CA Paris, 25e ch. A, 16 octobre 1998, n° 1996-16318
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Métrobus Publicité (SA)
Défendeur :
Dado Léonidas (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Briottet
Conseillers :
Mmes Deurbergue, Bernard
Avoués :
SCP d'Auriac-Guizard, SCP Bommart-Forster
Avocats :
Mes Sautelet, Deray.
LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société Régie Publicitaire des Transports Parisiens Métrobus du jugement du Tribunal de commerce de Paris, prononcé le 19 juin 1996, qui l'a déboutée de ses demandes à l'encontre de la SA Dado Léonidas et qui l'a condamnée à payer à cette dernière une indemnité de 5 000 F en application de l'article 700 du NCPC.
Par un contrat en date du 2 décembre 1993, l'agence de publicité ADE, déclarant agir à titre de mandataire de la SA Dado Léonidas, a conclu avec la société Métrobus une campagne d'affichage publicitaire dans les couloirs du métro et du RER l'affichage a eu lieu du 8 au 22 décembre 1993. L'agence, mise en redressement judiciaire, n'ayant pas payé la totalité des prestations, le 18 mars 1994, la société Métrobus a mis en demeure la SA Dado Léonidas d'avoir à lui régler la somme de 70 731,51 F, ce que cette dernière a refusé de faire au motif qu'elle avait versé à son mandataire la somme de 45 305,20 F, montant de sa participation à la campagne. C'est dans ces circonstances que la société Métrobus a assigné la SA Dado Léonidas devant le Tribunal de commerce de Paris, qui a estimé qu'elle n'apportait pas la preuve de l'existence d'un mandat apparent entre l'agence et l'importateur de chocolats et que ce dernier avait réglé sa participation.
Appelante, la société Métrobus soutient en substance :
- que la loi du 29 janvier 1993 impose la signature d'un écrit de mandat entre l'annonceur et l'agence,
- que l'agence ADE s'est présentée comme le mandataire de la société Dado Léonidas, qui est tenue des obligations souscrites en son nom et qui n'est pas libérée par le paiement qu'elle a effectué ;
- que les affiches concernaient un produit vendu par l'intimée, à laquelle elle a remis sa facture et qui en doit le règlement,
- que la limitation du mandat invoqué par cette dernière lui est inopposable,
- que si l'agence a dépassé son mandat c'est le mandant qui doit en supporter les conséquence, mais que la concluante n'a pas d'action contre les autres annonceurs qu'elle ne connaît pas et qui n'ont pas de lien juridique avec elle,
- que si l'intimée n'a pas signé de mandat écrit, elle ne peut invoquer sa propre turpitude,
- qu'elle-même n'avait pas de vérification à faire sur l'étendue de ce mandat.
Elle sollicite en conséquence l'infirmation du jugement déféré, la condamnation de la SA Dado Léonidas au paiement de la somme de 70 731,51 F avec les intérêts au taux des avances sur titre de la Banque de France majoré de trois points, à compter de la mise en demeure du 18 mars 1994, de la somme de 17 682,87 F à titre de clause pénale, ainsi que d'une indemnité de 20 000 F en vertu de l'article 700 du NCPC. Subsidiairement, elle demande de condamner l'intimée au paiement de la somme de 45 305,20 F avec les intérêts qu'elle reconnaît devoir, et de celle de 11 326,30 F à titre de clause pénale.
Intimée, la SA Dado Léonidas réplique qu'elle a exécuté ses obligations en réglant sa participation à la campagne publicitaire organisée par des importateurs et des revendeurs, tous commerçants indépendants, dont les noms et adresses ou sièges sociaux figuraient sur les affiches. Elle soutient que l'appelante n'apporte pas la preuve de sa bonne foi et de la légitimité de sa croyance à un mandat donné à l'agence de publicité par l'intimée portant sur la totalité de la campagne. Il appartenait à la société Métrobus, en qualité de professionnelle de la publicité, de vérifier les pouvoirs du mandataire, et elle a commis une faute en ne le faisant pas. Elle ne peut invoquer la maxime " nemo auditur propriam turpitudinem allegans " dès lors qu'il ne s'agit pas d'un contrat immoral. Enfin elle ne justifie pas du sort réservé à sa déclaration de créance au redressement judiciaire de l'agence ADE. Or celle-ci poursuit son activité. La SA Dado Léonidas demande donc de confirmé le jugement déféré, de débouter l'appelante de ses prétentions principales et subsidiaires, de la condamner au paiement de la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'une indemnité de 20 000 F en vertu de l'article 700 du NCPC.
Sur ce,
Considérant à titre liminaire, que si l'absence de signature d'un contrat de mandat écrit entre l'agence et l'annonceur est contraire aux dispositions de l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993, édictées dans l'intérêts de l'annonceur et nouvellement en vigueur au moment des faits, la maxime " nemo auditur propriam turpitudinem allegans " est sans application dès lors que le litige porte sur l'existence et l'étendue de ce mandat, en aucune manière donc sur une convention ayant une cause immorale ou illicite ;
Considérant que le contrat de publicité souscrit le 2 décembre 1993 par la SARL ADE PUB mentionnait qu'elle agissait à titre de mandataire de la SA Dado Léonidas ;
Considérant toutefois que les affiches montrent avec évidence que la campagne entreprise dans le métro et le RER ne tendait pas uniquement à la promotion de la SA Dado Léonidas, mais à celle également d'autres importateurs ou revendeurs dont les noms et adresses étaient expressément mentionnés et qui étaient donc parfaitement identifiables ;que l'existence de cette campagne commune était d'ailleurs confirmée par une facturation séparée des prestations telle que l'a effectuée l'agence de publicité ;que si cet élément a été ignoré de la société Métrobus, en revanche cette dernière n'a pu légitimement croire à l'existence d'un mandat donné par la SA Dado Léonidas pour prendre en charge la totalité des prestations ;qu'en sa qualité de professionnelle, consentant des avantages particuliers aux agences de publicité, et en raison de la nature de l'affichage, il lui appartenait de vérifier auprès de la SARL ADE PUB la qualité du ou des commanditaires ;que l'envoi de sa facture à l'intimée ne fait pas preuve que cette dernière en était redevable en totalité ;
Considérant, par ailleurs, que le refus de la société Métrobus d'indiquer ce qu'il est advenu de son intervention auprès du représentant des créanciers du redressement judiciaire de la SARL ADE PUB et de justifier de sa déclaration de créance, ne permet pas de vérifier l'existence de cette dernière, étant observé que le mandant n'a à se substituer au mandataire que s'il est démontré que celui-ci est défaillant ; qu'il s'en suit que le jugement sera confirmé ;
Considérant que l'intimée ne justifie pas avoir subi un préjudice du fait de l'instance dont elle a été l'objet, la société Métrobus n'ayant fait qu'user de son droit légitime d'agir en justice ;
Considérant qu'il est équitable de lui accorder une indemnité complémentaire de 8 000 F en application de l'article 700 du NCPC ; qu'en revanche l'appelante, partie perdante, doit conserver la charge de ses frais irrépétibles ;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne la société Métrobus à payer à la SA Dado Léonidas une indemnité complémentaire de 8 000 F en application de l'article 700 du NCPC, La condamne aux dépens d'appel, Admet la SCP Bommart Forster au bénéfice de l'article 699 du NCPC.