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Décisions

CA Douai, 3e ch., 29 juin 2000, n° 1998-04580

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Taquet

Défendeur :

Affichage Giraudy (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maîtreau

Conseillers :

Mmes Chaillet, Lagrange

Avoués :

Mes Masurel-Thery, Cochème-Kraut

Avocats :

Mes Cabouche, Grasset, Buffin.

T.I. Valenciennes, ord. réf., du 7 mai 1…

7 mai 1998

Marc Taquet a régulièrement interjeté appel d'une ordonnance de référé rendue le 7 mai 1998 qui l'a débouté de ses demandes après avoir constaté que le contrat signé le 19 février 1998 avec la SA Affichages Giraudy doit recevoir son plein et entier effet et a condamné la SA Affichages Giraudy à effectuer les travaux nécessaires à la mise en conformité de l'installation électrique ainsi qu'à payer à Marc Taquet 3 851 F avec intérêts au taux légal sous astreinte provisoire de 100 F par jour pendant 50 jours.

Depuis 1986, Marc Taquet donne en location un emplacement publicitaire à la SA Affichages Giraudy portant installation de trois panneaux " tri-vision " sur le mur pignon de l'immeuble lui appartenant sis 39, avenue Denain à Valenciennes.

Estimant que des travaux de remise en état étaient nécessaires, en particulier le câblage électrique, il a mis en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 août 1997 son locataire d'effectuer les travaux.

Le 17 novembre 1997, il a dénoncé le bail mais par un courrier du 22 janvier 1998 un avenant a été proposé à Marc Taquet qui l'a accepté par courrier du 19 février 1998. Cependant, le 25 février 1998, Marc Taquet se prévalait du délai de rétractation prévu à l'article L. 125-25 du Code de la consommation pour annuler son accord. Le 28 février 1998, la SA Affichages Giraudy retournait à Marc Taquet l'exemplaire de l'avenant par elle régularisé. Puis, Marc Taquet a assigné la SA Affichages Giraudy en référé afin d'obtenir la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire, le bénéfice de la rétractation du 25 février 1998, la dépose immédiate des trois panneaux publicitaires et la remise en état des lieux ainsi que la condamnation de la société locataire au paiement de 3 851 F de loyers impayés. Le président du tribunal a rejeté ses demandes aux motifs qu'il n'apportait pas la preuve d'avoir été démarché à domicile et qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer le Code de la consommation.

En cause d'appel, Marc Taquet demande à la dour l'infirmation partielle de l'ordonnance et de dire que l'avenant litigieux a emporté novation du contrat de location d'emplacement publicitaire et qu'il est donc soumis aux mêmes conditions avec faculté de rétractation puisqu'il a été contacté à domicile par la SA Affichages Giraudy pour la souscription du nouvel avenant, que sa rétractation est régulière, que la dénonciation de l'avenant emporte nécessairement application des sanctions contractuelles pour les manquements de la société locataire à ses obligations d'entretien et donc de constater la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire et d'ordonner la dépose immédiate sous astreinte et à défaut d'autoriser l'appelant à y procéder lui même.

Par ailleurs, Marc Taquet demande la confirmation de l'ordonnance dans sa disposition portant condamnation de la SA Affichages Giraudy au paiement de 3 851 F correspondant à l'échéance du 15 février 1998. Enfin, il sollicite la condamnation de cette société à payer 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les entiers dépens.

Il fait valoir que si le premier juge a admis que l'avenant portait novation du contrat, il l'a de façon erronée débouté au motif qu'il n'a pas été démarché à domicile ; il soutient que le démarchage n'implique pas un déplacement du démarcheur et qu'il a effectivement été démarché oralement et par courrier ce qui implique l'application de l'article L. 121-27 du Code de la consommation. Il affirme que la SA Affichages Giraudy n'a pas régulièrement joint le formulaire de rétractation à l'avenant qui, étant irrégulier, rend l'ensemble du contrat irrégulier. Il rappelle que c'est à elle d'apporter la preuve qu'elle ne l'a pas démarché.

Par ailleurs, il soutient que le juge a confondu délai de réflexion (avant signature du contrat) qui lui aurait permis de se rétracter et délai de rétractation (après signature) ;

Enfin, il conteste la recevabilité de la demande reconventionnelle par l'intimée de dommages et intérêts car il s'agirait d'une demande nouvelle.

En réponse, la SA Affichages Giraudy demande à la cour de confirmer l'ordonnance y ajoutant la condamnation de l'appelant à lui payer 20 000 F de dommages et intérêts, 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les entiers frais et dépens.

