CA Paris, 5e ch. B, 2 juin 1995, n° 94-9178
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Editions Glénat (SA)
Défendeur :
Métrobus Publicité
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leclercq
Conseillers :
MM. Bouche, Lefevre
Avoués :
SCP Roblin Chaix de Lavarene, SCP D'Auriac Guizard
Avocats :
Mes Doré, Sautelet.
Aux termes de deux contrats, l'un en date du 26 décembre 1984 conclu avec l'agence Jean Marie Fritsch, l'autre en date du 21 février 1985 conclu avec l'agence FD Conseil, la société Métrobus, Régie Publicitaire des Transports Parisiens, a donné en location aux agences divers emplacements afin d'y apposer de la publicité pour des bandes dessinées et pour la collection Circus éditées par la société Glénat de Grenoble.
Les deux factures afférentes à ces contrats ont été adressées, aux agences courant 1985 mais n'ont jamais été payées et l'une des agences a fait l'objet d'une procédure collective. Les factures qui ont été directement adressées à la société Glénat n'ont pas plus été payées malgré mise en demeure du 15 octobre 1985.
Saisi le 23 avril 1993 par la société Métrobus d'une assignation des Editions Glénat en paiement, le Tribunal de commerce de Paris, par jugement contradictoire du 1 er mars 1994 :
- a rejeté l'exception d'incompétence territoriale opposée par la défenderesse au profit de la juridiction grenobloise en se fondant sur l'article 46 du nouveau Code de procédure civile qui autorise en matière contractuelle le demandeur à choisir la juridiction du lieu d'exécution de la prestation,
- a dit que les deux agences ont agi en tant que mandataire de la société Glénat et, faisant application de l'article 1998 du Code civil stipulant que le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire,
- a condamné la société Glénat à payer à la société Métrobus la somme de 289 276,50 F pénalité contractuelle comprise avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 1985 sur la somme de 231 421,20 F, ainsi que 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Editions Glénat a fait appel de cette décision dont l'exécution provisoire a été expressément exclue.
Elle soutient que le tribunal a méconnu les règles de compétence puisque se prétendant étrangère aux contrats conclus par les agences de publicité ou à tout le moins, n'ayant pas elle même accepté la clause attributive du contrat, elle ne peut se voir opposer la disposition de l'article 46 du nouveau Code de procédure civile. Elle en déduit que la juridiction consulaire de son siège social Grenoble, était donc seule compétente.
Elle prétend à titre subsidiaire que les paiements non contestés qu'elle a fait aux agences de publicité, l'ont libérée de sa dette et que la qualité de mandataire que la société Métrobus prête aux agences de publicité, ne résulte que d'un choix que cette société leur a imposé dans des contrats d'adhésion. Elle invoque des usages professionnels selon lesquels elle se serait libérée de sa dette envers le support de la publicité en payant les factures aux agences.
La société Glénat conclut en conséquence à l'infirmation du jugement déféré, et demande 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Métrobus Publicité au contraire conclut à la confirmation du jugement déféré, tant sur la compétence du tribunal de Paris que sur les condamnations fondées sur l'engagement pris par les agences pour le compte de la société Glénat, leur mandant. Elle soutient que les paiements faits par le donneur d'ordre à ses mandataires ne sont pas libératoires à son égard. Elle réclame 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Motifs de la Cour :
Sur la compétence :
Considérant que bien que la société Glénat ne les ait pas signés, les contrats de location d'espaces publicitaires stipulent clairement que les agences de publicité signataires ont agi en qualité de "mandataire ducroire" de la société des Editions Glénat pour le compte de laquelle les locations étaient conclues ;
Considérant que l'article 1984 du Code civil définit le mandat comme un acte juridique par lequel un mandant donne à un mandataire le pouvoir de faire quelque chose pour le compte du mandant ou en son nom, ce qui différencie le mandataire du commissionnaire qui agit pour son propre compte ; qu'il n'est justifié d'aucun usage professionnel faisant de l'agent de publicité un commissionnaire ;
Considérant que les stipulations des contrats et notamment la clause attribuant compétence au tribunal de Paris ont certes été rédigées par la société Métrobus ;qu'elles ne s'imposent à la société Glénat à défaut d'adhésion personnelle qu'autant qu'elle ait donné mandat effectif ou même seulement apparent aux agences qui les ont acceptées, de contracter pour son compte avec la société Métrobus ;
Considérant que la preuve de l'existence et de la nature de relations contractuelles est libre en matière commerciale.
