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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 4 février 1999, n° 4780-97

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

CNPA

Défendeur :

ODA (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gallet

Conseillers :

MM. Boilevin, Raffejeaud

Avoués :

SCP Bommart Minault, SCP Lissarrague Dupuis

Avocats :

Mes Guillin, Fauquet.

T. com. Nanterre, 7e ch., du 20 mai 1997

20 mai 1997

La Conseil National des Professionnels de l'Automobile (ci-après CNPA) a donné mandat à diverses agences de publicités de souscrire des ordres d'insertion publicitaire dans les annuaires de France Télécom.

En exécution de ces mandats, les agences Arc-en-ciel Diffusion et AG Pub ont passé trois ordres d'insertion auprès de la société ODA, régisseur de la publicité de France Télécom.

Les insertions publicitaires ont été réalisées et ont été facturées au nom du CNPA pour un montant total de 180 747 F hors taxes.

La société ODA a mis en demeure le CNPA, de même que certains de ses membres qui avaient eux aussi passé des annonces par l'intermédiaire des agences de publicité susnommées, de régler ses factures.

Les annonceurs ont refusé dès lors qu'ils s'étaient déjà acquittés de leurs montants auprès des sociétés intermédiaires, lesquelles, mises en liquidation judiciaire, n'avaient pas reversé à la société ODA les sommes perçues.

C'est dans ces conditions que le CNPA, agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses adhérents, a attrait la société ODA devant le Tribunal de commerce de Nanterre pour entendre dire que les paiements effectués entre les mains des agences de publicité étaient libératoires, et que 41 membres du CNPA sont intervenus dans la procédure.

Par jugement en date du 20 mai 1997, le Tribunal de commerce de Nanterre s'est déclaré incompétent vis-à-vis des intervenants volontaires au profit du Tribunal de commerce de Paris et a condamné le CNPA à payer à la société ODA la somme de 216 904,83 F avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 1996.

Pour prononcer la condamnation du CNPA, les premiers juges ont retenu que cet organisme professionnel ne pouvait pas ignorer la loi du 29 janvier 1993 et se laisser abuser par l'attitude des agences de publicité laissant croire qu'elles agissaient comme mandataires de la société ODA.

Le CNPA a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 9 juin 1997.

Il avait intimé ses 41 adhérents, lesquels avaient formé appel incident, mais s'en sont désistés par conclusions signifiées le 20 octobre 1998.

Le conseiller de la mise en état leur a donné acte de leur désistement par ordonnance du même jour.

Le CNPA a soutenu que les relations entre les parties ne s'étaient pas déroulées dans le cadre de la loi du 29 janvier 1993 dite loi Sapin, laquelle ne pouvait trouver application en l'espèce.

Il a considéré que les agences de publicité étaient en fait les mandataires apparents de la société ODA et que le paiement effectué entre leurs mains était donc libératoire.

Il a estimé, à titre subsidiaire, que compte tenu du comportement des parties, de l'absence de protestation de la société ODA au paiement fait par lui aux agences de publicité et de sa bonne foi, la société ODA ne pouvait rien lui réclamer.

Il a donc conclu au débouté de la société ODA de sa demande et a sollicité une somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Après avoir conclu à l'irrecevabilité de l'action du CNPA en ce qu'elle était engagée pour le compte de ses adhérents et avait pour but d'obtenir de la cour un arrêt de règlement, la société ODA a sollicité la confirmation du jugement, outre le paiement d'une somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle a répliqué sur le fond, que l'article 21 de la loi Sapin avait été strictement respecté, que les agences de publicité n'étaient pas ses mandataires apparents, mais étaient au contraire les mandataires des annonceurs, lesquels étaient tenus d'exécuter les engagements contractés en leur nom, et qu'enfin, les paiements effectués n'étaient pas libératoires.

Sur ce,

Sur la recevabilité de l'action du CNPA :

Considérant que les adhérents du CNPA, signataires de contrats auprès d'agences de publicité, ont été attraits dans la procédure, puis se sont désistés de leurs demandes, de sorte que l'action du CNPA ne tend plus aujourd'hui qu'à être déchargé du paiement des annonces publicitaires passées par lui personnellement.

Considérant qu'à ce titre, son action est recevable.

Sur le fond :

Considérant que le CNPA a donné mandat le 25 juillet 1994 à la société Arc-en-Ciel Diffusion et le 10 mai à la société AG Pub de souscrire pour son compte des ordres d'insertion relatifs à des espaces publicitaires à paraître dans les annuaires de France Télécom, auprès de son régisseur exclusif, la société ODA.

