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Décisions

Cass. com., 11 février 2003, n° 01-00.992

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Les Xréations LTN (Sté)

Défendeur :

Christian Marry (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Grimaldi

Avocat général :

M. Jobard

Avocat :

SCP Gatineau.

Paris, 4e ch., sect. A, du 8 nov. 2000

8 novembre 2000

LA COUR : Dit n'y avoir lieu à la mise hors de cause de la société Les Créations LTN ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 novembre 2000), que la société les créations LTN, titulaire de la marque semi-figurative Christine Laure Style boutique enregistrée sous le n° 713.192 pour désigner, notamment, des vêtements pour dames, a agi en contrefaçon de cette marque et concurrence déloyale à l'encontre de la société Christian Marry, pour avoir déposé en cette même classe la marque Lauren Laure, enregistrée sous le n° 92.439.935 et en avoir fait usage afin de commercialiser des vêtements similaires aux siens, ainsi qu'à l'encontre de la société Les Trois Suisses, pour avoir diffusé ces produits par voie de catalogue de vente par correspondance ; que la cour d'appel a reçu ces demandes principales, rejeté le recours en garantie formé par la société Christian Marry contre la société Les Trois Suisses, et partiellement accueilli celui formé par cette dernière à son encontre du chef de la condamnation pour contrefaçon de marque ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Christian Marry, et sur le premier moyen du pourvoi incident de la société Les Trois Suisses, pris en leurs deux branches rédigées en termes similaires, les moyens étant réunis : - Attendu que la société Christian Marry et la société Les Trois Suisses font grief à l'arrêt d'avoir déclaré qu'elles avaient commis des actes de contrefaçon par imitation de marque, alors, selon les moyens : 1°) que le caractère distinctif du signe, condition indispensable pour que la marque soit protégée, est exclu lorsqu'il fait l'objet de nombreux autres dépôts par des concurrents pour désigner des produits relevant de la même classe ; qu'après avoir énoncé qu'il importait peu que le prénom Laure fût souvent utilisé dans le domaine de la confection et que de nombreux autres dépôts l'employassent pour désigner des produits relevant de la même classe, le juge se devait d'en déduire que le signe dont la protection était réclamée était banal et non distinctif ; qu'en omettant de le faire, la cour d'appel a violé les articles L. 711-1 et L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle ; 2°) que la marque doit être considérée dans son ensemble et la similitude appréciée au regard de la clientèle concernée ; qu'en déclarant que les éléments déterminants de la marque première étaient les prénoms Christine Laure à l'exclusion des termes descriptifs Style boutique, lesquels, écrits en petits caractères, ne constituaient que des éléments additifs secondaires dépourvus de caractère distinctif, et ce bien que précisément l'expression Style boutique impliquât nécessairement que les produits concernés ne devaient être commercialisés qu'en boutique, ce qui excluait leur vente par correspondance, prenant ainsi arbitrairement en considération une seule partie de la marque première pour en déduire la similitude avec celle déposée par la société Christian Marry, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 711-1 et L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que les sociétés Christian Marry et Les Trois Suisses n'ayant pas demandé à la cour d'appel de prononcer l'annulation de l'enregistrement de la marque pour défaut de caractère distinctif, le moyen, qui est exclusivement dirigé contre les motifs de l'arrêt, est irrecevable ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi incident : - Attendu que la société Les Trois Suisses fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Christian Marry à lui payer des dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant de l'action en contrefaçon de marque, alors, selon le moyen : 1°) qu'en déboutant la société Les Trois Suisses de sa demande de dommages-intérêts formée contre la société christian Marry du chef de sa condamnation pour contrefaçon de marque, pour laquelle elle avait obtenu la garantie de cette dernière, en l'absence de préjudice démontré, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par la société Les Trois Suisses, si celle-ci n'avait pas subi un préjudice, non réparé par cette garantie, tenant à l'atteinte à sa réputation et à son image, ainsi qu'à la nécessité dans laquelle elle s'était trouvée de devoir assurer sa défense en justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1447 du Code civil ; 2°) que la censure qui s'attache à un arrêt de cassation n'est pas limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation au cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'il y a dépendance nécessaire entre deux dispositions du même arrêt au cas où l'un des motifs de la décision, dont le caractère erroné a entraîné la cassation d'une disposition dont il était le support, constitue également le soutien indispensable d'une autre disposition de l'arrêt ; que la cassation à intervenir sur le troisième moyen de cassation aura donc pour conséquence l'annulation du chef par lequel la cour d'appel a également débouté la société Les Trois Suisses de sa demande de dommages-intérêts formée contre la société Christian Marry du chef de sa condamnation pour concurrence déloyale ;

Mais attendu qu'ayant constaté l'absence de préjudice démontré, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise ;

Et attendu que le moyen ayant été rejeté en sa première branche, il doit l'être également en sa seconde branche ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, et sur le deuxième moyen du pourvoi incident, pris en ses trois branches, les moyens étant réunis : Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour dire que la société Christian Marry et la société Les Trois Suisses avaient commis des actes de concurrence déloyale, l'arrêt retient que la société Créations LTN ne revendique pas, au titre de la concurrence déloyale, l'exclusivité d'un tissu ou d'un modèle particulier, qu'il importe peu que les premiers juges aient considéré qu'elle ne démontrait pas avoir été la première à présenter au mois de décembre 1995 le modèle de vêtement litigieux, soit à une date antérieure à la commande passée par la société Les Trois Suisses auprès de la société Christian Marry, que l'antériorité Otta, qui n'a d'ailleurs pas date certaine, ni celle contenue dans le catalogue 1989/1990 de la société Christian Marry, invoquées par la société Les Trois Suisses, sont dès lors dénuées de toute portée, que la société Les Trois Suisses ne saurait contester que le modèle qu'elle a offert à la vente dans son catalogue automne-hiver 1996/1997 comporte des caractéristiques déterminantes et essentielles identiques à celui diffusé par la société les créations LTNprésentation générale de la tenue du mannequin, forme du vêtement (longueur de la liquette, carrure épaulée, manche ample et longue, forme des poignets, emploi du même tissu)- associées à la marque Lauren Laure, que ces faits constituent un comportement fautif qui engagent leur responsabilité délictuelle dans la mesure où les acheteurs de ce produit sont amenés à croire que les modèles opposés possèdent la même origine, et qu'il s'ensuit que les sociétés Christian Marry et Les Trois Suisses ont cherché de façon déloyale à profiter du travail et des investissements d'autrui ;

Attendu qu'en se fondant ainsi, pour prononcer condamnation du chef de concurrence déloyale sur un risque de confusion dans l'esprit du public quant à l'origine du produit, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de faits distincts de la contrefaçon de la marque destinée à définir cette origine, n'a pas donné de base légale à sa décision;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal et du pourvoi incident : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Christian Marry et la société Les Trois Suisses du chef de concurrence déloyale, l'arrêt rendu le 8 novembre 2000, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles ;