateur, Condamne la société La Logiciellerie à payer à Maître Pierrel ès qualités 49 300 F avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 12 octobre 1995 ; Dit que les intérêts échus depuis plus d'un an produiront eux-mêmes intérêts au même taux à compter du 22 novembre 1996 ; Déboute les parties de toutes leurs autres demandes complémentaires ou contraires, Condamne la société La Logiciellerie aux dépens de première instance et d'appel, Admet Maître Bodin Casalis, avoué au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.