Considérant que le mandat spécifiait notamment que l'agence de publicité devait vérifier très soigneusement toutes les factures ainsi que les parutions et, après vérification, régler avec la célérité requise.

Considérant que les insertions publicitaires ont été réalisées conformément aux instructions données, que les factures établies au nom du CNPA comme il se devait ont été rédigées par celui-ci aux agences de publicité comme il était convenu, mais que celles-ci n'ont pas retransmis à la société ODA les paiements reçus de leur mandant.

Considérant qu'il est prétendu par l'appelant que les dispositions de l'article 21 de la loi du 29 janvier 1993 auraient été détournées par la prise en charge de la commission de l'intermédiaire par la société ODA et par l'acceptation par celle-ci de paiements différés et échelonnés.

Considérant que l'article 21 de la loi du 29 janvier 1993 dispose que " la mandataire ... ne peut ni recevoir d'autre paiement que celui qui lui est versé par son mandant pour la rémunération de l'exercice de son mandat nui aucune rémunération ou avantage quelconque de la part du vendeur ".

Considérant que si, en l'espèce, la société ODA consent une remise à l'annonceur passant par l'intermédiaire d'une agence de publicité, cette remise dont bénéficie le seul annonceur est la contrepartie de l'économie de coût commercial que réalise le vendeur, mais ne constitue pas la rémunération de l'agence, laquelle est fixée librement entre l'annonceur et l'agence et peut donc être égale, inférieure ou supérieure au montant de la remise.

Considérant que le CNPA, qui avait choisi de régler ses insertions par l'intermédiaire des agences de publicité plutôt que directement à la société ODA et qui connaissait par la lettre d'envoi des factures que celle-ci lui adressait la date à laquelle le paiement devait lui parvenir, n'est pas fondé à arguer de paiements échelonnés ou différés prétendument irréguliers.

Considérant qu'il le peut d'autant moins qu'il avait donné mandat aux agences de ne remettre le prix de l'ordre d'insertion qu'une fois qu'elles auraient pu vérifier la conformité de la parution, ce qui impliquait nécessairement le report du paiement à la date de parution de l'annuaire concerné.

Considérant que pour prétendre à l'existence d'un mandat apparent, le CNPA soutient, sans en apporter la preuve, que les agences se seraient présentées à lui comme ayant reçu pouvoir de la société ODA de recevoir paiement en ses lieu et place.

Considérant que pour qu'il y ait mandat apparent, il faut que le tiers ait pu légitimement croire que le mandataire agissait en vertu d'un mandat et dans les limites de ce mandat.

Considérant que tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque dans les lettre d'accompagnement des factures, la société ODA indiquait au CNPA qu'elle était " un régisseur de la publicité dans les annuaires de France Télécom et ne mandat(ait) aucune agence de publicité ", en lui rappelant qu'au contraire, c'était lui le mandant desdites agences.

Considérant que, dans ces conditions, le CNPA ne peut pas soutenir s'être mépris sur la nature des relations existant entre les agences de publicité et la société ODA, en invoquant des " habitudes juridiques antérieures " à l'entrée en vigueur de la loi du 29 janvier 1993.

Considérant enfin, que les paiements effectués par la CNPA entre les mains de ses mandataires ne sont pas libératoires,

Qu'en effet, si le CNPA a opté, comme le lui permet l'article 20 dernier alinéa de la loi du 29 janvier 1993, pour un paiement par l'intermédiaire de ses mandataires, cette option s'impose à la société ODA, laquelle ne peut donc protester contre les paiements ainsi effectués et n'a aucun moyens d'aviser en temps utile les débiteurs d'un détournement par les mandataires des sommes versées puisqu'elle ignore si un versement est effectivement intervenu,

Qu'en outre, le CNPA invoque vainement les dispositions de l'article 1240 du Code civil, puisqu'il n'ignorait pas que le destinataire final des fonds versés devait être la société ODA.

Considérant qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris.

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société ODA une somme de 10 000 F en compensation de ses frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare le CNPA recevable, mais mal fondé en son appel, Confirme le jugement entrepris, Y ajoutant, Condamne le CNPA à payer à la société ODA la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Le condamne aux dépens et autorise la SCO Lissarrague Dupuis & associés, avoués en la cause, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.