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Décisions

CE, 2e et 6e sous-sect. réunies, 18 janvier 1993, n° 94430

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Liote (SA)

Défendeur :

Poitiers (Commune)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bauchet

Rapporteur :

M. Chauvaux

Avocat :

Me Odent.

TA Poitiers, du 13 nov. 1987

13 novembre 1987

LE CONSEIL : - Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'État, présentée pour la société anonyme Liote, dont le siège social est 19, rue de la Belle Feuille à Boulogne-Billancourt (92106); la société anonyme Liote demande que le Conseil d'État: 1°) annule le jugement du 13 novembre 1987 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 26 mai et 30 juin 1987 par lesquels le maire de Poitiers (Vienne) lui a enjoint de procéder à l'enlèvement de neuf panneaux publicitaires implantés au lieu-dit "Vauchardon", en bordure de l'avenue de Paris, 2°) annule pour excès de pouvoir ces arrêtés; (...); Vu la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 et le décret n° 80-923 du 21 novembre 1980; Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987;

Considérant que l'arrêté du 26 mai 1987 par lequel le maire de Poitiers a prescrit à la société anonyme Liote l'enlèvement de neuf panneaux publicitaires est motivé par le fait que ces panneaux "se trouvent en infraction avec les dispositions de la loi du 29 décembre 1979 et plus particulièrement de l'article 8 du décret du 21 novembre 1980, puisque étant inclus dans une zone ND du plan d'occupation des sols";

Considérant qu'aux termes de l'article 8 du décret susvisé du 21 novembre 1980: " les dispositifs publicitaires non lumineux scellés au sol ou installés directement sur le sol sont interdits en agglomération: dans les zones à protéger en raison de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt notamment au point de vue esthétique ou écologique, et figurant sur un plan d'occupation des sols";

Considérant qu'à la date de l'arrêté attaqué, le plan d'occupation des sols du district de Poitiers, approuvé le 18 février 1986, définissait la zone ND comme une "zone protégée pour la qualité de son paysage ou en raison des risques ou nuisances naturels ou artificiels résultant de sa localisation géographique"; qu'eu égard à cette formulation, le fait que les panneaux litigieux étaient implantés dans la zone ND ne suffisait pas à établir qu'ils se trouvaient dans une zone à protéger en raison de la qualité de son paysage au sens de l'article 8 du décret précité; que, dès lors, l'arrêté du 26 mai 1987 est entaché d'une erreur de droit;

En ce qui concerne l'arrêté du 30 juin 1987: - Considérant que par une modification du plan d'occupation des sols du district de Poitiers approuvée le 15 juin 1987, il a été créé à l'intérieur de la zone ND une sous-zone NDr regroupant les secteurs dont la protection résulte exclusivement de l'existence de risques ou de nuisances; qu'ainsi la partie de la zone ND n'appartenant pas à la sous-zone NDr, dans laquelle se trouve inclus le terrain d'implantation des panneaux litigieux, doit être regardée comme ayant été classée en zone ND en raison de la qualité du site;

Considérant qu'aux termes de l'article 40 de la loi du 29 décembre 1979: "Les publicités, enseignes et préenseignes, sous réserve de ne pas contrevenir à la réglementation antérieure et sans que cela permette leur maintien au-delà de la première échéance des contrats et conventions en cours d'exécution lors de l'entrée en vigueur de la présente loi, sont soumises aux dispositions transitoires suivantes: celles mises en place dans les lieux entrés dans le champ d'application des articles 4, 7 et 42-II en vertu d'actes postérieurs à leur installation, peuvent être maintenues pendant un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur des actes précités";

Considérant qu'aux termes de l'article 42-II, premier alinéa, de la même loi: "Les décrets en Conseil d'État mentionnés aux articles 8 et 17, et, le cas échéant, les actes pris en application des articles 6 et 9, déterminent celles des prescriptions édictées en application du Code de l'urbanisme en matière d'implantation, de hauteur et d'aspect des constructions, ainsi que de mode de clôture des propriétés foncières qui sont, au titre de la présente loi, applicables à l'installation des dispositifs mentionnés au deuxième alinéa de l'article 3, des enseignes et des préenseignes";

Considérant que le décret du 21 novembre 1980 a été pris en application de l'article 8 de la loi du 29 décembre 1979; qu'en vertu de l'article 8 de ce décret, le classement d'un terrain situé en agglomération dans une zone d'un plan d'occupation des sols à protéger en raison de la qualité du site a pour effet d'y rendre illégale l'implantation de dispositifs publicitaires non lumineux scellés au sol ou installés directement sur le sol; qu'ainsi, en approuvant le 15 juin 1987 la modification du plan d'occupation des sols susmentionnée, l'autorité compétente a fait entrer le terrain d'implantation des panneaux litigieux dans le champ d'application de l'article 42-II de la loi du 29 décembre 1979; que, dès lors, la société requérante avait droit au maintien des panneaux pendant le délai prévu par l'article 40 de ladite loi; que l'arrêté en date du 30 juin 1987 par lequel le maire de Poitiers l'a mise en demeure de procéder à leur enlèvement dans le délai de 48 heures est par conséquent illégal;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme Liote est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 26 mai et 30 juin 1987 par lesquels le maire de Poitiers lui a enjoint de procéder à l'enlèvement des panneaux litigieux;

Article 1er: Le jugement du 13 novembre 1987 du Tribunal administratif de Poitiers et les arrêtés des 26 mai et 30 juin 1987 du maire de Poitiers sont annulés.

Article 2: La présente décision sera notifiée à la société anonyme Liote, au maire de Poitiers et au ministre de l'Equipement, du Logement et des Transports.