CA Paris, 5e ch. C, 12 février 1999, n° 1997-26696
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Paris Location (SA)
Défendeur :
ODA (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Desgrange
Conseillers :
Mme Cabat, M. Bouche
Avoués :
SCP Bernabé-Ricard, Me Huyghe
Avocats :
Mes Guez, Quenet.
Le 27 octobre 1994 la société Paris Location spécialisée dans la location de matériels d'outillage, a souscrit auprès de l'Office d'Annonces - ODA - un ordre d'insertion en vue de la parution d'annonces publicitaires dans les annuaires téléphoniques des départements 92, 93 et 94 ;
Le 23 novembre 1994, elle a souscrit un second ordre d'insertion pour la parution d'annonces dans les annuaires de cinq arrondissements parisiens.
Lors de l'exécution de ce second contrat, certaines annonces sont parues avec le logo " Honda Energie " dont elle assure effectivement la concession, au lieu du logo " Paris Location " ; la société ODA a reconnu son erreur mais n'a pas trouvé d'accord transactionnel avec l'annonceur.
Constatant la faiblesse de ses ventes, la société Paris Location a tenu la société ODA responsable de la perte de son chiffre d'affaires et l'a fait assigner le 6 février 1996 en condamnation provisionnelle de un million de francs et en nomination d'un expert pour chiffrer l'étendue de son préjudice.
Par jugement du 8 octobre 1997 le Tribunal de commerce de Paris, tout en admettant que la société ODA a commis des " erreurs grossières " dans la réalisation des annonces, a jugé que le préjudice allégué par la société Paris Location ne repose que sur cette suite d'hypothèses, et l'a condamnée à solder le compte d'annonce par une somme de 15 714,50 F majorée d'une pénalité contractuelle qu'il a réduite au franc symbolique.
La société Paris Location est appelante de ce jugement assorti de l'exécution provisoire.
Elle expose qu'échaudée par des difficultés récentes rencontrées avec ODA, elle a pris soin de commander des annonces bien spécifiques pour les annuaires 1995, dont elle fait dans ses conclusions l'énoncé précis ;
Que par les erreurs commises à nouveau par ODA, l'impact de la publicité s'est avéré totalement nul ;
Que pendant deux ans, il en est résulté une baisse d'activité de la société Paris Location dont elle demande réparation par une indemnité calculée sur la base d'une perte de 4 800 clients.
L'appelante demande en conséquence l'infirmation intégrale du jugement entrepris, 3 888 000 F d'indemnité ainsi que " les intérêts légaux ", subsidiairement une provision de un million de francs à valoir sur un préjudice à chiffre par expert, et 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Office d'Annonces - ODA - conclut à la confirmation du jugement déféré, sauf en ce qu'il a réduit la pénalité contractuelle à un franc ; elle demande 1 532,16 F à ce titre, et une indemnité de 12 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'ODA ne conteste pas ses erreurs en ce qui concerne le logo " Honda Energie " au lieu de " Paris Location " dans certaines annonces mais conteste l'existence d'un lien de causalité direct entre cette faute et le préjudice allégué par l'annonceur.
Motifs de la cour
Considérant que les ordres de publicité donnés par la société Paris Location ont été correctement exécutés par l'ODA dans les annuaires des départements des Hauts-de-Seine (92), de la Seine-Saint-Denis (93), du Val-de-Marne (94) et de cinq arrondissements de Paris.
Considérant qu'en revanche le litige porte sur les "pavés" des magasins parisiens, qui sont sans rapport avec les ordres d'insertion passés par l'annonceur ;
Qu'ainsi l'ODA a mélangé deux activités de l'annonceur : la location de matériel d'une part, et la concession de la marque Honda d'autre part ;
Que la production aux débats du bon à tirer permet de récapituler les éléments du message, et confirme bien la clarté du message de la société Paris Location : " Nous sommes les professionnels de la location de matériel et nous mettons en location les outils adaptés à chaque travail ".
Qu'en remplaçant "Paris Location" par "Honda Energie, l'outil qu'il vous faut pour un travail de pro", on saisit aisément la vacuité, et l'absence de signification du message dans le cadre général de la location d'outils, que l'ODA feint de confondre à tort avec la rubrique " Groupe électrogène " où l'annonceur fait aussi des insertions " Honda Energie ".
Considérant que l'ODA a bien évidemment admis ses erreurs qualifiables de " grossières ", selon les justes termes du jugement déféré,et a consenti fin décembre 1995 à sa cliente un avoir de 71 397,20 F TTC correspondant au prix des annonces litigieuses ; qu'il a refusé toutefois de renoncer à percevoir le solde de 15 714,50 F relatif aux prestations bien exécutées, objet de la condamnation prononcée en première instance à l'encontre de la société Paris Location.
Qu'il réclame cependant que soit appliquée dans toute sa rigueur la clause pénale complémentaire de 1 532,16 F.
Considérant que la société Paris Location prétend avoir perdu 4 800 contrats pendant l'année 1995 ;
Qu'elle produit à cette fin des documents dont la force probante reste très contestable :
- un document sur son chiffre d'affaires de 1995 dont elle est la seule rédactrice,
- une absence de distinction entre ses activités de vente et de location,
- des tableaux du nombre approximatif d'appels téléphoniques mensuels de 1984 à 1996 qui relèvent plus de l'estimation que de la preuve,
- une baisse estimée de son chiffre d'affaires qui ne tient pas compte de la baisse partiellement consécutive de ses charges ;
Considérant que, si le principe d'un préjudice provoqué par les erreurs de publicité est certain, il se résout en des dommages-intérêts que la cour ne saurait faire vérifier par un expert dont le rôle ne doit pas suppléer la carence de la société dans l'administration de la preuve ;
Qu'au demeurant à défaut de preuve du lien de causalité entre la faute de l'ODA et la baisse alléguée de son chiffre d'affaires, la société Paris Location est fondée à ne réclamer l'indemnisation que d'une perte de chance de voir stabiliser ou croître sa clientèle ;
Que cette perte de chance sera indemnisée par une somme d'un montant égal à la dette dont elle reste redevable à l'égard de l'ODA,pénalité contractuelle comprise et justement réduite par le tribunal à un franc compte tenu des circonstances compréhensibles de sa résistance au paiement qui rend le montant de la clause pénale manifestement très excessif.
Considérant que l'ODA, dont la faute reste à l'origine du litige, doit supporter la charge de tous les dépens de première instance et d'appel, et en équité indemniser la société appelante de tout ou partie de ses frais irrépétibles de défense.
Par ces motifs, Confirme le jugement du 8 octobre 1997 en ce qu'il a condamné la société Paris Location à payer à la société Office d'Annonces - ODA - la somme de 15 714,50 F augmentée de un franc de pénalité. Le réformant pour le surplus, Condamne l'ODA à payer à la société Paris Location une somme d'un même montant de dommages-intérêts. Ordonne la compensation entre les créances réciproques. Condamne l'ODA à payer à la société Paris Location 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne l'ODA aux dépens de première instance et d'appel. Admet la SCP Bernabé-Ricard, avoué, au droit de recouvrement direct dans les conditions prévues par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.