Elle soutient que, après avoir reçu la lettre de Marc Taquet datée du 27 août 1997 lui demandant des travaux de remise en état, elle a adressé au bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 décembre 1997, un projet d'avenant au bail avec un loyer annuel de 25 000 F et engagement de remise en état des installations, que Marc Taquet a sollicité de sa part que les loyers restant dus fussent non de 10 000 F mais de 21 250 F, ce qui a été intégralement repris dans le courrier du 22 janvier 1998 renvoyé un mois plus tard, le 19 février 1998, par Marc Taquet qui a déclaré se rétracter le 25 février 1998 en invoquant l'article L. 121-25 du Code de la consommation. Elle soutient que cet article est inapplicable car il ne s'applique qu'à une commande avec livraison. En outre, elle rappelle qu'elle a exécuté les travaux demandés qu'elle n'avait pas effectués dans le délai d'un mois du fait même des négociations et qu'elle a payé ses loyers.

Enfin, elle rappelle que le conseil de Marc Taquet est également celui de la SA Decaux Publicité qui cherche à louer les emplacements sur lesquels elle est elle-même installée et qu'elle subit un préjudice du fait de cet appel abusif.

SUR CE :

Attendu que Marc Taquet a conclu le 19 mars 1986 avec la SA Affichages Giraudy un contrat de location d'emplacement de publicité, 39 avenue de Denain à Valenciennes pour une durée de six ans tacitement renouvelable chaque année ; Qu'un deuxième contrat a été signé le 28 août 1996 avec effet pour six ans à compter du 15 novembre 1996 moyennant un loyer annuel de 15 000 F ;

Attendu que par courrier recommandé du 27 août 1997 Marc Taquet a demandé à la société locataire de réaliser des travaux d'électricité pour mise aux normes de sécurité ; que se sont alors engagés des pourparlers entre le bailleur et la locataire qui a proposé un premier puis un deuxième avenant au bail portant sur le prix revalorisé et sur les travaux à effectuer avec rétroactivité au 15 novembre 1997 ; que Marc Taquet a signé ce deuxième avenant le 19 février 1998 ;

Attendu qu'il a voulu se rétracter invoquant le délai de rétractation pour "annuler sa commande" en visant la loi du 22 décembre 1972 ;

Attendu que le démarchage à domicile du propriétaire pour lui proposer de donner à bail un emplacement afin d'y apposer un panneau publicitaire constitue un démarchage en vue de la location d'un bien visé par l'article 1er de la loi du 22 décembre 1972 ; qu'un tel démarchage ne fait l'objet d'aucune réglementation par un texte législatif particulier ; que l'article 39 de la loi du 29 décembre 1979 régit le contrat de louage d'emplacement privé aux fins d'apposer de la publicité ; qu'il ne réglemente cependant pas le démarchage en vue de la signature de tels contrats ; que seule la loi du 22 décembre 1972 est alors applicable ;

Attendu cependant que le démarchage est le mode de prospection commerciale à domicile, c'est-à-dire la recherche de clients ou cocontractants nouveaux ; qu'il présuppose qu'il n'y ait pas eu d'accord préalable pour le même objet et que la personne démarchée n'ait pas eu une réelle intention de contracter ;

Attendu que l'avenant se caractérise comme opérant la modification d'un contrat préexistant ; qu'il fait donc l'objet non d'un démarchage mais de pourparlers entre les co-contractants initiaux ; qu'il ne peut dès lors s'inscrire dans la logique du démarchage ; qu'il relève de l'évidence qu'il ne peut être soumis aux dispositions des article L. 121-21 et suivants du Code de la consommation ;

Attendu que, pour ces motifs, Marc Taquet ne pouvait invoquer le pouvoir de rétractation prévu par lesdites dispositions ; que le nouveau contenu du bail, obéissant aux règles du Code civil en matière de formation du contrat, ne pouvait être révoqué que par l'accord des cocontractants ; que Marc Taquet est donc lié par l'avenant qu'il a signé le 19 février 1998 ;

Attendu, en outre, que les modifications apportées par ledit avenant portent sur le montant du loyer annuel et sur les obligations de travaux de mise en conformité et de sécurité ; qu'il s'agit donc d'une nouvelle dette du preneur à l'égard du bailleur opérant novation au sens de l'article 1271-1° du Code civil ; que, dès lors, comme l'a constaté le premier juge, la demande relative à la résolution du bail initial du 28 août 1996 fondée sur les travaux non réalisés par la société locataire est devenue sans objet ;

Attendu que Marc Taquet ne conteste pas que ces travaux ont été réalisés par la locataire ; que la SA Affichages Giraudy ne produit cependant aux débats aucun document justifiant qu'elle ait payé le loyer échu le 15 février 1998 ; que l'ordonnance sera donc confirmée ;

Attendu que la SA Affichages Giraudy ne justifie que par une présomption de concurrence déloyale avoir subi un préjudice du fait de la procédure engagée par Marc Taquet ; que la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive qui peut être formulée en appel pour la première fois n'étant ainsi pas justifiée est rejetée ;

Attendu qu'il est équitable que Marc Taquet, partie succombante, soit condamné à payer 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il sera condamné aux dépens d'appel ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement ; Confirme l'ordonnance déférée dans toutes ses dispositions ; Déboute la SA Affichages Giraudy de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ; Condamne Marc Taquet à payer à la SA Affichages Giraudy la somme de 3 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Marc Taquet aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP d'avoués Cocheme Kraut Reisenthel conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.