Qu'en dévoilant à la société Métrobus, support de publicité choisi l'identité de l'annonceur, la société Glénat, au nom duquel les contrats devaient être rédigés, les agents de publicité lui ont révélé l'existence d'un mandat au moins apparent et ont mis la société Métrobus en mesure de s'en prévaloir en leur ensemble directement à l'égard de la société Glénat ;
Que la société Glénat a ratifié par ailleurs les actes de ses mandataires en payant les locations qu'ils ont conclues pour son compte ; qu'elle a enfin expressément reconnu l'existence de siens contractuels avec l'agence Jean Marie Fritsch dans une lettre du 8 mars 1993 adressée à son conseil : "... Nous vous confirmons que nous avions acheté de l'espace à la société Métrobus par l'intermédiaire de l'agence JM Frisch et que nous nous sommes régulièrement acquittés de notre dette en 1985" ;
Qu'elle n'a jamais prétendu qu'elle n'avait pu disposer des espaces loués et n'a jamais reproché aux agents qu'elle a rémunérés d'avoir commis une faute dans l'exécution de leur décision ni d'avoir outrepassé leurs pouvoirs ;
Considérant que la clause d'attribution de compétence n'est nullement inhabituelle ;qu'il appartenait à la société Glénat de donner à ses mandataires les instructions de refus si elle entendait l'exclure ;
Considérant en conséquenceque le Tribunal de commerce de Paris avait compétence tout à la fois par application de la clause d'attribution acceptée pour son compte par les mandataires de la société Glénat et par application des dispositions de l'article 46 du Code de commerce en tant que juridiction du lieu parisien d'exécution des prestations contractuel les concernées.
Sur les paiements :
Considérant que se fondant tant sur l'existence d'un mandat apparent donné par la société Glénat aux agences de publicité que sur la qualité de mandataire ducroire expressément acceptée par les agences, la société Métrobus demande la confirmation de la condamnation de la société Glénat à lui payer les loyers qu'elle n'a pas reçus, et les pénalités contractuelles afférentes ;
Que la société Glénat au contraire, se référant aux usages professionnels se prétend déchargée de sa dette par les paiements qu'elle a effectués en 1985 par chèques et par lettres de change dont elle justifie.
Considérant que la société Glénat peut se prévaloir à l'encontre de la société Métrobus qui n'en disconvient pas, des clauses des contrats de location d'espaces conclus par ses mandataires ;
Considérant que l'article 3 de ces contrats stipule après avoir énoncé que Métrobus se charge elle même en principe du recouvrement des loyers, que "lorsque les paiements sont confiés, d'ordre du preneur et sous sa responsabilité à son agent de publicité, les factures peuvent être libellées au titre de ce dernier, au prix net commission déduite, sans que cette opération soit opposable à Métrobus qui conserve la faculté, le cas échéant, de facturer directement au preneur les sommes qui pourraient lui être dues".
Qu'il n'est pas contesté qu'en exécution de cette stipulation la société Métrobus a facturé en 1985 aux agences JM Fritsch et FD Conseil le montant des loyers dus par la société Glénat, leur donnant ainsi parallèlement au mandat qu'elles tenaient du donneur d'ordre, un mandat distinct de percevoir ces loyers pour son compte ;
Qu'en justifiant s'être acquittée en 1985 de sa dette auprès de ces agences, la société Glénat a effectué à l'égard de leur mandant, la société Métrobus des paiements libératoires ;
Que la facturation faite en 1993 par la société Métrobus directement à la société Glénat, bien que conforme au dernier terme de la stipulation sus énoncée, n'est pas de nature à remettre en cause cette libération antérieure; que la dette de la société Glénat était alors éteinte depuis huit ans ;
Considérant en conséquence que le jugement doit être infirmé ;
Qu'en équité, l'appelante est fondée à être indemnisée de ses frais irrépétibles de défense exposés tant en première instance qu'en appel ;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement du 1er mars 1994 en ce qu'il a déclaré compétent le Tribunal de commerce de Paris ; L'infirmant sur le fond ; Dit que les paiements faits en 1985 par la société Editions Glénat entre les mains des agences de publicité ont été libératoires ; Déboute en conséquence la société anonyme Régie Publicitaire des Transports Parisiens dite Métrobus Publicité de ses demandes de condamnation ; Condamne la société Métrobus Publicité à payer à la société Editions Glénat 15 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Métrobus Publicité aux dépens de première instance ; Admet la société civile professionnelle Roblin Chaix de Lavarene, avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.