CA Paris, 13e ch. B, 29 avril 1998, n° 97-06777
PARIS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sauret
Avocat général :
Mme Auclair
Conseillers :
Mme Marie, M. Chaux
Avocat :
Me Jobert
Rappel de la procédure :
Le jugement :
Le tribunal, par jugement contradictoire à signifier, a déclaré irrecevables à agir les associations Avenir de la langue française et Défense de la langue française.
a relaxé la société I France (du chef de rédaction du mode d'emploi ou d'utilisation d'un produit en langue étrangère, faits commis à Paris le 15 mai 1996 et courant 1996,
contravention prévue et réprimée par l'art. 1 § 1 du décret 956240 du 3 mars 1995, art. 2 al. 1 de la loi 94-665 du 4 août 1994)
Les appels :
Appel a été interjeté par
- Avenir de la langue française association, le 16 juin 1997 contre I
- Défense de la langue française, le 16 juin 1997 contre I
- Monsieur l'officier du Ministère public, le 16 juin 1997 contre I
Décision :
Rendue contradictoirement en application de l'article 410 du CPP à l'égard de la prévenue et contradictoirement à l'égard des parties civiles et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Les associations Avenir de la langue française et Défense de la langue française ont interjeté appel le 16 juin 1997, le ministère public a interjeté appel incident le 16 juin 1997 des dispositions pénales et civiles du jugement rendu le 9 juin 1997 par le Tribunal de police de Paris et ayant relaxé la société I des faits de rédaction du mode d'emploi ou d'utilisation d'un produit en langue étrangère.
L'Association Avenir de la langue française et l'Association Défense de la langue française demandent à la cour de réformer le jugement entrepris, de déclarer recevables les constitutions de parties civiles qu'elles ont formées sur citation directe le 25 novembre 1996, de faire droit à l'ensemble de leurs demandes exprimées dans leurs écritures de première instance, y ajoutant, de condamner la prévenue à payer la somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article 475-1 du CPP ;
La société I, citée à la personne de l'une de ses hôtesses le 13 novembre 1997 par acte régulier d'huissier, ne comparaît pas. Il sera donc statué à son encontre par arrêt contradictoire à signifier selon les dispositions de l'article 410 du CPP ;
Le Ministère public s'en rapporte à la sagesse de la cour et demande l'application de la loi ;
Il résulte des pièces de procédure que dans le courant de l'année 1996, jusqu'au mois de mai 1996, la société I a exposé et vendu un jeu vidéo intitulé T ne comportant pas de notice explicative ni de mode d'emploi en français, qu'il en est de même de tous les messages qui apparaissent à l'écran lors de l'utilisation du jeu ;
Sur ce, LA COUR :
L'article 427 du CPP dispose : "hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve..." ;
L'article 537 du CPP dispose : "les contraventions sont prouvées soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoin à défaut de rapports et procès verbaux ou à leur appui" ;
Ainsi, la loi prévoit d' une manière générale que la preuve des infractions peut être rapportée par les moyens de droit communs hors les cas où des dispositions législatives particulières en disposent autrement ;
La loi du 31 décembre 1975 dispose dans son article 3 que les infractions à ladite loi sont constatées et poursuivies comme en matière d'infraction à la loi du ler août 1905 ;
Le décret du 22 janvier 1919 portant application de la loi du ler août 1905 stipule en son article 1 que la preuve des infractions pour être établie par "toutes voies de droit commun" renvoyant ainsi aux dispositions générales de l'article 427 du CPP ;
Or, cette disposition générale n'est pas reprise par la loi du 4 août 1994 ;
Il résulte en effet des travaux préparatoires que le législateur a voulu se montrer plus restrictif pour la constatation des infractions en disposant que la preuve ne pouvait résulter que d'un procès-verbal transmis à peine de nullité au parquet dans un délai très court ;
En effet, l'article 18 de la loi du 4 août 1994 dispose :
"Les infractions aux dispositions des textes pris pour application de la présente loi, sont constatées par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire ;
Les procès-verbaux doivent, sous peine de nullité, être adressés dans les cinq jours qui suivent leur clôture au Procureur de la République ;
Une copie en est également remise dans le même délai à l'intéressé" ;
Ainsi, non seulement la loi ne fait plus aucune référence aux moyens de preuve de droit commun de la loi de 1975 mais prévoit des modalités particulières de constatation de l'infraction ;
Force est de constater que "la loi en dispose autrement" et que la preuve n'est plus libre ;
La constatation d'une infraction n'a pas de valeur probante lorsque la preuve n'a pas été administrée conformément aux lois et règlements ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement en application de l'article 410 du CPP à l'égard de la société I, contradictoirement à l'égard des parties civiles ; Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions.