CE, 2e et 6e sous-sect. réunies, 20 septembre 1993, n° 110247
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Sayag Electronic (Sté)
Défendeur :
Montpellier (Commune)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bauchet
Rapporteur :
M. Devys
Avocats :
SCP Delaporte, Briard, SCP Boré, Xavier.
LE CONSEIL : - Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'État, présentée pour la société Sayag Electronic, dont le siège social est 5 et 7, rue de la Gare à Issy-les-Moulineaux (92130) ; la société Sayag Electronic demande au Conseil d'État: 1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 6 juillet 1989 en tant qu'il rejette ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation des arrêtés du maire de Montpellier en date des 1er juillet 1988, 19 avril et 12 mai 1989 mettant en demeure sous astreinte les sociétés Cabinet d'Assas, Elysold, La Centrale et Auto Radio Clémenceau de déposer des dispositifs publicitaires, d'autre part, à la condamnation de l'État et de la ville de Montpellier à la rembourser des frais exposés par elle et non compris dans les dépens; 2°) d'annuler lesdits arrêtés; 3°) de condamner la ville de Montpellier et l'État à lui verser la somme de 20 000 F au titre des frais irrépétibles; (...) ; - Vu la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979; - Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987;
Considérant que la société Sayag Electronic justifie, à raison des relations contractuelles qui l'unissent aux sociétés Auto Radio Clémenceau, cabinet d'Assas, la Centrale et Elysold, ses clients, d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation pour excès de pouvoir des arrêtés du maire de Montpellier des 1er juillet 1988, 19 avril et 12 mai 1989, mettant en demeure ces sociétés de déposer sous astreinte les "enseignes à défilement" apposées sur leurs magasins; qu'ainsi la société Sayag Electronic est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué, en tant que le Tribunal administratif de Montpellier y a rejeté ses demandes comme irrecevables;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions d'excès de pouvoir présentées en l'instance par la société requérante contre les arrêtés susanalysés;
En ce qui concerne les arrêtés du 19 avril 1989: - Considérant qu'en interdisant par mesure générale, à l'article 24-3 du "règlement d'occupation et d'utilisation de l'espace urbain", toute enseigne par projection intermittente "à l'exception des journaux électroniques que la ville installera pour son propre compte", le maire de la ville de Montpellier a excédé les pouvoirs qu'il tient de l'article 17 de la loi susvisée du 29 décembre 1979 d'édicter des prescriptions relatives aux enseignes; que, par suite, les arrêtés contestés ordonnant, par application de ce règlement, la suppression des enseignes litigieuses sont entachés d'illégalité et doivent être annulés;
En ce qui concerne les arrêtés des 1er juillet 1988 et 12 mai 1989: - Considérant que les deux arrêtés attaqués mentionnent les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement; qu'ils sont donc suffisamment motivés;
Considérant que ces arrêtés ont été signés par un adjoint au maire de Montpellier, disposant à cette fin d'une délégation régulière, en vertu d'un arrêté du 3 mai 1984;
Considérant que si la société requérante conteste la légalité des prescriptions du règlement local de publicité dont la violation a motivé la mise en demeure, elle n'apporte au soutien de ce moyen aucune précision de nature à en apprécier le bien-fondé;
Considérant, dès lors, que la société Sayag Electronic n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêtés des 1er juillet 1988 et 12 mai 1989 du maire de Montpellier;
Sur les conclusions de la société requérante et de l'Etat relatives à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991: - Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991: "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation"; que la ville de Montpellier n'ayant pas la qualité de partie à l'instance ne saurait ni en première instance ni en appel être condamnée par application de ce décret; que ces dispositions font également obstacle à ce que la société requérante, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à payer à l'État les sommes qu'il réclame en appel; qu'il y a lieu, au contraire, de condamner l'État à verser à la société Sayag Electronic la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elle tant en première instance qu'en appel;
Décide:
Article 1er: Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Montpellier en date du 6 juillet 1989, en tant qu'il rejette les conclusions de la société Sayag Electronic dirigées contre les arrêtés du maire de Montpellier du 1er juillet 1988, du 19 avril 1989 et du 12 mai 1989, est annulé.
Article 2: Les arrêtés du 19 avril 1989 du maire de Montpellier sont annulés.
Article 3: L'État est condamné à verser à la société Sayag Electronic la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 4: Le surplus des conclusions de la société Sayag Electronic et les conclusions de l'État sont rejetés.
Article 5: La présente décision sera notifiée à la société Sayag Electronic, à la ville de Montpellier et au ministre de l'Equipement, des Transports et du Tourisme.