CE, 9 février 2000, n° 169807
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Noisy-le-Grand (Commune)
Défendeur :
Publichel Est Publicité (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur :
M. Mary
Avocats :
Mes Garaud, SCP Peignot, Garreau.
LE CONSEIL D'ÉTAT - Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai 1995 et 29 septembre 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Commune de Noisy-le-Grand (93160), représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité ; la Commune de Noisy-le-Grand demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 9 février 1995 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de la société Publichel Est Publicité, l'arrêté du 10 octobre 1991 par lequel le maire de la commune a adopté le règlement local de publicité ; 2°) de rejeter la demande présentée par la société Publichel Est Publicité devant le Tribunal administratif de Paris ; (...) ; - Vu la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 ; - Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; - Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Publichel Est Publicité : Considérant que lorsqu'il prend, en application des articles 9 et 10 de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes, un arrêté instituant sur le territoire communal des zones de publicité restreinte, le maire agit au nom de la commune; que, par suite, la Commune de Noisy-le-Grand avait qualité pour faire appel du jugement en date du 9 février 1995 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du maire de Noisy-le-Grand en date du 10 octobre 1991 portant réglementation de la publicité ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que l'article 10 de la loi du 29 décembre 1979 confère, en vue de la protection du cadre de vie, aux autorités locales compétentes un large pouvoir de réglementation de l'affichage en leur permettant notamment de déterminer dans quelles conditions et sur quels emplacements la publicité est seulement admise et même d'interdire la publicité ou des catégories de publicité définies en fonction des procédés et des dispositifs utilisés ; qu'il ressort des pièces du dossier que, dans les zones de publicité restreinte n° 1, n° 2a) et 2b), les articles II1 et II2 de l'annexe à l'arrêté attaqué, interdisent tout dispositif publicitaire, qu'il soit apposé sur un mur, scellé au sol ou installé directement sur le sol, à l'exception du mobilier urbain ; que, dans la zone de publicité restreinte n° 2, hormis le mobilier urbain, seuls les dispositifs apposés aux murs sont autorisés ; que, dans les zones de publicité restreinte n° 3, n° 4 et n° 5, les dispositifs publicitaires sont soumis à des conditions propres à chaque zone ; qu'en n'autorisant ainsi dans certaines des zones de publicité restreinte délimitées par ledit arrêté, la publicité que sur le mobilier urbain, le maire de Noisy-le-Grand n'a pas institué une discrimination illégale entre les entreprises et les modes d'affichage ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance du principe d'égalité pour annuler l'arrêté du maire de Noisy-le-Grand susmentionné ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Publichel Est Publicité devant le Tribunal administratif de Paris et le Conseil d'Etat ;
Considérant que si au cours des séances du groupe de travail, créé par arrêté préfectoral du 3 juillet 1990, qui se sont tenues les 6 novembre 1990 et 17 juin 1991, étaient présentes des personnes qui ne figuraient pas sur la liste établie par ledit arrêté, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces personnes auraient effectivement participé à l'élaboration du règlement local de publicité ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait rendu public un règlement élaboré dans des conditions irrégulières, doit être écarté ;
Considérant que les dispositions de l'article 13 de la loi du 29 décembre 1979 prévoient que l'avis de la commission départementale des sites sur le projet de règlement local de publicité est réputé favorable, s'il n'est pas intervenu dans un délai de deux mois ; qu'il est constant que cet organisme a été saisi du projet de règlement communal ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'avis de ladite commission sur le projet litigieux n'aurait pas été expressément formulé doit également être écarté ;
Considérant qu'il ne résulte pas des dispositions susanalysées du règlement local de publicité que, par l'édiction de ces dernières, le maire de Noisy-le-Grand a entaché son appréciation d'erreur manifeste, ni interdit de manière absolue, en droit comme en fait, l'exercice du droit prévu à l'article 1er de la loi du 29 décembre 1979 ;
Considérant qu'aux termes de l'article I-7 du règlement attaqué : "Sur l'ensemble de l'agglomération, la publicité supportée par le mobilier urbain défini au chapitre III du décret n° 80-923 du 21 novembre 1980 et faisant l'objet d'une convention avec la ville est autorisée aux emplacements existants à la date du présent arrêté. - A l'avenir, toute implantation nouvelle ainsi que tout déplacement du mobilier urbain pourront être autorisés dans les mêmes conditions que celles visées ci-dessus" ;
Considérant qu'en prévoyant que l'apposition des affiches publicitaires ne serait possible que sur les seuls mobiliers urbains ayant fait l'objet d'une convention d'affichage avec la commune, à l'exclusion des mêmes mobiliers installés sur le domaine d'autres collectivités publiques, l'arrêté litigieux a introduit une discrimination illégale entre ces différentes catégories de mobilier urbain ;
Considérant, en revanche, que, par cet article I-7, l'auteur du règlement litigieux a entendu préciser que les mobiliers urbains destinés à supporter un affichage feront l'objet d'une autorisation préalable de la part de la collectivité propriétaire du domaine public concerné et que cette autorisation n'aurait pas à être donnée à nouveau pour les mobiliers urbains installés aux emplacements déjà désignés dans une convention d'affichage conclue par la ville; qu'une telle convention n'est pas distincte du régime de permission de voirie applicable aux mobiliers urbains; que, par suite, ledit règlement s'est borné à tirer les conséquences d'un tel régime et n'a pas instauré un régime d'autorisation préalable prohibé par la loi du 29 décembre 1979 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Commune de Noisy-le-Grand est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé le règlement local de publicité dans son intégralité, au lieu de n'annuler que celles de ses dispositions qui interdisent l'affichage sur le mobilier urbain non implanté sur le domaine public communal ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner la société Publichel Est Publicité à verser à la Commune de Noisy-le-Grand la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions et de condamner la Commune de Noisy-le-Grand à verser à la société Publichel Est Publicité la somme de 5 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 9 février 1995 est annulé en tant qu'il a annulé les dispositions du règlement local de publicité de la Commune de Noisy-le-Grand autres que celles qui interdisent l'affichage sur ceux des mobiliers urbains qui ne sont pas implantés sur le domaine public communal.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la Commune de Noisy-le-Grand est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la société Publichel Est Publicité tendant à l'application de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Commune de Noisy-le-Grand, à la société Publichel Est Publicité et au ministre de l'Equipement, des Transports et du Logement.